Trois députés européens estiment dans une tribune au « Monde » que les ministres des finances européens doivent adopter sans délai la taxe sur les services numériques et imposer les GAFA sur leurs chiffres d’affaires.
Tribune. Le temps presse ! Les ministres des finances européens qui se réunissent, mardi 4 décembre, à Bruxelles doivent adopter sans délai la taxe sur les services numériques, un impôt sur le chiffre d’affaires des multinationales du numérique telles que Google, Apple, Facebook, Amazon, Booking ou Spotify. Une telle taxe pourrait générer jusqu’à dix milliards d’euros de recettes publiques par an, indispensables pour une croissance économique durable, la création d’emplois et le financement des services publics.
Alors que les citoyens et les petites entreprises paient leurs impôts là où ils vivent et travaillent, les géants du numérique y échappent presque entièrement. En mars, la Commission européenne a révélé que le secteur du numérique payait 9,5 % d’impôts sur les sociétés, soit moins de la moitié que les secteurs « traditionnels », avec 23 % en moyenne. Rien qu’en 2017, Amazon a généré environ 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe mais a réussi à payer un impôt quasi nul.
Système fiscal dépassé par la mondialisation
Notre système fiscal est aujourd’hui dépassé par la mondialisation et la transition numérique. Conçues au début du XXe siècle pour une économie traditionnelle basée sur les échanges de biens et services physiques, les règles actuelles ne fonctionnent plus dans une économie de plus en plus virtuelle. A cela s’ajoute des règles fiscales nationales divergentes, des niches et autres failles qui font de l’évasion et de la fraude fiscales un jeu d’enfant pour les multinationales. Les révélations des « Paradise papers » ont montré comment celles-ci tirent parti de cette cacophonie réglementaire en employant des constructions fiscales sophistiquées pour transférer leurs profits vers des paradis fiscaux.
Les entreprises du numérique sont expertes dans l’exploitation de cette situation. Elles bénéficient d’une faible présence physique en Europe et peuvent donc choisir de rapatrier leurs bénéfices vers le pays aux règles fiscales les plus avantageuses. Ce faisant, elles stimulent la concurrence entre les Etats membres et mènent un nivellement par le bas en matière de fiscalité des entreprises.
A moins que l’on ne change les règles du jeu, nous continuerons d’assister à une chute sans fin du montant des impôts payés par les entreprises. Les réformes pour combattre ce système injuste nécessitent du temps, mais surtout du leadership politique ; et dans ce cas, d’un leadership européen.
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