Centres-villes, centres commerciaux : quelles sont les attentes des « millenials » ?

Economie

Les jeunes agenais ont récemment partagé un avis mitigé sur leur ville et son centre. John Seb Barber / Wikimedia Commons, CC BY-SA

The Conversation

Centres-villes, centres commerciaux : quelles sont les attentes des « millenials » ?

Les jeunes agenais ont récemment partagé un avis mitigé sur leur ville et son centre. John Seb Barber / Wikimedia Commons, CC BY-SA
Cindy Lombart, Audencia; Michael Flacandji, Université de Bordeaux; Patricia Brillet-Coutelle, Université de Tours et Régine Vanheems, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Piétonnisation des centres-villes, place des petits commerces, accessibilité sont des questions régulièrement débattues dans de nombreuses municipalités. Mais qu’ont à dire les jeunes, en particulier, sur ces espaces dont on vante la convivialité mais dont on craint aussi parfois qu’ils perdent de leur charme et leur typicité avec l’implantation de grandes chaînes de magasins ?

À Agen (Lot-et-Garonne), par exemple, les jeunes ont pu exprimer dans une enquête menée un avis mitigé sur la qualité de leur centre-ville. Dans le quartier de la Chapelle à Paris, on a souhaité les associer aux réaménagements urbains.

Il en va de même dès qu’il s’agit d’implanter ou de réhabiliter un centre commercial, entre vitalité économique, facilités pour consommer et critiques environnementales : les débats s’animent. Le Conseil national des centres commerciaux, en partenariat avec l’institut de sondage OpinionWay et Quantaflow, s’est, lui, récemment interrogé sur le rôle des centres commerciaux dans la construction de soi pour les 18-24 ans et leur attachement à ces lieux.

Connaît-on véritablement à ces sujets les attentes des adultes les plus jeunes ? Comment s’approprient-ils les centres-villes et les centres commerciaux ? Cette génération souhaite-t-elle vivre les mêmes expériences, d’achat ou non, dans ces espaces marchands ? Ceux-ci ont-ils les moyens de continuer à exister face à l’hégémonie d’Internet ? Que doivent faire ces espaces marchands afin de séduire à l’avenir cette cible spécifique ? Cette cible est-elle unique ou multiple ?

Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des éléments de réponse grâce à une enquête dont les résultats ont été présentés lors du 25? colloque Étienne Thil, qui rassemble, tous les ans, des professionnels et des enseignants-chercheurs, spécialisés dans les domaines du commerce et de la distribution.

Ont répondu à notre questionnaire en ligne plus de 500 jeunes âgés de 17 à 21 ans, génération que l’on désigne parfois avec le terme de « millenials ». À noter que notre échantillon reste un peu particulier avec 67 % d’étudiants en écoles de commerce et 33 % en universités.

Les centres-villes ne sont pas délaissés

Notre étude souligne tout d’abord que, même si Internet est le principal canal d’achat utilisé par les millennials, les centres-villes, et les centres commerciaux dans une moindre mesure, ne sont pas délaissés. Et peu importe qu’ils soient visités avec ou sans but précis d’achat en tête.

Ces deux espaces marchands ne sont en revanche pas envisagés de la même façon. Dans leur esprit, les centres commerciaux sont surtout des lieux où réaliser des achats (47 %) et dans une bien moindre mesure où se balader (23 %). Les motivations utilitaires y semblent premières.

Les centres-villes, eux, semblent devoir répondre à d’autres besoins pour les jeunes : ils y font certes des achats (30 %), mais aussi s’y baladent (25 %) ou y prennent un verre avec des amis (21 %). Ce sont pour eux des lieux de vie, dans lesquels se rencontrer et échanger. Les motivations hédoniques et sociales y sont bien davantage présentes.

Malgré des usages de ces espaces marchands quelque peu différents, les millennials interrogés se rejoignent toutefois sur ce qui pourrait diminuer leur fréquentation de ceux-ci. Dans leur réponse au questionnaire reviennent fréquemment la difficulté d’accès, la potentielle perte de temps pour s’y rendre ainsi que le sentiment d’insécurité.

La vacance dans ces espaces marchands, soit le fait que certains magasins ne soient pas occupés, est également dissuasive. Elle ne donne pas envie de passer du temps dans les centres-villes et centres commerciaux (respectivement 48,9 % et 54,7 %) et surtout, elle donne l’impression que ces espaces sont mal gérés (54,3 % et 56,6 %).

Viser l’efficacité, la surprise ou le divertissement ?

Pour les politiques publiques, il est également intéressant d’avoir en tête les attentes des jeunes adultes pour le futur de ces espaces. Elles sont à la fois élevées, multiples et diverses.

Une fois les attentes hédoniques communes aux deux espaces marchands satisfaites, en proposant aux millennials des espaces dédiés aux loisirs (90 % pour les centres-villes et 75 % pour les espaces commerciaux) et une ambiance surprenante (83 % et 76 %), des conceptions différentes de ces deux lieux apparaissent à nouveau.

Les centres-villes devraient ainsi davantage dépasser leur simple fonction d’approvisionnement pour devenir des endroits où se divertir, faire du sport en intérieur comme en extérieur, se cultiver grâce à des expositions ou des rencontres avec des artistes, et pour se rencontrer. Sur ce point, ils semblent notamment demandeurs d’espaces de restauration où tout le monde pourrait manger ensemble, même si les commandes n’ont pas été passées au même endroit.

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Il s’agirait aussi, selon les 17-21 ans, de proposer des services relatifs à la vie de tous les jours, des banques, des serruriers, ou autres cabinets médicaux. Des espaces de travail de type coworking sont également demandés. Enfin, des espaces dédiés aux producteurs et produits de la région pourraient leur plaire, afin de montrer concrètement l’ancrage territorial du centre-ville et la valorisation des acteurs locaux.

Pour ce qui est des centres commerciaux, les attentes semblent renforcer la vision que s’en fait aujourd’hui cette génération qui envisage ces espaces marchands principalement comme des lieux d’approvisionnement. L’objectif : rendre la réalisation de leurs achats encore plus efficiente et rapide, avec des services de click and collect, de livraisons à domicile ou encore la mise en place de conciergerie afin de déposer au fur et à mesure de son parcours les achats effectués et de pouvoir les récupérer à la fin de celui-ci.

Au-delà, des profils variés à séduire

Une analyse typologique a, par la suite, permis d’affiner ces résultats en mettant en évidence deux sous-groupes de consommateurs qui sont en proportion quasi équivalente : ceux que nous avons appelés « les technophiles » et « les écoresponsables ».

Les premiers privilégient surtout Internet pour acheter. Ils apprécient recevoir une livraison à domicile en une heure si possible. S’ils se rendent en centres-villes et en centres commerciaux, ils privilégient la voiture, pour des déplacements faciles et rapides. Leurs attentes envers les espaces marchands restent très classiques : une ambiance agréable, des espaces de loisirs, ainsi que des services de click and collect et de livraison.

Les écoresponsables sont, quant à eux, plus sensibles aux questions d’économie circulaire. Ils se tournent plus volontiers vers la location de produits ou la mutualisation des achats (avec des amis ou des proches) ou encore la réparation de produits qu’ils préfèrent, si possible, made in France.

Les engagements citoyens de ces derniers entraînent des exigences supplémentaires à satisfaire pour les centres-villes et centres commerciaux. En effet, en plus des attentes précédemment présentées, ce profil de jeune souhaiterait trouver davantage d’espaces valorisant les produits locaux, et avoir la certitude que ces espaces marchands et leurs magasins intègrent la protection de l’environnement dans leurs différentes décisions.

Il y a là un enjeu tout particulier : les espaces marchands vont devoir se réinventer pour séduire ce segment qui compte pour plus de la moitié de notre échantillon.


Emmanuel Le Roch, Délégué Général de Procos, fédération représentative du commerce spécialisé, a également contribué à la rédaction de cet article.

Cindy Lombart, Professeure de marketing, Audencia; Michael Flacandji, Maître de conférences en marketing, Université de Bordeaux; Patricia Brillet-Coutelle, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Tours et Régine Vanheems, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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