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Les fabricants historiques se lancent sur ce créneau en plein essor, sans y associer leur marque afin de ne pas détériorer leur image.

« J’ai été gênée par un cadeau coquin. J’ai déjà fantasmé sur mon boss. J’ai dit “Je t’aime” sans le penser... » Les cartes du jeu de société Yeah Nope, sorti à la mi-septembre, ne sont pas à mettre entre toutes les mains. Malgré les paillettes dorées sur sa boîte, très tentantes pour les enfants dans les magasins de jouets, il est bien conseillé aux plus de 18 ans.

Derrière ce jeu d’action-vérité ? La société… Ravensburger, plus connue des parents pour ses boîtes de puzzles.

« Il n’y a pas notre logo sur la boîte car cela pouvait perturber notre consommateur habituel, mais celui de Fishtank, une autre de nos marques. C’est la première fois que l’on fait un jeu de société pour adultes », précise Laurent Cochet, directeur marketing de Ravensburger, qui réalise un quart de son chiffre d’affaires dans les jeux de société.

Idem pour le jeu Limite Limite, vendu à 80 000 exemplaires en 2018. Sorti en 2014, il ne semble pas avoir de propriétaire connu, du moins sur sa boîte. Or il fait partie depuis mai du catalogue des jeux Dujardin, l’éditeur du Mille bornes et du Cochon qui rit. Evidemment « déconseillé aux moins de 18 ans », comme indiqué sur l’emballage, compte tenu de la vulgarité de certaines formulations.

Et Dujardin ne compte pas s’arrêter là. Après la sortie en novembre de Tu ris tu perds, destiné aux plus de 16 ans, Langue de bitch, un jeu de tests, arrivera dans les rayons en 2020. « Il y a un vrai phénomène sur le jeu adulte », constate Corinne Derudder, directrice générale de TF1 Games Dujardin, avant d’ajouter : « pour jouer un quart d’heure, pendant l’apéro ». Tous surfent en fait sur le succès du jeu de questions-réponses Blanc-manger coco, destiné aux plus de 16 ans. Sorti en 2014, il a dépassé le million d’exemplaires vendus.

« Une tendance plus éphémère »

Ce tout nouveau segment des produits ados-adultes fait saliver les fabricants historiques de jeux de société. Dans le prolongement des jeux d’ambiance, popularisés ces dernières années par le Dobble et le Time’s up !, est apparue cette « nouvelle tendance, plus trash, qui sera probablement plus éphémère », estime Philippe Bernard, directeur général de Goliath France, qui a décliné son jeu Shit Happens à partir de 13 ans, dans une édition « 50 nuances de shit » destinée aux 18 ans et plus.

Chez JouéClub, on a même « créé dans le catalogue une catégorie “Club gaming” qui met en avant les jeux de société destinés aux ados et aux adultes », précise Jacques Baudoz, président du distributeur. « Nous avons fait attention à la disposition en rayon, avec des implantations séparées des jeux destinés aux enfants », ajoute Rodolphe Brondy, responsable des achats des villages JouéClub. Chez King Jouet, « on voit de plus en plus d’adolescents qui viennent en magasin », observe Philippe Gueydon, directeur général de l’enseigne.

Les jeux d’ambiance transgressifs répondraient, aux dires des fabricants, au besoin des jeunes adultes de décompresser

Les jeux d’ambiance transgressifs répondraient, aux dires des fabricants, au besoin des jeunes adultes de décompresser. Ils contribuent surtout à la forte croissance des ventes du secteur des jeux de société.

L’institut NPD avait calculé que, en 2017, un jouet sur dix achetés était destiné à un adulte, parmi lesquels des jeux de société. « En 2018, les adultes français ont acheté pour eux-mêmes plus de 3,7 millions de boîtes de jeux, soit une progression de 30 % par rapport à 2017 », explique NPD. Un tiers des jeux pour adultes sont achetés par les plus de 35 ans.

Depuis quelques années, le jeu de société, tout public confondu, a le vent en poupe. Il est plébiscité par les familles pour sa convivialité face à la passion des jeunes pour les jeux vidéo et les applications sur smartphone. Et il est surtout passé, en quelques années, d’un fonctionnement sur de très longues parties à des durées de jeu très courtes. Aujourd’hui, c’est même l’une des catégories les plus dynamiques du marché du jouet, selon l’institut NPD : une croissance des ventes de 13 % (en valeur) sur les neuf premiers mois de l’année, là où l’ensemble du marché du jouet n’a progressé que de 1 %.

Une offre pléthorique

La France est d’ailleurs le plus gros marché des jeux de société en Europe. Avec un chiffre d’affaires de 342 millions d’euros en 2018 (+ 8 % depuis 2017) et plus de 19 millions de boîtes vendues, contre 250 millions d’euros au Royaume-Uni et 246 millions en Allemagne.

Même l’offre y est pléthorique. « Il y a plus de 1 000 nouveautés en jeu de société lancées chaque année, constate M. Cochet. Nous avons sorti en juillet le jeu de stratégie Villainous, où l’on doit incarner un méchant de Disney. On l’a présenté six mois à l’avance. C’était comme si on annonçait un nouvel Amélie Nothomb. 150 000 personnes sont venues le voir sur le Salon des jeux de société de Cannes [Alpes-Maritimes], et il y avait la queue sur le stand rien que pour un prototype. »

Pour écouler toutes leurs nouveautés, les fabricants comptent aussi sur l’élargissement des circuits de distribution, avec notamment des bars à jeux, les ventes durant les festivals et le recours aux petites boutiques spécialisées.


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L’institution de Bretton Woods salue l’annonce la modernisation des accords monétaires qui lient la France et l’Union économique ouest-africaine.

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a salué, dimanche 22 décembre, la réforme d’envergure du franc CFA décidée par huit pays d’Afrique de l’Ouest ainsi que par la France. Pour Kristalina Georgieva, ces changements « constituent une étape essentielle dans la modernisation d’accords de longue date entre l’Union économique et monétaire ouest-africaine et la France ».

En déplacement à Abidjan, le président français Emmanuel Macron a annoncé, samedi, la fin prochaine du franc CFA, créé en 1945 et perçu comme l’un des derniers vestiges de la « Françafrique » après les indépendances des années 1960.

La réforme comprend le changement de nom de la monnaie, qui s’appellera désormais l’éco, la fin du dépôt de la moitié des réserves des pays africains concernés auprès du Trésor français ainsi que le retrait de la France des instances de gouvernance de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), où elle était présente.

Parité avec l’euro conservée

« Les mesures annoncées s’appuient sur le bon bilan de l’UEMOA en matière de conduite de la politique monétaire et de gestion des réserves extérieures », selon Mme Georgieva, qui a souligné la faible inflation, la forte croissance économique, l’amélioration de la situation des finances publiques et l’augmentation du niveau des réserves de change des membres de l’UEMOA ces dernières années.

La parité fixe avec l’euro et le rôle de garant financier de Paris pour les huit pays de l’UEMOA seront en revanche conservés.

« Le FMI se tient prêt à coopérer avec les autorités régionales en fonction des besoins ainsi qu’à appuyer la mise en œuvre de cette importante initiative », a assuré la patronne de l’institution financière.


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Le modèle phare de l’avionneur américain est cloué au sol depuis mars après deux accidents survenus à cinq mois d’intervalle. Il continuait à fabriquer 42 unités par mois malgré l’immobilisation.

La crise du 737 MAX se poursuit chez Boeing. Point d’orgue à une année désastreuse, l’avionneur américain a en effet décidé d’interrompre à partir du mois de janvier la production de cet appareil à l’origine de deux catastrophes aériennes, selon un communiqué rendu public lundi 16 décembre. L’entreprise spéculait sur une autorisation de remise en service de l’avion qui semble ne pas devoir intervenir au plus tôt avant février.

« Nous pensons que cette décision perturbe le moins le maintien du système de production à long terme et la santé de la chaîne d’approvisionnement », estime Boeing. « Nous continuerons d’évaluer nos progrès en vue de la remise en service [de l’appareil] et de prendre des décisions quant à la reprise de la production et des livraisons en conséquence », précise le communiqué du groupe américain. 

Immobilisé depuis le mois de mars après deux accidents survenus à cinq mois d’intervalle en Indonésie et en Ethiopie, qui ont fait 346 morts, l’avion avait continué jusqu’à présent d’être produit au rythme de quarante-deux unités par mois.

Ayant accumulé plus de 4 500 commandes, le géant aéronautique achetait les pièces nécessaires pour en fabriquer mensuellement dix de plus par mois, ce qui a généré une accumulation de plus de 400 avions, selon le Wall Street Journal.

Des conséquences sur l’économie américaine

Cette pause va peser à la fois sur l’entreprise et sur ses sous-traitants, notamment CFM International pour ce qui concerne les moteurs – une joint-venture entre General Electric et la société française Safran –, ainsi que Spirit AeroSystems, qui travaille sur le fuselage.

Par ricochet, même si elle ne devrait entraîner aucun licenciement sur le site qui fabrique le 737 MAX – il emploie environ 12 000 personnes dans l’Etat de Washington –, cette décision va également affecter l’économie américaine. Selon un expert cité lundi par le quotidien des affaires, cette décision pourrait coûter 0,3 point de croissance aux Etats-Unis au premier trimestre de 2020 du fait de la taille du géant de Seattle.

L’arrêt de la production du 737 MAX était attendu. Le 12 décembre, Steve Dickson, patron de Federal Aviation Administration (FAA), l’autorité de l’aviation civile américaine accusée d’avoir eu des relations trop étroites avec Boeing, s’était montré particulièrement sévère vis-à-vis de l’avionneur qui a déjà perdu plus de 9 milliards de dollars (environ 8 milliards d’euros) avec l’immobilisation de son appareil.

Dans une lettre adressée aux élus du Congrès, il avait « craint que Boeing ne continue de poursuivre un calendrier de retour en service irréaliste ». Steve Dickson avait jugé « plus inquiétant encore » le fait que « certaines des prises de position publiques [de l’avionneur] pouvaient donner l’impression de vouloir forcer la FAA à agir plus vite » pour autoriser le 737 MAX à reprendre ses vols.

Mise en garde en juin 2018

Les deux catastrophes aériennes ont eu un effet de révélateur sur l’entreprise, comme sur la FAA. Le prestige de cette dernière a été terni par sa lenteur à clouer au sol l’appareil, contrairement à d’autres autorités de l’aviation civile dans le monde, ainsi que par ses défaillances dans le processus de certification de l’avion.

L’enquête sur les dysfonctionnements du système anti-décrochage du 737 MAX à l’origine des deux accidents a aussi souligné la volonté de l’avionneur de passer outre les avertissements en interne. Lors de ses auditions par les deux chambres du Congrès, en octobre, le directeur général du constructeur aéronautique, Dennis Muilenburg, a d’ailleurs été vivement pris à partie par les élus.

Un haut responsable de la production de l’avion, Ed Pierson, avait mis en garde en juin 2018 le responsable du programme. « Franchement en ce moment, toutes mes alarmes se déclenchent », avait-il assuré dans un courrier révélé par le New York Times. « Et pour la première fois de ma vie, je suis désolé de dire que j’hésite à mettre ma famille dans un avion Boeing », avait-il ajouté, mettant en cause des problèmes de production, notamment des cadences incompatibles selon lui avec les exigences revendiquées en matière de sécurité. Ces problèmes ont cependant été démentis par l’avionneur.


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Dans sa chronique, Michel Noblecourt, éditorialiste au « Monde », analyse les difficultés des responsables syndicaux et politiques à se placer dans une démarche de conciliation.

Chronique. Si la contestation syndicale contre la réforme des retraites provoque de fortes perturbations, notamment dans les transports, elle a un autre effet, porteur de menaces pour l’avenir de la démocratie sociale, c’est la grève du compromis. A la différence de l’Allemagne ou des pays scandinaves, la France n’a pas la culture du compromis. Dans une large mesure, son syndicalisme, d’abord révolutionnaire, s’est construit sur un rejet du système capitaliste. Pourtant, en juin 1936, pour mettre fin aux « grèves joyeuses » qui s’étaient poursuivies après la signature des accords Matignon, Maurice Thorez affirmait, dans un célèbre discours, qu’il fallait « savoir terminer une grève ». « Il faut même savoir consentir à un compromis, insistait le secrétaire général du Parti communiste (PCF), si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées, mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications. »

Dans le même esprit, Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, avait martelé, lors du 40e congrès confédéral, celui de « l’ouverture », en novembre 1978 à Grenoble, que « toute amélioration du niveau de vie et des conditions de travail, aussi minime soit-elle, toute extension même partielle des droits démocratiques des travailleurs (…) sont autant de jalons placés sur la voie du progrès social et démocratique ».

En 1992, Louis Viannet avait inscrit ses pas dans ceux de son prédécesseur. En décembre 2009, au congrès de Nantes, Bernard Thibault proclamait que l’ambition de la CGT était de « participer par l’action à un processus de transformations sociales progressives ». Mais il avait dû batailler dur pour faire admettre l’utilité de la négociation dans la recherche du résultat « le plus favorable » aux salariés. Et les congressistes avaient refusé d’entériner le mot « compromis ».

Ligne jusqu’au-boutiste

En 2013, la CGT a entamé sa grève du compromis, en campant sur une opposition frontale et en rejetant tous les accords nationaux interprofessionnels alors que ses syndicats en signent 85 % dans les entreprises. Ephémére secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon, qui professait que « le mot compromis n’a rien de malsain » et n’est pas de la « compromission », avait voulu, en décembre 2013, signer un accord sur la formation, mais il avait été mis en minorité par sa négociatrice, Catherine Perret, devenue depuis numéro deux de la centrale.


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