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Le ministre de l’économie et plusieurs associations professionnelles issues de multiples secteurs d’activité alertent sur l’effet négatif de la mobilisation pour le chiffre d’affaires des entreprises.

Après trois semaines de perturbations et la poursuite, lundi 3 décembre, des blocages et des incidents partout en France, les acteurs économiques et les pouvoirs publics continuent d’évaluer l’étendue des dégâts. Et d’alerter sur les conséquences potentielles de la poursuite du mouvement. Le ministre de l’économie, Bruno le Maire, a ainsi fait état de perte de chiffre d’affaires (CA) significatives survenues depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Si un « climat de défiance » s’est installé, selon l’économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques Mathieu Plane, « l’économie n’est pas bloquée ».

Secteur par secteur, les acteurs économiques ont fait état de pertes importantes, notamment dans le domaine du commerce.

  • Les commerces de détail ont, en effet, vu leur chiffre d’affaires affecté par des baisses comprises entre 20 % et 40 % alors même qu’à l’approche de Noël, le chiffre d’affaires de ce secteur passe quasiment du simple au double ;
  • Dans la grande distribution, des problèmes de livraison et des blocages d’entrepôts se sont traduits par une baisse du chiffre d’affaires de 15 % à 25 %.
  • Selon l’institut Quantaflow, les centres commerciaux ont connu, samedi, une baisse de fréquentation de 14 %.
  • Les difficultés d’acheminement des marchandises ont également touché certains marchés de gros et de marchandise fraîche où l’on déplore des pertes autour de 15 % du CA.

De leur côté, les entreprises de transport routier de marchandises et de logistique estiment à 400 millions d’euros les pertes d’exploitation qu’elles ont subies depuis le début des manifestations. « L’inactivité forcée du TRM, secteur stratégique, entraînera dans les plus brefs délais la paralysie de l’ensemble de l’économie française », préviennent les représentants de ce secteur qui pointent « une situation dramatique ».

Les images des affrontements survenus, samedi, aux abords de l’Arc de triomphe, un des monuments les plus emblématiques de la capitale, diffusées partout dans le monde, ont pu avoir un effet dissuasif sur les touristes étrangers. Dans l’hôtellerie, on annonce une baisse de réservations atteignant de 15 à 20 %, un effet négatif de la mobilisation qui se présente pour la première fois depuis le début du mouvement, le 17 novembre. En fonction des lieux, les restaurateurs font, quant à eux, état de baisse de CA allant de 20 % à 50 %.

Concernant, le secteur des industries pétrolières, plusieurs dépôts d’hydrocarbures sont affectés par des blocages orchestrés par les « gilets jaunes ». Lundi, plusieurs dizaines de stations-service étaient en rupture totale ou partielle de carburant. « La situation n’est pas critique à ce stade. La logistique s’organise pour qu’il y ait le minimum d’impact », avec notamment des tournées renforcées dans les endroits les plus touchés, rassure toutefois l’Union française des industries pétrolières (UFIP).

L’industrie manufacturière est également touchée, avec « des pertes de commande de véhicules chez Renault et chez Peugeot », selon Bruno Le Maire, qui n’a, cependant, pas communiqué de chiffres à ce sujet, tout en évoquant « des baisses plus importantes dans l’industrie agroalimentaire ».

Lundi, l’Association nationale des industries alimentaires a, en effet, annoncé que du fait des blocages des transports et des centres commerciaux, le secteur pourrait subir plus de treize milliards d’euros de pertes, ce qui pourrait menacer la pérennité de certaines entreprises. Les fêtes de fin d’année représentent traditionnellement 20 % du chiffre d’affaires de ces entreprises, essentiellement des PME. L’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) pointe une « désorganisation de la production », débouchant sur du « chômage technique », ainsi qu’une « désorganisation totale » dans ses relations avec la grande distribution.


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Trois députés européens estiment dans une tribune au « Monde » que les ministres des finances européens doivent adopter sans délai la taxe sur les services numériques et imposer les GAFA sur leurs chiffres d’affaires.

Tribune. Le temps presse ! Les ministres des finances européens qui se réunissent, mardi 4 décembre, à Bruxelles doivent adopter sans délai la taxe sur les services numériques, un impôt sur le chiffre d’affaires des multinationales du numérique telles que Google, Apple, Facebook, Amazon, Booking ou Spotify. Une telle taxe pourrait générer jusqu’à dix milliards d’euros de recettes publiques par an, indispensables pour une croissance économique durable, la création d’emplois et le financement des services publics.

Alors que les citoyens et les petites entreprises paient leurs impôts là où ils vivent et travaillent, les géants du numérique y échappent presque entièrement. En mars, la Commission européenne a révélé que le secteur du numérique payait 9,5 % d’impôts sur les sociétés, soit moins de la moitié que les secteurs « traditionnels », avec 23 % en moyenne. Rien qu’en 2017, Amazon a généré environ 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe mais a réussi à payer un impôt quasi nul.

Système fiscal dépassé par la mondialisation

Notre système fiscal est aujourd’hui dépassé par la mondialisation et la transition numérique. Conçues au début du XXe siècle pour une économie traditionnelle basée sur les échanges de biens et services physiques, les règles actuelles ne fonctionnent plus dans une économie de plus en plus virtuelle. A cela s’ajoute des règles fiscales nationales divergentes, des niches et autres failles qui font de l’évasion et de la fraude fiscales un jeu d’enfant pour les multinationales. Les révélations des « Paradise papers » ont montré comment celles-ci tirent parti de cette cacophonie réglementaire en employant des constructions fiscales sophistiquées pour transférer leurs profits vers des paradis fiscaux.

Les entreprises du numérique sont expertes dans l’exploitation de cette situation. Elles bénéficient d’une faible présence physique en Europe et peuvent donc choisir de rapatrier leurs bénéfices vers le pays aux règles fiscales les plus avantageuses. Ce faisant, elles stimulent la concurrence entre les Etats membres et mènent un nivellement par le bas en matière de fiscalité des entreprises.

A moins que l’on ne change les règles du jeu, nous continuerons d’assister à une chute sans fin du montant des impôts payés par les entreprises. Les réformes pour combattre ce système injuste nécessitent du temps, mais surtout du leadership politique ; et dans ce cas, d’un leadership européen.


Lire la suite : « L’Europe doit récupérer sa souveraineté fiscale »


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Pour Bertrand Piccard, pionnier de l’avion solaire, le progrès technique permettra de surmonter le blocage de la décision politique sur le climat.

Tribune. Du 3 au 14 décembre, la COP24 réunit les représentants de 196 pays dans l’ancienne ville minière de Katowice, en Silésie polonaise. Alors même que l’enjeu est immense – le dernier rapport du Groupe d’experts international d’experts sur le climat nous l’a gravement rappelé –, les négociations sur l’application de l’accord de Paris semblent difficilement pouvoir sortir de l’impasse.

Le choix qui s’offre aux négociateurs est clair, entre stagnation et progrès, entre timidité et audace. Mais un tel choix leur semble plus que jamais impossible à faire s’il implique des sacrifices pour leurs pays, leurs populations ou leurs économies.

Or, ce n’est pas forcément le cas. Grâce aux progrès technologiques, la lutte contre le réchauffement climatique n’est plus une contrainte. Bien au contraire : c’est aujourd’hui une énorme opportunité, comme on peut le constater jour après jour. Depuis le succès du premier tour du monde en avion solaire, j’ai rencontré, à travers la Fondation Solar Impulse, des centaines d’entrepreneurs et d’innovateurs proposant des solutions dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de la mobilité, de l’urbanisme, de l’agriculture et de l’industrie.

Et si les nouveaux systèmes, produits et technologies sur lesquels sont fondées ces solutions n’étaient pas financièrement viables il y a dix ans, ils le sont aujourd’hui. C’est ainsi que, dans les pays les plus pauvres comme dans les plus riches, nous pouvons créer des emplois et de la richesse, réduire les inégalités, accroître la stabilité sociale et stimuler la croissance tout en protégeant l’environnement.

Plastique biodégradable et protéines de lait

En d’autres termes, nous pouvons parvenir à une croissance propre et qualitative, clairement préférable au statu quo actuel. Le remplacement d’infrastructures dépassées et polluantes par des infrastructures modernes et performantes est au XXIe siècle la plus grande opportunité du secteur industriel. 

Saviez-vous que les bâtiments peuvent maintenant être si bien isolés qu’ils sont neutres sur le plan énergétique ? Ou que l’énergie nécessaire au chauffage peut être divisée par quatre et celle nécessaire à l’éclairage public et privé par dix ? Nous sommes même capables aujourd’hui de dessaler l’eau de mer avec l’énergie solaire. Des systèmes de contrôle intelligents peuvent être installés pour équilibrer la production, le stockage et la consommation d’énergie au point de réduire de moitié la consommation d’une population.


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L’économiste Joëlle Farchy estime, dans une tribune au « Monde », que les données numériques, à la fois privées et d’intérêt général, doivent être gérées sous le régime des « biens communs », défini par l’économiste américaine Elinor Ostrom.

Tribune. La question du partage des données, comme l’une des conditions du développement de l’intelligence artificielle, s’est imposée dans les agendas politiques européens comme nationaux comme dans les rendez-vous professionnels tels le Paris Open Source Summit qui a lieu cette année les 5 et 6 décembre. L’ouverture des données est identifiée comme un levier majeur de compétitivité dans la mesure où l’intelligence artificielle s’appuie sur des quantités considérables de données d’apprentissage.

Cette question s’inscrit dans un cadre juridique lancé dès 1978 qui contraint, dans un esprit de transparence, les opérateurs publics ou délégataires de service public à donner aux citoyens l’accès à des informations. Dans les années 2010, le mouvement de l’open data promeut, au-delà du simple accès, de véritables stratégies de réutilisation des données afin de proposer des services innovants. Une nouvelle notion, celle de « données d’intérêt général », introduite en 2016 dans la loi République numérique, organise l’ouverture de certaines données détenues par des opérateurs privés. Le rapport du député LREM Cédric Villani sur l’intelligence artificielle, remis en mars, promeut l’extension de cette notion.

Pour autant, on peut s’interroger sur les raisons qui, dans une économie de marché, justifient d’inciter, voire de contraindre, des opérateurs privés à partager des ressources dont on affirme par ailleurs qu’elles sont le moteur de l’économie numérique. Le droit de la concurrence, au travers du concept de facilités essentielles, impose déjà à certaines entreprises d’ouvrir à d’autres des ressources dont l’accès est indispensable à l’exercice de leur activité. Mais l’application de ce concept s’effectue dans des conditions volontairement restrictives, puisqu’il s’agit d’imposer au propriétaire de la ressource de la partager avec ses concurrents.

Au-delà, peut-on envisager la constitution d’un patrimoine commun de la donnée, et si oui dans quelles conditions ?

Les « communs », la troisième voie

L’économie de la data est en effet pleine de paradoxes. Premièrement, il n’existe actuellement pas de droits de propriété sur les données, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Une donnée a en effet rarement une valeur économique en soi ; la valeur se crée par l’agrégation et la contextualisation de millions de données. Introduire de nouvelles enclosures sur chaque donnée irait à l’encontre de la philosophie de partage promue par ailleurs.


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