Dans sa chronique, Frédéric Lemaître, journaliste au « Monde », s’étonne du silence qui règne toujours sur les raisons de l’explosion, le 21 mars, dans une usine chimique qui a causé au moins 78 morts.
Chronique. Connaîtra-t-on un jour la vérité ? Avec au moins 78 morts et des centaines de blessés, l’explosion survenue le 21 mars dans une usine chimique de la province du Jiangsu (Est), au nord de Shanghaï, est l’une des plus graves catastrophes industrielles qu’ait connues la Chine ces dernières années, qui pourtant n’en manque pas. Des bâtiments endommagés à 15 kilomètres à la ronde, des restes humains que seuls des tests biologiques permettent d’identifier…, l’énorme boule de feu de plusieurs dizaines de mètres de haut qui s’est formée pour une raison encore inconnue dans les locaux de la société Tianjiayi Chemicals a tout ravagé dans un périmètre considérable. Or, des habitations, des écoles, des crèches se trouvaient à proximité. Autour de ce qui est aujourd’hui un vaste cratère, il ne reste plus rien. Les rares photos publiées font immanquablement penser à un quartier sur lequel une bombe aurait été larguée. En déplacement en Italie, le président Xi Jinping a immédiatement donné des instructions pour que les populations aux alentours soient relogées et que les leçons soient tirées de cette catastrophe.
D’éventuelles révélations de corruption des élites locales pourraient provoquer des ravages politiques
Pas besoin d’être grand clerc pour deviner les ravages politiques que pourraient provoquer d’éventuelles révélations de corruption des élites locales. On n’en est pas encore là, mais on n’en est pas loin tant celles-ci semblent avoir fait preuve, dès l’origine, de coupables négligences. Le parc industriel situé au nord de la ville de Yancheng a été créé en 2007 afin d’accueillir les industries chimiques les plus polluantes jusque-là localisées au sud de la ville. Il fallait faire vite, a confié au journal Beijing Youth Daily Peng Weiguo, un ingénieur qui y a travaillé. Dès novembre 2007, une première explosion avait déjà tué huit personnes et fait des dizaines de blessés.
En raison de cette précipitation, le parc ne possède pas d’infrastructure pour traiter les déchets solides. A chaque industriel – il y en a près d’une soixantaine – de se débrouiller. Jusqu’en 2015, ceux-ci se contentent la plupart du temps, d’enfouir ces déchets dans le sol. Sans plus de précaution. Selon cet ingénieur, de nombreuses entreprises du parc sous-traitent à des paysans habitant aux alentours et qui n’ont reçu aucune formation pour le transport d’une partie des déchets. De même, les autorités n’ont pas pris la peine de créer un pipeline pour fournir le parc en énergie. D’où un trafic incessant de camions chargés de combustibles. Or, selon les spécialistes, la violence de l’explosion pourrait s’expliquer par la présence d’un incinérateur à proximité d’un réservoir de 4 000 mètres cubes de gaz naturel liquéfié.
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