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Dans une tribune au « Monde », le juriste Bertrand de Kermel conteste le droit des entreprises à saisir des juridictions non étatiques dans leurs différends avec des Etats.
Tribune. Faut-il mettre un terme aux mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et Etats [MRDIE en français, ISDS, pour « Investor-State Dispute Settlement », en anglais], très contestés lors des débats sur les traités de libre-échange négociés par l’Union européenne avec ses partenaires commerciaux ?
Il s’agit en effet de tribunaux d’arbitrage privés et opaques, qui ont le droit de s’affranchir des droits nationaux et de faire condamner un Etat (donc ses contribuables) à des amendes importantes au profit des investisseurs étrangers mécontents d’une mesure d’intérêt général prise par cet Etat dans lequel ils auraient investi.
Ces arbitrages ne peuvent être saisis que par les investisseurs étrangers. Les investisseurs nationaux n’y ont pas droit. C’est une discrimination à l’envers. Le 8 décembre 2018, Arte a consacré une émission sur ce sujet avec pour titre : « Quand les multinationales attaquent les Etats ». C’était éloquent.
Rappelons ici les principes qui sous-tendent encore l’ordre mondial actuel. En résumant à l’extrême, on peut dire que, depuis plusieurs siècles, les relations entre Etats reposent sur cinq piliers :
– la souveraineté : le prince (aujourd’hui le peuple, par l’intermédiaire de ses élus) détient à lui seul le pouvoir absolu ;
– le territoire physique : ce pouvoir s’exerce sur un territoire physique, le plus souvent un Etat-nation ;
– la justice (pour faire respecter la loi votée) est l’un des attributs fondamentaux de cette souveraineté – dans une démocratie, la justice est toujours rendue au nom du peuple souverain ;
– aucun droit supranational ne s’impose aux Etats (si ce n’est celui issu des traités internationaux ou bilatéraux signés par ces Etats souverains) ;
– la guerre entre nations souveraines reste un moyen légitime pour résoudre les différends.
Sur ce point, fort heureusement, depuis la création de l’ONU (1945) puis de l’Organisation mondiale du commerce (1994), s’est substitué à la guerre un dialogue entre Etats suivi d’une médiation, ou encore un système d’arbitrage d’Etat à Etat. Le droit l’emporte alors sur la force, mais sans rien retirer à la souveraineté des peuples, puisque l’arbitrage a lieu entre deux Etats souverains et non pas entre une très grande entreprise et un Etat.
Sur ces bases, la solution alternative s’impose d’elle-même.
Tout d’abord, il convient de traiter de la même façon les investisseurs étrangers et nationaux. C’est une évidence. Le contraire est une très grave anomalie au regard des principes de la République et des principes du capitalisme.
Lire la suite : Les litiges entre Etat et entreprises doivent « ressortir des seuls tribunaux nationaux »
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Dans sa chronique, Frédéric Lemaître, journaliste au « Monde », s’étonne du silence qui règne toujours sur les raisons de l’explosion, le 21 mars, dans une usine chimique qui a causé au moins 78 morts.
Chronique. Connaîtra-t-on un jour la vérité ? Avec au moins 78 morts et des centaines de blessés, l’explosion survenue le 21 mars dans une usine chimique de la province du Jiangsu (Est), au nord de Shanghaï, est l’une des plus graves catastrophes industrielles qu’ait connues la Chine ces dernières années, qui pourtant n’en manque pas. Des bâtiments endommagés à 15 kilomètres à la ronde, des restes humains que seuls des tests biologiques permettent d’identifier…, l’énorme boule de feu de plusieurs dizaines de mètres de haut qui s’est formée pour une raison encore inconnue dans les locaux de la société Tianjiayi Chemicals a tout ravagé dans un périmètre considérable. Or, des habitations, des écoles, des crèches se trouvaient à proximité. Autour de ce qui est aujourd’hui un vaste cratère, il ne reste plus rien. Les rares photos publiées font immanquablement penser à un quartier sur lequel une bombe aurait été larguée. En déplacement en Italie, le président Xi Jinping a immédiatement donné des instructions pour que les populations aux alentours soient relogées et que les leçons soient tirées de cette catastrophe.
D’éventuelles révélations de corruption des élites locales pourraient provoquer des ravages politiques
Pas besoin d’être grand clerc pour deviner les ravages politiques que pourraient provoquer d’éventuelles révélations de corruption des élites locales. On n’en est pas encore là, mais on n’en est pas loin tant celles-ci semblent avoir fait preuve, dès l’origine, de coupables négligences. Le parc industriel situé au nord de la ville de Yancheng a été créé en 2007 afin d’accueillir les industries chimiques les plus polluantes jusque-là localisées au sud de la ville. Il fallait faire vite, a confié au journal Beijing Youth Daily Peng Weiguo, un ingénieur qui y a travaillé. Dès novembre 2007, une première explosion avait déjà tué huit personnes et fait des dizaines de blessés.
En raison de cette précipitation, le parc ne possède pas d’infrastructure pour traiter les déchets solides. A chaque industriel – il y en a près d’une soixantaine – de se débrouiller. Jusqu’en 2015, ceux-ci se contentent la plupart du temps, d’enfouir ces déchets dans le sol. Sans plus de précaution. Selon cet ingénieur, de nombreuses entreprises du parc sous-traitent à des paysans habitant aux alentours et qui n’ont reçu aucune formation pour le transport d’une partie des déchets. De même, les autorités n’ont pas pris la peine de créer un pipeline pour fournir le parc en énergie. D’où un trafic incessant de camions chargés de combustibles. Or, selon les spécialistes, la violence de l’explosion pourrait s’expliquer par la présence d’un incinérateur à proximité d’un réservoir de 4 000 mètres cubes de gaz naturel liquéfié.
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Si les disparités économiques restent bien inférieures dans les pays du nord de l’Europe, elles progressent plus rapidement qu’ailleurs, y mettant en jeu la cohésion sociale.
Ce sont des enfants sans domicile fixe, avec ou sans parent,qui déménagent au minimum entre sept et huit fois par an, passant d’un foyer à une chambre chez une connaissance ou un à appartement loué au noir. Au dernier recensement, ils étaient 718 à Stockholm, 1 247 à Malmö (extrême sud). En Suède, ils seraient plus de 5 400, selon un rapport de l’ONG Rädda Barnen (Save the Children), publié début 2018.
A première vue, pourtant, tout va bien dans les pays scandinaves. Fidèles à leur réputation, la Suède, le Danemark et la Finlande continuent de se classer en haut des tableaux des pays les moins inégalitaires, avec des revenus moyens bien plus élevés que leurs voisins et une pauvreté absolue en baisse. Mais une comparaison dans le temps dévoile une autre réalité : nulle part ailleurs dans l’Organisation de coopération et de développement économiques, les inégalités de revenus n’ont autant augmenté que dans le nord de l’Europe depuis les années 1980.
La Suède arrive en tête. Dans le royaume de 10 millions d’habitants, les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres.L’indice de Gini – utilisé sur une échelle de 0 à 1 pour mesurer l’inégalité des revenus d’une population – est ainsi passé de 0,226, en 1991, à 0,320, en 2016 : un record.
Et alors que 50 % des Suédois les moins riches disposaient de 32 % du revenu disponible total en 2005, selon l’Office des statistiques, ils n’en perçoivent plus que 29 %, tandis que la part des 10 % les plus riches est passée de 24 % à 27 %. « On peut y voir une convergence avec le reste de l’Europe, de la part de pays qui se distinguaient, jusque-là, par leur niveau très élevé d’égalité », observe l’économiste Jesper Roine.
Selon ce professeur à la Stockholm School of Economics, ce serait toutefois manquer les spécificités régionales : « Alors qu’ailleurs, la hausse des inégalités est essentiellement le résultat de la mondialisation de l’économie et des progrès technologiques, ce n’est paradoxalement pas le cas en Scandinavie. » Pour preuve : l’échelle des salaires y reste resserrée. « En ce sens, le modèle scandinave a fonctionné », remarque Jesper Roine.
Toutefois, ces dernières décennies, le système de redistribution, qui faisait la fierté des social-démocraties du nord de l’Europe, s’est grippé. D’un côté, les revenus du capital se sont envolés et concentrés entre les mains d’un petit groupe. De l’autre, les transferts sociaux sont restés à la traîne, pénalisés par des politiques fiscales taxant moinsles revenus du travail et du capital. capital.
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Le bouquet rassemble plus de 300 titres, en majorité des magazines, mais suscite la méfiance des quotidiens américains.
Avec la vidéo à la demande par abonnement, le jeu vidéo et le paiement par carte, la presse en ligne est l’autre pilier du virage stratégique vers les services dévoilé par Apple lors de sa « keynote » (conférence), lundi 25 mars, à son siège californien de Cupertino.
Son PDG, Tim Cook, a annoncé le lancement d’un kiosque numérique baptisé Apple News Plus. Pour 9,99 dollars (environ 9 euros) par mois, cette offre donne un accès illimité à plus de 300 titres, dont une très grande majorité de magazines. Ce service est intégré à l’application Apple News, qui proposait jusqu’ici gratuitement une simple sélection de liens vers des articles d’actualité. Disponible dès à présent aux Etats-Unis et au Canada, il sera déployé d’ici à la fin de l’année en Australie et en Europe.
L’intention d’Apple de développer une telle offre était pressentie depuis son rachat, il y a un an, de Texture, une application américaine regroupant plus de 200 magazines sous un même abonnement. Les revues emblématiques embarquées par cette plate-forme, comme Time, Vogue, Vanity Fair, National Geographic, GQ ou Rolling Stone, seront toutes intégrées au bouquet de News Plus. De même que les sites spécialisés détenus par le groupe Vox Media (Vox, The Verge, Polygon, Recode).
Du divertissement à la mode, en passant par la santé, le voyage et la cuisine, ce kiosque est « le seul endroit où vous trouverez tous ces magazines dans une seule offre », a insisté Roger Rosner. Le vice-président des applications chez Apple a également assuré que l’entreprise « ne [saurait] pas ce que vous lisez, et [n’autoriserait] pas les annonceurs à vous traquer », les données qui servent aux recommandations étant stockées sur l’appareil, et non sur les serveurs d’Apple. Une allusion à peine voilée à Facebook et à Google, régulièrement critiqués par Tim Cook au niveau du respect de la vie privée.
La presse quotidienne fait figure de parent pauvre de ce kiosque. Apple pourra certes compter sur le Los Angeles Times et le Wall Street Journal. Reste que ce dernier a fait savoir à l’issue de la keynote qu’il donnerait uniquement accès à ses informations générales, et non à ses articles économiques. Surtout, Apple n’a pas su convaincre les prestigieux New York Times et Washington Post.
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