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Née aux Etats-Unis en 1932, en pleine crise économique, la stratégie consistant à réduire la durée de vie des objets visait à remédier au chômage de masse. Une pratique aujourd’hui dénoncée au nom de la lutte contre le gaspillage et de la protection de l’environnement.
Les détracteurs de l’obsolescence programmée viennent de remporter une bataille : le 26 septembre, lors de l’examen du projet de loi contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, le Sénat a adopté un amendement obligeant les fabricants à offrir aux consommateurs une information « simple » sur la « réparabilité » des équipements électriques et électroniques. Ce texte devrait satisfaire tous ceux qui estiment que cette tactique industrielle, qui consiste à réduire délibérément la durée de vie des objets afin d’encourager la consommation, est le nouveau mal du siècle.
En 1952, le designer Brook Stevens incite les entreprises de biens courants à introduire« délibérément », dans les bons produits, « quelque chose qui va les rendre démodés, dépassés, obsolètes »
Lorsque cette notion d’obsolescence programmée apparaît pour la première fois, en 1932, aux Etats-Unis, elle n’a pourtant aucune connotation péjorative. L’expression naît, pendant la Grande Dépression des années 1930, sous la plume d’un agent immobilier new-yorkais qui souhaite réduire le chômage de masse : pour Bernard London, l’obsolescence programmée permettra de sortir du marasme économique né du krach boursier d’octobre 1929. Dans un ouvrage que les éditions Allia viennent de republier, L’Obsolescence programmée des objets (48 p., 6,20 euros), il affirme qu’il faut imposer une date de péremption légale aux objets afin d’obliger les consommateurs à les renouveler très régulièrement. « Notre grand travail est d’accélérer l’obsolescence », renchérit, deux ans plus tard, le patron de General Motors, le grand rival d’Henry Ford.
Si, au XIXe et au début du XXe siècle, le mot n’existe pas encore, les historiens et les économistes voient cependant déjà des traces de cette stratégie dès la montée en puissance de la société industrielle. L’essor des grands magasins décrit par Zola dans son roman naturaliste Au Bonheur des Dames, en 1883, raconte ainsi la naissance d’une société où le renouvellement des gammes devient l’alpha et l’oméga de l’économie capitaliste.
Une stratégie ouvertement revendiquée, près d’un siècle plus tard, par le designer américain Brook Stevens (1911-1995) : en 1952, il incite les responsables des entreprises de biens courants, comme le textile, l’électroménager ou la voiture, à introduire « délibérément », dès l’année qui suit la mise sur le marché d’un bon produit, « quelque chose qui va rendre ces produits démodés, dépassés, obsolètes ». « Nous faisons cela pour une raison évidente : gagner de l’argent », conclut-il.
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Promesse d’Emmanuel Macron, le revenu universel d’activité vise à grouper en une prestation unique l’ensemble des minima sociaux, parmi lesquels l’allocation aux adultes handicapés.
Le comité d’entente des cinquante-cinq associations de handicapés et de leurs familles est en colère et ne cache pas son inquiétude à propos de la nature du futur revenu universel d’activité (RUA), en cours de discussion. Il s’agit d’une promesse du président de la République qui, le 13 septembre 2018, dévoilant, au Musée de l’homme, sa stratégie de lutte contre la pauvreté, annonçait notamment : « Je souhaite que nous créions, par une loi, en 2020, sur la base d’un travail collectif, un revenu universel d’activité qui fusionne le plus grand nombre possible de prestations et dont l’Etat sera entièrement responsable. »
Cela signifiait le « droit à être aidé et accompagné, selon les spécificités de chacun, avec ce service public de l’insertion. En contrepartie, nous veillons à ce que les devoirs soient respectés, c’est-à-dire que chacun s’efforce réellement de retrouver une activité qui devra, bien entendu, être adaptée aux caractéristiques de chacun ».
Or, c’est ce dernier point qui choque les associations, à travers la formule « il faut que le travail paie » – sous-entendant que « le travail » doit rapporter plus que la somme des aides accordées. Au cours des négociations, qui se sont intensifiées depuis la rentrée, l’argument est en effet répété à l’envi par Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, et Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du revenu universel d’activité.
Pour Roselyne Touroude, vice-présidente de l’Union nationale de familles et amis des personnes malades ou handicapées psychiques (Unafam), qui s’exprimait lors d’une conférence de presse, mardi 8 octobre, « l’allocation aux adultes handicapés [AAH] n’est pas un minima comme les autres. C’est un revenu d’existence pour ceux qui sont dans l’incapacité totale ou partielle de travailler en raison de leur handicap, un revenu garanti par la solidarité nationale et non la solidarité familiale, même si celle-ci a évidemment une place ».
Pour ces acteurs de terrain, l’AAH est bien une conquête pour l’autonomie, durement obtenue avec la loi du 30 juin 1975 et renforcée en 2005. D’un montant mensuel porté à 900 euros au 1er novembre 2019, elle bénéficie à 1,1 million de personnes handicapées, dont le nombre a doublé entre 1990 et 2017.
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Le syndicat majoritaire du secteur a organisé une journée de blocage pour appeler à une meilleure considération des agriculteurs et inciter le grand public à « acheter français ».
Face à la cinquantaine de tracteurs garés sous une pluie battante, devant le péage autoroutier de Coutevroult (Seine-et-Marne), les automobilistes sont d’abord sceptiques. Avant d’accepter, avec le sourire, les baguettes et les pommes tendues à leur fenêtre par les agriculteurs de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA).
Les deux syndicats majoritaires de la profession étaient à l’initiative d’opérations « péage gratuit » et de blocages routiers dans toute la France, mardi 8 octobre, pour répondre à la « surenchère » de reproches dont ils se disent la cible. « Pourquoi un tel niveau de violence ? », s’interroge Cyrille Milard, secrétaire de la FDSEA en Seine-et-Marne. « Le grand public ignore tout de la manière dont on travaille. Nous voulons rappeler que l’agriculture française n’utilise que des produits autorisés et est l’une des plus contrôlées du monde, assène l’agriculteur céréalier, propriétaire d’une exploitation de 360 hectares. Quand tout le monde dit qu’on fait n’importe quoi, ce n’est pas la réalité ! »
Pendant trois heures, plus de cinquante agriculteurs vont profiter des quelques secondes de discussion à la fenêtre des véhicules pour tenter de combattre l’« agribashing » qu’ils ressentent sur de nombreux sujets : les critiques sur l’usage des produits phytosanitaires ne sont « pas basées sur la science », la signature d’accords de libre-échange « mauvais pour le modèle agricole français », le débat public sur l’agriculture biaisé par de « fausses informations »…« N’écoutez pas les médias, écoutez les agriculteurs »,lance à plusieurs conducteurs Pierre Courtier, céréalier dans la commune de Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne).
Le lancement, par le gouvernement, d’une consultation sur la distance à respecter entre les aires d’épandage de produits phytosanitaires et les habitations – appelée zones non traitées (ZNT) – a participé à mobiliser avant la journée d’action nationale. « La ZNT est une pure hérésie, commente Aymeric Proffit, cultivateur de céréales et de pommes de terre à Réau (Seine-et-Marne). Dans l’épandage, rien n’est laissé au hasard. On utilise peu de produits et on est outillé pour le diffuser de manière précise et efficace. Avec les précautions qui s’imposent : jamais je n’en utilise près d’une école entre 14 heures et 17 heures, lorsque les enfants risquent d’être à l’extérieur des classes », prend pour exemple le trentenaire, qui a repris l’exploitation de ses parents en 2014.
« C’est un nouveau petit couteau dans le dos, comme toutes les nouvelles normes que nous ne comprenons pas », renchérit Olivier Flé, céréalier et distillateur de whisky à Fresne-sur-Marne, dans le nord du département. « L’Etat cultive l’ambiguïté et hystérise le débat en autorisant des produits tout en concédant des mesures à ceux qui les critiquent, estime l’exploitant de 240 hectares de cultures. Si les produits phytosanitaires étaient dangereux, ils seraient interdits. Ce n’est pas le cas, nous sommes dans notre droit de les utiliser. »
Tout en s’affichant « solidaires de tous les modèles agricoles », les manifestants de la FNSEA et des JA font la liste des reproches spécifiquement adressés à l’agriculture conventionnelle, principale utilisatrice de pesticides, aux rendements les plus importants et fournissant une grande part des exportations françaises. « C’est un faux procès, considère Pierre Beaudoin, céréalier membres des JA. Mon père utilisait moins de produits que mon grand-père, et j’ai encore divisé par deux [leur utilisation] depuis que j’ai repris l’exploitation. » « Les appels à plus de bio sont nombreux, mais est-ce que tous les consommateurs vont pouvoir faire face à l’augmentation des prix ? », se demande de son côté Mathieu Beaudoin, notamment producteur de betteraves à Evry-Grégy-sur-Yerre.
Alors qu’une buvette s’installe sous une tonnelle au bord du péage de Coutevroult, les agriculteurs sont nombreux à témoigner d’un sentiment d’injustice vis-à-vis du « manque de considération » du grand public et des politiques. « Les paysans sont une cible trop facile », considère Olivier Flé. Après avoir ouvert un compte Twitter pour faire la promotion de son exploitation, il a décidé de le fermer et de s’éloigner des réseaux sociaux. « Je me prenais trop de trucs dans la gueule », témoigne-t-il.
Comme dans d’autres départements, la FNSEA a participé à la mise en place d’une « charte de bon voisinage » en Seine-et-Marne pour mieux faire connaître la réalité des pratiques agricoles aux nouveaux habitants en zone rurale. « Nous sommes des agriculteurs et pas des communicants, et cela nous a été préjudiciable, concède Cyrille Milard. Mais on fait tout pour se rattraper. »
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L’ascensoriste devra payer un peu plus de 770 000 euros de dommages et intérêts pour avoir entravé l’évolution de carrière de douze salariés membres de la CGT.
Un nom vient de s’ajouter à la liste des entreprises condamnées pour discrimination syndicale : celui d’Otis-France. Mercredi 25 septembre, l’ascensoriste a été sommé, par la cour d’appel de Versailles, de payer un peu plus de 770 000 euros de dommages et intérêts pour avoir entravé le déroulement de carrière de douze de ses salariés, encartés à la CGT. Une addition très salée à laquelle vont s’ajouter des rappels de salaires et de primes, non chiffrés dans les décisions rendues par la juridiction. Sans constituer un record, les sommes allouées offrent « un très bon niveau de réparation » dans un dossier où la discrimination présente un « caractère systémique », commente Me Emmanuelle Boussard-Verrecchia, l’une des avocates des syndicalistes.
La plupart des victimes travaillent ou ont travaillé comme agent de maintenance, dans différentes agences de l’entreprise disséminées sur le territoire. Toutes ont commencé à avoir des ennuis avec leur hiérarchie, peu après avoir été désignées déléguées syndicales ou élues dans les instances représentatives du personnel (IRP). Les difficultés ont pris des formes multiples et durables. Problème numéro un : leur rémunération. Non seulement elle a peu progressé mais elle a aussi évolué beaucoup moins vite que celle de leurs collègues ayant un profil comparable. La cour d’appel évoque notamment le cas de Jean-José J., qui « établit être resté au coefficient 190 », de son recrutement en 1993 au mois de juin 2018. Parallèlement, six autres salariés, « dont l’année, l’emploi et le coefficient d’embauche sont similaires », avaient atteint, dès 2010, un coefficient oscillant entre 240 et 305. Une différence de traitement que l’employeur a, aux yeux de la cour d’appel, été incapable d’expliquer de façon convaincante.
Autre grief adressé à Otis : les douze cégétistes se sont, bien souvent, vu proposer des formations en moins grand nombre que les autres membres du personnel. Ils ont par ailleurs essuyé des réflexions désobligeantes de la part de leur chef, certains allant même jusqu’à dénoncer des « intimidations » et des manœuvres de « déstabilisation ». En pleine réunion du comité d’entreprise, l’un d’eux a été traité de « perturbateur » avant d’être interpellé en ces termes : « Nous ne sommes pas à Moscou (…). » A maintes reprises, on leur a reproché de consacrer beaucoup de temps à leurs fonctions syndicales et de négliger l’activité pour laquelle Otis les avait enrôlés. Deux d’entre eux ont été « privés de leurs voitures de service, au profit de motocyclettes », sans que cette décision apparaisse justifiée, rapporte la cour. Un autre a fait l’objet d’une procédure de licenciement, finalement annulée par le ministère du travail, et il a, du même coup, été réintégré.
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