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La sortie de la crise des « gilets jaunes » passera-t-elle par une augmentation du smic ? Beaucoup de manifestants l’espèrent, mais le gouvernement a pour l’instant fermé la porte à cette requête, en expliquant qu’un coup de pouce au salaire minimal risquait de faire augmenter le chômage. Trois clés pour comprendre le débat.

Comment le gouvernement peut-il augmenter le smic ?

Le smic est le montant minimum légal que doit percevoir un salarié. Il s’élève à 9,88 euros brut par heure travaillée, soit environ 1 185 euros net mensuels.

Son montant est réévalué au moins une fois chaque année selon des critères précis liés à la hausse des prix, mais il peut aussi bénéficier d’un « coup de pouce » à la discrétion de l’exécutif.

  • Le smic augmente automatiquement chaque année

Depuis 1970, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic) est revalorisé chaque année grâce à un mécanisme automatique, qui lui permet de suivre l’inflation (c’est-à-dire l’évolution des prix à la consommation).

Concrètement, cette revalorisation automatique est calculée par un groupe d’experts en tenant compte de l’évolution des prix à la consommation (pour les 20 % les moins aisés, hors tabac) et de la moitié des variations de pouvoir d’achat des ouvriers et des employés. Elle intervient au moins une fois dans l’année, le 1er janvier. Si l’inflation est très forte, d’autres revalorisations peuvent être décidées en cours d’année.

Hausse du smic horaire et évolution de l'inflation

  • Le gouvernement peut accorder un « coup de pouce » supplémentaire

Le président de la République a la possibilité d’aller au-delà des revalorisations automatiques, en décidant par décret d’une hausse du smic quand il le souhaite.

Cela s’est produit pour la dernière fois en juin 2012, au tout début de la présidence de François Hollande : alors que l’inflation n’était que de 1,4 %, le chef de l’Etat a décidé d’accorder un « coup de pouce » de 0,6 %, ce qui a entraîné une hausse du smic de 2 %.

Ce geste généreux avait toutefois ses limites, puisque ce « coup de pouce » a été retranché de la hausse suivante, intervenue en décembre 2012. Le bénéfice pour les salariés peut donc être de courte durée.

Combien de personnes sont concernées ?

Début 2018, environ 11,5 % des salariés travaillant sur le territoire français étaient rémunérés au smic, soit 1,98 million de personnes. La majorité de ces travailleurs sont des travailleuses, puisque les femmes représentent 58 % de celles et ceux qui touchent le salaire minimal.

 

Quels effets sur l’emploi ?

Les économistes sont très divisés sur le smic : au-delà de la question de la justice sociale, un débat virulent fait rage autour de son efficacité pour améliorer les conditions de vie des plus modestes.

A gauche, on estime généralement que le salaire minimal permet de tirer l’ensemble des rémunérations vers le haut. A l’inverse, les libéraux les plus radicaux s’opposent à l’idée même d’un salaire minimal, qu’ils jugent contre-productif. Selon eux, en plus d’être inutiles (car absorbées par l’inflation), les hausses du smic constituent un frein pour les patrons qui souhaitent embaucher, car elles renchérissent le coût du travail. Ils prédisent des milliers de suppressions d’emplois en cas de revalorisation trop généreuse.

Des libéraux plus modérés acceptent l’idée du smic, mais sont frileux à l’idée de l’augmenter trop souvent. Pour eux, en augmentant le salaire minimal, on resserre l’éventail des salaires, ce qui pousse les entreprises à choisir, à salaire égal, les personnes davantage qualifiées, et à écarter du marché du travail celles qui le sont le moins.


Lire la suite : Le débat sur la hausse du smic en trois questions


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Dans une étude présentée lundi, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie estime que l’Hexagone pourrait quasiment sortir du nucléaire à l’horizon 2060.

En pleine crise des « gilets jaunes », les discussions sur la transition énergétique se poursuivent. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 27 novembre, les grandes orientations de la France en matière d’énergie pour les dix années à venir, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a publié, lundi 10 décembre, une nouvelle étude sur le futur électrique de l’Hexagone.

Dans le débat souvent stérile entre partisans du nucléaire et défenseurs des énergies renouvelables, l’établissement public esquisse plusieurs pistes, selon lesquelles le solaire et l’éolien supplanteraient progressivement la domination de l’atome.

L’étude que l’agence a menée porte sur les années 2020-2060. Elle analyse plusieurs scénarios de développement des énergies renouvelables(EnR)et de prolongation du parc nucléaire. Selon l’un d’eux, mis en avant par l’Ademe, la France pourrait atteindre en 2050 un mix électrique comportant 85 % d’énergies renouvelables, et plus de 95 % en 2060. « Par ailleurs, pour le consommateur, l’augmentation progressive de la part des EnR dans le mix électrique permet de faire baisser le coût total de l’électricité », affirme l’étude.

Les auteurs de ce document estiment que la prolongation trop longue du parc nucléaire français – au-delà de cinquante ans pour certains réacteurs – et le lancement de la construction de nouveaux réacteurs de type EPR ne sont pas une option à retenir. En cause, la faible compétitivité, à terme, des nouveaux réacteurs nucléaires. « Si l’on se projette sur la période 2030-2035, les énergies solaire et éolienne n’auront plus besoin de soutien public », explique au Monde le président de l’Ademe, Arnaud Leroy.

Scénario ambitieux

Certes, les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire produisent de l’électricité de manière intermittente, quoique largement prévisible. Mais la baisse des coûts du stockage, les prochaines évolutions technologiques et surtout une très grande maîtrise du réseau électrique et de sa gestion en temps réel pourraient pallier ces difficultés, sou­ligne l’Ademe. Y compris si la France comptait 10 à 15 millions de véhicules électriques en 2035.

Le nucléaire représente actuellement près de 72 % de la production d’électricité en France, contre 12 % pour les barrages hydroélectriques, 4 % pour l’éolien et 2 % pour le solaire. D’après l’Ademe, la diminution progressive du parc nucléaire jusqu’à 2035 devrait permettre un développement rapide des énergies renouvelables.

Ce scénario est plus ambitieux que celui présenté par le gouvernement dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit être soumise à consultations. « C’est un exercice différent, explique M. Leroy, par ailleurs membre de la direction de La ­République en marche et proche d’Emmanuel Macron. Il s’agit de peser sur le débat à venir et d’éclairer les choix jusqu’en 2060. »


Lire la suite : Electricité : la France pourrait atteindre 85 % de renouvelables en 2050, selon l’Ademe


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Changer d’assurance pour son crédit immobilier est possible une fois l’an. Les établissements financiers se sont finalement accordés sur une échéance unique : deux mois avant l’anniversaire de l’offre de prêt.

Vous avez souscrit un prêt immobilier ? Vous n’êtes pas pieds et poings liés avec l’assurance emprunteur que vous a vendue votre banque. Une fois par an, vous pouvez résilier votre contrat pour en choisir un autre. La banque ne peut vous refuser la substitution si votre nouvelle assurance répond à ses exigences en matière de garanties (et les critères qu’elle peut imposer sont encadrés). Quand faut-il s’y prendre ? C’est là que l’histoire se complique quelque peu…

« Au moins deux mois avant la date d’échéance » du contrat, répond la loi. Pas très précis ! Car dans la plupart des contrats, aucune date anniversaire n’est indiquée… De quoi pimenter les démarches. Bonne nouvelle : le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a fini par trancher, dans un avis émis le 27 novembre : c’est à la date de signature de l’offre de prêt par l’emprunteur qu’il faut se référer. Sauf si une autre date était fixée dans le contrat et que le client demande sa prise en compte, précise le CCSF, instance de concertation instaurée par la loi et qui réunit notamment des représentants des établissements financiers et des consommateurs.

En vigueur d’ici la fin 2019

Cette date unique a été adoptée « au terme d’une large consultation de place qui a permis de faire converger les approches » et doit « faciliter le plein exercice de la faculté de résiliation annuelle ouverte par la loi », explique l’avis. Elle doit entrer en vigueur « au plus tard au deuxième semestre 2019 », histoire de laisser aux établissements financiers le temps « d’adapter leurs systèmes d’information ».

En attendant, mieux vaut donc toujours demander à votre conseiller la date qui comptera dans votre cas. Ou vérifier sur le site de votre banque, puisque en juin dernier, la Fédération bancaire française a demandé aux établissements de faire figurer cette information sur Internet. Certains avaient décidé de prendre en compte, comme date d’anniversaire, la date de signature de l’offre de prêt, d’autres celles de l’assurance, ou encore la date d’effet de l’assurance.

Une possibilité étendue à tous les crédits

Rappelons que cette possibilité de changer d’assurance emprunteur une fois l’an a été ouverte en février 2017 pour tous les contrats signés après le 22 février 2017, puis pour l’ensemble des contrats depuis début 2018. Auparavant, la résiliation n’était envisageable que durant les douze premiers mois du crédit (en application de la loi Hamon de 2014).

Autre flou sur lequel s’est penché le CCSF : la couverture de l’emprunteur lorsque la durée initiale de son prêt se trouve allongée, soit dans le cadre d’un crédit modulable (prêt à taux fixe laissant la possibilité d’augmenter ou diminuer ses mensualités, et d’ajuster en fonction la durée du prêt), soit dans le cadre d’un crédit à taux révisable (quand une hausse du taux engendre une prolongation du crédit). Les assureurs se sont engagés au sein du CCSF à continuer à couvrir ces emprunts avec les mêmes garanties et les mêmes tarifs. Et ce dans la limite de cinq ans (attention, d’autres limites peuvent être stipulées dans le contrat d’assurance, d’âge notamment). Ne seront imposées, par exemple, ni de hausse de prix, ni de nouvelle exclusion de garanties, ni de nouvel examen de santé. 

Le risque actuellement, quand un emprunteur quitte l’assurance de sa banque pour prendre une assurance alternative, dite « en délégation » : qu’à l’issue de la durée initialement prévue du prêt, il ne soit plus couvert, et doive souscrire une extension de son assurance à des conditions tarifaires moins avantageuses que celles d’origine (par exemple parce qu’il est plus âgé lors de cette nouvelle souscription).


Lire la suite : Assurance emprunteur : la résiliation facilitée


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Entre protection des donnés personnelles et lutte contre les cybermenaces, les Etats peinent à définir des stratégies d’équilibre, analysent Frans Imbert-Vier et Philippe Muller Feuga, spécialistes de la sécurité des données, dans une tribune au « Monde ».

Tribune. La numérisation du monde modifie les rapports de force entre les nations et impacte, tout autant que le contrat social entre l’Etat et ses citoyens, la stratégie de sécurité nationale. La donnée en masse est devenue un outil de puissance et d’influence ; le cyberespace est devenu la nouvelle scène de la politique mondiale.

A l’Internet libéré, salué en 1996 lors du Forum de Davos par la déclaration d’indépendance du cyberespace, succède une défiance symbolisée par la formule « vie privée contre renseignement d’Etat ». Le chiffrement de l’information solutionne en partie le premier terme de cet adage ; mais la vigilance, en raison des vulnérabilités avérées des technologies, conduit au second par la mise en place d’un contrôle, voire d’une censure d’Etat.

Assiste-t-on à la fin de l’Etat de droit souverain, ou bien à l’émergence d’un Etat de surveillance de masse, nourrie de données pour parer à toute attaque ou menace sur les intérêts essentiels d’une nation ?

Avec la révolution numérique, les frontières traditionnelles se sont effacées. Les Etats, n’ayant pas anticipé le phénomène, peinent à y opposer leur souveraineté. La protection des informations sensibles faiblit face aux intrusions des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) américains, et désormais des BATX (Baitu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) chinois. Plus significative encore est la cyberguerre mondiale qui, dans l’anonymat des auteurs d’attaques, capte des actifs informationnels pour nuire aux intérêts essentiels d’un acteur privé ou d’un Etat. Les cibles ? Les installations vitales, les start-up, les centres de recherche, les industries, mais aussi le politique et son écosystème d’influence, les lobbyistes.

Adapter le bouclier et le glaive à l’ère numérique

Pour l’Union européenne, Internet reste un espace neutre et sans frontières, alors qu’il est géré par l’ICANN américain et que l’une des premières décisions de l’administration Trump aura été d’abolir la neutralité du Net, en juin 2018. Le cyberespace a un parti pris essentiellement américain. Aux Etats-Unis, 24 agences de renseignements (sur 26 !) sont consacrées à l’intelligence économique, autrement dit à l’espionnage industriel – une orientation prise par la National Security Strategy dès 1990 – et disposent des outils de la communauté du renseignement intérieur et extérieur, civil et militaire, et d’un arsenal juridique souverain à capacité extraterritoriale. Cette politique change le concept de sécurité nationale qui est à revoir, en Europe comme en France, dernier des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (ONU) à ne pas avoir doté son arsenal politique d’outils comparables.


Lire la suite : « Le principe d’indépendance d’un Etat ne pourra s’affirmer dans le cyberespace qu’au prix d’un Internet repensé »