Un article du Canard enchaîné publié mardi 3 juillet laissait entendre que le gouvernement préparait une nouvelle baisse des aides personnalisées au logement pour le mois de septembre, deux ans après un coup de rabot qui avait provoqué la première crise sociale du quinquennat. Mais les choses sont en réalité plus complexes.
1. Est-ce que le gouvernement prépare une « nouvelle baisse des APL » ?
Pas exactement. Le titre de l’hebdomadaire satirique laissait penser qu’il s’agissait d’une nouvelle mesure, mais c’est en fait une réforme du mode de calcul des aides au logement qui avait été décidée en 2018, dans la continuité du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Elle aurait dû s’appliquer en avril 2019. Elle a été repoussée pour des raisons techniques une première fois au mois de juillet. Il est en effet difficile de centraliser les informations sur les différents revenus des bénéficiaires : salaires, allocations, retraite ou chômage. Finalement, le gouvernement a annoncé, mercredi 3 juillet, qu’elle ne s’appliquerait qu’au 1er janvier 2020.
2. En quoi consiste la réforme ?
Il ne s’agit pas de modifier le montant versé à chaque allocataire, mais d’adapter ce versement par la « prise en compte contemporaine » de leurs revenus. Jusqu’à présent, le calcul était réalisé sur la base des revenus déclarés deux ans auparavant. A partir de 2020, l’allocation sera calculée en fonction de l’argent gagné ou des prestations versées durant les douze mois précédents, et une revalorisation sera réalisée tous les trois mois.
3. Est-ce une mesure d’économies pour le gouvernement ?
Oui, même si Bercy s’en défend. « Ce n’est pas une réforme budgétaire » mais plutôt de « justice sociale », a affirmé Gérald Darmanin sur RTL. Elle permet pourtant bel et bien des économies : comme le détaille le projet de loi de finances 2019, selon les prévisions, elles devaient atteindre 900 millions d’euros pour les neuf mois de 2019, soit l’équivalent de 1,2 milliard en année pleine.
4. Qui sera pénalisé ?
L’objectif est d’adapter plus rapidement les prestations à la situation financière. En théorie, il devrait donc y avoir des gagnants et des perdants. Dans les faits, les personnes dont les revenus baissent drastiquement (séparation, perte d’emploi…) doivent signaler rapidement leur changement de situation et peuvent demander à la caisse d’allocations familiales (CAF) de faire recalculer leurs allocations.
En revanche, les jeunes actifs, qui perçoivent des revenus pour la première fois, sont les plus pénalisés. Jusqu’alors, ils continuent à toucher des allocations logement calculées sur les revenus, souvent nuls ou très faibles, qu’ils percevaient deux ans auparavant, alors qu’ils n’avaient pas encore d’emploi. Comme l’expliquait en 2018 au Monde Jérôme Cacciaguerra, directeur pour l’Ile-de-France de l’Union pour l’habitat des jeunes, dans des villes où les loyers sont chers, « ces allocations sont une véritable aide à l’entrée dans la vie active et dans un premier logement autonome ». Désormais, ces jeunes actifs verront leurs allocations diminuer drastiquement, voire disparaître beaucoup plus rapidement.
5. Combien de personnes sont-elles concernées ?
Au total, selon les estimations de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)citées par Le Canard enchaîné, 1,2 million de personnes seraient perdantes après la réforme et 600 000 ne toucheraient plus rien.
Le nombre total d’allocataires del’aide personnalisée au logement (APL), de l’allocation de logement sociale (ALS) ou de l’allocation de logement familiale (ALF) dépassait 6,5 millions en 2016, selon la Drees. Selon un rapport de 2012, plus d’un tiers (34 %) des bénéficiaires étaient des personnes en emploi.
6. Pourquoi le sujet des aides au logement est-il sensible ?
L’évocation d’une réforme des APL entraîne des réactions politiques rapides. Les députés socialistes ont ainsi déploré une« nouvelle coupe brutale », alors que Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste (PCF), a traité le gouvernement de « Thénardier qui fait les poches aux familles populaires ». En effet, ce n’est pas la première fois que l’exécutif s’attaque aux APL :
- en octobre 2017, quelques mois après l’élection d’Emmanuel Macron, le gouvernement a annoncé une baisse uniforme de 5 euros par mois pour économiser 32,5 millions d’euros par mois. Une décision très impopulaire, et qui avait été jugée « pas intelligente » par le premier ministre Edouard Philippe lui-même sur RMC ;
- pour les logements HLM, la baisse des allocations versées par l’Etat a dû être compensée par les bailleurs sociaux, via une réduction de loyer de solidarité (RLS) ;
- en octobre 2018, les APL ont été désindexées de l’indice de révision des loyers, c’est-à-dire que leur montant n’a pas suivi l’inflation. Une « non-augmentation » estimée à 4,20 euros par mois en moyenne par allocataire, selon des calculs de la Fondation Abbé Pierre.
Source : Les APL vont-elles à nouveau baisser ? Six questions pour comprendre la réforme
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