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Le resserrement des politiques migratoires a réduit le nombre d'entrées annuelles sur le marché du travail ces 15 dernières années. Zoetnet/Flickr, CC BY-SA

Retraites : et si le gouvernement cherchait à augmenter la population active ?

Le resserrement des politiques migratoires a réduit le nombre d'entrées annuelles sur le marché du travail ces 15 dernières années. Zoetnet/Flickr, CC BY-SA
Bernard Laurent, EM Lyon Business School et Kévin Parmas, EM Lyon Business School

Le président de la République Emmanuel Macron défend actuellement le projet de réforme des retraites au nom de la fidélité à ses engagements formulés lors de campagne présidentielle de 2022. Le chef de l’État sortant avait alors proposé un allongement progressif de l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Environ 9 mois après sa réélection, la première ministre Élisabeth Borne a présenté, le mardi 10 janvier, les grandes lignes du texte qui prévoit effectivement un report de l’âge légal, mais finalement à 64 ans. Selon la cheffe du gouvernement, « notre système par répartition sera alors à l’équilibre ».

Pourtant, en avril 2019, Emmanuel Macron affirmait exactement le contraire, comme ne manquent pas aujourd’hui de le rappeler les opposants à la réforme, qui ont défilé massivement sur tout le territoire le jeudi 19 janvier. En effet, le système actuel ne nécessite aucune réforme pour rester à l’équilibre, comme nous le rappelions dans un précédent article.

Quand Macron promettait de ne pas reculer l’âge légal de départ à la retraite (L’Obs, 2022).

Projections erronées

En effet, selon les dernières estimations du Conseil d’orientation des retraites (COR) publiées en septembre 2022, le système dégageait un excédent de 900 millions d’euros en 2021 et de 3,2 milliards en 2022. Il devrait enregistrer ensuite un déficit d’environ 10 milliards d’euros par an jusqu’en 2032.

Or, les prévisions récentes du COR ont été invalidées par la réalité : les déficits annoncés pour les années 2021 et 2022 n’ont ainsi pas été observés. De plus, les projections du COR tablent notamment sur une augmentation de la population active qui suivrait la même tendance que celle observée entre 2006 et 2019, 123 000 en moyenne par an.

Cependant, ce chiffre pourrait être relevé pour renouer avec les rythmes observés entre 1990 et 2005, soit environ 173 000 personnes par an en plus dans la population active, ce qui éviterait de demander aux actifs de travailler plus longtemps. Trois leviers pourraient être actionnés : l’immigration, le taux d’emploi des jeunes et le taux d’emploi des seniors.

Des tendances qui peuvent être infléchies

En ce qui concerne l’immigration, le COR retient une estimation située entre 62 000 et 87 000 entrées nettes par an dans la population active. Ce solde s’est tari ces dernières années, notamment en raison d’un resserrement de la politique migratoire, puisqu’il se situait au-delà de 100 000 entre 2001 et 2006. Un assouplissement permettrait donc d’augmenter le nombre de cotisants et les montants qui entreraient chaque année dans les caisses de retraite.

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Le gouvernement pourrait également adopter des politiques visant à améliorer la participation des jeunes au marché du travail. Rappelons qu’aujourd’hui, la France enregistre l’un des taux de chômage des moins de 25 ans les plus élevés en Europe : 18,3 % en novembre 2022, contre 15,1 % en moyenne dans la zone euro (15,1 %).

Le taux d’emploi des plus de 55 ans pourrait enfin être renforcé : fin 2021, seuls 56,1 % des 55-64 ans étaient en emploi. Il existe donc une véritable marge de manœuvre pour le relever en valorisant davantage les compétences des seniors en entreprise. Sans compter que, sous l’effet des précédentes réformes qui allongeaient la durée de cotisations, ce taux augmente déjà mécaniquement depuis 20 ans.

Le COR s’en tient donc à des tendances qui pourraient parfaitement être infléchies à plus long terme par certaines mesures de politique économique.

L’espérance de vie stagne

Pendant la campagne de 2022, le président-candidat avançait en outre qu’il fallait « travailler plus » et « plus longtemps parce que nous vivons plus vieux ». Cet argument de l’allongement de la durée est pourtant contredit par les données récentes qui livrent un enseignement différent. Si effectivement avant 2014, nous gagnions 1 année de vie tous les 4 ans il n’en est plus rien depuis, avec un petit mois gagné en 8 ans.

Si demain nous connaissions une augmentation forte de l’espérance de vie, pourquoi n’accepterions-nous pas de convenir, sans toucher aux autres paramètres du régime, l’automaticité d’une augmentation de la durée des cotisations, en phase avec la réalité de la situation ?

Actuellement, bien que l’espérance de vie n’augmente que très peu, l’augmentation de la durée de cotisation pour pouvoir toucher une retraite à taux plein reste pourtant bel et bien envisagée dans le cadre de la réforme. La première ministre Élisabeth Borne avait ainsi introduit sa conférence de presse de présentation du projet, le mardi 10 janvier, par ce point. Or, la réforme antérieure de 2013 avait déjà porté à 43 ans les annuités de cotisation nécessaires pour les générations postérieures à 1973.

Plutôt que de faire porter l’effort sur un nouvel allongement de la durée de cotisation, le gouvernement pourrait donc mettre en place une politique pour augmenter la population active comme décrite ci-dessus. Ou alors, choisir de faire contribuer les retraités (dont le niveau de vie est aujourd’hui supérieur à celui des actifs) en taxant les pensions les plus importantes. Le président Macron pourrait alors donner un contenu concret à son intention, formulée au cours de son premier mandat, en 2018, de « réinventer » l’État-providence.

Bernard Laurent, Professeur, EM Lyon Business School et Kévin Parmas, Instructeur d'économie, EM Lyon Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Dans les points de vente, l’environnement sonore et lumineux exerce une forte influence sur l’acheteur. Publicdomainpictures.net/Mohamed Mahmoud Hassan

Alimentation saine : attention, vos sens vous jouent des tours à l’achat…

Dans les points de vente, l’environnement sonore et lumineux exerce une forte influence sur l’acheteur. Publicdomainpictures.net/Mohamed Mahmoud Hassan
Nico Heuvinck, IÉSEG School of Management

Chaque année, au Nouvel An, de nombreuses personnes prennent de nouvelles résolutions, dont la plus importante est d’adopter un mode de vie plus sain, avec plus d’exercice et une alimentation plus saine. C’est, cependant, plus facile à dire qu’à faire : nous prenons environ 200 décisions alimentaires par jour et moins de 15 % d’entre elles sont prises consciemment. En effet, la majorité de nos décisions alimentaires, prises de manière inconsciente, est influencée par des facteurs comme la couleur, la forme ou le poids de l’emballage, le prix du produit, mais aussi des facteurs environnementaux tels que la température, le volume sonore, les éclairages, etc.

Nos préférences et la façon dont nous percevons les aliments dépendent donc fortement de nos cinq sens ; ce que nous voyons, sentons, entendons, ressentons et goûtons influence nos choix alimentaires. Ces sens peuvent nous amener à faire des choix alimentaires erronés, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé à long terme.

Des recherches ont montré que 80 % des consommateurs ne savent pas comment prendre des décisions en matière d’alimentation saine, notamment en raison d’une mauvaise compréhension des données nutritionnelles. Ces informations, comme le Nutri-score, n’ont donc pour le moment qu’un impact marginal sur les choix alimentaires. Les consommateurs se fient davantage à leurs intuitions, qui sont influencées par leurs perceptions sensorielles.

Nous mangeons avec nos yeux !

Lorsque vous vous trouvez devant le rayon pour choisir votre déjeuner, la première chose que vous ferez sera de regarder les différentes options disponibles. Ce n’est un secret pour personne, l’emballage va fortement influencer votre choix. Par exemple, les consommateurs croient que les aliments emballés en bleu/vert/marron, couleurs associées à la sécurité et à la nature, sont plus sains que ceux emballés en rouge. De même, les aliments dont l’emballage est plus clair et avec peu de couleurs sont perçus meilleurs pour la santé. Les consommateurs pensent également que les aliments dont l’emballage présente une surface mate sont plus sains que ceux dont l’emballage présente une surface brillante.

Outre la couleur et la brillance, les individus ont tendance à estimer que les aliments contenus dans des emballages fins sont plus sains que les aliments contenus dans des emballages de forme large. Les matériaux ont également leur importance : les emballages en carton donnent l’impression que les produits sont plus naturels que ceux emballés dans du plastique. D’autres éléments, comme une étiquette « bio » ou encore un prix élevé, peuvent également interprétés comme des signaux indiquant un produit sain.

Imaginez qu’une alimentation saine figure en tête de votre liste de résolutions du Nouvel An et que vous vous rendez à l’épicerie : il y aura donc dans ce cas de fortes chances pour que vous optiez pour un déjeuner « bio », plutôt cher et emballé dans un carton vert/marron clair et mat. Ces choix seront d’autant plus probables si l’éclairage de l’épicerie est vif. En effet, une luminosité réduite, tant dans les restaurants que dans les points de vente, est a contrario associée une alimentation moins saine.

Envie de pizza…

Les distributeurs utilisent souvent les odeurs ambiantes dans leur espace de vente pour inciter à l’achat, notamment dans le cadre d’achats alimentaires. En effet, une brève exposition (moins de 30 secondes) à une odeur de biscuit ou de pizza encourage le consommateur à acheter ces produits peu sains. En revanche, cette odeur peut devenir pénible sur une durée plus longue. Par conséquent, selon le temps que vous mettez à choisir votre déjeuner, l’odeur ambiante va influencer votre choix final.

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L’ambiance sonore constitue également un élément important. C’est pourquoi de nombreux magasins sélectionnent soigneusement la musique qu’ils diffusent dans leurs locaux. Par exemple, une musique au tempo plus élevé incite à boire et à manger plus rapidement. Le volume de la musique joue aussi un rôle important. En effet, une musique à faible volume augmente le sentiment de relaxation, ce qui se traduit par une augmentation des ventes d’aliments sains.

Si vous souhaitez faire des choix alimentaires plus sains, il sera donc préférable d’aller à l’épicerie lorsqu’il y a peu de monde et moins de bruit qu’aux heures de pointe. Vous pouvez également brancher votre propre casque antibruit et écouter de la musique à faible volume.

La guimauve plus que le chocolat

Le fait de toucher ces produits peut également influencer votre choix. La sensation du poids de l’aliment peut orienter votre perception des ses bienfaits ou méfaits en termes de santé. Ainsi, un consommateur estimera, même à tort, qu’un produit léger comme de la guimauve est plus sain qu’un aliment plus lourd comme du chocolat.

De plus, une salade de pâtes peut être mangée froide plutôt que chaude, car la température des aliments joue un rôle : les consommateurs pensent en effet que les aliments chauds sont plus riches en calories, ce qui les incite à choisir des aliments froids lorsqu’ils veulent manger sainement.

Enfin, le goût peut tromper notre perception. En effet, il existe une croyance générale selon laquelle les aliments moins savoureux sont plus sains. Par conséquent, une fois que vous avez choisi votre déjeuner sain, il se peut que vous le trouviez moins savoureux qu’il ne l’est réellement.

Commandez en ligne

Comment déjouer ces biais ? Une première solution consiste à faire ses courses en ligne. L’impact sensoriel des produits présentés (que vous ne pouvez ni toucher ni sentir) diminuent, ce qui réduit le désir des consommateurs de rechercher une gratification instantanée et les incite à acheter moins de produits alimentaires malsains.

Un autre levier pour vous aider à prendre des décisions plus saines en matière d’alimentation consiste à commander à l’avance vos repas. On améliore ainsi la maîtrise de ses décisions, moins impulsives, ce qui favorise des décisions alimentaires plus saines. Cependant, faites attention à l’interface que vous utilisez pour commander, car vous êtes moins susceptible de retenir des options saines lorsque vous utilisez des interfaces tactiles (un smartphone ou une tablette) que des interfaces non tactiles (un ordinateur de bureau avec une souris) ou lorsque vous exprimez votre commande en parlant (en utilisant Siri/Alexa) plutôt que manuellement (par exemple, en cliquant sur la souris).

Pour résumer, si vous voulez prendre des décisions alimentaires plus saines, il pourrait être bénéfique de faire vos choix alimentaires à l’avance, en ligne, de préférence sur un ordinateur de bureau en utilisant votre souris et en écoutant un peu de musique à faible volume, le tout dans un environnement lumineux. Vous n’avez plus d’excuses pour ne pas tenir vos bonnes résolutions !

Nico Heuvinck, Professor in Marketing & Academic Director of the MSc in Digital Marketing & CRM, IÉSEG School of Management

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Les jeunes agenais ont récemment partagé un avis mitigé sur leur ville et son centre. John Seb Barber / Wikimedia Commons, CC BY-SA

Centres-villes, centres commerciaux : quelles sont les attentes des « millenials » ?

Les jeunes agenais ont récemment partagé un avis mitigé sur leur ville et son centre. John Seb Barber / Wikimedia Commons, CC BY-SA
Cindy Lombart, Audencia; Michael Flacandji, Université de Bordeaux; Patricia Brillet-Coutelle, Université de Tours et Régine Vanheems, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Piétonnisation des centres-villes, place des petits commerces, accessibilité sont des questions régulièrement débattues dans de nombreuses municipalités. Mais qu’ont à dire les jeunes, en particulier, sur ces espaces dont on vante la convivialité mais dont on craint aussi parfois qu’ils perdent de leur charme et leur typicité avec l’implantation de grandes chaînes de magasins ?

À Agen (Lot-et-Garonne), par exemple, les jeunes ont pu exprimer dans une enquête menée un avis mitigé sur la qualité de leur centre-ville. Dans le quartier de la Chapelle à Paris, on a souhaité les associer aux réaménagements urbains.

Il en va de même dès qu’il s’agit d’implanter ou de réhabiliter un centre commercial, entre vitalité économique, facilités pour consommer et critiques environnementales : les débats s’animent. Le Conseil national des centres commerciaux, en partenariat avec l’institut de sondage OpinionWay et Quantaflow, s’est, lui, récemment interrogé sur le rôle des centres commerciaux dans la construction de soi pour les 18-24 ans et leur attachement à ces lieux.

Connaît-on véritablement à ces sujets les attentes des adultes les plus jeunes ? Comment s’approprient-ils les centres-villes et les centres commerciaux ? Cette génération souhaite-t-elle vivre les mêmes expériences, d’achat ou non, dans ces espaces marchands ? Ceux-ci ont-ils les moyens de continuer à exister face à l’hégémonie d’Internet ? Que doivent faire ces espaces marchands afin de séduire à l’avenir cette cible spécifique ? Cette cible est-elle unique ou multiple ?

Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des éléments de réponse grâce à une enquête dont les résultats ont été présentés lors du 25? colloque Étienne Thil, qui rassemble, tous les ans, des professionnels et des enseignants-chercheurs, spécialisés dans les domaines du commerce et de la distribution.

Ont répondu à notre questionnaire en ligne plus de 500 jeunes âgés de 17 à 21 ans, génération que l’on désigne parfois avec le terme de « millenials ». À noter que notre échantillon reste un peu particulier avec 67 % d’étudiants en écoles de commerce et 33 % en universités.

Les centres-villes ne sont pas délaissés

Notre étude souligne tout d’abord que, même si Internet est le principal canal d’achat utilisé par les millennials, les centres-villes, et les centres commerciaux dans une moindre mesure, ne sont pas délaissés. Et peu importe qu’ils soient visités avec ou sans but précis d’achat en tête.

Ces deux espaces marchands ne sont en revanche pas envisagés de la même façon. Dans leur esprit, les centres commerciaux sont surtout des lieux où réaliser des achats (47 %) et dans une bien moindre mesure où se balader (23 %). Les motivations utilitaires y semblent premières.

Les centres-villes, eux, semblent devoir répondre à d’autres besoins pour les jeunes : ils y font certes des achats (30 %), mais aussi s’y baladent (25 %) ou y prennent un verre avec des amis (21 %). Ce sont pour eux des lieux de vie, dans lesquels se rencontrer et échanger. Les motivations hédoniques et sociales y sont bien davantage présentes.

Malgré des usages de ces espaces marchands quelque peu différents, les millennials interrogés se rejoignent toutefois sur ce qui pourrait diminuer leur fréquentation de ceux-ci. Dans leur réponse au questionnaire reviennent fréquemment la difficulté d’accès, la potentielle perte de temps pour s’y rendre ainsi que le sentiment d’insécurité.

La vacance dans ces espaces marchands, soit le fait que certains magasins ne soient pas occupés, est également dissuasive. Elle ne donne pas envie de passer du temps dans les centres-villes et centres commerciaux (respectivement 48,9 % et 54,7 %) et surtout, elle donne l’impression que ces espaces sont mal gérés (54,3 % et 56,6 %).

Viser l’efficacité, la surprise ou le divertissement ?

Pour les politiques publiques, il est également intéressant d’avoir en tête les attentes des jeunes adultes pour le futur de ces espaces. Elles sont à la fois élevées, multiples et diverses.

Une fois les attentes hédoniques communes aux deux espaces marchands satisfaites, en proposant aux millennials des espaces dédiés aux loisirs (90 % pour les centres-villes et 75 % pour les espaces commerciaux) et une ambiance surprenante (83 % et 76 %), des conceptions différentes de ces deux lieux apparaissent à nouveau.

Les centres-villes devraient ainsi davantage dépasser leur simple fonction d’approvisionnement pour devenir des endroits où se divertir, faire du sport en intérieur comme en extérieur, se cultiver grâce à des expositions ou des rencontres avec des artistes, et pour se rencontrer. Sur ce point, ils semblent notamment demandeurs d’espaces de restauration où tout le monde pourrait manger ensemble, même si les commandes n’ont pas été passées au même endroit.

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Il s’agirait aussi, selon les 17-21 ans, de proposer des services relatifs à la vie de tous les jours, des banques, des serruriers, ou autres cabinets médicaux. Des espaces de travail de type coworking sont également demandés. Enfin, des espaces dédiés aux producteurs et produits de la région pourraient leur plaire, afin de montrer concrètement l’ancrage territorial du centre-ville et la valorisation des acteurs locaux.

Pour ce qui est des centres commerciaux, les attentes semblent renforcer la vision que s’en fait aujourd’hui cette génération qui envisage ces espaces marchands principalement comme des lieux d’approvisionnement. L’objectif : rendre la réalisation de leurs achats encore plus efficiente et rapide, avec des services de click and collect, de livraisons à domicile ou encore la mise en place de conciergerie afin de déposer au fur et à mesure de son parcours les achats effectués et de pouvoir les récupérer à la fin de celui-ci.

Au-delà, des profils variés à séduire

Une analyse typologique a, par la suite, permis d’affiner ces résultats en mettant en évidence deux sous-groupes de consommateurs qui sont en proportion quasi équivalente : ceux que nous avons appelés « les technophiles » et « les écoresponsables ».

Les premiers privilégient surtout Internet pour acheter. Ils apprécient recevoir une livraison à domicile en une heure si possible. S’ils se rendent en centres-villes et en centres commerciaux, ils privilégient la voiture, pour des déplacements faciles et rapides. Leurs attentes envers les espaces marchands restent très classiques : une ambiance agréable, des espaces de loisirs, ainsi que des services de click and collect et de livraison.

Les écoresponsables sont, quant à eux, plus sensibles aux questions d’économie circulaire. Ils se tournent plus volontiers vers la location de produits ou la mutualisation des achats (avec des amis ou des proches) ou encore la réparation de produits qu’ils préfèrent, si possible, made in France.

Les engagements citoyens de ces derniers entraînent des exigences supplémentaires à satisfaire pour les centres-villes et centres commerciaux. En effet, en plus des attentes précédemment présentées, ce profil de jeune souhaiterait trouver davantage d’espaces valorisant les produits locaux, et avoir la certitude que ces espaces marchands et leurs magasins intègrent la protection de l’environnement dans leurs différentes décisions.

Il y a là un enjeu tout particulier : les espaces marchands vont devoir se réinventer pour séduire ce segment qui compte pour plus de la moitié de notre échantillon.


Emmanuel Le Roch, Délégué Général de Procos, fédération représentative du commerce spécialisé, a également contribué à la rédaction de cet article.

Cindy Lombart, Professeure de marketing, Audencia; Michael Flacandji, Maître de conférences en marketing, Université de Bordeaux; Patricia Brillet-Coutelle, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Tours et Régine Vanheems, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Les prix de l’immobilier devraient reculer de 5 % à 10 % en 2023. Pxhere, CC BY-SA

Marché immobilier : 2023, année du grand retournement en France ?

Les prix de l’immobilier devraient reculer de 5 % à 10 % en 2023. Pxhere, CC BY-SA
Fatmatül Pralong, Sorbonne Université

En 2022, les ventes immobilières ont franchi la barre du million, selon un bilan publié par la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) qui observe cependant un repli du nombre de transactions : -6,5 % sur un an par rapport à 2021. Même constat du côté du réseau d’agences Century 21, qui avance le chiffre de -4 %. Quant aux prix, ils ont commencé à baisser à partir de l’été 2022 et pourraient encore reculer de 5 % à 10 % en 2023.

Ce retournement s’explique notamment par la forte inflation qui a marqué 2022, atteignant 6,2 % sur un an en fin d’année. Cette hausse des prix a eu deux conséquences qui pèsent sur le marché immobilier. D’abord, les entreprises qui supportent une hausse de leurs coûts de production – comme les matières premières et l’énergie fossile – ont répercuté ces hausses sur les prix afin de sauvegarder leurs marges. Cette inflation dite « par les coûts » pousse ainsi à la hausse des prix à la construction dans le neuf, ce qui évince les acheteurs les plus modestes.

Emprunts plus chers

Ensuite, pour freiner l’inflation, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de relever son taux directeur, c’est-à-dire le taux auquel elle prête de l’argent aux banques commerciales (dites de second rang), à partir de juillet dernier. Pour préserver leurs marges, les banques ont alors relevé leurs taux d’emprunt, ce qui impacte les projets immobiliers et entraîne une baisse des ventes.

D’un plus bas historique à 1 % en moyenne en janvier 2022, les taux de crédit immobilier sont ainsi remontés à 1,5 % à fin juin, pour atteindre les 2,25 % fin novembre 2022, selon l’Observatoire Crédit Logement.

Pour préserver la solvabilité des emprunts, le système bancaire devient en conséquence plus sélectif dans l’octroi des prêts, éliminant les débiteurs les plus vulnérables. D’après un sondage de l’IFOP en mai 2022, seuls 31 % des Français interrogés estiment que la conjoncture se révèle favorable à l’achat d’un bien immobilier, soit 27 points de moins qu’en 2021.

« Greenflation »

Un autre élément devrait enfin peser sur le marché immobilier en 2023 : les mesures prises en faveur de la transition écologique. Après la « fossilflation », l’inflation due aux fossiles, l’économiste allemande Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, pointe du doigt un autre phénomène : la « greenflation », liée aux coûts des mesures visant à développer les technologies vertes, dont les énergies renouvelables, avec la mise en place d’une réglementation plus contraignante.

Autrement dit, la transition écologique risque d’accentuer à court terme le phénomène d’inflation avec une augmentation des coûts financiers pour les producteurs et une baisse du pouvoir d’achat pour les consommateurs.

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En France, la loi Climat et résilience (adoptée en 2019) s’applique depuis janvier 2023 afin de lutter contre les « passoires énergétiques » ou « thermiques » : elle interdit dorénavant la mise en location de certains logements classés G en consommation d’énergie, consommant plus de 450 kilowattheures par mètre carré par an, selon leur diagnostic de performance énergétique (DPE). La loi prévoit qu’au 1er janvier 2025, tous les logements classés G ne pourront plus être loués puis elle s’appliquera ensuite aux logements de classe F au 1er janvier 2028, et au logement de classe E le 1er janvier 2034.

Selon un sondage mené par la Fnaim, un quart des propriétaires-bailleurs envisagerait ainsi de vendre plutôt que rénover leur logement, ce qui pourrait entrainer un afflux de biens sur le marché. En effet, certains propriétaires-bailleurs n’auront pas les moyens de financer la remise aux normes malgré les aides. Les futurs investisseurs devront même intégrer dans le calcul de la rentabilité le coût des travaux de transformation et le manque à gagner durant la période sans loyers perçus, dégradant l’effet de levier des investissements.

Au bilan, l’abondance de biens immobiliers d’un côté et le ralentissement de la demande de l’autre devraient donc entretenir la baisse des prix immobiliers en 2023.

Fatmatül Pralong, Professeur agrégé en sciences économiques, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.