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Contrairement à ce qu’affirment les pouvoirs publics, un trou dans la législation autorise les éleveurs canadiens à nourrir leurs bœufs avec des farines animales.

Programmée au creux de l’été, la ratification parlementaire de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) s’annonçait comme une formalité pour la majorité. C’était sans compter sur la mobilisation d’un front aussi hétéroclite qu’inédit, agrégeant députés de l’opposition de gauche comme de droite, syndicats agricoles et ONG. Début juillet, à quelques jours du vote, le débat se cristallise sur les farines animales, bannies en Europe après qu’elles eurent provoqué la crise de la « vache folle ».

D’un côté, les détracteurs du CETA relèvent le risque que des bœufs canadiens nourris avec des farines animales arrivent dans l’assiette des consommateurs européens. De l’autre, le gouvernement et la majorité démentent catégoriquement. Les deux camps s’écharpent par voie de presse et sur les bancs de l’Assemblée nationale, en s’accusant mutuellement de propager des « fake news ». Le débat est suffisamment technique pour en perdre son latin.

En épluchant les réglementations vétérinaires canadiennes et européennes avec l’aide d’experts, une conclusion finit par se dessiner : les pouvoirs publics se sont trompés en jurant que l’interdiction des farines animales était absolue. Un trou dans la législation autorise en fait les éleveurs canadiens à nourrir leurs bœufs avec des farines produites à partir de ce qu’il reste de leurs congénères une fois découpés à l’abattoir – le sang, les poils, le gras – et à les envoyer sur le sol européen sans que le consommateur en soit informé.

Comment le doute a commencé à s’installer

Le 15 juillet, à la veille du vote au Palais-Bourbon – finalement repoussé au 23 juillet –, le cabinet du ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, tente d’éteindre l’incendie en conviant une vingtaine de journalistes pour un « brief informel » matinal autour d’un juge de paix nommé Loïc Evain, chef des services vétérinaires français. Ce pilier de la direction générale de l’alimentation est présenté comme le haut fonctionnaire qui maîtrise le mieux ces questions sanitaires.

Devant les journalistes, il se veut rassurant : « Non, il n’est pas possible que des ruminants arrivent dans l’UE après avoir été nourris par des farines de ruminants au Canada. » En aparté, à la fin de son intervention, le doute commence pourtant à s’installer chez Loïc Evain lorsqu’il est confronté aux références précises des textes réglementaires. Admettant pour la première fois, entre les lignes, que le gouvernement a pu se tromper, l’expert du ministère promet d’approfondir ses recherches. Contacté à nouveau par Le Monde lundi 22 juillet, il n’a pas souhaité donner suite.

Entre-temps, les autorités canadiennes ont pourtant reconnu le 19 juillet auprès d’Agra Presse que, « malgré une interdiction de principe de l’alimentation des ruminants à base de farines issues de ruminants, la législation canadienne autorise l’utilisation de certaines protéines, comme les farines de sang et la gélatine ». Or, comme nous l’écrivions à l’issue du « brief » de Loïc Evain, aucune règle européenne ne permet de refouler à la frontière les bœufs canadiens nourris avec ces « protéines ». Aussi étonnant que cela puisse paraître, toutes les normes sanitaires applicables sur le sol européen ne valent pas automatiquement pour les produits importés. Les règles applicables à l’importation sont généralement définies à part, avec des « clauses miroirs », qui peuvent parfois être moins exigeantes, pour ne pas contrevenir aux grands principes de l’Organisation mondiale du commerce.

Cannibalisme intra-espèce

Quelques heures plus tard, le député (La République en marche) Jacques Maire, chargé par la majorité de préparer l’examen du CETA, est contraint de rectifier in extremis son rapport parlementaire, en admettant son erreur. En séance, il dit avoir été « victime » d’une « grande confusion des termes extrêmement technocratiques ». La majorité tente alors de minimiser l’importance du couac, en insistant sur le fait que ces farines ne présentent aucun danger pour la santé. En écartant la moelle épinière et en chauffant les restes bovins à très haute température, les fabricants éliminent en effet tout risque de transmission des maladies comme l’encéphalopathie spongiforme bovine (la maladie de la « vache folle »).

Il n’empêche que cette alimentation n’est pas interdite par hasard en Europe : vingt ans après une épidémie que les farines animales avaient largement alimentée, l’UE préfère toujours les proscrire pour éviter les risques de contamination croisée, rassurer les consommateurs et éviter le cannibalisme intra-espèce des bovins. Les laisser pénétrer par la fenêtre canadienne n’est donc pas si anodin.

Si personne n’est à l’abri d’une erreur, c’est l’attitude du gouvernement français qui interroge dans cette « affaire des farines ». Il avait en effet été alerté sur ce problème dès septembre 2017 par la commission indépendante d’évaluation du CETA, puis interpellé pendant des mois par des ONG comme la Fondation pour la nature et l’homme ou l’Institut Veblen pour clarifier la législation applicable, sans jamais fournir de réponse satisfaisante. Sur des questions aussi techniques, le ministère de l’agriculture dispose pourtant d’un quasi-monopole sur l’information, compliquant toute contre-expertise citoyenne.

Il aura fallu attendre l’avant-veille du vote de ratification à l’Assemblée nationale pour que le gouvernement admette enfin le problème, sans en tirer de conséquences particulières. Sur le site du gouvernement, une page qualifie toujours de « faux » le fait que le CETA favorisera l’importation de bovins nourris aux farines animales.


Source : CETA et farines animales : comment le gouvernement s’est trompé


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Soutenue par Bpifrance, la biotech Metex construit une usine dans la région sinistrée de Saint-Avold, en Moselle.

Tout un symbole. C’est au pied des cheminées de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), qui doit fermer en 2022, et sur la plate-forme pétrochimique de Carling, en pleine transition vers la chimie du végétal (les molécules ne sont plus fabriquées à partir de sous-produits du pétrole, mais grâce à la fermentation de produits issus du végétal), qu’a été posée en grande pompe la première pierre de l’usine Metex Noovista, jeudi 18 juillet.

Grâce à un procédé de fermentation, elle produira, à partir de 2020, du propanediol (PDO), un composant utilisé notamment dans le secteur des cosmétiques, et de l’acide butyrique, nécessaire à l’industrie du parfum. L’investissement, qui avoisine 50 millions d’euros, et la quarantaine d’emplois à la clé annoncent une nouvelle ère pour ce site industriel.

« C’est l’aboutissement de vingt ans de travail », explique Benjamin Gonzalez, le cofondateur et patron de Metabolic Explorer (Metex), futur copropriétaire de l’usine avec le fonds Sociétés de projets industriels (SPI) de la Banque publique d’investissement (Bpifrance). « Ce sera notre premier site de production, souligne M. Gonzalez. Depuis notre création, en 1999, et nos premiers brevets, nous avons toujours voulu nous doter de notre propre outil industriel. »

Jusqu’ici, Metex n’avait pas de revenus, donc de chiffre d’affaires stable, et ne vivait que des aides ainsi que sur les fonds levés à la faveur de sa mise en Bourse

Le pari n’était pourtant pas gagné. « C’est une vraie survivante », confie Jean-Philippe Richard, l’un des responsables de SPI, à propos de Metex, qu’il suit depuis de nombreuses années pour le compte de Bpifrance. En vingt ans, la société est passée par tous les états. Euphorique lors de son introduction en Bourse, en 2007, elle a plongé au plus bas avec la crise financière et la multiplication des échecs de partenariats en Malaisie ou en Corée du Sud.

Jusqu’à la création de cette usine, elle n’avait pas de revenus, donc de chiffre d’affaires stable, et ne vivait que des aides ainsi que sur les fonds levés à la faveur de sa mise en Bourse. Désormais, la PME de 70 personnes voit son avenir s’éclaircir.

Vaste librairie génétique

Pour Metex, l’histoire a débuté à Clermont-Ferrand. C’est ici, dans une zone industrielle de la capitale auvergnate, que la société a invité, fin juin, une poignée de journalistes pour présenter ses installations. « A l’époque, j’avais une intuition, rappelle Benjamin Gonzalez, ancien ingénieur doctorant à l’université d’Auvergne. Je souhaitais comprendre le fonctionnement des gènes d’enzymes et de bactéries afin d’appliquer ces connaissances à la chimie biologique. Mon ambition était de produire des composants (acides aminés, vitamines, acides organiques, etc.) de façon naturelle, grâce à la fermentation, pour les substituer à ceux issus de la pétrochimie. »


Lire la suite : La chimie du végétal réveille les anciennes terres du charbon


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Le numéro un français de la grande distribution est accusé de contourner la loi et d’imposer des baisses de tarifs à ses fournisseurs.

A vouloir poursuivre coûte que coûte sa politique des prix les plus bas de la grande distribution, au nom de la défense du pouvoir d’achat, Leclerc a de nouveau trébuché. Dans un communiqué publié dimanche 21 juillet, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et sa secrétaire d’Etat, Agnès Pannier-Runacher, ont annoncé l’assignation en justice de plusieurs entités du groupe pour leur réclamer une amende record de 117,3 millions d’euros, confirmant une information du Figaro.

Pour justifier sa décision à l’encontre du numéro un français de la grande distribution, Bercy s’appuie sur une enquête approfondie de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Au début de 2018, elle avait été saisie par divers fournisseurs de Leclerc. Ils accusaient sa centrale d’achat française Galec et deux autres sises en Belgique, Eurelec et Scabel, qui regroupent les commandes des super- et hypermarchés, d’user de moyens illégaux pour faire baisser les prix, notamment de menaces – et de mises à exécution – de déréférencement dans les rayons.

« C’est une enquête très construite menée par plus de vingt agents : 5 000 messages et 8 000 pages de documents ont été saisis lors des perquisitions, qui ont eu lieu en février 2018, détaille Mme Pannier-Runacher. L’amende est élevée, car de nombreux ­éléments indiquent une volonté délibérée de contourner la loi française pour imposer aux four­nisseurs des baisses de prix sans contrepartie. » Elle représente, ­selon elle, « trois fois le montant de l’indu perçu par Leclerc », qui était de 39 millions.

Une somme qui n’inclut pas les remboursements d’indus et sans comparaison avec les quelques millions réclamés jusqu’à présent. Elle envoie un signal fort : agriculteurs et industriels de l’agroalimentaire jugent en effet les amendes trop indolores pour faire cesser ces mauvaises pratiques.

Pour sa défense, le géant de la distribution rappelle que les négociations visées ne concernent ni les PME ni le monde agricole. « On ne peut interdire aux entreprises d’acheter au niveau européen, indique au Monde le PDG Michel-Edouard Leclerc, en rappelant que ces contrats concernent des achats fermes auprès « des douze plus grandes multinationales », comme Nestlé, Mondelez, Procter & Gamble ou Unilever.Lundi après-midi, Leclerc a annoncé dans un communiqué sa volonté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne afin de faire cesser « l’acharnement des pouvoirs publics français ».

« Un cadeau fait à des multinationales »

Pour le président des centres E. Leclerc, le gouvernement « cherche des boucs émissaires dans un baroud médiatique » et « à rendre responsable E. Leclerc de l’échec de la loi Egalim » sur l’alimentation entrée en vigueur en janvier. « Et à augmenter les prix chez Leclerc », déplore le dirigeant, qui considère cette assignation comme « un cadeau fait à des multinationales ».

A Bercy, on réplique en pointant les délocalisations croissantes des négociations commerciales vers la Belgique. « On est passé de quatre groupes industriels en 2017 à 14 en 2018 et à 27 cette année », note la secrétaire d’Etat. Le gouvernement ne veut pas en rester là pour traquer ces pratiques commerciales abusives. « Nous portons une attention toute particulière aux centrales d’achat, et pas seulement celles de Leclerc. D’autres enquêtes sont en cours », souligne Mme Pannier-Runacher. C’est toute la philosophie de la loi Egalim qui est en jeu : trouver un équilibre économique entre monde agricole, industrie agroalimentaire et grande distribution, notamment pour permettre une augmentation du revenu de certains agriculteurs.

E. Leclerc avait été la moins ­conciliante des grandes enseignes lors des débats précédant cette loi. Ce n’est pas la première fois qu’il est dans la ligne de mire de Bercy. En juin 2018, il l’avait assigné devant le tribunal de commerce de Paris, réclamant 25 millions d’amende et 83 millions de remboursement d’indus, soit 108 millions.

Après trois ans d’enquête (2015-2017), la DGCCRF avait découvert que le groupe imposait des remises de prix de 10 % à une vingtaine de ses fournisseurs en plus de ce que prévoyaient leurs contrats, sans contrepartie commerciale (publicité, mise en avant de produits en magasin…). Ces remises additionnelles étaient imposées aux fabricants de grandes marques alimentaires vendues chez Lidl, un concurrent dont E. Leclerc redoute les petits prix. La justice doit encore se prononcer sur cette affaire.

En 2015, les juges avaient déjà sanctionné l’enseigne. La cour d’appel l’avait alors condamnée à rembourser 61,3 millions à 48 fournisseurs (Bonduelle, Ferrero, Jacquet…) pour des sommes indûment perçues lors de remises de fin d’année. Des demandes de ristourne qui, pour la justice, créaient « un déséquilibre significatif » entre les fabricants et l’enseigne, au profit de cette dernière. Le remboursement de ces sommes était assorti d’une amende de 2 millions d’euros.


Source : Bercy réclame une amende record de 117 millions d’euros pour Leclerc, accusé de « pratiques commerciales abusives »


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Le gouvernement a déclenché le dispositif de calamité agricole et promis « un milliard d’euros » pour les cultivateurs et éleveurs. 73 départements sont soumis à des restrictions d’eau.

La France va connaître, à partir de ce lundi 22 juillet, un nouvel épisode de canicule qui risque d’aggraver la sécheresse que connaît le pays – soixante-treize départements sont déjà soumis à des restrictions d’eau.

Dans un entretien au Parisien, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, annonce un « plan de mobilisation générale » : une série de mesures pour venir en aide aux cultivateurs et éleveurs, principales victimes de cette aridité. « Nous devons aider les agriculteurs en difficulté à passer ce cap difficile, notamment ceux qui ont du mal à nourrir leurs bêtes ou utilisent déjà les stocks de foin qui devaient être gardés pour cet automne et cet hiver », a déclaré M. Guillaume.

Parmi les principales annonces du ministre, figure une demande de déblocage anticipé d’une partie des aides européennes, pour accorder « un milliard d’euros d’avance de trésorerie ». La France va ainsi solliciter l’Union européenne pour que 70 % des aides attribuées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) soient versées à la mi-octobre, au lieu de 50 % habituellement. Le dispositif de calamité agricole, qui avait permis l’année dernière de « débloquer 196 millions d’euros en faveur des exploitants », sera à nouveau activé, a ajouté M. Guillaume.

Clause de force majeure

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Autre aide d’urgence : neuf départements supplémentaires seront concernés par la clause de force majeure « pour permettre aux éleveurs de faucher les jachères, pour pouvoir nourrir leurs animaux, car il n’y a tout simplement plus d’herbe dans les pâturages pour les alimenter ». Il s’agit du Cantal, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, du Loiret, de la Haute-Savoie, du Jura, de la Nièvre, du Haut-Rhin et du Loir-et-Cher, où doit se rendre Didier Guillaume lundi.

Vingt-quatre départements du centre et du sud du pays étaient déjà concernés depuis le 1er juillet par cette mesure exceptionnelle, acceptée par l’Union européenne :

  • Cher, Indre, Ain, Allier, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Rhône, Ariège, Aude, Gard, Haute-Garonne, Gers, Hérault, Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne, Creuse, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse.

Le gouvernement veut aussi mettre en place des « flux de solidarité » entre départements disposant de fourrage et ceux menacés par la pénurie. Les chambres d’agriculture seront chargées de coordonner cette solidarité, mais la logistique et le transport des fourrages seront financés par l’Etat.

Ces mesures sont prises pour tenter d’éviter une « décapitalisation » face à la pénurie de nourriture, a expliqué M. Guillaume : « En clair, les exploitants vendront leurs bêtes et les enverront à l’abattoir, comme c’est arrivé l’an dernier. »


Source : Le retour de la canicule va aggraver la sécheresse qui touchait déjà la France