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L’économiste Marc de Basquiat propose, dans une tribune au « Monde », de remplacer huit taxes sur la détention, la location et la transmission d’un bien immobilier, dont les effets pervers sont nombreux, par une seule taxe à taux unique.
Tribune. La fiscalité liée à la détention, la location et la transmission d’un bien immobilier est aujourd’hui en France un facteur de blocage de la mobilité géographique et professionnelle et d’accroissement des inégalités. Il est pourtant possible, et urgent, de remplacer huit prélèvements viciés par un impôt unique, simple, lisible et efficace. Illustration en trois tableaux.
Léon est propriétaire d’une petite maison évaluée 340 000 euros à Jouy-le-Moutier (Val-d’Oise), dans une ville nouvelle de la région parisienne. Il paie 2 640 euros chaque année en taxe foncière, plus la taxe d’habitation et celle pour l’enlèvement des ordures ménagères. Depuis sa retraite, il loue pour une somme modique à un jeune couple, Jamel et Marie. Sans descendance, Léon aimerait donner sa maison à Marie, la fille de son plus proche ami, mais le jeune couple n’aura jamais les moyens d’acquitter des droits de succession s’élevant à 60 % de la valeur du bien, soit plus de 200 000 euros !
Claudine a reçu il y a quinze ans en héritage de sa grand-mère un bel appartement, estimé 770 000 euros, au sixième étage d’un immeuble récemment rénové dans le 15e arrondissement de Paris. Elle ne paie que 495 euros de taxe foncière, et d’autres charges à l’avenant. Une situation rêvée si son travail n’était pas… à Villepinte (Seine-Saint-Denis), ce qui lui fait perdre trois heures et demie par jour dans les transports. Elle a bien visité quelques appartements et maisons à proximité de son travail, mais année après année, elle hésite à quitter son cocon douillet, qui ne lui coûte quasiment rien.
Alain et Cécile habitent avec leurs trois enfants dans une maison du Chesnay (Yvelines) valant 1,4 million d’euros. Lorsque Alain est nommé par son entreprise à la tête de l’agence de Lyon, ils envisagent de déménager en mettant leur maison en location. Calculant les prélèvements sociaux et l’impôt qu’ils devraient acquitter sur les loyers perçus, ainsi que l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) dû sur cette maison qui ne serait plus leur résidence principale, ils renoncent à la location et décident de la prêter à une étudiante pendant les trois années de la mission lyonnaise.
Ces trois exemples illustrent les effets pervers des divers prélèvements liés à la propriété immobilière. Les valeurs cadastrales utilisées pour le calcul de la taxe d’habitation et des taxes foncières sont obsolètes depuis plus de quarante ans. La contribution foncière des entreprises n’a aucun rapport avec leur dynamisme économique. L’IFI suscite des parades antiéconomiques, diminuant l’offre de logement. Les droits de mutation sur les achats immobiliers freinent la mobilité des ménages.
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Les incertitudes entourant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ont provoqué un effondrement de l’investissement des entreprises, outre-Manche.
Se préparer à tous les scénarios, sans savoir lequel prévaudra. Depuis plusieurs mois, Tiger Recruitment, une agence de recrutement londonienne, vit tant bien que mal au rythme du Brexit. « Depuis deux trimestres, nous nous montrons très prudents, explique David Morel, le fondateur du cabinet. Nous avons pris des mesures afin d’atténuer les effets d’une sortie de l’Union européenne [UE] sur notre activité. » Dès l’automne 2018, il a notamment suspendu les recrutements non vitaux, coupé dans les dépenses superflues et entamé les démarches pour ouvrir de nouveaux bureaux à l’étranger. A quelques heures du sommet européen du mercredi 10 avril, où l’éventuel report du Brexit sera discuté, il ne cache pas sa lassitude :
« Les patrons britanniques sont pragmatiques. Mais, franchement, nous nous serions bien passés de ce genre de préoccupations. »
Alors que nombre d’économistes prédisaient un désastre, la victoire du oui au référendum sur le Brexit du 23 juin 2016 ne s’est pas traduite par un effondrement brutal de l’économie du Royaume-Uni. Mais plutôt par une lente dégradation, d’abord peu perceptible. « Au début, l’activité s’est montrée étonnamment résiliente », explique Raffaella Tenconi, du cabinet Ada Economics, à Londres. Certes la livre sterling a plongé de plus de 15 % dans la foulée du vote. Mais la Bourse a vite rebondi, la consommation a tenu bon et les services ont continué à croître. « Lesincertitudes entourant les modalités de la sortie de l’UE ont vraiment commencé à peser plus tard sur la croissance, en 2018 », ajoute Mme Tenconi.
De fait, le produit intérieur brut (PIB) britannique a progressé de 1,4 % seulement l’an dernier, contre 1,8 % dans la zone euro. La consommation des ménages est tombée au plus bas depuis cinq ans. Surtout : l’investissement des entreprises s’est contracté de 0,4 %. Face aux doutes, les patrons ont suspendu ou reporté leurs décisions et dépenses. En outre, les défaillances de PME ont bondi de 10 %, selon Euler Hermes. « Sans la constitution des stocks de contingence, l’économie britannique aurait été en récession sur les deux derniers trimestres », estime Ana Boata, économiste chez Euler Hermes.
A combien s’élèvent, au juste, les pertes engendrées par les incertitudes ? « Par définition, elles sont difficiles à mesurer : les estimations sont très variables et à considérer avec précaution », prévient Vincent Vicard, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales. Pour évaluer, malgré tout, comment l’économie britannique se serait comportée si le référendum n’avait pas eu lieu, les experts comparent la croissance récente avec celle enregistrée en moyenne dans le pays au cours des deux décennies précédentes. Ils la comparent également avec celle d’Etats au profil relativement similaire, comme l’Allemagne ou les Etats-Unis.
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La Cour de cassation a élargi vendredi 5 avril, l’étendue du préjudice d’anxiété à l’ensemble des salariés exposés professionnellement à l’amiante.
Le préjudice d’anxiété des travailleurs de l’amiante est une création jurisprudentielle. Le 11 mai 2010, la Cour de cassation reconnaissait un préjudice d’anxiété aux salariés ayant travaillé dans un établissement dit « classé amiante », c’est-à-dire ouvrant droit au dispositif de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (préretraite amiante dite « ACAATA »). Depuis 2010, l’anxiété est définie par la Cour de cassation comme une « situation d’inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à une exposition à l’amiante ».
Ainsi, des salariés non porteurs d’une maladie liée à l’amiante, peuvent solliciter la réparation d’un préjudice découlant de la crainte de contracter une maladie. Le champ d’application du préjudice d’anxiété était jusqu’alors strictement limité aux seuls salariés exposés au risque d’inhalation de poussière d’amiante dans un établissement classé amiante.
Le seul fait d’avoir travaillé dans une entreprise inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA suffisait à l’octroi de dommages et intérêts au titre du préjudice d’anxiété. Le demandeur était dispensé de rapporter la preuve d’une exposition fautive au risque amiante mais également de l’inquiétude permanente.
Un salarié exposé à l’amiante dans un établissement non classé amiante peut-il obtenir la réparation auprès de son employeur ou ancien employeur d’un préjudice d’anxiété lié au risque de survenance d’une maladie ? Telle était la question de principe posée à l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
Le 5 avril, la formation la plus solennelle de la Cour de cassation répond par l’affirmative et opère un revirement de jurisprudence. Désormais, l’ensemble des salariés exposés professionnellement à l’amiante, peuvent être admis à agir à l’encontre de leur employeur ou ancien employeur en réparation d’un préjudice d’anxiété.
Reste à s’interroger sur les conditions dans lesquelles ce préjudice pourra être alloué par les juridictions. La réparation du préjudice d’anxiété n’est pas automatique. La Cour de cassation prend soin d’en délimiter les contours. En effet, la demande en réparation du préjudice d’anxiété se fonde désormais sur les règles du droit commun de la responsabilité civile.
C’est donc sur le demandeur à l’action – le salarié – que pèse la charge de la preuve. Il devra tout d’abord démontrer une exposition à l’amiante de nature à générer un risque élevé de développer une maladie grave. Il lui appartient ensuite de prouver la faute de son employeur, c’est-à-dire le manquement de celui-ci à son obligation de sécurité telle que définie par le code du travail. Rappelons, que ce dernier met à la charge de l’employeur, l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.
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Les écarts de revenus n’ont cessé de se creuser dans tous les pays européens, et ce depuis les années 1980. Les réponses sociales de Bruxelles restent pour l’heure limitées.
Si la montée des inégalités, aiguisée par la crise financière, est désormais admise, y compris par la droite européenne, comme un facteur majeur de déstabilisation des sociétés occidentales, les solutions que Bruxelles a pu offrir jusqu’à présent pour les enrayer restent limitées. Et pour cause : sur ces sujets, l’Union européenne (UE) est historiquement divisée et manque encore de compétences.
Contrairement à son prédécesseur, José Manuel Barroso, Jean-Claude Juncker, l’actuel président de la Commission (son mandat se termine en octobre), a tenu à remettre les préoccupations sociales au premier plan. La démarche de ce chrétien-social, fils de métallurgiste, ayant commencé sa carrière comme secrétaire d’Etat au travail et à la sécurité sociale du Luxembourg, n’était pas feinte.
Elle a pu faire bouger les lignes, mais pas suffisamment pour faire prendre un grand virage social à l’UE ces quatre dernières années. Des exemples ? M. Juncker fut un des grands promoteurs du « socle européen des droits sociaux », adopté en grande pompe lors d’un sommet européen à Göteborg (Suède), fin 2017. Ce programme déroule vingt « principes et droits » : « Toute personne a droit à une éducation inclusive et de qualité » ; « L’égalité de traitement et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes doivent être assurées et favorisées dans tous les domaines » ; « Les travailleurs ont droit à un salaire juste permettant un niveau de vie décent », etc.
Aucun de ces principes n’ayant de caractère contraignant, l’exercice est resté largement symbolique
Mais aucun de ces principes n’ayant de caractère contraignant, l’exercice est resté largement symbolique. Pour preuve : les dirigeants polonais, tchèques ou hongrois, qui y ont participé, sont opposés à des textes législatifs trop protecteurs envers les salariés, car jugés protectionnistes… Et ceux du Nord, Finlandais, Suédois, Danois, ont jusqu’à présent jalousement défendu leurs systèmes de protection sociale très avancés, redoutant des initiatives bruxelloises aboutissant à un nivellement par le bas.
Autre illustration des profondes divisions transpartisanes au Parlement européen, le retard pris dans l’adoption d’une position commune au sujet des conditions de travail dans le transport, pourtant soumis à des abus considérables. Quant à la nouvelle directive « relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée », pour laquelle un accord définitif a été trouvé le 24 janvier dernier, elle constitue une avancée, mais très modeste.
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