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Les écarts de revenus n’ont cessé de se creuser dans tous les pays européens, et ce depuis les années 1980. Les réponses sociales de Bruxelles restent pour l’heure limitées.
Si la montée des inégalités, aiguisée par la crise financière, est désormais admise, y compris par la droite européenne, comme un facteur majeur de déstabilisation des sociétés occidentales, les solutions que Bruxelles a pu offrir jusqu’à présent pour les enrayer restent limitées. Et pour cause : sur ces sujets, l’Union européenne (UE) est historiquement divisée et manque encore de compétences.
Contrairement à son prédécesseur, José Manuel Barroso, Jean-Claude Juncker, l’actuel président de la Commission (son mandat se termine en octobre), a tenu à remettre les préoccupations sociales au premier plan. La démarche de ce chrétien-social, fils de métallurgiste, ayant commencé sa carrière comme secrétaire d’Etat au travail et à la sécurité sociale du Luxembourg, n’était pas feinte.
Elle a pu faire bouger les lignes, mais pas suffisamment pour faire prendre un grand virage social à l’UE ces quatre dernières années. Des exemples ? M. Juncker fut un des grands promoteurs du « socle européen des droits sociaux », adopté en grande pompe lors d’un sommet européen à Göteborg (Suède), fin 2017. Ce programme déroule vingt « principes et droits » : « Toute personne a droit à une éducation inclusive et de qualité » ; « L’égalité de traitement et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes doivent être assurées et favorisées dans tous les domaines » ; « Les travailleurs ont droit à un salaire juste permettant un niveau de vie décent », etc.
Aucun de ces principes n’ayant de caractère contraignant, l’exercice est resté largement symbolique
Mais aucun de ces principes n’ayant de caractère contraignant, l’exercice est resté largement symbolique. Pour preuve : les dirigeants polonais, tchèques ou hongrois, qui y ont participé, sont opposés à des textes législatifs trop protecteurs envers les salariés, car jugés protectionnistes… Et ceux du Nord, Finlandais, Suédois, Danois, ont jusqu’à présent jalousement défendu leurs systèmes de protection sociale très avancés, redoutant des initiatives bruxelloises aboutissant à un nivellement par le bas.
Autre illustration des profondes divisions transpartisanes au Parlement européen, le retard pris dans l’adoption d’une position commune au sujet des conditions de travail dans le transport, pourtant soumis à des abus considérables. Quant à la nouvelle directive « relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée », pour laquelle un accord définitif a été trouvé le 24 janvier dernier, elle constitue une avancée, mais très modeste.
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Le système tricolore de prélèvements et des transferts sociaux est efficace pour limiter la pauvreté, mais il échoue à enrayer le poids des déterminismes sociaux.
Le système social et fiscal français protège-t-il suffisamment contre les inégalités ? Ces derniers mois, la crise des « gilets jaunes » a mis cette question sur le devant de la scène avec une acuité particulière. « Il règne néanmoins un certain flou sur les données à étudier lorsque l’on parle d’inégalités, et cela complique le diagnostic », prévient Lucas Chancel, économiste à l’Ecole d’économie de Paris et codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab, WIL). Faut-il se concentrer sur les écarts des revenus ? Passer plutôt au crible les patrimoines ? Comment mesurer ce que l’on appelle, au juste, l’égalité des chances ?
Pour apporter leur pierre au débat, les chercheurs du WIL ont analysé les données du fisc et des comptes nationaux, afin de déterminer comment le revenu national se répartit entre les Français, et comment la redistribution s’effectue. Résultat : « La part des revenus captée par les 10 % les plus riches est relativement élevée dans notre pays, mais le taux de pauvreté y est aussi l’un des plus bas d’Europe », résume M. Chancel.
Dans le détail, la proportion du revenu national capté – avant impôt – par les 10 % de Français les plus riches s’élève à 32 %, contre moins de 30 % dans les pays scandinaves et en Italie, 30 % en Espagne et 35 % en Allemagne. En revanche, le taux de pauvreté – après impôt – est de 14,7 % en France, contre 16,1 % en Allemagne, 16,5 % au Danemark ou 20 % en Italie. « L’efficacité des transferts sociaux et des mécanismes de redistribution a permis de maintenir la pauvreté française à un niveau parmi les plus bas d’Europe, détaille la nouvelle étude publiée, le 2 avril, par le WIL.
Après impôts, prélèvements et transferts sociaux, la part du revenu capté par les plus pauvres remonte en effet de 21,7 % à 27 %. « Cependant, l’importance des taxes indirectes, comme la TVA, et le faible poids de l’impôt sur le revenu conduisent à une régressivité de l’impôt au sommet de la distribution », souligne l’étude. Comprendre : les 1 % les plus riches sont proportionnellement moins imposés.
En outre, les inégalités avant impôts se sont accrues depuis trente ans dans l’Hexagone. Les précédents travaux du WIL menés avec l’Institut des politiques publiques ont ainsi montré que la part des 10 % les plus riches dans les revenus du capital et du travail est passée de 30 % à plus de 32 % entre 1990 et 2018, tandis que celle des 50 % les plus pauvres est passée de 23,5 % à 21,7 %.
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Si les ménages sont relativement frileux avec leurs économies, faute d’une culture financière suffisante, les comportements évoluent quelque peu ces dernières années
Les Français demeurent clairement plus fourmis que cigales. Selon l’Insee, les ménages ont épargné 14,5 % de leur revenu brut disponible en 2018, et ce taux devrait croître encore en 2019 à la faveur d’une hausse du pouvoir d’achat. A comparer avec le taux moyen d’environ 10 % de l’Union européenne. Mais qui dit « gros » ne dit pas forcément « bons » épargnants. Les Français peinent à « définir une stratégie d’investissement sur le long terme », juge le gestionnaire d’actifs BlackRock dans une étude internationale.
« Seuls 8 % cherchent à investir, donc acceptent de prendre un risque, souligne Bettina Mazzocchi-Mallarmé, directrice de la distribution au sein de l’antenne française du groupe. Et un tiers pensent que le meilleur moyen de générer des revenus à long terme est de conserver des liquidités dans une banque pour toucher des intérêts. Ils sont souvent peu enclins à prendre des risques, même dans l’espoir d’un rendement plus élevé. »
Liquidité et capital garanti sont nos priorités concernant nos économies (sauf pour l’investissement dans la résidence principale, qui séduit sans remplir ces critères). Et ce, même si ces placements financiers font perdre du pouvoir d’achat une fois tenu compte de l’inflation. En 2018, les Français ont ainsi déposé 100 milliards d’euros sur leurs assurances-vie, non risquées, malgré « des rendements réels négatifs, vu l’inflation à 1,8 % et un rendement moyen d’environ 1,7 % avant impôt », constate Meyer Azogui, président de Cyrus Conseil.
Idem pour le Livret A : en dépit d’un taux à 0,75 % net d’impôt, son encours a grossi encore de 12 milliards d’euros en 2018. Pire : les comptes courants gonflent comme du levain. « Désormais, 415 milliards y stationnent, soit deux fois plus qu’il y a dix ans et en moyenne quasiment 15 000 euros par ménage », indique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.
« La part de Français pensant qu’aucun placement n’est intéressant a grimpé de 22 % à 30 % depuis 2016, selon notre enquête annuelle. » Toutefois, « attention à ne pas prendre l’épargnant français pour plus idiot qu’il ne l’est », poursuit-il. Le fonds en euros, par exemple, était longtemps un excellent choix en termes de rapport rendement sur risque : 100 euros placés en 1995 donnent un capital de 240 euros début 2019 au taux moyen du marché, soit un rendement annuel de 6 % ! »
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Ancien ministre de la fonction publique, Anicet Le Pors s’insurge, dans une tribune au « Monde », contre un projet de loi qui, selon lui, organise l’alignement du public sur le privé et laisse poindre une version autoritaire du pouvoir hiérarchique.
Tribune. En échec sur sa réforme des institutions, Emmanuel Macron a entrepris de passer en force sur celle de la fonction publique, baptisée en la circonstance « réforme de l’Etat ». Le projet de loi que vient d’adopter, le 27 mars, le conseil des ministres n’est pourtant que l’aboutissement provisoire d’une démarche particulièrement chaotique.
Les difficultés rencontrées par le gouvernement depuis un an l’ont contraint à réduire ses ambitions. Mais s’il proclame ne pas vouloir supprimer le statut général des fonctionnaires, son projet le dénature gravement en prévoyant, notamment, un recrutement massif de contractuels, des plans de départs volontaires de fonctionnaires, des ruptures conventionnelles dans des conditions incertaines, la réduction des compétences des organismes de concertation et la rémunération dite « au mérite ».
Par ailleurs, outre la réduction de 120 000 emplois durant le quinquennat, les fonctionnaires seront concernés par les réformes à venir de l’assurance-chômage et des retraites. A l’origine, le gouvernement avait vu plus grand : dans un discours du 13 octobre 2017, le premier ministre Edouard Philippe avait mis en place une opération baptisée « CAP22 » autour d’un Comité action publique 2022 qui devait remettre un rapport avant la fin mars 2018. Or, celui-ci, simple décalque du management privé, s’est révélé incommunicable aux fonctionnaires et le premier ministre a dû reprendre la main pour aboutir au projet actuel (« Service publique. Se réinventer pour mieux servir », juin 2018, voir lien PDF).
Depuis sa mise en place en 1983 sous la forme d’une fonction publique « à trois versants » (Etat, collectivités territoriales, établissements publics hospitaliers), le statut des fonctionnaires a subi de multiples attaques, soit frontales soit sous forme de centaines de mesures ponctuelles entraînant un véritable « mitage » du statut. Mais l’offensive actuelle est nouvelle en ce qu’elle tend à l’alignement du public sur le privé par la généralisation des techniques du new public management (nouvelle gestion publique).
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