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Dans une tribune au « Monde », un collectif d’architectes, d’urbanistes et d’historiens de l’art, dont Jean Nouvel et Roland Castro, estime que le projet visant à ajouter à la gare parisienne un centre commercial et des bureaux doit être entièrement revu.

Tribune. La SNCF, associée à Auchan (via sa filiale Ceetrus), publie depuis quelques mois des dessins et des discours lénifiants sur son projet de transformation de la gare du Nord, qui créerait plus de 50 000 m2 de surfaces construites nouvelles, dont un immense centre commercial de près de 20 000 m2 et des bureaux, le tout rebaptisé pour la circonstance « lieu de vie ». Ce projet est inacceptable, et nous demandons qu’il soit repensé de fond en comble.

« Ce cadeau au commerce se paie de parcours allongés et inutilement compliqués »

Il s’agit d’abord d’une grave offense aux usagers du transport.La gare du Nord est le principal pôle d’échanges de France et d’Europe : 700 000 voyageurs par jour, dont 500 000 pour le seul trafic de banlieue. Le premier objectif d’une réorganisation de la gare doit être de leur offrir un lieu et un moment d’échanges aussi confortables que possible, dans des parcours quotidiens souvent harassants. Obliger des centaines de milliers de personnes à traverser des espaces commerciaux devient insupportable lorsque ce cadeau au commerce se paie de parcours allongés et inutilement compliqués.

Or le projet prévoit d’interdire l’accès direct aux quais tel qu’il se pratique aujourd’hui. Qu’il aille à Soissons (Aisne) ou à Bruxelles, le voyageur devra d’abord monter à 6 mètres de hauteur dans le centre commercial, tout à l’est de la gare, puis accéder aux quais par des passerelles, des escaliers et des ascenseurs. Cela veut dire : plus de distance à parcourir, des temps d’accès nettement augmentés. Indécent.

Ce projet est aussi une grave erreur urbaine. Implanter une telle masse de commerces et d’activités à la gare du Nord, dans un ensemble fermé sur lui-même, dans une zone déjà saturée de trafic, à une station de RER de Saint-Denis, cœur de l’agglomération des neuf villes de Plaine Commune, est une atteinte à la volonté de rééquilibrer les activités dans Paris, et plus encore dans l’espace du Grand Paris.

Faut-il rappeler que les centres commerciaux récents sont à la peine partout : Le Millénaire, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), végète, comme Aéroville, à Roissy (Val-d’Oise). On comprend l’attrait que représente pour Auchan l’énorme flux de la gare du Nord, mais cette captation se fera au détriment des territoires desservis par la gare. Absurde.

Les volumes existants dénaturés

Ce projet est inacceptable sur le plan patrimonial. La gare du Nord est l’une des six gares mythiques de Paris, sans doute la plus illustre et la plus belle. Chef-d’œuvre de l’architecte Jacques Ignace Hittorff, qui la conçut en 1864, elle figure à l’inventaire des Monuments historiques.


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Dans une tribune au « Monde », Albert Levy, architecte et urbaniste, pointe les incohérences des pouvoirs publics qui défendent le projet d’un mégacomplexe de loisirs et de commerce au nord de Paris, tout en parlant de transition écologique et de lutte contre le réchauffement.

Tribune. La canicule du début de cet été avait une triple origine : la météo, le réchauffement climatique et l’îlot de chaleur urbain causé par la forte bétonisation et bitumisation de la région parisienne, caractérisée par un faible ratio d’espace vert par habitant, fruit d’un urbanisme inconséquent. Le thermomètre est monté jusqu’à 43 °C à Paris le 25 juillet. Il est urgent de stopper l’hyperdensification et de repenser les grands projets parisiens et franciliens poursuivis malgré les positions et plans sur le climat, la pollution, les mesures prises pour la transition énergétique.

Le projet Europacity, au nord de Paris, dans le Triangle de Gonesse (Val-d’Oise), est emblématique de cette contradiction : est prévu sur 80 hectares un projet d’un autre temps, avec un centre commercial de 230 000 m2 (500 boutiques), un parc de loisirs de 150 000 m2 (piste de ski artificiel, centre aquatique climatisé, salles de spectacle), des hôtels (2 700 lits), une zone de bureaux, etc., le tout desservi par une gare du Grand Paris Express (GPE) construite sur fonds publics. Un centre commercial de plus ruinerait ce qui reste de petits commerces des villes environnantes.

Promoteur mégalo

Ce projet pharaonique, anachronique, résulte de la coalition d’un promoteur mégalo, le groupe Auchan et son partenaire chinois Wanda, d’un architecte star danois à l’ego démesuré, Bjarke Ingels, de l’Etat, de la région et du maire PS de Gonesse médusés par un investissement de… 3,1 milliards d’euros. Comment peut-on promouvoir un pareil urbanisme dans le contexte de crise climatique et écologique actuel ?

Pourtant, la commission départementale de préservation des espaces naturels (Copenaf) est contre, l’ex-ministre Nicolas Hulot y était opposé, le plan local d’urbanisme (PLU) de Gonesse a été rejeté, la ZAC Triangle de Gonesse annulée. Mais malgré cela, l’Etat veut passer en force et a démarré cet été les travaux de la gare en plein champ, à 1,7 km de toute habitation, face à des militants sur place résolus à les freiner.

Nous voulons rappeler les incohérences des responsables politiques qui déclarent ce projet d’« utilité publique » et qui ont fait appel contre l’annulation de la ZAC, revalidée le 11 juillet, tout en parlant de transition écologique et de lutte contre le réchauffement climatique.

On constate, en Ile-de-France, un appauvrissement, voire un déclin de la biodiversité ces treize dernières années (Natureparif, 2016). Les plantes ont diminué de 20 % et les papillons de 18 % entre 2009 et 2015, la richesse des espèces a chuté de 45 % dans les grandes cultures dépourvues de bordures végétales (biotopes) contre 15 % dans celles qui en sont pourvues.


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La firme californienne, qui estime bien connaître ses clients et récolter suffisamment de données sur l’usage de leurs véhicules, a annoncé qu’elle allait leur proposer des contrats d’assurance avec des prix compétitifs, explique Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Pertes & profits. Dans l’adversité, ne jamais marquer de pause. Malmené par la Bourse, confronté à des difficultés de production et de distribution, le trublion de l’industrie automobile mondiale Tesla trace son sillon. Producteur de panneaux solaires, de batteries et, bien sûr, de voitures électriques, Elon Musk s’imagine comme le Ford du XXIe siècle, réinventant les codes du business en renouant avec le rêve de l’intégration verticale : de la génération d’électricité aux services en tous genres autour de la voiture. Dernière brique en date, l’annonce, sur son blog, mercredi 28 août, que la société allait proposer à ses clients des contrats d’assurance.

Comme il l’indique lui-même, son intention est de proposer des contrats entre 20 % et 30 % moins chers à ses seuls clients. Il estime bien les connaître, récolter suffisamment de données sur l’usage de leurs véhicules pour affirmer que, grâce à la sûreté de ses engins, ils ont moins d’accidents que la moyenne et devraient donc payer moins cher. Il est vrai que ses acheteurs se plaignent régulièrement de tarifs prohibitifs. La Tesla Model S serait ainsi l’une des voitures les plus chères à assurer dans sa catégorie. Non pas que les conducteurs soient des risque-tout pied au plancher, mais parce que les frais de réparations d’un tel véhicule seraient particulièrement élevés.

La tentation de faire le tri

Pour l’instant, l’expérimentation sera modestement réservée à la Californie, seul Etat où la firme dispose d’une licence de courtier en assurance. Mais l’intention affichée est bien de s’étendre à tout le pays. De même, l’entreprise s’est alliée à un spécialiste, Markel, filiale de la State National Insurance Company. Mais, selon le Financial Times, elle n’exclut pas de devenir assureur de plein droit. Une différence majeure. Nombre de constructeurs passent des accords avec des assureurs, mais ils ne se risquent pas à basculer dans ce métier de financier à haut risque et extrêmement régulé. Même si le développement de l’électronique embarquée dans les automobiles, la connectivité et les voitures autonomes sont en train de changer la donne.

Historiquement, l’assurance s’est construite sur l’idée de la mutualisation des risques. Plus ces derniers sont nombreux, plus le nombre d’adhérents doit être grand pour que les conducteurs prudents financent ceux qui le sont moins ou qui ont eu moins de chance. La tentation est désormais grande de faire le tri grâce à la masse de données recueillies, et donc la connaissance de ses conducteurs. Mais tous les professionnels savent qu’aller trop loin dans ces pratiques aboutit à tuer le concept même d’assurance.


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A Angers, le Casino de La Roseraie fonctionne le dimanche après-midi avec trois « animatrices », employées par un prestataire, chargées de « fluidifier » le passage aux caisses automatiques.

« Attention, Madame, à partir de 12 h 30, l’alcool ne passe plus à la caisse. » L’agent de sécurité déroule le cordon rouge devant le rayon, qui restera inaccessible tout l’après-midi. Dolorès (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat), sexagénaire, presse son mari qui hésite devant les bouteilles d’apéritif. Pour éviter les débordements du premier dimanche d’ouverture de l’hypermarché Casino d’Angers, le 25 août, la direction du magasin a recruté un bataillon de 25 vigiles. A l’extérieur, la police a déployé autant de fonctionnaires pour décourager les fauteurs de troubles. Ce dimanche 1er septembre, ils ne sont qu’une vingtaine à s’être donné rendez-vous devant les portes du magasin. Des « gilets jaunes », essentiellement. Contrairement au dimanche précédent, les syndicats ont déserté la place.

« C’est assez angoissant, déclare Dolorès, en passant devant deux colosses en costume noir. Je trouve super bien que cela soit ouvert le dimanche après-midi, moi je suis pour. Après tout, c’est le choix de chacun. C’est ça, le nouveau monde. »

La direction a contourné la loi

Depuis le 25 août, Géant Casino a élargi la brèche ouverte dans 83 de ses supermarchés en janvier. Avec ses 5 200 m2, l’hyper de la Roseraie, à Angers, est à peine plus grand. On peut désormais y faire ses courses sept jours sur sept, dimanche après-midi compris, jusqu’à 21 heures.

La loi interdit pourtant aux grandes surfaces d’employer du personnel après 13 heures le dimanche, excepté en zone touristique. Pour en arriver là, la direction a dû la contourner. A 12 h 30, les caissières stoppent leur tapis et rentrent chez elles. Elles sont remplacées par trois « animatrices », employées par une société prestataire, qui sont chargées de « fluidifier » le passage des clients aux caisses automatiques.

Malgré le chahut constaté le 25 août, avec des consommateurs conspués par les manifestants, des paniers remplis et abandonnés dans les allées, des marchandises jetées à terre, la direction de Casino ne baisse pas les bras, bien au contraire. Dans un contexte difficile pour la grande distribution, l’ouverture du dimanche après-midi est stratégique. Le 25 août, environ 500 clients ont été comptabilisés l’après-midi, contre 1 100 entre 9 heures et 12 h 30. L’ouverture du dimanche matin, décrétée en avril 2018, représente déjà 5 % du chiffre d’affaires hebdomadaire.


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