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La puissance et la richesse de Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft poussent l’Europe et les Etats-Unis à agir. Enfin, souligne Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.
Chronique. Longtemps, le marché passé par les géants du Web avec le public est resté obscur. Forts de la promesse d’un monde sans frontières, vaste forum où toutes les libertés pourraient s’épanouir et les droits humains prospérer, où le travail serait enrichi par l’automatisation des tâches d’exécution, les promoteurs du numérique nous ont offert un univers fabuleux de messageries instantanées, de réseaux sociaux, de « nuages » aux capacités de stockage illimitées. Nous nous épanchons sur des visiophones planétaires, nous roulons malin grâce aux GPS participatifs, nous retrouvons en deux clics le nom ou l’idée oubliée, et partageons avec le monde entier nos enthousiasmes et nos colères.
Il a fallu du temps, mais le contrat implicite imposé par les Gafam à leurs milliards d’utilisateurs a fini par s’éclaircir : en échange de la fourniture gratuite de services performants et attractifs, Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft se sont arrogé le droit d’épier nos moindres gestes, de mémoriser nos choix, de collecter à grande échelle ces données personnelles pour les revendre ou les utiliser à leur profit.
« Beaucoup de consommateurs croient qu’Internet est gratuit. Nous savons, au regard des profits de Google [27,8 milliards d’euros de bénéfices en 2018], que ce n’est pas le cas », remarque le Texan Ken Paxton, l’un des cinquante procureurs d’Etats américains ; il vient d’ouvrir une enquête visant Google, accusé de monopoliser et de fausser le marché.
Des scandales comme celui de la firme Cambridge Analytica qui a aspiré les données de dizaines de milliers d’utilisateurs de Facebook afin de diffuser des messages ciblés favorables au Brexit et à Donald Trump, ont contribué à dessiller les yeux des consommateurs. Ces révélations de manipulation politique, comme celles dénonçant les dégâts sociétaux liés à l’addiction à l’Internet, ont semblé un temps remettre en cause la prééminence des Gafam et menacer leur popularité planétaire.
Il n’en est rien. Le « tech backlach », ce retour de bâton annoncé aux Etats-unis, ne s’est pas produit, souligne le New York Times. La répugnance que peut nous inspirer le vaste hold-up opéré sur nos vies privées est loin de surpasser notre dépendance à nos smartphones et autres appareils connectés. Le nombre de comptes Facebook augmente de 8 % chaque trimestre et les ventes d’Alexa, l’enceinte connectée d’Amazon, se portent à merveille. Comme face au changement climatique, nous pestons mais ne changeons guère.
Lire la suite : « Les Gafam défient désormais les principaux Etats du globe. Et ces derniers contre-attaquent »
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L’école des Mines et le CHU de Saint-Etienne ont développé la « jumelle » d’une salle d’urgence qui permet à des étudiants, munis de casques de réalité virtuelle, de comprendre la gestion des flux.
Par centaines, les blessés affluent. L’attentat a eu lieu il y a moins d’une heure et le service des urgences du CHU de Saint-Etienne est totalement saturé. A cet instant, la gestion des flux est cruciale pour prendre en charge au plus vite toutes les victimes.
Derrière son casque de réalité virtuelle, Jémil tente de saisir au mieux ce qui se passe. Heureusement, cet attentat n’est qu’une simulation. En ce jour de rentrée à l’école des Mines de Saint-Etienne (Loire), les élèves de deuxième année spécialitéingénierie biomédicale s’essaient à une nouvelle pratique pédagogique, sous la houlette de leur professeur en ingénierie des systèmes de santé, Vincent Augusto.
En 2017, celui-ci a entrepris avec le CHU de Saint-Etienne un programme de réalité virtuelle dont les élèves vont s’emparer pour la première fois cette année : le « jumeau digital » de l’hôpital, qui combine simulation et suivi en temps réel du service des urgences. Objectif : savoir diagnostiquer une situation, la retranscrire, la modéliser et proposer des solutions d’optimisation des ressources. Grâce aux indicateurs réels fournis par le CHU, les étudiants ingénieurs connaissent le nombre de patients en attente, leur heure d’arrivée, l’état de surcharge de tel ou tel médecin…
Avec la médecine, les technologies de réalité virtuelle semblent avoir trouvé un solide point d’entrée dans l’enseignement supérieur.
« C’est vraiment très réaliste, je reconnais tout à fait les lieux », commente tout haut Jémil qui, inscrit dans un double cursus Ecole des Mines/fac de médecine, a passé deux mois en stage comme aide-soignant aux urgences. « Il serait intéressant de connaître la raison de la venue des patients. On pourrait évaluer la durée d’attente en fonction des affections déclarées », observe-t-il. « Pour l’instant on ne s’occupe que de la gestion des flux, explique Vincent Augusto. Mais dans un second temps, nous demanderons l’autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’enrichir nos simulations avec les données médicales. »
Avec la médecine, les technologies de réalité virtuelle semblent avoir trouvé un solide point d’entrée dans l’enseignement supérieur. Pour Maxime Ros, neurochirurgien et président de la start-up de réalité virtuelle Revinax, les étudiants y ont tout à gagner. « Tous les supports pédagogiques s’approchent de la réalité mais pas suffisamment pour permettre de reproduire parfaitement une procédure, explique-t-il. En neurochirurgie pédiatrique par exemple, les experts sont très peu nombreux. Pour apprendre de nouvelles techniques, on s’appuie surtout sur du compagnonnage, de l’artisanat. Et lorsqu’on a soi-même à réaliser une opération peu de temps après, il est difficile de compter sur sa seule mémoire, notre cerveau ayant perçu les gestes de manière biaisée. » Le cerveau commettrait ainsi jusqu’à 50 % d’erreurs quand il reproduit une procédure observée auparavant. Transmettre une technique, hors réalité virtuelle, n’est donc pas simple, malgré le temps que passent les étudiants auprès de leurs enseignants. En revanche, « le message transmis par la réalité virtuelle présente un atout énorme : il est constant. Tout le monde le perçoit et est en mesure de le restituer de la même façon, ce qui homogénéise la compréhension et les pratiques », affirme Maxime Ros.
Lire la suite : A Saint-Etienne, une salle d’hôpital numérique pour former des étudiants
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L’économiste regrette que les critiques adressées à la réforme des retraites, notamment par Thomas Piketty, négligent un point essentiel : celui du partage de la valeur ajoutée entre masse salariale – dont les pensions de retraites – et profits.
Dans deux points de vue similaires, l’un paru dans Le Monde du 7 septembre (« Qu’est-ce qu’une retraite juste ? »), l’autre dans Libération du 11 septembre (« Chaque société invente un récit idéologique pour justifier ses inégalités »), Thomas Piketty s’en prend à juste titre au projet d’Emmanuel Macron en matière de retraites. Favorable à un système universel – il pense qu’« une telle réforme n’a que trop tardé en France » –, il en critique néanmoins les modalités qui semblent envisagées par le gouvernement. Mais ses critiques restent à mi-chemin et surtout, occultent trois points essentiels.
Sa première critique vise le principe « un euro cotisé donne droit à un euro de retraite ». Le problème, c’est que ce principe n’a jamais été avancé par le gouvernement qui défend le fait qu’« un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Ce qui n’est pas du tout la même chose…
Au-delà de cette erreur, la critique de l’économiste porte sur le fait qu’un tel principe « revient à sacraliser les inégalités salariales telles qu’elles existent dans la vie active et à les reproduire à l’identique pendant toute la période de retraite ». Certes, mais ce que ne dit pas Thomas Piketty, c’est que par rapport à un régime par annuités, le système par points, auquel il est favorable, aggrave considérablement cette situation.
Avec un système par points, la pension sera calculée sur l’ensemble de la carrière et non sur les meilleures années, ce qui sera nettement moins favorable
Aujourd’hui, la retraite du régime général de la Sécurité sociale est calculée sur la base des 25 meilleures années de salaire, et celle des fonctionnaires sur celui des six derniers mois (le meilleur salaire). Avec un système par points, la pension sera calculée sur l’ensemble de la carrière et non sur les meilleures années, ce qui sera nettement moins favorable, et pénalisera encore plus les salariés les plus précaires, en particulier les femmes. Il ne suffira donc pas de réclamer, comme il le fait, l’augmentation des sommes consacrées aux mécanismes de solidarité pour résoudre ce problème.
Thomas Piketty critique le système par annuités car, nous dit-il, les futurs retraités « n’ont souvent aucune idée des droits à la retraite qu’ils ont accumulés ». Il semble ne pas voir que ce sera encore plus le cas dans un système par points. Dans un régime par annuités, la pension dépend de paramètres a priori connus : nombre d’annuités, taux de remplacement, âge de départ. Le montant de la pension peut donc être calculé à l’avance. Ce n’est pas le cas dans un régime par points où le montant de la pension dépendra de paramètres dont les valeurs évolueront au cours du temps (prix d’achat du point, valeur de service, c’est-à-dire valeur du point permettant de calculer le montant de la pension versée…). En langage technique, on passe d’un régime à prestations définies à un régime à cotisations définies.
Lire la suite : Pierre Khalfa : « Un système par points pénalisera encore plus les salariés les plus précaires »
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Selon le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, l’intégration des énergies renouvelables et des voitures électriques devrait se refléter légèrement sur la facture des consommateurs.
C’était l’un des premiers votes de l’Assemblée nationale de la rentrée. L’adoption définitive du texte sur l’énergie et le climat, mercredi 11 septembre, inscrit dans la loi l’« urgence climatique » et l’objectif de « neutralité carbone » pour 2050. Mais il est surtout nécessaire pour permettre la mise en application de la feuille de route énergétique de la France, la programmation pluriannuelle de l’énergie.
La loi acte notamment la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité, pour atteindre 50 % en 2035 – contre 72 % aujourd’hui. Un objectif qui avait été initialement fixé à 2025 sous le mandat de François Hollande, sur lequel Emmanuel Macron et Nicolas Hulot ont reculé, le jugeant inatteignable.
La feuille de route énergétique prévoit donc que la France aura arrêté quatorze réacteurs nucléaires sur cinquante-huit en 2035, et qu’elle aura multiplié par plus de deux les installations éoliennes et par cinq celles de panneaux solaires. Un changement majeur dans la manière de produire de l’électricité, qui fait passer la France d’un schéma historiquement centralisé dans quelques lieux de production à une multitude de petits sites disséminés sur le territoire.
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE), filiale d’EDF à 50,1 %, a présenté, mardi matin, sa stratégie de développement pour les quinze prochaines années, pour pouvoir faire face à ces défis. « Il ne faut pas voir le réseau comme un squelette, mais plutôt comme un athlète du haut niveau qui passe du triathlon au décathlon », a expliqué au Monde, François Brottes, le président du directoire de RTE.
« Aux enjeux habituels, il faut ajouter le développement des énergies renouvelables, l’arrivée massive du véhicule électrique, l’autoconsommation : il va falloir s’adapter ! »
Autrement dit : la transition énergétique implique un développement majeur du réseau électrique français, qui va nécessiter des investissements colossaux. RTE engage aujourd’hui 1,3 milliard d’euros par an pour maintenir et développer les lignes électriques. L’entreprise prévoit de passer à 2,2 milliards annuellement les quinze prochaines années, soit 33 milliards d’euros.
13 milliards concernent l’adaptation du réseau, 8 milliards le renouvellement des ouvrages les plus anciens, 7 milliards le raccordement de l’éolien offshore, 3 milliards le numérique et 2 milliards pour les interconnexions transfrontalières.
Un coût qui aura un impact pour les consommateurs, puisque les investissements de RTE sont inclus dans un tarif spécifique, qui couvre les coûts du transport et de la distribution d’électricité, et équivaut à près d’un tiers de la facture. Si la Commission de régulation de l’énergieaccepte le schéma présenté par RTE, il faudra s’attendre à une augmentation annuelle de quelques centimes de ce tarif, qui vient s’ajouter aux taxes et au prix de l’énergie. « Ces coûts sont à relativiser, notamment au regard de ce qui est fait chez nos voisins », tient à souligner M. Brottes. « A titre de comparaison, nous estimons le coût de notre projet à 21 milliards d’euros sur dix ans, quand les Allemands prévoient 60 milliards. »
A quoi vont servir ces investissements ? Outre la rénovation d’un réseau qui a plus de 50 ans, il s’agit de construire de nouvelles lignes pour relier des sites de production de plus en plus nombreux aux lieux de consommation. « Mais, attention, un parc solaire n’écoule pas forcément tous ses électrons dans le village voisin et, la nuit, le village en question a besoin d’électricité qui vient d’ailleurs », explique M. Brottes. Le réseau a ainsi besoin d’être renforcé dans l’axe Normandie-Paris, sur la façade atlantique pour accueillir les parcs éoliens offshore, qui devraient commencer à produire à partir de 2021 et 2022, mais aussi dans le Massif central, un lieu de transit très sollicité et qui risque de l’être de plus en plus.
Ces dernières années, des riverains se sont souvent opposés à l’installation de lignes haute tension, une question que RTE a dû intégrer dans son schéma. « Nous savons qu’il y a sur les lignes aériennes une question d’acceptabilité sociale, donc nous prévoyons de faire essentiellement du souterrain », explique M. Brottes.
Mais il ne s’agit pas uniquement de construire de nouvelles lignes : le réseau va être mieux équipé en appareils de collecte de données, pour mieux faire face aux événements climatiques, aux fluctuations de la production, notamment de la part des énergies renouvelables, qui produisent de manière variable. Il va aussi devoir résoudre la problématique du stockage, à travers des batteries sur le réseau, mais surtout avec l’intégration de millions de véhicules électriques. « On estime qu’en 2035 les voitures électriques peuvent représenter en stockage l’équivalent de dix STEP [barrages hydroélectriques permettant de stocker de l’électricité] », s’enthousiasme M. Brottes, qui souligne que les batteries de ces véhicules, très souvent stationnés, pourront servir de relais au réseau.
L’évolution du réseau électrique est aussi soumise à une forte pression européenne : l’Allemagne prévoit, dans les prochaines années, de sortir du nucléaire, puis du charbon et d’augmenter ses capacités de production éolienne et solaire. Pour équilibrer le réseau, nos voisins vont devoir exporter de manière massive à certains moments et importer à d’autres. Pour répondre à cette évolution, les capacités d’échange avec les pays voisins seront doublées en quinze ans.
Un changement structurel qui devra donner lieu à une gestion du réseau encore plus fine qu’aujourd’hui. « Actuellement, on gère 300 000 données par seconde sur le réseau, on va passer à un million », prévoit M. Brottes.
Source : La transition énergétique devrait coûter 33 milliards d’euros sur quinze ans au réseau électrique