« Le procès France Télécom nous enjoint de renforcer le rôle des représentants du personnel »

Economie

Syndicalistes ou inspecteurs du travail, ceux qui ont stoppé la « machine infernale » à France Télécom sont affaiblis par les réformes du code du travail, plaide, dans une tribune au « Monde », Sophie Taillé-Polian, sénatrice (Génération.s) du Val-de-Marne.

Tribune. Le procès des anciens dirigeants de France Télécom qui s’est achevé le 11 juillet [le jugement doit être rendu le 20 décembre] a mis en lumière les conséquences dramatiques d’une politique d’entreprise tournée uniquement vers le profit des actionnaires. Le premier constat que l’on peut en tirer est celui de l’inadéquation des outils de détection à la réalité des risques professionnels. Le second est que ceux qui ont permis à la machine infernale enclenchée par la direction de France Télécom de s’arrêter ont été, depuis, considérablement affaiblis par les réformes du code du travail des trois dernières années.

Pas moins de 19 suicides ont été comptabilisés et 39 personnes ont été reconnues comme victimes au total. Les dommages sont évidemment bien plus étendus. On ne saura pourtant jamais avec précision combien a coûté en souffrances et en vies humaines le plan « Next » qui, au début des années 2000, visait à faire partir en moins de trois ans 22 000 salariés sur 120 000. En effet, les règles actuelles permettent d’occulter une très grande part des atteintes à la santé qui sont le fait du travail, plus particulièrement les troubles psychosociaux. Par exemple, la reconnaissance d’une dépression à caractère professionnel est aujourd’hui un véritable parcours du combattant.

Responsabiliser davantage les employeurs

Alors, combien de pathologies déclenchées ou aggravées par l’exposition au stress chronique ? Il est urgent de rendre effective la possibilité de faire reconnaître ces atteintes à la santé relevant du travail, afin de permettre la prise en charge et la réparation pour les victimes et, surtout, afin de responsabiliser davantage les employeurs. Le procès France Télécom nous a permis de penser ces vies brisées et d’en parler. Mais il nous faut aussi également parler des vies « sauvées ». Sauvées par qui ?

Sauvées par des agents d’abord, qui ont soutenu leurs collègues, solidaires malgré l’effrayant dispositif mis en œuvre pour diviser les collectifs de travail. L’appui des collègues est une protection qui a permis à de nombreux agents de tenir ou de ne pas sombrer.

Sauvées par certains manageurs, ensuite, qui ont résisté autant qu’ils le pouvaient aux injonctions de leur hiérarchie pour faire partir « par la porte ou par la fenêtre » les salariés, malgré la peur, malgré les primes offertes à qui obtiendrait le plus de départs… Ceux-là nous rappellent qu’il ne faut jamais céder à la « banalité du mal ».


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