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L’idée que le football est le « miroir » de la société est souvent avancée dans les salons et s’avère plutôt exacte du point de vue de son économie. Branko Milanovic, spécialiste reconnu des
À l’heure d’une Coupe du monde décriée pour ses conditions d’organisation sociales et environnementales, le football du XXIe siècle n’échappe pas, non plus, aux grands débats économiques actuels, notamment celui de la croissance et des inégalités. Selon nous, toutes ces interrogations sont les symptômes d’une transformation historique et économique de ce sport.
D’après le sociologue anglais Richard Giulianotti, le football a connu quatre périodes dans son histoire. La période traditionnelle s’étend de la mise en place des règles à la fin du XIXe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale ; la modernité précoce correspond à l’entre-deux-guerres où s’inventent les compétitions ; la modernité tardive, celle qui voit se construire la professionnalisation, se clôt à la fin des années 1980 ; alors que s’ouvre la période postmoderne, celle de la médiatisation, de la libéralisation du marché du travail et de la croissance.
La thèse que nous défendons dans notre dernier ouvrage est que nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère que nous qualifions d’hypermoderne.
Quatre caractéristiques nous permettent de définir cette hypermodernité. La première concerne les inégalités économiques qui se sont fortement creusées au cours des décennies précédentes. Elles s’observent d’une part entre les clubs d’une même ligue, d’autre part entre les différents championnats, et ont pour conséquence sportive, des compétitions, nationales comme internationales, dominées par quelques équipes beaucoup plus riches que les autres. Elles concernent aussi la distribution des salaires des footballeurs, avec une segmentation de plus en plus forte du marché du travail par rapport aux stars, voire aux superstars.
La deuxième caractéristique tient à l’arrivée de nouveaux profils d’investisseurs, à savoir des fonds d’investissement publics et privés, souvent américains pour ces derniers et déjà propriétaires de franchises de sport collectif outre-Atlantique. Par rapport à la période précédente, ce changement dans la « propriété » peut avoir au moins deux conséquences : le football devra dorénavant être rentable financièrement que ce soit au niveau des clubs ou des ligues ; se constituent par ailleurs des « galaxies » de clubs autour d’un même propriétaire. Les richissimes acquéreurs émiratis de Manchester City ont, par exemple, progressivement fait entrer depuis 2008 dans leur « City football group » onze autres clubs, dont le New York FC, Palerme et Troyes.
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La troisième concerne la stratégie de mondialisation des grands clubs et des ligues qui leur assurent des revenus commerciaux et des droits de diffusion internationaux de plus en plus conséquents. Enfin, la dernière caractéristique a trait à la demande de football proprement dite. Elle résulte de l’arrivée de nouveaux diffuseurs comme Amazon Prime en France, de la multiplication des plates-formes de diffusion et des nouveaux modes de consommation du football, notamment chez les jeunes générations.
L’économie du football est ainsi devenue un domaine intéressant pour appliquer la grille d’analyse inspirée par le succès planétaire du livre de l’économiste Thomas Piketty Le Capital au XXI? siècle, dont la première édition remonte à 2013. L’auteur y montrait que le thème de la répartition des richesses et celui des inégalités sont aujourd’hui au cœur de la société. Le football ne semble pas se soustraire à la règle.
Depuis les années 1990, le monde du ballon rond connaît une très forte croissance dans les principaux pays européens. Hors transferts, les revenus des clubs proviennent de quatre sources principales : les droits de retransmission, la billetterie, les sponsors et les produits dérivés (les ventes de maillot par exemple). Tous ont beaucoup augmenté depuis les années 1970 mais dans des proportions différentes : la billetterie, prédominante il y a cinquante ans, a progressivement vu sa part diminuer au profit des droits TV et du sponsoring dans les grands clubs européens.
Ce boom économique s’est accompagné d’une augmentation des inégalités entre les clubs, au niveau national et européen. Comme dans la société en général, cette croissance des inégalités concerne surtout le haut de la distribution. La part des revenus des clubs les plus huppés a augmenté dans le chiffre d’affaires des ligues, ce qui sportivement s’est traduit par une concentration accrue des titres. En première division allemande, par exemple, neuf clubs différents ont remporté la première division dans les années 1960, cinq dans les années 1990 et seulement deux depuis 2010.
Malgré les revenus croissants, l’économie du football reste pourtant une plus « petite économie » que ce que l’on pense. Surtout, jusqu’il y a peu, elle ne génère pas ou peu de profit pour ses actionnaires. Le fait est que de nombreux propriétaires, milliardaires ou fonds souverains, achètent des équipes bien souvent pour d’autres raisons que la simple rentabilité financière de leurs investissements : « soft power », nation branding ou encore philanthropie en sont les maîtres mots.
Lorsque sont liés football et inégalités, vient aussi à l’esprit la question des salaires des joueurs. L’idée qu’ils seraient « trop payés », au niveau individuel ou de la masse salariale des clubs, traverse le champ politique. La droite formule des critiques sociales, la gauche remet en cause le libéralisme qui les alimente : il y a, en tout cas, un certain consensus pour voir dans la rémunération des footballeurs une des sources des maux supposés de l’économie du football actuel.
Notons déjà que seule une toute petite partie des joueurs gagne des millions alors que la majorité a des carrières extrêmement courtes, environ quatre ans dans l’élite en moyenne. Par ailleurs, moins d’un transfert sur trois fait l’objet d’une transaction monétaire dans les cinq grands championnats (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne et France) et environ un sur sept dans le monde entier.
Il n’en demeure pas moins qu’il existe de fortes inégalités entre les footballeurs et que celles-ci se sont également accrues. Baisser les salaires des superstars se heurte cependant à une impasse « morale ». Ces joueurs ont un talent très supérieur à la moyenne dont le coût pour les clubs est fortement convexe : les grandes équipes sont alors prêtes à payer très cher le « génie » de ces joueurs hors normes, talent unique que l’on ne peut « substituer » à celui de plusieurs joueurs « moyens ».
C’est, de plus, pour voir jouer ces derniers qu’un supporter paie sa place au stade, quand bien même cela nuit aux chances de voir leur équipe favorite gagner. De ce point de vue, si l’on adopte les principes philosophiques de John Rawls, les footballeurs superstars « méritent » leur rémunération : l’expression de leur talent contribue au bien-être de la « collectivité », notamment des milieux défavorisés. Daniel Cohen, directeur du département d’Économie de l’école normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, le formule ainsi dans une chronique écrite pour Le Nouvel Obs :
« le football est le seul cas où des jeunes, venus le plus souvent de milieux populaires, rackettent des milliardaires avec le consentement de ceux-ci. »
Comme le suggère le prolongement du contrat de Kylian Mbappé au Paris Saint-Germain, la tendance est à une augmentation des très hautes rémunérations susceptible de modifier le fonctionnement du marché du travail des footballeurs. On est vraisemblablement passé d’un système à deux segments, les superstars et les autres, à un système à trois segments : les quelques joueurs hyperstars, les superstars plus nombreuses et les autres.
Ce constat sur les inégalités défend-il l’idée d’un football en crise, dans un contexte postpandémique ? Contrairement à tout ce qui était annoncé par les prophètes en bois, ce que le coronavirus a changé dans le football, en dehors des difficultés financières qu’a subi toute l’économie, c’est rien ou pas grand-chose et on ne vit certainement pas l’apocalypse !
La « crise » la plus visible a été celle des supporters en raison du huis clos généralisé à partir de mars 2020 et durant toute la saison 2020-2021. Au-delà de ses aspects financiers, l’absence du public s’est fait sentir à deux niveaux. Sportivement, sans ce « douzième homme », on a pu se demander si cela devenait moins un avantage de jouer à domicile qu’à l’accoutumée. Profitant de cette « expérience naturelle », les économistes ont abouti à des conclusions nuancées en ce qui concerne le résultat des matchs, mais pas sur l’arbitrage. Les hommes en noir se sont montrés plus cléments pour l’équipe visiteuse dans les stades vides, révélant bien un rôle de « pression sociale » des supporters.
Surtout, cela donnait des retransmissions télévisuelles sans la saveur d’une ambiance. L’enseignement à en tirer est que cette dimension du « spectacle » à laquelle les supporters ne sont pas étrangers doit donc être prise en compte quand on mesure l’importance des droits TV dans les budgets des clubs. Maradona disait que « Jouer à huis clos, c’est comme jouer dans un cimetière ».
Les supporters ont récemment également pu être échaudés par la proposition de certains présidents de grands clubs de « faire sécession » à travers le projet (avorté) d’une Super League plus ou moins fermée. Ce projet récurrent, et relancé ces dernières semaines, d’un championnat européen illustre, selon nous, une nécessité économique de réformer les compétitions, évolution qui constitue sans doute l’un des principaux enjeux actuels du football professionnel. La création de la Super League, aboutissement de tous les éléments caractérisant l’hypermodernité du football, en constituerait alors « l’apothéose ».
Luc Arrondel, Économiste, directeur de recherche au CNRS, membre associé, Paris School of Economics – École d'économie de Paris et Richard Duhautois, , Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Visite de l’univers Uniqlo sur Animal Crossing par l’avatar de l’auteur arborant un haut The Conversation. Fourni par l'auteur
Phénomène culturel rassemblant des joueurs de toutes générations, Animal Crossing : New Horizons est l’un des plus beaux succès dans la sphère des jeux vidéo ces dernières années. Sorti le 20 mars 2020 pour la console Nintendo Switch, soit seulement trois jours après l’annonce d’un premier confinement – timing idéal – le cinquième opus de la série a immédiatement suscité l’engouement. Il est le deuxième jeu le plus vendu de la galaxie Nintendo derrière Mario Kart 8 Deluxe.
Via leur avatar, les joueurs emménagent sur une île paradisiaque peuplée d’adorables animaux anthropomorphes. Ils s’adonnent à diverses activités dont ils ont pu, en période de confinement, être privés : faire du shopping, rendre visite à des amis, organiser des évènements comme des fêtes d’anniversaire ou des mariages…
Régulièrement appréhendé comme une échappatoire à la vie réelle, Animal Crossing constitue paradoxalement une forme de métaphore de la vie et de sa mécanique capitaliste. Cueillette de fruits, ramassage de coquillages ou bien encore pêche sous-marine constituent autant d’opportunités de s’enrichir. En échange de son « travail », le joueur reçoit des « clochettes », monnaie virtuelle permettant d’accéder à différents types de biens, de développer sa garde-robe ou bien encore de rembourser l’emprunt inhérent aux agrandissements successifs de sa maison.
Jeu de type « bac à sable » (sandbox en anglais), Animal Crossing propose des outils créatifs des plus intuitifs permettant aux utilisateurs de personnaliser leur univers. C’est en particulier le cas des habits portés par leur avatar. Les joueurs se sont rapidement saisis des fonctionnalités de conception graphique pour créer des designs de vêtements et les partager aux autres. Conscientes de l’aura médiatique d’Animal Crossing, beaucoup de marques en ont profité pour y faire des placements produit, objet de nos derniers travaux.
C’est l’enseigne Gémo qui, la première en France, a développé une opération marketing sur le jeu. En période de confinement, la marque ne souhaitait plus diffuser le catalogue présentant sa nouvelle collection. Il y avait en effet un hiatus entre le contexte sanitaire très anxiogène et les mannequins déambulant en toute insouciance sur les visuels du catalogue. Rosbeef !, l’agence de communication collaborant avec Gémo, a alors reproduit plusieurs vêtements de l’enseigne et organisé un défilé en ligne relayé sur les réseaux sociaux.
Dans cette mouvance, plusieurs marques ont créé une île dédiée à leur univers que les joueurs peuvent aller visiter : Uniqlo, H&M ou encore Ted Baker. Outre les marques de vêtements, on y retrouve également des marques de cosmétiques ou accessoires de beauté comme Gucci Beauty, Lush, Gillette Venus, ou bien encore des marques de bijoux à l’instar de Pandora.
Même Ally, société fournissant des services financiers, a généré une île en phase avec sa mission : aider les gens à mieux gérer leur argent. L’île elle-même est le reflet d’un catalogue de symboles de richesse ou, plus précisément, de ce qu’une bonne gestion financière serait (subliminalement) susceptible d’apporter : maison, piscine ou autre terrain de golf. Ce faisant, l’opération fait parfaitement écho à la perspective matérialiste du jeu : consommer, accumuler, s’endetter.
S’il peut s’agir pour les marques de mettre en avant de nouveaux produits, la dynamique globale correspond également à une stratégie de communication institutionnelle : promouvoir l’image et les valeurs de marque. Quelques cas en sont assez emblématiques.
La marque de produits alimentaires
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Parmi les leaders mondiaux de la technologie des pompes à insuline, Insulet Corporation a déployé des stands d’associations et autres activités en lien avec le diabète sur l’île « Omnipod Bay ». Des tenues inclusives ont également été proposées : les joueurs ont ainsi eu l’opportunité de doter leur avatar de vêtements sur lesquels figurent des pompes à insuline ou bien encore des sacs d’accessoires utiles à la gestion de la maladie.
Dernier exemple : en écho à la campagne « c’est ma peau et j’en suis fière », la marque Gillette Venus au cœur de l’une de nos recherches a proposé un catalogue de designs de vêtements permettant à des beautés différentes de se sentir incluses. Acné, vitilogo, cellulite ou bien encore vergetures y ont été représentés dans les différentes tonalités de carnation de peaux présentes sur le jeu.
La singularité de ces opérations réside dans le fait que le placement produit n’est pas ici le fruit d’une concertation, d’une négociation ex ante entre le support média et les annonceurs : Nintendo n’est pas partie prenante aux opérations de placement produit. Le géant nippon ne souhaite officiellement pas s’y associer mais formule tout de même quelques recommandations aux marques : respecter la classification du jeu (accessible aux enfants de plus de trois ans), ne pas proposer de contenu vulgaire, discriminatoire ou offensant, ne pas tirer de bénéfice financier direct de la vente de designs ou guider les joueurs vers un site marchand.
Atypique, cette forme de placement donne le pouvoir au joueur, on parle d’« empowerment ». Le joueur est seul maître des opérations marketing qu’il souhaite éventuellement découvrir ou des designs de marques qu’il souhaite intégrer dans son univers virtuel. Il n’est ainsi pas en proie à une forme d’invasion publicitaire, source potentielle d’irritation. Ici, le placement produit n’est pas subi comme il l’est traditionnellement dans les médias, il est agi.
Au-delà des mises à jour du jeu vidéo proposées par Nintendo, via ces opérations, les marques offrent aux joueurs un renouvellement et un enrichissement constants de l’expérience vidéoludique. Créatrice de valeur, chaque proposition initiée par les marques et nouveau contenu généré par les joueurs participent au succès du jeu vidéo dont le modèle d’affaires a des similitudes avec celui d’un réseau social.
Plus les joueurs d’Animal Crossing sont nombreux, plus les marques ont intérêt à y déployer une opération marketing. Chemin faisant, plus les marques y sont présentes et relaient médiatiquement les opérations qu’elles déploient, plus Nintendo fidélise voire attire de nouveaux joueurs. Un coup de génie ?
Sophie Renault, Professeur des Universités en Sciences de Gestion et du Management, Université d’Orléans
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Si vous ignorez ce qu’est Counter-Strike : Global Offensive, demandez donc à vos adolescents. Créé en 2012, ce jeu vidéo de « tir à la première personne » voit s’affronter deux équipes de cinq. L’objectif est d’éliminer l’équipe adverse ou de désarmer la bombe qu’elle a déposée dans le jeu.
Avec une longévité exceptionnelle, des compétitions e-sport, et 25 millions d’utilisateurs mensuels à travers le monde qui en ont forgé le mythe, il reste en 2022, soit dix ans après sa sortie, le 3e jeu vidéo planétaire le plus joué dans le monde (hors jeux sur mobiles) derrière Minecraft et League of Legends, d’après divers classements. Son développeur, la société Valve, le diffuse sur sa propre plate-forme, Steam, sur laquelle, pour une des toutes premières fois, fut créé un marché communautaire d’achat et de vente de ce que l’on appelle des « Skins » entre les utilisateurs du jeu.
Les Skins sont des « décorations » des objets du jeu : armes, vêtements, autocollants… Générés par les concepteurs, et gagnés par les joueurs, ils peuvent ensuite être revendus et achetés sur ce marché.
Notre étude à paraître dans la revue américaine Journal of Alternative Investments en montre l’incroyable rentabilité en comparaison des actifs plus traditionnels, mais au prix des risques non négligeables.
Le fonctionnement des Skins est simple : vous créez un compte sur le jeu, vous ouvrez un portefeuille avec un minimum de 5 euros, et vous pouvez déposer vos ordres d’achat et de vente sur lesquels la plate-forme prélèvera 5 % de commission. Nulle monnaie ne peut cependant sortir du marché communautaire, seulement y entrer. Aussi, pour échanger les Skins contre de la monnaie réelle, il vous faudra rejoindre des sites indépendants qui s’octroient des commissions variables (de 0 à 10 %).
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Une enquête menée en 2019 avait montré qu’une partie importante des utilisateurs du jeu s’intéresse moins au jeu lui-même qu’au rendement que l’on peut obtenir des achats et ventes de Skins. En février 2018, le célèbre Skin « AWP Dragon Lore Souvenir » s’est ainsi vendu pour plus de 61 000 dollars. Cette année, sa nouvelle version le « AWP Souvenir Dragon Lore Factory New » a avoisiné les 280 000 dollars. Les 300 000 dollars ont même été dépassé par l’AK-47 « ST MW 661 ».
Pour importantes soient-elles, ces sommes offrent-elles une forme de rentabilité ? Il est d’abord nécessaire de comprendre les caractéristiques formant la valeur des Skins. Le type d’arme, son ancienneté, sa réputation dans le jeu et lors des compétitions E-sport, notamment, sont à prendre en compte. Ces caractéristiques étant contrôlées, on peut alors observer l’évolution des prix dans le temps.
En matière d’investissement, les rendements doivent néanmoins être comparés aux risques. Est-on à l’abri d’une baisse soudaine des prix ?
Plus le rendement d’un placement devient instable, plus vous pourriez être confronté à un rendement bas au moment où vous avez besoin de vendre. Or, si en matière de rendement, les Skins font mieux que l’or, les actions, l’art, l’immobilier ou les vins fins, c’est au prix d’un bien plus grand risque.
L’un dans l’autre, certains Skins gardent tout de même un intérêt certain. Les Stickers, les mitrailleuses et les pistolets mitrailleurs notamment ont des rendements nets du risque plus élevés que beaucoup des autres actifs. Par ailleurs, leurs variations s’avèrent peu corrélées aux variations des autres types de placement, ce qui offre une perspective intéressante pour diversifier son portefeuille et limiter les risques.
Notons enfin que ces investissements doivent être de courte durée. Aucun de nous ne sait ce qu’il adviendra de leur valeur lorsque disparaîtra le jeu dont ils sont aujourd’hui inséparables, à moins que les plates-formes ne garantissent leur éternité par un système de jetons non fongibles (des « NFTs »). Rares sont en effet les jeux vidéo dont l’âge excède la décennie. Quant à votre éthique d’investisseur, gageons qu’elle pourrait bien, en ces temps violents, être heurtée par la fureur des armes…
Benoît Faye, Full Professor Inseec Business School, Chercheur associé LAREFI Université de Bordeaux Economiste des marchés du vin, de l'art contemporain et Economiste urbain, INSEEC Grande École et Éric Le Fur, Professeur, INSEEC Grande École
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Menteurs, prêts à tout pour vendre… les commerciaux souffrent trop souvent d’une image négative. Peggy / Pixabay, CC BY-SA
Les commerciaux souffrent trop souvent d’une image négative : menteurs, bonimenteurs, cupides, prêts à tout pour vendre et ce dans la plupart des pays du globe. C’est l’image par exemple de Michael Scott dans la série The Office, prêt à enivrer un partenaire pour le pousser à signer un contrat de vente. Ce stéréotype semble quasi mondial.
Certains diront « business is business », c’est la loi des affaires et c’est au consommateur d’être vigilant. À l’heure où les préoccupations sont croissantes sur les questions de développement durable, où l’on parle de plus en plus de responsabilité sociale des entreprises et où l’on vante les bienfaits des bilans ESG (environnements, sociaux et de gouvernance), il semble cependant légitime de se poser la question : est-il possible d’avoir une éthique de la vente et si oui, pourquoi et comment ?
Au-delà des questions de morale, il existe dans la littérature scientifique un certain consensus indiquant que les pratiques commerciales éthiques se sont toujours avérées plus rentables que celles qui ne l’étaient pas. Cela est d’autant plus vrai si l’on s’inscrit dans une optique de long terme et donc de gestion de la relation client.
Nos travaux montrent, eux, un effet bénéfique du point de vue de la main-d’œuvre : plus l’entreprise se soucie d’éthique, plus les commerciaux performants sont incités à rester. Autrement dit, un bon climat éthique est un excellent dispositif pour limiter le turnover et fidéliser les meilleurs. Étant donnés les taux de rotation qui peuvent exister dans la fonction commerciale et les difficultés de recrutement du secteur, il semble ainsi qu’investir dans le respect d’une certaine approche éthique revient pour une entreprise à faire d’une pierre deux coups.
Auprès de 132 commerciaux français issus de multiples entreprises, nous nous sommes donc intéressés à la relation, mainte fois étudiée, entre la performance et le turnover des commerciaux. Même si certains travaux ne parviennent pas à mettre en évidence de relation significative entre ces deux variables, la plupart concluent à l’existence d’une relation négative : plus la performance est faible, plus le turnover est élevé.
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Nos conclusions dressent un tableau un peu plus complexe. La relation entre ces deux variables semble en fait modérée par le climat éthique. Plus les commerciaux sont performants, plus ils ont tendance à vouloir quitter l’entreprise en cas de climat éthique faible. D’autant qu’ils ont, du fait de leurs résultats, une forte employabilité sur le marché du travail et que leur sont proposés de belles opportunités dans d’autres entreprises, concurrentes ou non, mais présentant un climat éthique favorable.
Les moins performants, au contraire, auront tendance à rester dans leur entreprise actuelle, car peu ils seront peu demandés sur le marché du travail. Pour atteindre une certaine performance, ils s’accommoderont en outre plus facilement d’un moindre climat éthique.
Comment néanmoins instaurer ce climat éthique qui attire les salariés les plus brillants ? En raison de la singularité du métier, la chose ne semble pas évidente de prime abord.
L’une des caractéristiques des commerciaux est, en effet, pour beaucoup d’entre eux d’avoir une double indépendance : physique, nombre d’entre eux étant sur le terrain, et surtout psychologique. Seuls face au client ou à l’acheteur, ils doivent trouver des solutions, répondre aux questions et parfois faire face aux pressions. Il est donc facile et tentant, dans certaines situations, de « s’arranger » et ainsi de s’engager dans des comportements que l’on qualifiera de peu ou pas éthiques.
Plusieurs outils simples peuvent cependant facilement être actionnés afin de favoriser l’éclosion d’un climat vertueux tels que la fixation de quotas adaptés et atteignables. Il est clairement prouvé que plus ceux-ci sont élevés, plus la tentation du vice est grande.
Plutôt que de retenir des quotas dits de « production », et donc de vente, mieux vaut proposer des quotas sur des items de nature plus qualitative, la satisfaction client par exemple, ou des appréciations sur des comportements clés à adopter ou à maitriser durant le processus de vente. Un contrôle fort et un encadrement étroit avec des indicateurs plutôt subjectifs est préférable, d’un point de vue éthique, à un contrôle plus centré sur les résultats. L’enjeu, au-delà, c’est aussi le maintien voire le renforcement de la relation client.
Dans la même veine, les concours et autres challenges de ventes lancés par un très grand nombre d’entreprises peuvent également rapidement déraper. Surtout si l’on ne prend pas garde à fixer des objectifs adaptés à une vision éthique et cohérente avec la stratégie de l’entreprise.
Est plus largement en question le package de rémunération et de motivation des commerciaux. Nombre de travaux montrent par exemple qu’il est, d’un point de vue éthique toujours, préférable de privilégier une rémunération fixe plutôt qu’une rémunération variable avec des commissions reposant notamment sur les ventes.
Il faut aussi mentionner le rôle clé du dirigeant, ce dernier pouvant être à la fois l’initiateur mais également le promoteur et le gardien de l’esprit éthique de l’entreprise. Exemplaire, il montrera la voie à ses collaborateurs moins enclins dès lors à s’aventurer sur des chemins tortueux. Son attention sur ces questions semble d’ailleurs devoir porter dès le recrutement de son équipe.
Cependant, ces actions peuvent ne pas suffire. Il faut enfin évoquer la pertinence pour l’entreprise de se doter d’un code ou d’une charte éthique, élément clé pour favoriser l’émergence d’un climat positif. En quelques lignes vont être formalisées les grandes règles de comportements auxquelles pourront se référer les commerciaux en cas de doute ou d’interrogation sur certaines pratiques. Cette formalisation de l’éthique est un garde-fou important pour non pas supprimer tout comportement non éthique mais du moins les limiter.
Certes, il ne sera pas possible d’éviter à 100 % les actions déviantes de ses commerciaux, mais la mise en œuvre de quelques dispositifs simples peut être d’une grande aide. Vente et éthique, ce n’est pas un oxymore.
Christophe Fournier, Professeur des Universités, IAE de Montpellier, Montpellier Recherche Management, Membre du Business Science Institute, Président AUNEGe, Université de Montpellier
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.