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Depuis le 5 décembre, onze représentations ont été annulées dans les deux salles de l’Opéra de Paris. Les recettes des théâtres parisiens chutent. Seules les salles de cinéma ne semblent pas affectées par le mouvement social contre la réforme des retraites.

Des annulations à foison, des personnels en grève. Les scènes de spectacles d’Ile-de-France sont particulièrement touchées par le mouvement social contre la réforme des retraites. Depuis jeudi 5 décembre, onze représentations ont été purement et simplement annulées dans les deux salles de l’Opéra de Paris, à Bastille et au Palais Garnier. C’est d’ailleurs devenu un point d’interrogation quotidien : le public ne sait que dans l’après-midi si le spectacle pour lequel il a acheté des places sera ou non maintenu le soir.

Fait rarissime, 120 des 154 danseurs du ballet ont défilé à Paris, jeudi, inquiets de la prochaine disparition de leur régime de retraite, qui leur permet de raccrocher leurs chaussons à 42 ans. Les techniciens et les musiciens ont également rallié ce mouvement de grève. Le manque à gagner — uniquement en recettes de billetterie — s’élève déjà à 1,8 million d’euros pour l’Opéra de Paris. 

De la même façon, la plupart des théâtres parisiens n’ont pas pu assurer leur représentation du 5 décembre. Ce fut le cas au Théâtre des Champs-Elysées pour Les Noces de Figaro mises en scène par James Gray ou dans les deux salles de l’Odéon, où « une partie du personnel permanent et des intermittents du spectacle ont décidé de se joindre au mouvement social ». A la Comédie-Française, qui bénéficie aussi de sa propre caisse de retraite, les grévistes se comptent surtout chez les techniciens de plateau. Et quatre pièces programmées depuis le 5 décembre ont été annulées.

« Les recettes ont chuté de 30 % et 70 % selon les théâtres »

Les autres salles de spectacles parisiennes pâtissent sérieusement de la grève. Même s’ils n’y sont en rien associés. Selon Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé qui regroupe une soixantaine d’établissements, à Paris, « les recettes ont chuté de 30 % et 70 % selon les théâtres, jeudi 5, par rapport au jeudi 28 novembre ».

Il constate également « une baisse, dans des proportions un peu moindres, au cours du week-end ». Mais, surtout, son inquiétude vient du fait que « le téléphone ne sonne nulle part ». « Comme si le public était en attente de la résolution du conflit. » Parfois, l’impossibilité d’utiliser les transports en commun pénalise certaines salles. L’accès à La Seine Musicale est, par exemple, impossible en métro, puisque la ligne 9 est fermée depuis cinq jours.

Dans les salles de cinéma, l’effet grève a pu, semble-t-il, jouer de façon positive. Le jeudi 5, les parents avaient-ils prévu d’occuper leurs bambins dont l’école restait fermée ? En tout cas, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a constaté « un pic de fréquentation », jeudi 5, par rapport au jeudi 28 novembre. Un phénomène directement lié à deux films locomotives Jumanji : Next Level de Jake Kasdan — qui a drainé, en salles, 500 000 spectateurs en deux jours et La Reine des neiges II, de Jennifer Lee et Chris Buck, qui a poursuivi son éblouissante carrière. Le week-end des samedi 7 et dimanche 8 décembre, en revanche, « n’a ni fléchi ni chuté en termes de fréquentation par rapport à celui du 30 novembre et du 1er décembre », selon le CNC.


Lire la suite : La grève impacte sérieusement les salles parisiennes de spectacle


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Pour la troisième journée de suite, aucun train ne circule entre Dreux et Paris. Les navetteurs euréliens sont contraints de trouver des solutions alternatives durant la grève contre la réforme des retraites

« Information indisponible ». Le panneau lumineux qui annonce habituellement les prochains départs en gare de Dreux (Eure-et-Loir) est vierge. Les lettres blanches sur fond bleu attirent l’attention, mais pour la troisième journée de suite, aucun train ne circule entre Dreux et Paris. Idem dans le sens inverse. Pour pouvoir monter dans une rame, les voyageurs doivent mettre le cap à l’est, à une cinquantaine de kilomètres, et rejoindre la gare de Plaisir-Grignon (Yvelines), près de Versailles : les six départs qui y sont programmés ont été reportés sur la fiche d’information relative aux mouvements sociaux.

A Dreux, ville d’un peu plus de 30 000 habitants, entre 3 500 et 4 000 font la navette quotidienne pour se rendre au travail. Salariés majoritairement de condition modeste (mais pas seulement), ils sont très dépendants de la situation sur la ligne N, qui relève du réseau francilien. La demande d’un titre de transport bon marché pour compléter le passe Navigo, qui permet seulement d’aller de Paris à Houdan, commune située à une vingtaine de kilomètres de Dreux, est un sujet récurrent, voire un enjeu électoral.

Véhicule personnel, covoiturage, télétravail…

Depuis le début du mouvement de grève contre la réforme des retraites, les préoccupations de ces usagers quotidiens des transports en commun sont redevenues plus basiques. Employée de crèche à Versailles, Awa a pris la précaution de se rendre à la gare pour s’informer des conditions de trafic dès dimanche soir. « Je vais voir avec Blablacar [application de covoiturage] », décide-t-elle après avoir photographié le tableau de circulation. A quelques mètres de là, les deux guichetiers complètent les informations affichées. « Pour mardi, les prévisions de trafic seront connues à 17 heures », répondent-ils le plus souvent à des interlocuteurs plutôt courtois et patients.

« Je commence normalement à 8 h 30, mais là je vais partir de chez moi vers 6 h 15 » – Aïcha

Aide-soignante à Versailles, titulaire d’un contrat d’intérim depuis septembre, Aïcha garde son calme mais affiche son dépit. Elle ne veut prendre aucun risque, pour conserver son poste. « Je prendrai ma voiture. Je commence normalement à 8 h 30, mais là je vais partir de chez moi vers 6 h 15. J’ai peur que ça ne roule pas très bien ! », expliquait-elle dimanche. De fait, d’importants ralentissements ont été signalés lundi matin dans les Yvelines.

Frédéric, lui, fait partie des usagers de la nationale 12. Employé au service relations clients d’une bibliothèque du quartier Saint-Michel à Paris, il fait du covoiturage avec l’un de ses collègues. Théa, elle aussi, s’est orientée vers cette solution. Comptable dans le quartier Montparnasse, elle a posé un congé jeudi 5 décembre pour éviter les affres d’une journée sans transport en commun, mais ne veut pas trop puiser dans sa réserve de jours de vacances.

Le risque d’un conflit qui s’éternise

Reste le télétravail. Responsable logistique à Satory, un quartier de Versailles, Mickaël a la possibilité de recourir à cette option. Mais pas systématiquement. Après l’avoir envisagé, il a finalement trouvé un conducteur qui se rend au même endroit. « J’avais essayé dimanche soir, mais personne n’était disponible. J’ai fini par trouver un accord avec quelqu’un, dans la nuit. Je ferai pareil au retour. »

Beaucoup de voyageurs partagent la crainte d’un conflit qui risque de s’éterniser jusqu’aux fêtes, voire au-delà. Ce qui, dans un secteur géographique ferroviaire où le taux de grévistes est traditionnellement élevé, provoquerait une véritable paralysie. Ironie du sort, si l’on peut dire, même les trains rapides en provenance de Granville, en Normandie, qui font en principe halte à Dreux, ne marquent plus l’arrêt pendant les grèves.

Si le 8 h 17 s’est arrêté lundi matin pendant une quinzaine de minutes, c’était pour permettre à un voyageur mal en point de recevoir des soins. Après examen, l’homme a été transporté aux urgences. Informés par des agents SNCF vêtus de rouge que ce train ne leur était pas accessible, les quelques Drouais présents ont suivi le ballet des secouristes avec cette indifférence nommée résignation.


Source : A Dreux, les usagers quotidiens de la SNCF face à l’absence de train


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L’administration Trump bloque les négociations et a menacé lundi Paris de lourdes sanctions commerciales en représailles à l’adoption de la version française de l’impôt.

Depuis quelques semaines, rien ne va plus. Les Etats-Unis bloquent les négociations sur l’élaboration d’une « taxe GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon) mondiale, pour laquelle ils avaient pourtant donné leur feu vert politique, sans en préciser les raisons ni dévoiler leurs visées. Ils soufflent le chaud et le froid, mais ne se décident jamais sur les différentes versions du projet.

Ce blocage laisse leurs partenaires perplexes : Washington pourrait-il retirer son soutien au projet de taxe confié à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par le G20 (les dix-neuf pays les plus riches de la planète, plus l’Union européenne) et compromettre ainsi la création du premier impôt véritablement mondial ? Sans les Etats-Unis, le projet visant au premier chef les grands groupes américains n’est pas viable.

L’enjeu derrière cette question est colossal. Car ce surnom de « taxe GAFA » masque en réalité un impôt d’envergure, qui ne s’appliquerait pas seulement aux mastodontes du numérique, mais à toutes les grandes multinationales largement « numérisées » (en contact avec leurs clients par Internet). L’idée est de pouvoir imposer des revenus réalisés à distance, sans présence physique, qui sont aujourd’hui peu imposables et par ailleurs largement délocalisés dans des paradis fiscaux. Avec à la clé, pour les Etats, un gros gisement de recettes fiscales à se partager.

Le blocage américain est tel qu’il pourrait menacer la livraison en temps et en heure, prévue fin janvier, du projet qui avait été détaillé et abouti au G20, en octobre. Un aléa de taille, alors que l’OCDE avait obtenu le soutien de tous les autres pays membres et en était à peaufiner les détails du texte.

Menace de surtaxer des produits français jusqu’à 100 %

L’annonce par l’administration Trump, dans la nuit du lundi 2 au mardi 3 décembre, de possibles lourdes sanctions commerciales envers la France, prises dès janvier 2020 en représailles à l’adoption d’une taxe GAFA à la française jugée discriminatoire et antiaméricaine – votée et appliquée dès cette année, en attente de la taxe mondiale –, est venue pimenter la séquence.

Washington menace d’imposer des droits de douane additionnels, pouvant aller jusqu’à 100 %, sur l’équivalent de 2,4 milliards de dollars (environ 2,2 milliards d’euros) de produits français, incluant de nombreux fromages, dont le roquefort, les yaourts, le vin pétillant, des produits cosmétiques comme le savon et le maquillage, ou encore les sacs à main. Le vin traditionnel – déjà ciblé dans un autre litige sur des subventions européennes à Airbus – semble épargné.


Lire la suite : Les négociations sur une « taxe GAFA » mondiale suspendues à la décision des Etats-Unis


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L’expert du social et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, démontre, dans une tribune au « Monde », qu’autant il est facile d’expliquer le système universel, autant il est difficile, compte tenu de la complexité technique des sujets et de leur diversité, d’exposer à chacun ce qui l’attend.

Il n’est rien de plus complexe que de mener à bien une réforme dont le but est de simplifier, d’unifier et de rendre plus équitable un système de protection sociale existant. C’est la principale leçon que l’on peut tirer des événements actuels, à la suite de la mise en œuvre de la réforme des retraites annoncée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. Rappelons que cette réforme a pour but de fondre les 42 régimes actuels de retraite en un système universel plus juste puisque, pour chaque euro cotisé, chacun aura, en théorie, les mêmes droits.

Pour bien analyser la situation, il faut se souvenir de la chronologie des événements. Les différents projets, menés dans le passé, ont eu pour point commun de poursuivre deux objectifs : rétablir l’équilibre financier des comptes et rapprocher progressivement les différents régimes de retraite. Emmanuel Macron, candidat, a écarté cette méthode pour la remplacer par un projet plus ambitieux : la réforme « finale » aboutissant à un système universel et qui permettrait qu’il n’y ait pas besoin de réforme ultérieure. En quelque sorte la « fin de l’histoire » en matière de retraites. Cette option a été choisie parce qu’elle était la plus ambitieuse intellectuellement, la plus séduisante, et que les rapports du Conseil d’orientation des retraites prévoyaient à l’époque qu’il n’y aurait pas de déficit.

Un sondage publié le 29 novembre nous montre que désormais 66 % des Français sont hostiles à la réforme

Ce projet, devenu celui du président élu, a, jusqu’à une période récente, recueilli l’adhésion d’une majorité des Français. Le travail accompli par Jean-Paul Delevoye, pour élaborer ses préconisations de juillet dernier, s’est accompli sans heurts et dans des relations de confiance, sinon d’approbation, avec les partenaires sociaux. Pourquoi, dans ces conditions, la situation et le climat social ont-ils changé aussi vite, au point d’amener aux mouvements du 5 décembre et à un retournement de l’opinion ? Un sondage publié le 29 novembre nous montre que désormais 66 % des Français sont hostiles à la réforme.

La première raison tient à la complexité du processus de transition. Le système français de retraite s’est bâti sur des régimes à base corporatiste, différents entre eux, mais auxquels les Français étaient habitués. Pour certaines catégories, ce régime de retraite était même un élément de leur identité. Le passage à un système universel commun brouille les repères – on passe ainsi d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies – et fait des perdants, dont certains en ont immédiatement conscience, aussi différents que les ressortissants des régimes spéciaux de la RATP, de la SNCF ou les avocats.


Lire la suite : Raymond Soubie : « Sur les retraites, l’opinion ne sait plus ce qui relève de la réforme ou des impératifs financiers »