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Le gouvernement d’Angela Merkel pourrait présenter un projet de loi contraignant à davantage de responsabilité éthique les groupes outre-Rhin ayant une activité à l’étranger.

Cela aura été laborieux, mais le gouvernement allemand vient de franchir une nouvelle étape dans son projet visant à inciter les entreprises à plus de vigilance en matière de droits humains, voire à les y contraindre si nécessaire. Mandaté par Berlin, un consortium privé dirigé par le cabinet d’audit EY a commencé, lundi 29 juillet, à envoyer des questionnaires à 1 800 entreprises allemandes de plus de 500 salariés, à propos des contrôles qu’elles ont mis en œuvre pour garantir le respect des droits de l’homme chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales à l’étranger. Les destinataires du questionnaire, long de 30 pages, ont été choisis de manière à bâtir un échantillon représentatif des quelque 7 100 sociétés allemandes répondant à ce critère de taille.

En fonction des résultats de l’enquête, attendus au plus tard pour l’été 2020, le gouvernement avisera. Si plus de la moitié des entreprises sondées se montrent suffisamment attentives en matière de droits sociaux et environnementaux chez leurs partenaires commerciaux dans les pays en développement, alors Berlin ne changera pas la législation actuelle. Mais, dans le cas contraire, le gouvernement d’Angela Merkel s’est d’ores et déjà engagé à présenter un projet de loi contraignant, s’inspirant de dispositifs récemment introduits en France et au Royaume-Uni. « Si les engagements volontaires ne suffisent pas, alors le gouvernement allemand introduira des mesures législatives », a prévenu Gerd Müller, le ministre du développement.

Succession d’enquêtes

Alors qu’en France, l’Assemblée nationale adoptait dès février 2017 une loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères, l’Allemagne continue de privilégier jusqu’à présent la voie de l’autodiscipline. Lancé par le gouvernement en décembre 2016, le Plan d’action national pour l’économie et les droits de l’homme, dont font partie les questionnaires, en est encore à la phase exploratoire.

Mais une succession d’enquêtes a mis en lumière la passivité, en l’absence de contrôles des autorités publiques, des multinationales allemandes face à de graves violations de droits de l’homme à l’étranger. En juin 2017, un rapport des organisations non gouvernementales Germanwatch et Misereor épinglait, entre autres, Siemens, l’énergéticien EnBW ou encore KfW, une banque publique d’investissement, pour leur manque de responsabilité sociale et environnementale dans divers projets au Honduras, en Colombie, au Mexique ou au Kenya.


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La décision italienne, discrètement annoncée vendredi 26 juillet au soir, provoque de fortes turbulences au sein du gouvernement de Giuseppe Conte et dans les ranges du mouvement antisystème.

L’accord est arrivé à la dernière minute, dans la soirée du vendredi 26 juillet, et de la façon la plus discrète possible. Par un simple courrier à l’INEA – l’agence bruxelloise gérant les programmes d’investissements européens dans les transports – signé par un responsable technique, sans même le paraphe du ministre italien des transports et des infrastructures Danilo Toninelli (Mouvement 5 étoiles, M5S, antisystème), depuis toujours hostile à ce chantier, Rome s’est résolue à donner officiellement son feu vert à la poursuite des travaux sur le projet de liaison à grande vitesse (TAV) reliant Turin à Lyon.

Grâce à cet accord in extremis, qui devait intervenir avant vendredi soir sous peine de remettre en cause une partie des financements européens, les appels d’offres concernant la part italienne du chantier pourront donc suivre leur cours.

Depuis son entrée en fonctions, en juin 2018, le gouvernement italien, profondément divisé sur la question, avait tout mis en œuvre pour gagner du temps. Il a successivement prétendu que tout devait être remis à plat, puis commandé une « analyse coûts-bénéfices » très défavorable au projet, et enfin proposé à la France – sans succès – une nouvelle concertation, assurant qu’en l’état, le tunnel Lyon-Turin ne se ferait pas. Mais cette fois, il était à court d’expédients.

Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, avait préparé le terrain à cette volte-face, mardi 23 juillet, en déclarant qu’il fallait renoncer au blocage du chantier, parce que « ne pas le faire coûterait beaucoup plus cher que le terminer ». Selon lui, la décision européenne de porter son soutien au projet de 40 % à 55 % changeait en effet les termes de l’équation, et justifiait ce revirement.

Le M5S sait que la partie est perdue

Cette prise de position a aussitôt provoqué la fureur du M5S, viscéralement opposé au projet, qui a même boycotté l’intervention du président du Conseil au Sénat, jeudi après-midi. Mais au-delà des protestations, des happenings et des hauts cris, la formation protestataire dirigée par Luigi Di Maio est aujourd’hui si affaiblie qu’elle n’est même plus en état de peser sur l’action du gouvernement auquel elle participe.

Les élus M5S ont annoncé qu’ils allaient déposer une motion au Sénat, sans illusions sur le résultat de cette démarche – le vote devrait se tenir le 6 ou le 7 août –, et les déçus de la ligne incarnée par Luigi Di Maio sont de moins en moins discrets.

Mais au fond, depuis le désastre électoral du 26 mai (17 % à l’élection européenne, soit moins de la moitié du résultat de la Ligue, et seulement 12 % lors des régionales en Piémont qui se déroulaient le même jour), les dirigeants du M5S savent que la partie est perdue, et que s’ils veulent encore rester au pouvoir quelques mois, ils n’ont pas d’autre choix que d’accepter ce nouveau reniement. Au risque de perdre encore un peu plus leur âme.


Lire la suite : En Italie, le Mouvement 5 étoiles contraint de laisser se poursuivre le tunnel Lyon-Turin


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Dans une tribune au « Monde », l’avocat Jean-Paul Tran Thiet fustige la réaction corporatiste des instances représentatives de sa profession à la réforme des retraites mise en œuvre par le gouvernement.

Tribune. Le Conseil national des barreaux (CNB), s’érigeant en porte-parole des avocats de France et s’appuyant sur le soutien affiché de la bâtonnière de Paris, proclame son opposition à la réforme des retraites et appelle à une mobilisation nationale de tous les avocats, le 16 septembre. Il prétend même prendre « la tête de la fronde des indépendants » contre l’unification des régimes et la mise sur un pied d’égalité de tous les bénéficiaires (la même retraite pour tous, pour chaque euro cotisé).

On a connu des avocats mieux inspirés, plus généreux et moins corporatistes. Comme beaucoup de mes confrères, je ne me reconnais pas dans ce conservatisme et dans cet égoïsme.

Car de quoi s’agit-il ? Voici une profession qui, depuis quelques décennies, a bénéficié d’une évolution démographique favorable. Beaucoup de jeunes l’ont rejointe et les départs à la retraite y sont plus tardifs que dans certaines autres activités. Sur cette base, le régime autonome de nos retraites, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), a accumulé des réserves significatives. Ces réserves, largement sécurisées par des augmentations importantes de cotisations, introduites il y a quelques années, seront peut-être suffisantes ou ne le seront pas pour faire face aux évolutions démographiques de notre profession, au cours des décennies qui viennent. Mais là n’est pas le sujet.

Le sujet, c’est le refus, catégorique et fort mal argumenté, opposé à une réforme qui va dans le sens de plus d’équité, par ceux qui sont perçus – souvent à bon droit – comme les défenseurs des valeurs humanistes et républicaines.

Intérêts pécuniaires

La suppression progressive des inégalités entre les pensions publiques et les retraites privées (notamment s’agissant des régimes spéciaux dont le caractère injuste et coûteux pour les contribuables a été récemment dénoncé par la Cour des comptes) ?… Une « réforme inacceptable », dit le CNB.

La création d’une solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle ? Le relèvement de la retraite minimale pour les plus défavorisés (85 % du smic net, alors que bon nombre d’indépendants en touchent aujourd’hui moins de 70 %) ?… On n’en veut pas, on a déjà notre propre système de péréquation, répliquent nos organisations professionnelles.

La Fédération nationale des unions de jeunes avocats (Fnuja), qui a pourtant l’habitude de brandir les valeurs de l’avocat, son rôle social et son désintéressement, enfourche la même monture et dénonce l’atteinte portée à notre fonction et à notre passion de la défense. Celle de nos intérêts pécuniaires, en l’occurrence, mais ne faisons pas le détail…


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Le néerlandais Takeaway.com rachète le britannique Just Eat pour contrer Deliveroo et Uber. Les deux sociétés combinées affichent une valorisation boursière de près de 10 milliards

Dans la course à la livraison de repas, un concurrent vient de quitter la piste : le britannique Just Eat. Il a annoncé, lundi 29 juillet, son rachat par son rival néerlandais Takeaway.com. Les deux sociétés combinées affichent une valorisation boursière estimée à près de 10 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires proche du milliard d’euros.

Ce montant illustre, à lui seul, l’appétit croissant des investisseurs pour ce secteur en pleine consolidation. « Sur ce marché fou, des acteurs récents lèvent des sommes colossales comme Uber Eats et Deliveroo. Just Eat et Takeaway.com ont réagi à cette concurrence en fusionnant », affirme Sébastien Forest, fondateur d’Allo Resto, pionnier du marché français créé en 1998 et racheté par Just Eat en 2012.

Lors de sa dernière levée de fonds, en mai, le britannique Deliveroo a récolté 575 millions d’euros. Avec cette opération, le montant total collecté par l’entreprise fondée en 2013 atteint 1,53 milliard de dollars (1,37 milliard d’euros). Surtout, le nouveau tour de table était mené par le géant de l’e-commerce Amazon. La société fondée par Jeff Bezos avait lancé son propre service Amazon Restaurants en Grande-Bretagne avant de jeter l’éponge, fin 2018. Ses nouvelles ambitions restent toutefois soumises au feu vert de l’autorité de la concurrence britannique. 

Amazon n’est pas le seul géant du Web à vouloir croquer une part du marché de la livraison de repas. Uber met les bouchées doubles avec son service Uber Eats, force de frappe financière à l’appui. De quoi mettre la pression pour imposer sa marque dans l’esprit du consommateur.

Uber Eats, qui a fait ses débuts en France en 2016, a choisi de miser plus de 30 millions d’euros pour être sponsor titre de la Ligue 1 de football pendant deux ans, poussant Conforama sur le banc de touche. Il a également décidé de s’afficher sur le maillot de l’Olympique de Marseille pour trois saisons.

Adapter l’offre

Face à cette concurrence redoublée, les start-up de la livraison de repas sont confrontées au dilemme : grossir, être mangées ou disparaître. Déjà certains pionniers ont été rayés de la carte, comme le belge Take Eat Easy. D’autres ont coupé ou cédé des pans entiers d’activité. A l’exemple de l’allemand Delivery Hero, qui a purement et simplement liquidé sa filiale française Foodora à l’été 2018 avant de céder son activité britannique à Just Eat et son pilier allemand à Takeaway.com pour 930 millions d’euros.

Les investisseurs qui misent des dizaines, voire des centaines de millions dans les start-up du secteur se grisent des prévisions de croissance du marché

Delivery Hero poursuit sa route dans les pays en voie de développement. Pour sa part, l’américain DoorDash, qui a levé 600 millions de dollars au mois de mai, se consacre à la conquête des Etats-Unis face à Grubhub ou Postmates.

C’est dans ce contexte que Just Eat et Takeaway.com ont décidé de faire cause commune. A l’issue de cette OPA à 5 milliards de livres (5,5 milliards d’euros), le nouvel ensemble sera détenu à 52 % par les actionnaires de Just Eat, siégera à Amsterdam et sera dirigé par Jitse Groen, fondateur et patron de Takeaway.com.

Les investisseurs qui misent des dizaines, voire des centaines de millions dans ces start-up se grisent des prévisions de croissance du marché. Pourtant, la plupart de ces entreprises ne dégagent aucun bénéfice. Just Eat fait partie des exceptions. Initialement, à l’image d’Allo Resto, le service consistait en une mise en relation entre clients et restaurateurs, sans service de livraison. Un exercice bénéficiaire. Même si Just Eat a dû, à son tour, évoluer vers la livraison.

Chaque entreprise s’efforce en effet d’adapter son offre pour réduire ses pertes, conquérir les clients et séduire les restaurants. En particulier les chaînes de restauration rapide telles que McDonald’s ou Starbucks, prêtes à nouer des partenariats. Mais le modèle économique de ces sociétés a une autre fragilité, et de taille : le statut des livreurs fait l’objet d’âpres batailles juridiques. Les cyclistes ne veulent pas être la dernière roue du carrosse des start-up de livraison.