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L’ampleur des risques contraint les professionnels de la finance à adopter un nouveau cadre de réflexion éthique arbitrant entre intérêt individuel et bien commun, observe dans une tribune au « Monde » l’ancien banquier Jérôme Courcier.

Tribune. La Commission européenne a publié le 18 juin une proposition de « référentiel d’activités durables », pour permettre aux investisseurs et aux entreprises d’identifier les secteurs qui génèrent des bénéfices environnementaux, c’est-à-dire qui contribuent significativement à la lutte contre le changement climatique sans pour autant provoquer des dommages collatéraux. Lesdites activités durables sont divisées en trois catégories : celles déjà compatibles avec un objectif de neutralité carbone à 2050, celles qui pourraient le devenir, et enfin celles qui contribuent aux résultats des deux autres catégories.

Nombreuses sont en effet aujourd’hui les institutions financières à vouloir « verdir » les placements et/ou les crédits qui figurent dans leur bilan. Le Crédit agricole vient ainsi de s’engager à réduire à zéro l’exposition de ses portefeuilles de financement et d’investissement au charbon thermique d’ici 2030 dans les pays européens et de l’OCDE, d’ici 2040 en Chine, et d’ici 2050 dans le reste du monde.

Pour ce faire, la banque « verte » s’est engagée à ne pas développer de relation commerciale avec les entreprises tirant plus de 25 % de leur chiffre d’affaires du charbon, sauf avec celles qui ont publié ou prévoient de publier avant 2021 un plan de retrait des actifs charbon thermique, et qui veulent financer des projets d’énergie renouvelable ou de réduction de gaz à effet de serre. Plus globalement, la banque a mis en place un « Green Liquidity Factor », c’est-à-dire un mécanisme améliorant, en interne, les conditions de refinancement des prêts aux activités durables.

Réelle prise de conscience

La finance internationale rejoindrait-elle les rangs des « fondamentalistes », qui, au sein du mouvement écologiste, s’opposent aux « réalistes » ? A priori non, mais depuis le discours prononcé en 2015 aux Lloyds par Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, les grands établissements ont pris conscience de la menace sans précédent que le changement climatique fait peser sur l’économie mondiale. Sur le plan financier, certaines contreparties vont voir leur valeur s’effondrer du fait d’une transition abrupte vers une économie bas carbone.

Sur le plan environnemental, de nombreux agents économiques (particuliers, entreprises, administrations) vont subir des pertes physiques causées par la répétition des phénomènes extrêmes. Sur le plan social, d’autres vont faire l’objet de recours en justice, dans la mesure où ils vont être jugés responsables de tout ou partie des dommages occasionnés. Le 15 juin, les grands investisseurs mondiaux regroupés dans le Carbone Disclosure Project ont en conséquence publié une liste d’entreprises ne donnant pas assez d’informations sur leurs rôles en matière de climat, de préservation de l’eau et de déforestation.


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Le statut national d’étudiant-entrepreneur a 5 ans. La création de trente pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pépite) a bénéficié à 8 200 jeunes. Mais ces derniers se heurtent à la frilosité du système bancaire.

Fati Mrani boite bas ; la faute aux ligaments de son genou droit qui se sont rompus deux mois plus tôt. Pourtant, la jeune femme (27 ans) tourbillonne entre les étages de Pépinière 27, un incubateur parisien du 11e arrondissement : elle a un rendez-vous avec le webdesigner, une réunion avec l’équipe marketing, une rencontre avec un financier qui doit lui présenter un outil pour optimiser sa capacité de financement… Et puis un journaliste à caser au milieu de cet après-midi comme les autres. Fati Mrani est chef d’entreprise, patronne d’Avekapeti, une société de quinze personnes qui propose aux entreprises des plateaux-repas faits maison, une alternative locale, en circuit court, aux insipides cantines.

Son goût pour l’entrepreneuriat, Fati, comme 8 200 autres étudiants français depuis 2013, l’a testé alors qu’elle était encore sur les bancs de la fac (à Paris-Dauphine) avec un statut national qui fête ses 5 ans, celui d’étudiant-entrepreneur. C’est en 2014 que Geneviève Fioraso, alors secrétaire d’Etat chargée de l’enseignement supérieur, lance un plan national destiné à développer l’esprit d’entreprise et d’innovation sur les campus. Ce sera le programme Pépite (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat).

Une machine à faciliter

On compte trente de ces pôles aujourd’hui sur le territoire français. Chacun d’eux est une machine à faciliter et à encourager les projets entrepreneuriaux des jeunes, dispensant « des formations sur mesure avec des programmes adaptés aux besoins des jeunes entrepreneurs, des ateliers animés par des experts, du mentorat, des espaces de coworking… », liste Alain Asquin, délégué ministériel à l’entrepreneuriat étudiant. Un écosystème en somme, auquel s’ajoutent le maintien du statut étudiant et les droits qui s’y attachent pendant la période d’incubation du projet.

Conserver le statut d’étudiant n’a rien d’anodin, il permet, entre autres, de garder une couverture sociale. Aurélie Martin a 24 ans quand elle quitte, diplômée, la Rennes School of Business avec en tête la création d’équipements de prévention pour les chevaux. Sur le point de perdre son statut d’étudiante et sa bourse, trop jeune pour être éligible au revenu de solidarité active, la jeune femme opte pour un master où elle ne mettrait pas les pieds. Une étudiante fantôme… Mais cette inscription lui garantirait une couverture santé et le maintien de sa bourse. C’est finalement la Technopole de l’Aube en Champagne, à Troyes, qui accueille la jeune femme et son projet, et lui permet de devenir étudiante-entrepreneuse.


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L’entreprise ferroviaire lance une liaison grande vitesse à bas coût entre Paris et Toulouse, illustrant le succès d’une offre commerciale qui a séduit 40 millions de voyageurs depuis 2013.

Il a juste 6 ans et il est déjà grand, par la taille de son réseau et son succès commercial. Et comme on ne change pas une offre qui roule, la SNCF a ouvert samedi 6 juillet une nouvelle ligne de TGV à bas coût Ouigo entre la gare de Paris-Montparnasse et Toulouse. Ces trains seront directs le week-end, et desserviront Agen et Montauban en semaine. « En 2019, ce sont 300 000 nouveaux clients qui sont attendus entre Paris et Toulouse », a annoncé la compagnie ferroviaire.

Mise en service au printemps 2013, l’offre Ouigo, qui est peu ou prou au transport ferroviaire ce qu’est depuis longtemps easyJet au transport aérien, a joué un rôle-clé dans la relance de la grande vitesse qui n’avait plus les faveurs des voyageurs. « Nous voulons faire préférer le train à ceux qui prennent encore leur voiture. La question du prix est primordiale », expliquait Guillaume Pepy, président de la SNCF, lors du lancement des rames à la livrée bleu turquoise et rose bonbon.

« Soixante-cinq ans après sa suppression, la SNCF réinvente la troisième classe à grande vitesse », grinçait alors la CGT, rejointe par SUD-Rail. Avant d’admettre que Ouigo a permis à des millions de voyageurs d’accéder à des TGV dont ils étaient exclus. Les enquêtes de satisfaction auprès des clients – longtemps très critiques sur le maquis des offres et le prix élevé des billets – disent le contraire du discours syndical. Un billet Paris-Marseille à 106 euros au départ de la gare de Lyon à 6 heures du matin pour deux adultes et un enfant : qui dit mieux, alors qu’un billet de TGV inOui haut de gamme coûte 210 euros pour un départ à la même heure et une durée de parcours supérieure d’un quart d’heure ? Avec les deux tiers de ses billets à moins de 25 euros, le nombre de voyageurs n’a fait qu’augmenter.

Pas encore rentable

Le modèle économique est, semble-t-il, éprouvé. « Le prix du siège-kilomètre de Ouigo est deux fois moins élevé que celui d’un TGV classique », explique Rachel Picard, directrice générale de Voyages SNCF. La recette : un matériel certes plus ancien mais modernisé, des rames avec 25 % de passagers en plus (soit 650 personnes), roulant treize heures pas jour (contre sept heures pour les autres TGV) et entretenues la nuit, des services à bord inexistants, une vente de billets 100 % numérique, des suppléments bagages. Les Ouigo ne sont pas encore totalement rentables. « Nous visons un résultat net positif en 2021, peut-être dès 2020 au vu de la dynamique actuelle », déclare la dirigeante, qui table sur un Ebitda (résultat avant impôts et amortissements) de 30 millions d’euros cette année.


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Entre 2011 et 2018, les sanctions prononcées ont rapporté 4,5 milliards d’euros à l’Etat, tandis que les surcoûts évités, notamment par les consommateurs, ont atteint 9,5 milliards.

L’Autorité de la concurrence est un acteur de plus en plus fort et reconnu dans le monde économique. C’est l’un des principaux messages que sa présidente, Isabelle de Silva, a voulu faire passer, mardi 9 juillet, en présentant le rapport annuel de cette instance créée en 2009 pour traquer les pratiques antitrust et formuler des avis qui peuvent influencer la politique gouvernementale.

Ce rôle de « gendarme de la concurrence » se lit dans les chiffres. Entre 2011 et 2018, le « gain pour l’économie » de ses décisions s’est élevé à 14 milliards d’euros, indique l’Autorité dans ce premier bilan inédit : 4,5 milliards au titre des sanctions pour violation des règles (dont 237 millions en 2018) et 9,5 milliards pour les surcoûts évités aux entreprises et aux consommateurs.

Les condamnations dans les secteurs des télécoms, des produits d’hygiène et d’entretien, des appareils électroménagers et de la fourniture d’énergie expliquent ces résultats. La sévérité des sanctions financières, prononcées par l’Autorité et la justice, « renforce le risque pour les entreprises, et donc la dissuasion », assure Isabelle de Silva.

Son objectif n’est certes pas de freiner le mouvement des mariages d’entreprises. Ainsi a-t-elle simplifié les démarches, surtout en lançant une procédure entièrement en ligne pour qu’elles puissent notifier ces concentrations. L’institution n’en reste pas moins vigilante, tout particulièrement dans certains secteurs, comme les centrales d’achat des grandes enseignes de la distribution. Dans la loi agriculture et alimentation dite « Egalim », votée fin 2018, elle a obtenu plus de pouvoirs de contrôle et peut désormais bloquer une opération et en modifier le contenu.

S’adapter à la rapidité de l’économie numérique

L’Autorité doit aussi s’adapter à la rapidité de l’économie numérique, bien consciente que les plateformes ont « la capacité d’organiser des ententes ». Sans freiner l’innovation, elle estime que « la régulation a un rôle important à jouer pour que les géants du numérique [Apple, Google, Facebook, Amazon…] respectent les règles du jeu concurrentiel et ne s’en exonèrent pas au motif qu’ils seraient mondiaux ». Isabelle de Silva aurait aimé que ses services puissent contrôler une opération comme le rachat de WhatsApp par Facebook pour 20 milliards d’euros. Au moins s’achemine-t-on, selon elle, « vers une régulation coordonnée des plateformes en ligne au niveau européen ».


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