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Les préventions des Etats et des régulateurs ainsi que la mauvaise image du réseau social ont provoqué le départ des principaux partenaires financiers d’un projet qui ne pourra pas voir le jour sans alliance objective avec les politiques, analyse Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Pertes & profits. Genève est une habituée des grandes ambitions internationales. La vieille dame du Léman, austère et détachée, aurait à dire sur la vanité des hommes et sur leurs espérances. Lundi 14 octobre, elle en accueille une nouvelle, celle de créer un nouveau système financier mondial, supposé moins cher et plus juste pour les consommateurs de la terre entière. Pour la première fois, ce n’est pas un pays qui en est porteur, mais une entreprise. Facebook entend créer une monnaie supranationale, le libra, et ses supporteurs se réunissent officiellement pour avaliser leur engagement.

Mais déjà, avant que le moindre centime ne soit émis, la tempête cybermonétaire fait rage. Sur la vingtaine de membres fondateurs annoncés avant l’été, les plus éminents, du moins ceux qui sont les plus proches du métier de la finance, ont déclaré forfait in extremis. D’abord PayPal, la plus populaire des solutions de paiement international sur Internet, puis, vendredi 11 octobre, les réseaux Visa et Mastercard, ainsi que les sociétés eBay et Stripe, ont annoncé qu’ils quittaient le navire.

Un coup dur pour la crédibilité du système

Un coup dur pour la crédibilité du système, si ce n’est pour sa viabilité. Il faut dire que la pression était forte. Deux sénateurs américains ont ainsi personnellement écrit à Visa, Mastercard et Stripe pour les encourager à laisser tomber l’affaire. Un peu plus tôt, le patron du Conseil de stabilité financière, l’organe qui représente les principales places financières mondiales, s’était adressé aux ministres des finances du G20 pour pointer les risques que ferait courir cette monnaie alternative non régulée par les Etats, notamment en termes de protection du consommateur et de l’investisseur, de données privées, de blanchiment d’argent, de concurrence et d’évasion fiscale.

La révolte anti-libra provient de trois fronts différents. Celui des Etats, d’abord, qui redoutent une perte de souveraineté si leur monnaie est d’un coup concurrencée par un avatar sans frontière. Celui du monde de la finance, ensuite, et notamment des banques centrales, qui craignent de ne pas maîtriser le monstre en cas de crise. Et, enfin, le front anti-Facebook. Partout, le réseau social inspire la défiance. Imaginer que cette société sera derrière la première monnaie non étatique donne des sueurs froides au personnel politique.

Or, il n’y a pas d’économie prospère ni de capitalisme de long terme sans une alliance objective entre la puissance publique et son appareil financier, qu’il soit public ou privé. Il ne suffit pas de se réunir sur les bords du Léman et d’invoquer la révolution numérique pour penser s’affranchir de cette loi d’airain.


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Alors que les entreprises n’hésitent plus à recourir aux services de travailleurs en free-lance, comment DRH et manageurs sont appelés à gérer ces collaborateurs venus de l’extérieur ? Un sujet abordé lors de la conférence « Entreprise hub ou Uber ? », organisée le 10 octobre par l’Observatoire des cadres de la CFDT.

A l’ère de « l’entreprise étendue », la sous-traitance de pans entiers de l’activité d’une entreprise à des travailleurs indépendants se banalise et s’accélère. Selon un bilan de la plate-forme de mise en relation Malt, BNP Paribas a recouru aux services de pas moins de 607 free-lances inscrits sur ce service (contre 307 en 2018), suivi de près par Orange (avec l’emploi de 530 free-lances inscrits sur Malt), Publicis (391)… Même les grands comptes n’hésitent plus à confier des projets, parfois d’envergure, à des prestataires extérieurs.

Sur le modèle popularisé par Uber, de nouvelles formes de collaboration voient le jour, par l’intermédiaire ou non d’une plate-forme de « free-lancing ». Lors de l’emploi d’un travailleur indépendant, le contrat de travail se voit remplacé par un contrat commercial entre le donneur d’ordres et le prestataire. Employeurs et direction des ressources humaines (DRH) se retrouvent alors face à un nouveau dilemme : comment manager ces collaborateurs non soumis au fameux devoir de subordination du salarié ? Tel était le sujet de la conférence « Entreprise hub ou Uber ? » organisée par l’Observatoire des cadres de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), le 10 octobre.

« Quand on parle d’entreprise étendue, cela n’a rien de nouveau, rappelle en introduction Laetitia Vitaud, dirigeante du cabinet d’études spécialisé dans le futur du travail Cadre noir Ltd. Depuis les années 1970, le dogme dominant est d’externaliser tout ce qui n’est pas le cœur de métier de l’entreprise, des femmes de ménage aux services support. » Une nouveauté néanmoins : la disparition du contrat de travail, qui régissait les relations entre employeurs et employés. Par ailleurs, « les free-lances ont inventé de nouvelles manières de travailler à travers le coworking, l’utilisation de logiciel en open source… », souligne la spécialiste. De nouvelles méthodes de travail en mode « collaboratif » et « agile », recherchées par les entreprises – en théorie.

Si la flexibilité des free-lances est appréciée, la disparition des rapports hiérarchiques, que sous-tend le statut de travailleur indépendant, se gère plus difficilement. « Les formes de contrôle et de pilotage des entreprises restent dépendantes des logiques habituelles », estime Pascal Ughetto, professeur à l’université de Paris-Est-Marne-la-Vallée et chercheur au sein du Laboratoire techniques, territoires et sociétés (LATTS).


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Bercy voudrait quasiment doubler le nombre de bénéficiaires dans les TPE et les PME d’ici à la fin 2020 en le portant à 3 millions, contre 1,4 million actuellement.

Le gouvernement a pour ambition de doubler le nombre de salariés bénéficiaires d’un dispositif d’épargne salariale dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) d’ici à fin 2020, en le portant à 3 millions contre 1,4 million actuellement. L’objectif est réaliste, selon Christophe Eglizeau. Le directeur général de Natixis Interépargne, filiale de Natixis spécialisée dans l’épargne salariale, estime que « l’ordre de grandeur est bon », à en croire les résultats de sa propre société : « Nous avons enregistré une croissance de plus de 30 % de nos nouveaux contrats signés par des PME depuis janvier. »

Benjamin Sanson, consultant retraite et investissement au sein du cabinet conseil Mercer France, ne partage pas son avis, jugeant le chiffre très ambitieux. « Les PME n’ont pas le réflexe de l’épargne salariale. Elles préfèrent les systèmes de primes et de bonus », explique-t-il. « La performance collective y est moins valorisée que la performance individuelle », préciseStéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la Confédération des PME (CPME).

Les avis sont partagés car les freins sont nombreux dans les petites entreprises : quand il ne s’agit pas de la faible disponibilité voire de l’inexistence des services de ressources humaines, les dispositifs d’épargne salariale sont perçus comme particulièrement complexes. Les chefs d’entreprise eux-mêmes estiment manquer d’informations. « Nous avons tout un travail de pédagogie à faire, reconnaît Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne. Dans les grandes entreprises, les dispositifs d’épargne salariale sont inclus dans la politique de rémunération globale. Les PME sont, elles, sous-équipées. »

« Des mesures fortes »

Certaines incitations semblent toutefois porter leurs fruits. Ainsi pour Julien Niquet, cofondateur d’Epsor, start-up spécialisée dans l’épargne salariale, « l’objectif du gouvernement est très optimiste, mais accompagné de mesures fortes, dont le point majeur est la suppression du forfait social ». Cette contribution patronale de 20 % n’existe plus depuis le 1er janvier sur les primes d’intéressement versées par les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur celles versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur pour celles de moins de 50 salariés.


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Pour aider les actifs à prendre en main leur employabilité et leur parcours professionnel, le gouvernement s’apprête à lancer l’application CPF. Pas sûr qu’elle réussisse ce que des décennies de réformes n’ont pas pu mettre en oeuvre, explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier dans sa chronique.

Chronique « Carnet de bureau ». Comme un mantra, le « juste un clic » est censé incarner la simplification pour réformer la formation. Pour aider les actifs à prendre en main leur employabilité et leur parcours professionnel, le gouvernement s’apprête à lancer l’application CPF (compte personnel de formation) avant la fin de l’année. Le 21 novembre, la formation sera sur « une place de marché », selon les termes de la Caisse des dépôts qui finalise l’opération avec le ministère du travail, sous la forme d’un site Internet d’abord, avant le lancement de l’application mobile proprement dite, prévue « le 1er décembre au plus tard », indique le ministère.

Les 29 millions d’actifs concernés sont invités à croire au monde de la Petite Poucette de Michel Serres, dans lequel les nouvelles technologies libèrent les citoyens d’un simple clic. « C’est une révolution, notre machin », annonce le cabinet de Muriel Pénicaud.

Les salariés pourraient ainsi s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. Ils vont donc enfin se former pour adapter leurs compétences à l’évolution des métiers : c’est en tout cas le pari de ce CPF rénové.

Un produit de consommation

« Juste un clic » pour s’acheter sa formation, comme s’il s’agissait d’un produit de consommation. « On attend avec impatience le 21 novembre. Le salarié prend le pouvoir. Il pourra acheter, consommer. Le marché va être régulé par la satisfaction des usagers qui nous noteront comme sur TripAdvisor », se réjouit Pierre Charvet DG de Studi, un organisme de formation en ligne.

Bien qu’il soit entré en vigueur en janvier 2015, presque cinq ans plus tard le CPF n’est toujours connu que d’un tiers (8,3 millions) des actifs

Du côté de l’intérim, on salue également la facilitation de « l’expérience utilisateur », dans l’espoir que les intérimaires puissent « cibler les compétences attendues sur le marché ». Actuellement, ce sont toujours les moins qualifiés qui se forment le moins.

Une simple application résoudrait ainsi ce que des années de réformes n’ont pas réussi à mettre en œuvre ? On peut en douter. Dans les entreprises, les DRH sont moins enthousiastes que les organismes de formation. Sur l’adéquation des demandes au marché du travail d’abord : qui va empêcher les salariés de choisir des formations déconnectées de leur parcours professionnel ? interpelle l’Association nationale des DRH (ANDRH).


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