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La devise numérique de Facebook ne changera pas grand-chose au quotidien des utilisateurs, mais risque d’engendrer des effets pervers dans les pays aux devises très volatiles, et pose la question de la confiance dans une monnaie privée, observe Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde », dans sa chronique.
Pertes et profits. Voilà un beau sujet que l’on aurait pu proposer aux candidats bacheliers qui transpirent ce lundi 17 juin sur leur copie : qu’est-ce qui fonde la puissance ? Pour un Etat, le premier élément est bien sûr celui de la force légale, le second sa monnaie. Un privilège qui a accompagné l’émergence des nations modernes. Il n’est donc pas étonnant que Facebook, avec ses 2,4 milliards de « citoyens », choisisse de créer sa propre devise au moment même où le débat s’avive partout, y compris aux Etats-Unis, sur l’opportunité de son démantèlement. La monnaie est en effet un puissant vecteur d’intégration. C’est pour renforcer l’unité de l’Europe que ses promoteurs ont créé l’euro. Pour accélérer les échanges et les rendre plus économiques.
L’idée semble lumineuse. Plus besoin d’argent liquide, de carte de crédit, d’opérations de change. L’argent sans couture. Une vraie révolution qui devrait malmener le modèle économique des banques, fait de commissions en tout genre, notamment sur les paiements par carte et sur les changes.
Mais ce n’est pas si simple. Facebook n’est pas un pays. Dotée pourtant d’une vraie culture commune, l’Europe n’est pas sortie renforcée de l’introduction de l’euro. Au contraire, cela a accéléré les divergences entre ses membres. De la même manière, le « libra » de Facebook ne changera pas grand-chose à la commande d’un taxi ou d’un bouquet de fleurs, mais risque de provoquer des effets pervers en masse s’il devient une monnaie alternative dans les pays aux devises les plus volatiles : du Venezuela à l’Argentine en passant par l’Inde ou certains pays d’Afrique.
De plus, la question de la confiance, qui est à l’origine de l’invention de l’argent, reste posée. Pour y répondre, Facebook a créé une fondation en Suisse gérée par la vingtaine de membres de son alliance. Cette communauté de marchands fera office de banque centrale et surveillera l’usage d’une monnaie assise sur un panier de devises, où le dollar restera prépondérant, comme il l’est dans le monde monétaire traditionnel. Le tiers de confiance n’est donc pas indépendant, comme il l’est dans d’autres monnaies virtuelles à l’instar du bitcoin, ni placé sous la protection des Etats comme les banques centrales traditionnelles.
Mais le plus grand paradoxe est que cette nouvelle ambition d’une monnaie, à la fois mondiale et privée, se fait jour au moment où le monde se referme sous l’influence de politiques de plus en plus protectionnistes et soucieuses de souveraineté. Comme si Mark Zuckerberg poursuivait seul avec Facebook le rêve envolé d’un monde sans frontières.
Lire la suite : Libra : « L’ambition de cette nouvelle monnaie se fait jour au moment où le monde se referme »
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A l’occasion du Forum Expat, les 12 et 13 juin à Paris, « Le Monde » s’est penché sur la vie et les aspirations des Français de l’étranger. Zoom sur un petit pays d’Amérique du Sud qui attire chaque année de nombreux Français.
Marie Missud, 26 ans, vit sur l’île de Muisne, sur la côte Pacifique, à 50 mètres de la plage. Tous les matins, elle se rend à son bureau en moto-taxi, en saluant au passage ses amis équatoriens. Depuis deux ans, elle coordonne ici les projets de l’ONG espagnole Paz y Desarrollo (Paix et Développement). Une activité de terrain qui lui plaît. « Ici, j’ai un rapport direct avec les bénéficiaires, alors que, si je travaillais en France ou même à Quito, la capitale, ce serait plus un travail de coordination », explique la jeune femme. A midi, Marie déjeune au bord du fleuve qui sépare l’île de Muisne du continent. « Comme c’est une ville de pêcheurs, il y a toujours du poisson ou des fruits de mer frais. » Le soir, elle se baigne souvent dans l’eau tempérée de l’océan Pacifique avant de partager une soirée avec ses amis, sur la plage, autour d’un feu de bois. « J’aime l’ambiance qu’il y a ici, c’est toujours animé, les gens sont chaleureux, tout le monde se connaît. »
Comme elle, 2 830 Français résidant en Equateur sont inscrits au registre des Français établis hors de France. Dans ce petit pays de 16,6 millions d’habitants, situé entre le Pérou et la Colombie, la plupart des expatriés s’installent dans l’une des trois principales villes du pays, Quito, la capitale, Guayaquil, le cœur économique, ou Cuenca, ville coloniale réputée pour son développement culturel. « L’Equateur est un pays d’entrepreneurs où chacun peut créer son business avec son réseau », affirme Charlène Le Falher, chargée de développement économique à la chambre de commerce et d’industrie franco-équatorienne.
Si Marie Missud a choisi le climat tempéré de la côte, Sabine Million, elle, a préféré Quito et la fraîcheur des Andes pour créer une agence de tourisme. « Ici, les démarches pour entreprendre sont beaucoup plus simples qu’en France, et il est possible de commencer sans avoir à investir énormément », se souvient la jeune entrepreneuse de 26 ans. Son premier investissement de 500 dollars a vite été remboursé, et Sabine s’est constitué une petite clientèle. « Je sais maintenant que je suis capable de développer un business à l’étranger et de le rentabiliser », dit Sabine, qui a ainsi ajouté une belle expérience professionnelle à son CV. Mais « ce n’est pas toujours simple de travailler en indépendant, il y a toujours un petit quelque chose qui ne va pas, et les gens ne sont pas toujours fiables », reconnaît-elle.
Septième économie d’Amérique latine, l’Equateur est économiquement stable, avec un taux de croissance de 3 % du PIB. Le pays offre donc aux expatriés français des conditions de vie plus ou moins confortables, selon leur mode de travail. Pour Sabine Million, qui est indépendante, « il y a de bons mois et d’autres plus compliqués ». Loïc Stalin, 25 ans, effectue quant à lui un volontariat international en entreprise (VIE) à Guayaquil, dans une entreprise américaine spécialiste des matières premières. Un contrat avantageux puisqu’il donne droit à une exonération d’impôts dans le pays et que l’entreprise prend en charge son logement.
Le travail reste en effet la principale raison de l’expatriation des Français en Equateur. C’est en tout cas ce qui a conduit Serge Maller dans la capitale. Après avoir vécu en Espagne, en Bolivie, en Argentine et au Salvador, il est président de l’Alliance française à Quito depuis bientôt trois ans. Un travail qu’il affectionne particulièrement et qui n’a, selon lui, pas d’équivalent en France. « C’est un très beau poste, car nous gérons à la fois un centre de langue et un centre culturel à la programmation riche et intéressante. C’est vraiment grisant », confie-t-il. Malheureusement, dans un an, sa mission prendra fin. Mais pas de quoi tourmenter cet expatrié au long cours. « J’aime bien ce côté mission à durée définie. Ça donne une certaine énergie pour mettre en place des choses qu’on a envie de voir aboutir. C’est stimulant. »
Même s’ils viennent pour le travail, les expatriés profitent évidemment des paysages incroyables, entre l’Amazonie, la cordillère des Andes, la côte Pacifique et les îles Galapagos. « Le week-end, on a le choix, on peut aller se baigner dans une eau à 30 °C ou aller randonner à la montagne, où il fait 0 °C. Du coup, nous sommes prêts à faire quatre heures de bus le vendredi soir après le travail pour aller découvrir de nouveaux endroits », explique Loïc Stalin. Marie Missud, elle, n’oubliera jamais le jour où elle a appris à pêcher des crabes dans la mangrove avec ses amis de Muisne, ni celui où elle a passé neuf heures en haute mer pour participer à un concours de pêche.
La plupart des expatriés français restent en moyenne deux ans en Equateur. Philippe Rabaix, lui, a décidé de passer sa retraite dans le sud du pays, où le climat tempéré attire de nombreux étrangers. Car selon le classement publié par le site Internationalliving.com, l’Equateur est le quatrième meilleur pays du monde où passer sa retraite, devant le Portugal ou la Colombie. Avec sa petite retraite, cet ancien professionnel de la restauration peut vivre confortablement sur le terrain qu’il a acheté « avec vue sur les montagnes », dans cette vallée réputée pour la longévité de ses habitants. De son côté, Sabine Million envisage de rentrer en France prochainement, mais elle garde dans un coin de sa tête l’idée de revenir en Equateur pour finir ses vieux jours au soleil.
Le Forum Expat se tiendra les 12 et 13 juin au Carreau du Temple, à Paris. Cet événement créé par Le Monde en 2013 réunit des acteurs économiques, universitaires et diplomatiques pour répondre aux enjeux de la mobilité internationale : comment préparer son départ et surtout son retour ? A quelle protection sociale se vouer ? Comment construire son patrimoine ?
Cette 7e édition organisée autour de trois thématiques – mobilité professionnelle, gestion de patrimoine et vivre au quotidien – décryptera l’expatriation selon les motivations de départ : pour se former en Allemagne, pour travailler au Canada, pour investir à l’île Maurice.
Le Forum fera deux focus sur l’Europe, destination privilégiée pour plus de 50 % des expatriés français : l’un sur la République tchèque et l’autre sur l’impact du Brexit. Une dizaine de destinations seront dûment représentées : l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, la République tchèque, l’île Maurice, les Etats-Unis, le Canada et la Nouvelle-Zélande.
Le mercredi 12 juin de 10 heures à 21 heures et le jeudi 13 juin de 10 heures à 18 heures. Au Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, 75003 Paris. Entrée gratuite, inscription sur www.leforumexpat.com
Source : L’Equateur, un pays où l’on s’expatrie pour le travail… et la qualité de vie
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Selon un rapport de la Commission des comptes, le déficit plongera au moins à 1,7 milliard d’euros et pourrait même atteindre 4,4 milliards, ce qui compromet le retour à l’équilibre annoncé.
Revenu en 2018 à son plus bas niveau en deux décennies, le déficit de la Sécurité sociale « se creuserait » de nouveau en 2019, entre 1,7 milliard et 4,4 milliards d’euros, selon une synthèse de la Commission des comptes dont l’Agence France-Presse (AFP) a obtenu copie, lundi 10 juin.
En septembre 2018, Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Gérald Darmanin, son collègue de l’action et des comptes publics, annonçaient fièrement un déficit au plus bas depuis 2001 (– 1,2 milliard d’euros) et ils prévoyaient, enfin, le retour à l’équilibre pour 2019. Mais le vent a tourné et la promesse s’est fracassée sur la réalité du ralentissement économique et les concessions faites aux « gilets jaunes ».
Selon la Commission des comptes, cette rechute « résulte pour l’essentiel d’une croissance de la masse salariale (…) nettement inférieure [en France] à la prévision initiale » du gouvernement. Au lieu des 3,5 % espérés à l’automne 2018, Bercy ne table plus que sur une progression de 3,1 %, selon le programme de stabilité transmis à Bruxelles en avril.
Mais à cause de la « prime Macron » votée en décembre 2018 (une exonération totale de cotisations et d’impôts jusqu’à 1 000 euros), la Sécurité sociale devra même se contenter de 2,9 %. Soit, au bout du compte, de « recettes plus faibles qu’attendu » de l’ordre de 1,7 milliard d’euros, l’équivalent du montant du déficit prévu, dans le meilleur des cas.
Car l’addition pourrait se corser si l’Etat ne compensait pas à la « Sécu » les autres « mesures d’urgence » adoptées en fin d’année, au plus fort de la crise sociale. L’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires dès le 1er janvier, et la baisse du taux de contribution sociale généralisée (CSG) pour une partie des retraités, coûteront « respectivement 1,2 milliard et 1,5 milliard d’euros », estime la Commission des comptes.
De quoi aggraver le « creusement » du déficit « qui atteindrait alors 4,4 milliards d’euros », poursuit-elle, ajoutant que « la trajectoire de retour à l’équilibre de la Sécurité sociale pourrait être remise en cause ».
D’autant plus que l’avenir s’annonce aussi moins rose qu’espéré : avec une croissance économique revue de + 1,7 % à + 1,4 % cette année, le scénario d’une Sécurité sociale en excédent en 2020 « risquerait également d’être compromis ».
Sans oublier qu’il faudra financer les nouveaux gestes en faveur des retraités, annoncés par Emmanuel Macron en avril : réindexation d’une majorité de pensions sur l’inflation et augmentation du « minimum contributif » à 1 000 euros pour une carrière complète. Deux mesures dont « le coût total est estimé à 1,5 milliard d’euros et qui détériorera d’autant le solde de la Sécurité sociale », prévient la Commission des comptes.
Cette « détérioration » durable viendrait compromettre un autre engagement de l’exécutif : la reprise et le remboursement d’un reliquat de 15 milliards d’euros de dette sociale, impossible avec des comptes dans le rouge, ce qui exposerait la Sécurité sociale au risque d’une remontée des taux d’intérêt. Une mise en garde identique à celle du Haut Conseil du financement de la protection sociale, qui jugeait, dès mars, que la sortie des déficits était « remise en question » et évaluait alors les pertes pour 2019 à 3,6 milliards d’euros.
Le gouvernement sait en réalité depuis plusieurs mois que sa projection de départ est devenue chimérique. Mme Buzyn l’avait reconnu en janvier : « Le retour à l’équilibre en 2019 est compromis. » Mais les chiffres n’ont toujours pas été révisés, laissant planer le doute sur une volonté de laisser filer le déficit de la Sécurité sociale pour ne pas accroître celui de l’Etat. « Nous allons travailler pour améliorer ce déficit de façon à reprendre la trajectoire initialement prévue », a seulement déclaré la ministre des solidarités et de la santé au début de mai devant le Sénat, en renvoyant le sujet au budget 2020, qui sera présenté à la fin de septembre.
Lire la suite : Le déficit de la Sécurité sociale va replonger en 2019
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Les déboires du champion chinois Huawei ouvrent une brèche pour ses concurrents, qui multiplient les signatures de contrat avec les opérateurs de téléphonie mobile.
Corée du Sud, Etats-Unis, Royaume-Uni… Alors que les premiers réseaux 5G commencent à se tisser, la concurrence s’intensifie entre les équipementiers télécoms, à l’affût de contrats auprès des opérateurs de téléphonie mobile afin de leur fournir les antennes et autres matériels indispensables au déploiement de cette nouvelle technologie.
Jusqu’à présent grand favori, le chinois Huawei, qui détenait à lui seul près de 30 % du marché mondial des équipements réseaux en 2018, contre respectivement 17 % et 13,4 % pour le finlandais Nokia et le suédois Ericsson, ses principaux rivaux, pourrait voir ses ambitions sur le marché de la 5G sérieusement contrecarrées par la charge américaine menée à son encontre ces derniers mois.
« Maintenant que les Etats-Unis ont interdit la fourniture de composants américains à Huawei, sa capacité à produire et à fournir du matériel aux opérateurs une fois son stock de puces épuisé risque d’être réduite. Cette incertitude peut amener certains opérateurs à se tourner vers ses concurrents », estime Janardan Menon, analyste au sein de la société de courtage Liberum.
Après s’être laissé distancer par leur rival chinois, les Européens, Nokia et Ericsson en tête, redoublent d’efforts pour réduire l’écart
Au Japon, Nokia et Ericsson ont ainsi décroché, fin mai, un contrat auprès de SoftBank, l’un des poids lourds des télécoms du pays, au nez et à la barbe d’Huawei. Un coup dur pour la firme de Shenzhen, écartée de la course alors qu’elle fournissait traditionnellement l’opérateur.
Après s’être laissé distancer par leur rival chinois, les Européens redoublent d’efforts pour réduire l’écart, profitant de l’affaiblissement du champion du secteur pour avancer leurs pions. Malgré quelques retards dans le déploiement de ses équipements, le finlandais vient ainsi de conclure son quarante-deuxième contrat pour la 5G.
« Nous avons remporté en moyenne un contrat majeur par semaine depuis fin mars et nous sommes en discussion avec plus d’une centaine d’opérateurs. La 5G est notre priorité », explique Thierry Boisnon, président de Nokia en France. Avec vingt et un contrats dans sa besace, son voisin suédois affiche deux fois moins de signatures, mais peut se targuer d’avoir allumé la plupart des réseaux en activité. « Nous fournissons huit des dix réseaux 5G déjà déployés dans le monde », souligne Franck Bouétard, le patron en France d’Ericsson.
Si les difficultés d’Huawei laissent une occasion à ses rivaux de prendre quelques longueurs d’avance, les équipementiers européens se gardent de tout triomphalisme prématuré. « Il peut certes y avoir un avantage à court terme, mais, à moyen terme, personne ne sortira gagnant d’une telle situation », juge M. Bouétard, pour qui l’incertitude pesant sur Huawei pourrait, de manière plus générale, refroidir les ardeurs des opérateurs dans leurs investissements.
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