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La chercheuse française est colauréate avec les américains Abhijit Banerjee et Michael Kremer, tous trois récompensés pour leurs expériences de terrain dans la lutte contre la pauvreté. Elle est la plus jeune et la deuxième femme jamais récompensée.

La plus jeune (46 ans), l’une des deux seules femmes (après Elinore Ostrom en 2009), le quatrième Français (contre 62 Américains) lauréat du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel : Esther Duflo « coche » plusieurs cases qui marquent cette édition 2019 du Nobel d’économie.

Mais à travers elle et ses deux colauréats, les Américains Abhijit Banerjee et Michael Kremer, ce sont en réalité les travaux d’un laboratoire de recherche, le Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL), qui sont récompensés.

Les deux premiers, mari et femme à la ville, ont cofondé le J-PAL en 2003 au Massachusets Institute of Technology (MIT) ; le troisième, Michael Kremer, ancien du MIT aujourd’hui à Harvard, a publié, en 2004, un article marquant dans la revue Econometrica, où il utilisait une méthode banale de la recherche médicale, « l’évaluation par échantillonnage aléatoire » (randomized controlled trials, RCT), pour évaluer l’impact de l’administration d’un médicament à des enfants kenyans sur… leur fréquentation scolaire. Le principe de la RCT est d’évaluer l’efficacité d’un traitement en comparant la situation d’un échantillon de population « traitée » à celle d’une population non-traitée.

La méthode n’est en fait pas nouvelle en sciences sociales : elle a été utilisée dans les années 1960 pour évaluer les effets des mesures de la « guerre à la pauvreté » du président Lyndon B. Johnson. Mais elle était tombée en désuétude, les économistes préférant baser leurs prescriptions sur des modélisations mathématisées à partir de statistiques – y compris la modélisation des comportements humains – plutôt que sur des expériences de terrain.

Améliorer les politiques publiques

Partant du constat de l’échec des « grands programmes » de lutte contre la pauvreté appliqués selon les mêmes modalités quelles que soient les réalités locales, le J-PAL a systématisé cette méthode dans ce domaine.

En observant de près les changements de comportement des populations face à une aide financière, une nouvelle technologie, une nouvelle réglementation, etc., il est possible, affirme le J-PAL, d’améliorer les politiques publiques. Le J-PAL compte aujourd’hui 180 chercheurs et cinq antennes implantées en Afrique du Sud, au Chili, en Indonésie, en Inde et en France, dédiés à ce type d’expérimentations menées le plus souvent en interaction avec les acteurs de terrain, mais aussi à la formation des experts chargés de leur évaluation.


Lire la suite : Esther Duflo, un choix inédit pour le Nobel d’économie 2019


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La Foire du livre de Francfort, qui ouvre ses portes mercredi, se déroule à un moment-clé pour Editis, numéro 2 français de l’édition, dont le directeur général vient d’être remercié et remplacé par Michèle Benbunan.

Une reprise en main. Le groupe Vivendi, en rachetant le deuxième groupe d’édition français Editis en février, entend désormais mettre en place sa stratégie. Le 30 septembre, le conseil d’administration d’Editis a remercié Pierre Conte – qui avait pourtant restructuré Editis en pôles, comme le demandait son actionnaire – pour confier les rênes du groupe à une spécialiste de la logistique, Michèle Benbunan, ex-directrice de la branche services et opérations d’Hachette Livre.

Au moment où s’ouvre, mercredi 16 octobre, la grand-messe mondiale du secteur, la Foire du livre de Francfort, Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi et président d’Editis, ne cache pas son modèle. Il s’inspire du schéma de l’empire dessiné en 1954 par Walt Disney, accroché en bonne place dans son bureau. Depuis trois ans, il cite invariablement l’exemple du petit ours Paddington, dont Vivendi a acheté les droits pour continuer à décliner cette licence en films, séries télévisées, jeux vidéo, produits de merchandising, parc à thèmes, vêtements, jouets, etc. Si la recette peut fonctionner en ce qui concerne les héros pour enfants ou adolescents, difficile, pourtant, d’envisager un tel traitement pour l’édition scolaire ou les grands auteurs de littérature.

Une ambiance fébrile

L’incompréhension pourrait être réelle avec les écrivains des maisons d’édition d’Editis (Robert Laffont, Julliard, Plon, Bouquins, Perrin…) puisque les spécialistes du marketing qui entourent M. de Puyfontaine parlent plutôt propriété intellectuelle que livres. Bon nombre d’auteurs redoutent en off que marketing, pressions sur les résultats et exigence intellectuelle ne fassent pas bon ménage. Même si, pour l’heure, personne n’a eu à déplorer un cas de censure. Un éditeur du groupe assure :

« Le scepticisme semble généralisé et la convergence entre les livres et l’audiovisuel restera obligatoirement marginale. »

Le fait d’avoir déboursé 900 millions d’euros – une somme très élevée aux yeux des analystes financiers – pour acheter Editis à l’espagnol Planeta ne donnera pas pour autant matière à décliner à l’infini une politique de convergence des « contenus et des contenants » comme en rêvait en vain Jean-Marie Messier, l’ancien patron de Vivendi, dès les années 1990. Nul besoin, en effet, d’être propriétaire d’une maison d’édition pour acquérir les droits d’adaptation cinématographique d’un roman.

M. de Puyfontaine n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde. L’ambiance semble fébrile depuis la destitution de M. Conte. La direction de la communication d’Editis a envoyé un mail interne à toutes les maisons du groupe afin de « valider les éléments de langage » et « éviter les pièges » avec les journalistes présents lors du cocktail d’Editis prévu à Francfort mercredi 16 octobre…


Lire la suite : Livres : Vivendi resserre son emprise sur Editis


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Créée par Rym Trabelsi et Marguerite Dorangeon, l’appli informe les consommateurs sur les conditions de fabrication des vêtements.

L’application Clear Fashion rêve d’être au secteur de la mode ce que Yuka est aux rayons alimentaires et cosmétiques. L’appli, que 13 millions de personnes ont téléchargée pour la consulter en magasin et choisir les produits dépourvus d’additifs suspects, est parvenue à infléchir les comportements d’achat et à faire plier les fabricants et distributeurs.

Rym Trabelsi et Marguerite Dorangeon parviendront-elles aussi à modifier les méthodes de fabrication des marques de mode ? Pour l’heure, ces deux jeunes femmes, de formation ingénieur agronome, lancent leur application, Clear Fashion, en France, avec les ambitions de mieux informer les consommateurs d’habillement sur les conditions de fabrication des vêtements qu’ils achètent et de démocratiser la mode responsable. « Il s’agit de décrypter les engagements des marques référencées à travers quatre thématiques : l’environnement, l’humain, le bien-être animal et la santé », avance Mme Trabelsi.

Des informations sur 80 marques de mode

Disponible gratuitement depuis le 10 septembre, l’application agrège les informations publiques sur les engagements des marques fournies par les fabricants ou récoltées par un comité d’experts. Toutes sont notées par l’appli. L’utilisateur peut consulter la fiche d’une marque, après avoir saisi son nom. Apparaît alors à l’écran sa note sur les quatre items observés par Clear Fashion et une infographie. Chacune est balisée d’un feu tricolore.

A terme, le service entend permettre de scanner le Gencod du vêtement mentionné sur son étiquette sous forme de code-barres et de récolter des informations sur le pays de confection, le fabricant et le produit. Cette méthode exige cependant que Clear Fashion ait établi un partenariat avec son fabricant pour en récupérer les données, y compris celles relatives à ses fournisseurs et à ses sous-traitants.

Trop complexe ? « Ce sera accessible dans une prochaine version », assure Mme Trabelsi. Pour l’heure, l’appli tourne avec des informations sur 80 marques de mode. Près de 4 500 personnes ont téléchargé l’appli dans les deux jours qui ont suivi sa mise à disposition sur les plates-formes Google et Apple. « A moyen terme, nous espérons atteindre les 100 000 téléchargements », précise la cofondatrice.


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Membre du Haut Conseil pour le climat, Benoît Leguet estime que Bercy doit aborder la fiscalité verte sous « un angle plus large, en réponse à un besoin sociétal ».

Benoît Leguet est directeur général de l’Institute for Climate Economics (I4CE), un think tank sur l’économie de la transition écologique fondé par la Caisse des dépôts et l’Agence française de développement, et membre du Haut Conseil pour le climat.

Le 25 septembre, l’inspection générale des finances (IGF) présentait un premier « budget vert ». Faut-il y voir une avancée en matière de transition environnementale ?

Il y a une incompréhension sur ce terme. Cela ne veut pas dire que le budget de la France est vert. Il s’agit d’une méthode pour mesurer à quel point les dispositifs actuels le sont. Cette évaluation [qui portait sur le budget 2019] a eu le mérite de dire officiellement que de nombreuses dépenses publiques [25 milliards d’euros, dont 15 milliards de niches fiscales] sont néfastes à l’environnement. C’est un appel à l’action publique. Désormais, le défi est d’utiliser cette méthodologie dans le processus d’élaboration budgétaire, pour orienter les décisions politiques. Chez I4CE, nous avons calculé que pour tenir les objectifs de neutralité carbone en 2050, il faudrait 15 à 18 milliards d’euros d’investissements « verts » supplémentaires chaque année, donc 7 à 9 milliards venant du secteur public.

Le gouvernement met en avant plusieurs mesures « vertes » dans le projet de loi de finances pour 2020. La France est-elle sur la bonne voie ?

Oui, mais il faut regarder tous les aspects du problème. Les mesures du projet de loi de finances doivent être vertes, mais aussi respecter des impératifs de justice fiscale. Surtout, il ne faut pas oublier l’autre moitié de l’équation : un budget vert doit permettre d’éliminer les dépenses défavorables à l’environnement. A ce titre, la suppression [en trois ans] de la niche fiscale sur le gazole non routier constitue une petite victoire. Mais ce que j’aimerais voir à Bercy, c’est une vision à 2050 du budget, avec moins de subventions aux énergies fossiles, et plus de dépenses vertes. Par exemple, logiquement, la taxation du carbone devrait avoir disparu.

Comment éliminer les nombreuses niches fiscales défavorables à l’environnement ?

Pas du jour au lendemain, bien sûr. Il est nécessaire de réfléchir à la façon d’aider les secteurs concernés à « transiter ». Prenez le cas des taxis : supprimer leur taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques [TICPE, taxe sur le carburant], même dans dix ans comme le propose un amendement de la majorité, suppose d’organiser la discussion plus largement : si on supprime cette niche fiscale, est-ce que cela veut dire que ce métier va disparaître ? Quelle place conservera le transport individuel, à la demande ? Il faut aborder la fiscalité verte sous un angle plus large, en réponse à un besoin sociétal. Le projet de loi de finances n’est qu’un bout de la réponse. Il faut aussi intégrer dans la discussion publique les collectivités locales, les opérateurs… Et mettre tout le monde en mouvement. Cela suppose de fixer un cap, et de s’y tenir.


Lire la suite : Ecologie : « Il faudrait avoir une vision à 2050 du budget, avec moins de subventions aux énergies fossiles »