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Les dérapages boursiers de grosses valeurs du CAC40 comme Publicis, Danone ou Renault témoignent de la nervosité des marchés, à l’heure où les doutes sur l’économie mondiale s’amplifient, explique Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Pertes et profits. Chacun de nous l’a expérimenté : la nervosité pousse à surréagir. Un pas de souris réveille l’inquiet en sursaut. C’est le cas des marchés financiers, cyclothymiques par nature, qui sont en train de passer de l’euphorie à l’angoisse. Ils mêlent soucis immédiats (de protection de leur capital) et préoccupations de long terme face à une conjoncture internationale qui se dégrade à grande vitesse. Et sabrent à tout vent. La saison des résultats trimestriels en France en apporte une nouvelle preuve.

Cela a commencé avec Publicis qui a averti, jeudi 10 octobre, que ses ventes seraient inférieures aux attentes. Sanction immédiate en Bourse le lendemain : ? 12 %. La semaine suivante, Renault délivrait un message similaire et chutait également de 12 %. Dans la foulée, Danone a trébuché sur ses ventes d’eau et de yaourts et a perdu instantanément 8 % de sa valeur. Thales, le groupe de défense, sur des marchés pourtant plus prévisibles que celui des desserts lactés, a cédé 4 %. Et, cette semaine, les résultats d’autres poids lourds du CAC40 comme Carrefour pourraient, eux aussi, mettre à l’épreuve les nerfs fragiles des opérateurs de marché.

Bien sûr, la situation est très différente entre un Danone et ses marges confortables ou un Thales et son épais carnet de commandes et un Renault toujours empêtré dans les suites de l’affaire Ghosn. D’autant qu’il se trouve de surcroît confronté, comme Publicis, à un changement structurel de son métier. Mais ils entonnent tous en chœur une petite musique qui heurte les oreilles sensibles des investisseurs.

Climat d’incertitude

Ils confirment d’abord concrètement le ralentissement de la croissance mondiale que prévoit le Fonds monétaire international dans ses dernières prévisions. Les Américains achètent moins de yaourts, les Chinois, moins d’automobiles et les Européens, de satellites. Un mouvement qui est autant structurel que conjoncturel.

On veut du yaourt sans lait, de l’eau sans bouteille plastique et des voitures sans essence. Enfin... pas tout à fait car, dans le même temps, les rois du low cost, pas toujours très vertueux, font aussi carton plein dans un monde où les considérations de pouvoir d’achat rivalisent, dans la tête des consommateurs, avec celles de santé et de protection de la planète.

Tout cela alimente un climat d’incertitude. La France, qui semblait pour l’instant un peu à l’abri de la dégradation de la conjoncture européenne et internationale, est progressivement rattrapée par cette inquiétude. Bien sûr, comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un dérapage boursier ne fait pas l’hiver, mais il annonce la fin de l’été indien qui jette ses derniers feux sur le paysage économique français.


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De Washington à la Silicon Valley, les appels à « casser » Google, Amazon, Facebook et Apple se multiplient. Mais un tel découpage pose de nombreuses questions juridiques, politiques... et pratiques.

« Break them up ! », « Démantelons-les » : le mot d’ordre se répand. Si l’Union européenne (UE) a imposé aux géants américains du numérique des amendes record, aux Etats-Unis, c’est l’idée même de « casser » ces entreprises qui est sur la table.

Impensable il y a quelques années, cette hypothèse gagne du terrain dans la classe politique, du président Donald Trump à la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren, qui a le vent en poupe dans la primaire démocrate pour la présidentielle de 2020.

La critique du pouvoir des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) – ils pèsent en Bourse 3 360 milliards de dollars soit 3 011 milliards d’euros et réalisent 600 milliards de dollars de chiffre d’affaires – est un des rares sujets de consensus à gauche et à droite aux Etats-Unis. Même dans la Silicon Valley, certains, à l’image d’un des cofondateurs de Facebook Chris Hughes, appellent aussi au « démantèlement ».

Leurs arguments ? Google, Facebook et Amazon abusent de leur position dominante dans la publicité en ligne, Amazon de sa suprématie dans l’e-commerce et Apple de son contrôle sur son magasin d’applications. Et ces sociétés, en rachetant leurs concurrents, comme Facebook l’a fait avec Instagram et WhatsApp, nuisent à l’innovation.

Reste à savoir si cette solution radicale, qui ne fait pas l’unanimité, est possible.

« Lourd et coûteux »

« Découper de grandes sociétés est tout à fait faisable. L’histoire des Etats-Unis l’a prouvé. Mais ça se révèle souvent plus difficile à mettre en œuvre qu’on ne le pense, met en garde William Kovacic, un ancien de l’autorité de la concurrence américaine FTC (Federal Trade Commission). Et ce professeur à l’université de Georgetown à Washington, d’assimiler cette opération à de la « chirurgie lourde ».

Imposer une « séparation structurelle » est « extrêmement lourd et coûteux », ce qui rend les résultats « incertains », renchérit Winston Maxwell, directeur d’études droit et numérique à Télécom Paris-Institut polytechnique de Paris. « Cela a du sens dans une industrie avec une couche d’infrastructure bien identifiée, comme le rail dans les chemins de fer ou le réseau de cuivre dans les télécoms. Dans le numérique, c’est moins évident », explique cet ex-avocat dans le secteur technologique pour le cabinet Hogan Lovells.


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Le contribuable est moins démuni lors d’une contestation sur la valeur de son bien, estiment Jean-Yves Mercier et Jean-François Desbuquois, du Cercle des fiscalistes

Le 24 avril, la direction générale des finances publiques a ouvert une nouvelle application sur le Web (à l’adresse suivante : https://cadastre.data.gouv.fr/dvf) permettant à quiconque d’accéder librement à la base « Demandes de valeurs foncières » (DVF). Sont ainsi mises à disposition de tous, l’ensemble des informations concernant les valeurs foncières ayant été déclarées à l’administration fiscale à l’occasion de toutes les mutations à titre onéreux (ventes, échanges…) intervenues au cours des cinq dernières années, ce qui représenterait un référentiel d’environ 15 millions de transactions.

L’internaute y trouvera notamment :

  • le prix de vente et la date de transaction des biens, bâtis ou non bâtis,
  • leur descriptif : nombre de pièces, surface, numéro du lot, etc.
  • et la géolocalisation, grâce à une interface dédiée exclusive : https://app.dvf.etalab.gouv.fr/

L’administration libère ainsi l’intégralité des informations qu’elle était jusqu’alors seule à détenir de façon aussi complète. De nombreux usages sont envisageables. Pour un particulier, le plus immédiat sera certainement d’être en mesure de mieux évaluer le bien qu’il envisage d’acquérir ou de vendre.

Un autre intérêt réside dans la possibilité, désormais offerte aux redevables, de disposer de l’intégralité des mêmes informations que celles dont bénéficie l’administration fiscale. Ce point présente une importance particulière pour ceux qui feraient l’objet d’un redressement sur la valeur d’un immeuble au titre de l’impôt sur la fortune immobilière, d’une succession ou d’une donation.

En effet, l’article 666 du code général des impôts (CGI) dispose que les impositions en la matière sont assises sur la « valeur » des biens. La jurisprudence a précisé qu’il s’agit de la « valeur vénale », qu’elle définit comme étant le prix normal qu’accepterait de payer un acheteur quelconque n’ayant pas de raisons particulières de convenance de préférer plus particulièrement le bien, objet de l’imposition, à d’autres biens présentant des caractéristiques similaires.

La méthode d’évaluation dite « par comparaison »

Plus spécifiquement, la valeur vénale d’un immeuble doit s’apprécier en tenant compte de sa situation de fait et de droit au jour du fait générateur de l’impôt, ainsi que de ses caractéristiques particulières. Doivent notamment être retenues :

  • les caractéristiques matérielles de l’immeuble telles que son lieu de situation, son standing, sa qualité de construction, l’étage, l’état d’entretien, ses équipements… ;
  • ainsi que ses caractéristiques juridiques : existence ou non d’un bail, de servitudes, ou de contraintes résultant des réglementations applicables…

Lorsque le contentieux fiscal porte sur un bien qui n’a pas été vendu (ce qui est souvent le cas pour l’impôt sur la fortune immobilière [IFI], ou les successions), la valeur du bien considéré ne ressort pas d’une transaction réelle avec un tiers. Il convient alors de procéder à une « évaluation », opération purement intellectuelle qui consiste à reconstruire abstraitement la valeur qu’aurait pu avoir le bien s’il avait été vendu.

La jurisprudence considère que la méthode d’évaluation à appliquer en priorité en pareille circonstance est celle dite « par comparaison ». Elle consiste à rechercher le prix de transactions réellement intervenues dans une période assez proche du fait générateur de l’impôt, portant sur un nombre suffisant de biens intrinsèquement similaires, en fait ou en droit, avec celui dont la valeur est contestée.

Dans le cadre d’un contentieux de valeur, il est donc primordial de pouvoir disposer du maximum d’informations sur les mutations de biens comparables intervenues dans les années précédentes.

Egalité sur les informations

Or, jusqu’à présent, seule l’administration avait accès à l’intégralité des informations, mais non le redevable. Dans le cadre de la procédure, elle devait certes produire ses références, pour permettre au redevable de les analyser et le cas échéant de tenter de les contester. Mais, sauf recherches personnelles délicates, le redevable ne pouvait en général pas reconstituer l’ensemble du panel dont disposait l’administration. Un doute pouvait donc subsister sur le point de savoir si le vérificateur n’avait pas choisi les références les mieux à même de justifier son redressement, c’est-à-dire les plus élevées, et s’il n’existait pas d’autres mutations qui auraient permis de les pondérer, ou même de les contredire, dont le redevable n’avait pas connaissance.

Désormais, le redevable, ayant accès aux mêmes informations que l’administration, pourra beaucoup plus facilement vérifier si les ventes alléguées sont les plus pertinentes. Par exemple, il arrive qu’au sein d’une même rue, les immeubles édifiés sur une portion ou un trottoir soient plus fortement valorisés que les autres. Si les références opposées au redevable portent toutes sur des mutations intervenues sur des biens situés dans la meilleure partie, alors que son bien se trouve au contraire situé dans l’autre, l’évaluation menée sur cette base risque d’aboutir à un résultat excessif. Connaître l’existence d’une autre vente intervenue dans la partie la moins valorisée, où se trouve précisément situé son bien, sera donc essentiel pour lui permettre de détecter cette erreur d’appréciation.

La simple consultation de la base ne lui permettra toutefois pas d’obtenir automatiquement la valeur précise de son immeuble. Les particularités de ce dernier susceptibles d’exercer une influence sur sa valeur, qu’elles soient juridiques (existence d’un bail, ou d’une indivision par exemple), ou matérielles (état d’entretien, notamment), devront donner lieu à une correction. A noter enfin que l’ouverture de la base permettra aussi au redevable de rédiger plus précisément ses déclarations d’impôt sur la fortune immobilière, ou de succession à l’avenir.

Jean-Yves Mercier(Membre du Cercle des fiscalistes) et Jean-François Desbuquois(Membre du Cercle des fiscalistes)


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En France, une autorité administrative peut remettre en cause une décision de justice en matière de comptes publics, s’élève dans une tribune au « Monde » la juriste Stéphanie Damarey, qui demande l’arrêt de cette pratique.

Tribune. La Cour des comptes a entre autres pour mission de vérifier que les comptes publics sont réguliers et elle peut condamner celui qui a en charge le maniement des fonds publics, l’agent comptable, à rembourser ce qu’il manque dans la caisse publique. Ce pan de son activité est assez méconnu. Les nombreuses imperfections qui concernent cet office de juge des comptes ont justement été mises en évidence lors d’un colloque consacré à « la responsabilité des gestionnaires publics », organisé le 18 octobre par la Cour des comptes et le Conseil d’Etat.

On comprend l’importance de ce rôle méconnu, alors que l’épisode des « gilets jaunes » a mis en évidence la nécessité d’assurer que les fonds publics sont correctement employés. En effet, dans ce cadre, la Cour des comptes peut également exiger d’un décideur public qu’il rembourse les fonds irrégulièrement extraits. Devant le juge pénal, si ces faits emportent qualification de détournement de fonds publics ou encore de faux en écriture publique, ils peuvent être sanctionnés au moyen d’une amende voire d’une peine de prison.

Devant la Cour des comptes, ces faits peuvent conduire à obtenir du gestionnaire indélicat, le remboursement de ce qu’il manque dans la caisse publique. C’est ainsi que le maire de Levallois-Perret a été condamné en 1999 à rembourser 532 987 euros alors que du personnel de la commune avait été employé comme personnel de maison du maire. On comprend, avec ce seul exemple, l’intérêt d’un tel dispositif. Malheureusement, les décisions sont peu fréquentes.

La procédure juridictionnelle souffre globalement de nombreuses imperfections qui en réduisent l’intérêt et ce, en dépit des modifications importantes apportées en décembre 2011. Plus largement, la question se pose du maintien en l’état de ces compétences alors que les décisions rendues par le juge des comptes peuvent être remises en cause par le ministre chargé du budget.

Les conséquences de la remise gracieuse

Il faut bien comprendre ce dont il est question : un ministre peut au moyen d’une décision de remise gracieuse, suspendre la décision prise par un juge. En pratique, l’usage de cette remise gracieuse a pu conduire à ce que plus de 95 % des décisions rendues par la Cour des comptes soient balayées d’un revers de main. Et si un effort a été fait en 2011 pour réduire le champ de la remise gracieuse, il apparaît encore significatif et surtout, sur le principe même, condamnable.


Lire la suite : « Il n’est plus permis que des cas de négligence manifeste dans l’emploi des fonds publics ne puissent pas être sanctionnés »