Par le

La révision de la ­directive européenne oppose les artistes d’un côté et ceux qui défendent la liberté d’Internet de l’autre, un conflit de redistribution inévitable, estime Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Pertes & profits. Sauver la démocratie ou sauver la liberté ? Depuis un an, les débats volent très haut sous les voûtes du Parlement européen et ont été au cœur des discussions autour de l’adoption ce mardi 26 mars à Strabourg d’une révision de la ­directive européenne sur le droit d’auteur. Au départ, il ne s’agissait que d’un vaste toilettage du précédent texte sur le sujet ­datant de 2001. Pas grand-chose au regard de la longue histoire, mais une éternité si l’on considère que YouTube était insignifiant à l’aube du XXIe siècle.

Pas plus que ce nouveau Lucifer des temps modernes dont on ose à peine prononcer le nom : ­Google. Dans une tribune publiée dans Le Journal du dimanchedu 24 mars, pas moins de 171 artistes célèbres s’insurgent contre le « despotisme » des géants de l’Internet, ennemi du bien commun et d’une « certaine idée de la démocratie ». Ils sont ­accusés d’utiliser leurs moyens financiers considérables pour manipuler les citoyens européens et les eurodéputés.

La complexe machine bruxelloise a l’habitude de vivre sous la pression de groupes d’intérêts venus défendre la chimie, l’automobile ou encore la protection des espaces naturels. Mais de là à voir se lever des armées de vedettes de la musique ou du cinéma d’un côté et des manifestations de rue pour « sauver l’Internet » de l’autre, c’est du jamais vu. Comme s’il s’agissait d’un combat plus ­philosophique qu’économique pour une certaine idée de l’individu et de sa liberté.

Illusion de la gratuité

Depuis l’invention de l’imprimerie, l’artisan du Moyen Age, qui ne songeait pas à protéger son œuvre, s’est lentement transformé en artiste, en même temps que la notion d’individu s’épanouissait progressivement, jusqu’au XIXe siècle, où l’on s’est mis à protéger le travail de l’esprit, par le brevet pour les uns, par le droit d’auteur pour les autres. De la propriété commune, on est passé à la protection de la propriété individuelle. L’équilibre qui s’est instauré a perpétuellement été remis en cause par les sauts technologiques successifs : invention de la radio, de la télévision, de la cassette vidéo, du CD…

L’Internet a poussé la logique à son extrême en mélangeant le particulier et le professionnel, l’individuel et le collectif, et en y apportant l’illusion de la gratuité. L’essor phénoménal de Google et de Facebook repose sur cette supercherie qui avait déjà fait florès au début des années 2000 avec l’explosion du piratage. L’engouement fut spectaculaire. Un habitant de la planète sur deux utilise Internet et donc Google ou l’un de ses rares concurrents.


Lire la suite : Droit d’auteur : « Un combat plus philosophique qu’économique »


Par le

Un peu plus de dix ans après l’explosion de la bulle immobilière espagnole, les prix de la pierre flambent de nouveau dans les grandes villes, telles Madrid, Barcelone, Séville…

A Pozuelo, banlieue chic de Madrid, de jeunes et fringants commerciaux passent d’un pavillon à l’autre pour dénicher les bonnes affaires. « Ils ont déjà sonné à ma porte trois fois pour me demander si je voulais vendre ou si je connaissais des voisins dans ce cas », raconte Julio Lopez, septuagénaire espagnol exaspéré.

Non loin, à Majadahonda, des forêts de grues ont repris la construction de lotissements paralysée pendant la crise. « Nous manquons d’ouvriers du bâtiment qualifiés », assure José Luis Gutierrez, chef de chantier débordé. Dans les quartiers périphériques de la capitale, les lampadaires sont recouverts d’affichettes, avec, en grosses lettres, le mot « Compro » (« j’achète »). Quoi ? « Maison », « logement » ou « tout type de biens ». En 2013, ces mêmes réverbères étaient parsemés de petits bouts de papier « Vendo » (« je vends »), scotchés là au plus fort de la crise.

Depuis, la fièvre a regagné le secteur de l’immobilier, et les prix flambent. En 2018, près de 580 000 transactions ont été signées, un record depuis 2007. Dans la capitale espagnole, les prix ont augmenté de plus de 30 % en deux ans, selon la société immobilière Tinsa. Ils s’élèvent à 3 000 euros le mètre carré en moyenne. Mais peuvent atteindre des niveaux supérieurs à 15 000 euros dans les quartiers chics comme le Prado. A Barcelone, ils ont bondi de 14,8 % en 2017, et de 8 % en 2018, à 3 400 euros le mètre carré. Cette brusque hausse s’étend à présent à Valence, Séville, Malaga, Alicante ou Palma de Majorque.

Rattrapage du marché

En Espagne, la plupart des analystes veulent y voir un rattrapage du marché. « Les prix avaient énormément chuté pendant la crise, de plus de 40 % en moyenne, et même de 60 % dans certaines zones. Cette remontée est logique : les fondamentaux économiques sont solides, l’économie croît de plus de 2 %, et le marché de l’emploi est dynamique, rappelle Pedro Soria, porte-parole chez Tinsa, qui anticipe une nouvelle hausse de 5 % en 2019. Mais le durcissement des conditions bancaires pour obtenir un crédit va limiter l’échauffement des prix. »

Dans la capitale, les prix ont augmenté de plus de 30 % en deux ans, à 3 000 euros le mètre carré en moyenne

Pour Pere Viñolas, le directeur de l’une des principales sociétés immobilières espagnoles, Colonial, « les prix ne sont pas déconnectés du niveau des revenus ». « A Madrid, la croissance est raisonnable. De grands acteurs internationaux qui, jusque-là, investissaient en dette publique se tournent vers le béton. L’épargne mondiale se concentre dans l’immobilier. Le risque principal serait plutôt lié aux taux d’intérêt : s’ils remontent et que la valeur des biens baisse, il pourrait y avoir un problème, mais il serait mondial, pas seulement espagnol. »


Lire la suite : En Espagne, la fièvre immobilière fait craindre une nouvelle bulle


Par le

La demande mondiale d’énergie a particulièrement augmenté en 2018. C’est le gaz, bien plus que les énergies renouvelables, qui répond à la hausse de la consommation.

Cela faisait dix ans que l’humanité n’avait pas connu une telle hausse des besoins en énergie : en 2018, la demande mondiale a crû de 2,3 %. « Une performance exceptionnelle », souligne l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans un rapport rendu public mardi 26 mars.

Il y a plusieurs manières de comprendre ce chiffre : d’abord, la demande en énergie accompagne une forte croissance économique, notamment dans les pays en développement, où des centaines de millions d’humains se connectent à des réseaux d’électricité. Mais cette croissance a une conséquence immédiate sur les émissions de CO2 – celles liées au secteur énergétique ont augmenté de 1,7 % en 2018, atteignant des niveaux historiques – et donc sur le changement climatique.

Une donnée d’autant plus préoccupante que le monde est entré dans une logique difficile à contrecarrer : face aux températures de plus en plus extrêmes dans un certain nombre de pays, les besoins en chauffage mais aussi en climatisation augmentent. Or l’électricité produite pour y répondre est le plus souvent issue d’énergies fossiles, comme le charbon ou le gaz, qui contribuent au réchauffement climatique…

Grand gagnant des efforts de transition énergétique : le gaz

« C’est un cercle vicieux », explique au Monde Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, qui s’inquiète de la part toujours ultra-majoritaire des énergies fossiles dans la production d’électricité : « Il y a trente ans, la part des fossiles dans le mix énergétique mondial était de 81 %. Depuis, malgré la baisse des coûts des énergies renouvelables, malgré les efforts fournis sur l’efficacité énergétique, cette part est toujours de… 81 %. »

Grand gagnant des efforts de transition énergétique : le gaz. La consommation mondiale a augmenté de 4,6 % en 2018, la plus forte hausse depuis 2010, après une croissance, déjà importante, de 3 % en 2017. Aux Etats-Unis, où la production massive de gaz de schiste a fait baisser drastiquement les prix, le gaz est venu remplacer progressivement le charbon pour produire de l’électricité. Malgré le soutien politique et économique de Donald Trump, « King Coal » est en chute libre, et la demande pour le gaz augmente de 10 % en un an.

En Chine, devant l’importante pollution de l’air dans les villes, Pékin a lancé en 2018 son plan « ciel bleu » et organise une transition progressive du minerai vers le gaz naturel. Même si l’empire du Milieu continue de produire 68 % de son électricité à partir du charbon, le gaz prend une place croissante. Mais, dans ces deux pays, l’impact sur les émissions de CO2 est relatif, note le rapport de l’AIE. Certes, le gaz est moins émetteur que le charbon, mais la hausse des besoins en électricité limite les effets de cette substitution.


Lire la suite : Pourquoi la planète consomme de plus en plus de gaz


Par le

La présidente du tribunal a déclaré un vice de procédure pointé par les défenseurs des dirigeants de l’entreprise mise en cause.

A peine ouvert, le procès du groupe Bourbon, spécialisé dans les services maritimes à l’industrie pétrolière, et de huit de ses « cols blancs » poursuivis pour « corruption » d’agents du fisc en Afrique devant le tribunal correctionnel de Marseille a été reporté pour vice de procédure.

Constatant que le délai d’un mois minimum dont disposait le juge d’instruction pour renvoyer les huit prévenus devant la justice n’avait pas été respecté, la présidente du tribunal a ordonné, lundi 18 mars, que l’ordonnance qui leur notifiait leur comparution devant un tribunal soit renvoyée devant le ministère public afin qu’elle soit « régularisée ». En conséquence le procès qui devait durer jusqu’au 27 mars a été reporté.

Les avocats de la défense avaient en effet pointé à l’ouverture du procès, lundi matin, l’« irrégularité » de l’ordonnance de 176 pages qui, rendue avec deux jours d’avance sur le délai légal, les aurait privés de la possibilité de déposer leurs dernières observations.

« Ils ont utilisé des moyens de procédure pour noyer le poisson et se préserver d’une condamnation presque certaine, car ils ont les moyens de se payer des avocats. C’est honteux », a réagi Marc Cherqui, le prévenu par lequel l’affaire a été révélée.

Valise égarée

Le 19 octobre 2012, de retour d’un voyage d’affaires au Nigeria, M. Cherqui, directeur financier du groupe, avait déclaré la perte de son bagage à l’aéroport de Marseille-Marignane. La valise qui avait été retrouvée puis confiée aux douanes, contenait, rangés en liasses de 100, quelque 250 000 dollars (220 200 euros).

L’enquête a ensuite mis au jour, selon l’accusation, un vaste système de corruption avec « une volonté assumée » par le groupe qui pèse 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et « qui ne paye aucun impôt en France, de se soustraire au paiement des impôts légitimement dus » en soudoyant des agents de recouvrement de trois pays africains en cas de redressement. En 2011 et 2012, le montant total des pots-de-vin versés par la société cotée en Bourse au Nigeria, en Guinée équatoriale et au Cameroun est estimé par les enquêteurs à environ 3 millions d’euros.

Outre la société en tant que personne morale, trois des principaux dirigeants du groupe dont le siège est à Marseille sont poursuivis pour « corruption active d’agents publics étrangers » : Gaël Bodénès, directeur général actuel de la société, celui de l’époque des faits Christian Lefèvre, ainsi que Laurent Renard, directeur général adjoint. M. Cherqui et quatre autres cadres comparaissent eux pour complicité.

Pour l’entreprise aux 8 400 employés, durement touchée par la chute des cours du pétrole il y a quatre ans, ce procès tombe « au plus mal » et pourrait perturber durablement ses relations avec ses partenaires internationaux, avait reconnu avant le procès l’avocat de la société, Me Ludovic Malgrain.

« Sur ordre »

A l’annonce de leur nom, lundi matin, les huit prévenus en costume sombre et chemise claire, âgés de 47 à 61 ans, se sont alignés sur le banc. Au milieu d’eux, nerveux, Marc Cherqui s’était isolé de ses supérieurs hiérarchiques avant que ne débute l’audience.

Devant les journalistes, le directeur financier s’était défendu en expliquant avoir agi « sur ordre ». « Je n’étais pas un négociateur », a assuré l’ex-salarié qui souhaitait la tenue du procès pour « retrouver une vie normale ».

« Bourbon m’a mis à genou, il a sali mon nom et m’a pris pour bouc émissaire », a déploré l’ancien employé qui assure avoir été relevé de toutes ses fonctions moins de quinze jours plus tard après des dénonciations.

Selon l’avocat de la société, Me Ludovic Malgrain, M. Cherqui a agi « pour son compte personnel ». L’avocat a argué auprès de l’AFP qu’il n’y avait pas eu d’argent sorti de Bourbon ni d’aucune de ses filiales.


Lire la suite : Soupçons de corruption : à peine ouvert, le procès Bourbon est reporté