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Les opérateurs de télécommunications misent sur la fibre pour améliorer leurs revenus futurs misant davantage.
Alors que sonne la cloche de la rentrée, l’heure est au bilan pour les opérateurs, qui entament le dernier tournant de l’année 2019. Mardi 3 septembre, Free (dont le fondateur Xavier Niel est actionnaire du Monde à titre individuel) a clôturé le traditionnel bal des annonces de résultats semestriels, suivant de peu Bouygues Telecom, Orange et SFR les ayant devancés en juillet. Avec un constat : si le marché des télécoms ne connaît pas de croissance flamboyante, du moins profite-t-il d’une légère accalmie, les opérateurs tirant globalement leur épingle du jeu sur les six premiers mois de l’année.
Après s’être livré une intense guerre des prix à coups de promotions, les opérateurs ont légèrement levé le pied depuis le début de l’année, misant davantage sur l’amélioration de la qualité de leurs réseaux et de leurs services clients pour fidéliser les abonnés. Conséquence : des taux de désabonnement généralement en baisse. Dans l’ensemble, les opérateurs sont même parvenus à recruter des clients, tant sur le mobile que sur le fixe. Bouygues Telecom affiche ainsi une belle santé, avec un chiffre d’affaires en croissance de 14 % sur un an au premier semestre, gagnant 280 000 abonnés sur le mobile et 176 000 sur la fibre, SFR confirme sa reprise après deux années chaotiques et Free enregistre une hausse de 7,9 % de ses ventes.
« Le climat s’est certes un peu amélioré, mais il reste difficile. Les offres commerciales agressives qui ont permis à certains de récupérer des abonnés n’ont pas totalement disparu, même si l’ampleur des rabais a un peu diminué», tempère Stéphane Beyazian, deMainFirst Bank.
La bataille se joue désormais sur la fibre, dont le succès auprès des consommateurs ne se dément pas. Au premier semestre, les quatre opérateurs ont ainsi converti 953 000 clients à cette technologie, Orange cumulant 328 000 recrutements, Free – seul acteur du marché à avoir perdu des abonnés sur le mobile cette année – le talonnant avec 322 000 recrutements. « C’est un moyen pour eux de préparer l’avenir. La fibre, dont les abonnés sont plus fidèles, est un cheval de Troie qui leur permettra de développer de futurs revenus, en proposant, par exemple, des services associés pour la maison connectée », estime Sylvain Chevallier, de BearingPoint.
Les prochains mois s’annoncent chargés. En plus de la poursuite des déploiements de la fibre et du réseau 4G, les opérateurs vont devoir gérer le brûlant dossier de la 5G, dont l’attribution des précieuses fréquences est prévue d’ici à la fin de l’année. Mi-juillet, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a dévoilé une ébauche des règles du jeu des futures enchères et lancé une consultation publique auprès des opérateurs. Ces derniers doivent lui rendre leurs remarques mercredi 4 septembre.
Mais, d’ores et déjà, les détails du mécanisme ne font pas l’unanimité. Le régulateur propose une procédure d’attribution des fréquences en deux temps avec, d’un côté, quatre blocs identiques à prix fixe et, de l’autre, des enchères, imposant une limite de spectre de 100 mégahertz (MHz) par opérateur. Un garde-fou jugé insuffisant par Bouygues Telecom, qui s’inquiète d’un « scénario noir » dans lequel il terminerait la course avec seulement 50 MHz quand ses rivaux aux poches plus profondes, Orange et SFR, en auraient le double. « Nous ne pourrons pas faire de la 5G avec une vraie valeur ajoutée, notamment pour les entreprises, si nous n’avons que 50 MHz.Il nous est répété depuis des années que les pouvoirs publics sont attachés au fait d’avoir quatre opérateurs sur le marché. C’est le moment de le prouver », note Didier Casas, son directeur général adjoint.
L’enjeu est crucial : plus un opérateur disposera de spectre, plus il sera en mesure de proposer des débits élevés en 5G et, in fine, d’attirer une clientèle plus nombreuse dans ses filets pour augmenter ses revenus. Bouygues Telecom réclame au régulateur d’abaisser le plafond de 100 MHz et d’augmenter le socle de spectre minimum garanti à chaque opérateur. Une position partagée par Free : « Cet appel d’offres doit à la fois favoriser l’investissement et la concurrence et garantir à chacun des opérateurs au moins 60 MHz », plaide Thomas Reynaud, son directeur général. La rentrée risque d’être houleuse.
Source : Télécoms : coup de frein sur la guerre des prix
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Lors de sa réunion du 12 septembre, la BCE devrait prendre de nouvelles mesures accommodantes. Mais comme pour ses homologues, ses outils permettant de soutenir l’activité sont désormais limités.
Avant 2008, on parlait très peu d’eux et le grand public les ignorait largement. Depuis la dernière crise, tout a changé : au moindre ralentissement de l’activité, au premier coup de chaud sur les Bourses, tous les yeux se tournent vers les banquiers centraux. Les gouvernements comme les investisseurs attendent qu’ils évitent le collapse des marchés financiers, déjouent le risque déflationniste ou relancent le crédit aux ménages et aux PME. Ce qu’ils se sont efforcés de faire ces dix dernières années.
Alors que l’économie mondiale donne de nouveau des signes de faiblesse, la planète finance et politique attend encore qu’ils fassent des miracles. Aux Etats-Unis, Donald Trump invective le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, a longueur de Tweet, pour le convaincre de baisser plus rapidement ses taux directeurs, qui déterminent le loyer de l’argent. Même si, fin juillet, il les a baissés d’un quart de point (ils évoluent aujourd’hui entre 2 % et 2,25 %), ce n’est pas encore assez au goût du président américain.
En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) a signalé en juin qu’elle prendrait de nouvelles mesures le 12 septembre. Son taux directeur, déjà à zéro, ne devrait guère bouger. En revanche, elle pourrait baisser encore son taux de dépôt, actuellement à – 0,4 % : l’équivalent d’une taxe imposée sur les sommes que les banques laissent à court terme dans ses coffres. Elle pourrait également réactiver ses rachats de dettes publiques et privées (le quantitative easing, ou QE).
Certains économistes assurent qu’elle saura inventer de nouveaux outils en cas de besoin. Beaucoup soulignent néanmoins que, comme la plupart de ses homologues, elle a déjà utilisé une grande partie des cartouches à sa disposition pendant la dernière crise. De fait, son président Mario Draghi, qui sera remplacé début novembre par Christine Lagarde, répète le même message depuis des mois : c’est désormais aux Etats d’agir pour soutenir l’activité, en utilisant leur budget et en adoptant les réformes nécessaires pour gonfler la croissance future.
Sur tous les continents, l’on sent poindre une certaine lassitude chez les banquiers centraux. Elle s’est notamment exprimée lors du dernier symposium de la Fed, tenu à Jackson Hole (Etats-Unis) du 22 au 24 août. Tous partagent un double constat. D’abord, ils ne comprennent pas bien pourquoi ils échouent partiellement à tenir leur principal objectif : celui de maintenir l’inflation autour de 2 %, niveau jugé synonyme d’une économie en bonne santé. La théorie économique dit que lorsqu’un Etat atteint le plein-emploi, les entreprises augmentent les salaires pour attirer les candidats, et répercutent cette hausse sur leurs prix pour conserver leurs marges (c’est ce que l’on appelle la courbe de Phillips).
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Le réalisateur de « The Laundromat » explique comment il a conçu cette comédie noire sur les « Panama papers », présentée triomphalement à la Mostra de Venise avant sa diffusion sur Netflix.
Pour raconter au cinéma les « Panama papers » et leurs labyrinthes de sociétés-écrans, le documentaire semblait s’imposer. Steven Soderbergh et son scénariste, Scott Z. Burns, ont préféré la fiction, plus fort encore, la comédie. Présenté triomphalement à Venise, The Laundromat se présente sous la forme d’un entrelacs d’histoires qui changent allègrement de tonalité et de continent, des Bahamas à Pékin, de Las Vegas à Panama.
Gary Oldman et Antonio Banderas interprètent MM. Mossack et Fonseca, on croise Sharon Stone, Jeffrey Wright, David Schwimmer ou Matthias Schoenaerts, mais la star du film est Meryl Streep, incarnation familière, drôle et bouleversante de l’une des innombrables victimes du système financier dont le cabinet Mossack Fonseca était l’un des rouages. Le réalisateur explique le cheminement de ce projet de sa conception à sa mise en ligne sur Netflix, le 18 octobre.
De l’extérieur, on peut penser qu’il y a une intention politique derrière ce projet. Dans mon esprit, c’est avant tout une histoire qui se passe dans notre monde, qui est intéressante, qui vaut la peine d’être discutée. Le timing me semblait bon. C’était une histoire qui, même si elle n’est pas terminée, a connu son troisième acte, c’est-à-dire les fuites et les révélations. Nous avions tous les deux vu et beaucoup apprécié Les Nouveaux Sauvages[comédie argentine à sketches de Damian Szifron, présentée à Cannes en 2014] et Scott a proposé de suivre cet exemple, avec des histoires multiples, tirées des fuites.
On a utilisé Mossack et Fonseca comme les hôtes d’un spectacle de variété qui nous guident à travers le film, en le rendant très théâtral. Il me semblait que c’était la seule manière de le faire.
Jake Bernstein [du Consortium international des journalistes d’investigation, qui a organisé la diffusion des « Panama papers »] nous a donné une liste avec 30 pays et les histoires les plus intéressantes qui s’y étaient passées.
Les deux qui se sont imposées tout de suite étaient celle du naufrage du bateau [de croisière, sur un lac américain, auquel le personnage joué par Meryl Streep survit, pour être ensuite flouée par une compagnie d’assurance], parce que c’était une tragédie et qu’elle présentait une ligne directe entre les activités des sociétés-écrans et la destruction et l’injustice. L’autre était l’histoire chinoise [l’affaire Bo Xilai, dirigeant du Parti communiste compromis dans une affaire de corruption et de meurtre], qui reste incroyable.
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Certaines études montrent que la globalisation ne doit pas se penser uniquement à travers le prisme des inégalités, relate le journaliste du « Monde » Julien Bouissou dans sa chronique.
Chronique. Dans les pays émergents, les gagnants de la mondialisation ne sont pas forcément ceux que l’on imagine. Certes, les ouvriers peu qualifiés bénéficient des emplois créés par les délocalisations. Mais ces ouvriers appartiennent aussi, et surtout, à des basses castes, des ethnies, des communautés religieuses discriminées dans leur pays, des catégories ignorées en Occident, sans doute parce qu’elles ne lui sont pas familières.
En Inde, par exemple, « la libéralisation du commerce offre de nouvelles opportunités de progrès économique pour les membres de groupes ethniques historiquement discriminés » (« Attitudes Toward Globalization in Ranked Ethnic Societies », Nikhar Gaikwad et Pavithra Suryanarayan, SSRN Electronic Journal, janvier 2019). L’article de ces deux chercheurs a reçu en 2019 le prix de l’Association américaine des sciences politiques (APSA) pour ses « conclusions importantes et inhabituelles ».
On y apprend que, traditionnellement, les groupes discriminés concentrent le maximum d’emplois non qualifiés, souvent dans le secteur informel, comme le travail du cuir chez les intouchables. Lorsque ces secteurs à forte intensité de main-d’œuvre se développent grâce aux exportations, comme c’est souvent le cas dans les pays émergents, ces groupes discriminés en bénéficient. L’économie mondiale leur offre également une mobilité professionnelle, alors qu’ils sont traditionnellement cantonnés à un nombre restreint d’activités.
Il faut aller au-delà des critères habituels tels que les niveaux de revenu, de qualification ou d’éducation pour vraiment mesurer les effets de la mondialisation dans de nombreux pays émergents. Et prendre en compte la question raciale, en Afrique du Sud par exemple, ou encore celle des castes en Inde, car elles façonnent les attitudes vis-à-vis du commerce extérieur.
Les chercheurs constatent qu’on ne s’est jamais intéressé à ce que pensent les groupes discriminés de la mondialisation. Au pire, on a estimé qu’ils n’avaient aucun avis parce qu’ils ne sont pas éduqués. Au mieux, on a entretenu l’idée qu’ils étaient méfiants vis-à-vis de la libéralisation des échanges commerciaux, par crainte de ne plus être protégés par l’Etat. Or en analysant les résultats électoraux indiens circonscription par circonscription sur plusieurs années, les chercheurs constatent que la simple appartenance à un groupe discriminé façonne une attitude positive vis-à-vis de la mondialisation, tandis que parmi les castes supérieures ou les communautés privilégiées, les avis divergent en fonction des intérêts économiques de chacun. Les intouchables ou les musulmans en Inde font volontiers l’éloge de la mondialisation, tandis que des grands chefs d’entreprise indiens y voient parfois une nouvelle forme de « colonisation occidentale ».
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