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Les cryptomonnaies, un enjeu de la présidentielle aux États-Unis

Olivier Bossard, HEC Paris Business School

Donald Trump s’affiche en défenseur du bitcoin et des cryptomonnaies. Au-delà de la position du candidat des Républicains, la question des cryptomonnaies irrigue le débat présidentiel aux États-Unis.


À l’approche de l’élection présidentielle américaine de 2024, les cryptomonnaies s’imposent comme un sujet de débat essentiel. Leur impact va bien au-delà des simples transactions financières ; elles influencent les stratégies de financement de campagne, les discours de Trump et Harris, et la mobilisation de leurs électeurs.

Depuis le lancement de Bitcoin en 2009, les cryptomonnaies ont gagné en notoriété, attirant des millions d’investisseurs. En 2024, une enquête de Pew Research révèle que près de 40 % des jeunes adultes américains détiennent des cryptomonnaies. Cette tendance croissante pousse les candidats à adapter leur message pour séduire cette frange de l’électorat.

De plus en plus de politiciens acceptent des dons en cryptomonnaies pour financer leurs campagnes. Par exemple, en 2020, le candidat libertarien Jo Jorgensen avait ouvert la voie en acceptant des dons en Bitcoin. En 2024, cette pratique s’est intensifiée avec des figures comme le sénateur Rand Paul, qui a fait campagne sur l’acceptation des cryptomonnaies. Les dons en cryptomonnaies permettent aux candidats d’atteindre une base d’électeurs plus jeune, souvent moins représentée dans les systèmes de financement traditionnels. Les transactions rapides et la possibilité de dons anonymes attirent également certains contributeurs.

Les cryptos pour financer les campagnes

Le candidat républicain Vivek Ramaswamy, entrepreneur et investisseur, a été l’un des premiers à accepter des dons en Bitcoin. Il a déclaré que cela faisait partie de sa vision pour une économie plus décentralisée. Son équipe utilise également des NFTs pour collecter des fonds, ce qui lui permet de se positionner comme un innovateur dans le domaine numérique.

Les candidats abordent le sujet des cryptomonnaies avec des perspectives variées, allant de la promotion d’une réglementation favorable à des critiques virulentes. L’ancien président Donald Trump a exprimé des opinions contrastées sur les cryptomonnaies. D’une part, il a qualifié Bitcoin de « fraude » et a critiqué son utilisation, arguant qu’il concurrençait le dollar américain et menaçait la souveraineté monétaire des États-Unis. Cependant, Trump a également montré un intérêt pour les technologies financières et a laissé entendre que, s’il revenait au pouvoir, il pourrait envisager des politiques qui pourraient, au moins indirectement, soutenir l’innovation dans le secteur. Quelle facette de Trump faut-il croire ?

De son côté, la vice-présidente Kamala Harris a adopté une position plus mesurée mais moins girouette. Elle a reconnu le potentiel des cryptomonnaies tout en mettant en avant la nécessité d’une régulation. Harris a exprimé des préoccupations concernant les risques liés à la sécurité et à la protection des consommateurs. En tant que vice-présidente, elle a été impliquée dans des discussions sur la manière de réguler le secteur des cryptomonnaies pour éviter les abus tout en encourageant l’innovation. Harris a plaidé pour un cadre réglementaire qui protège les consommateurs et prévient la criminalité financière.

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Des soutiens partisans

Pour éclairer la différence de positions entre républicains et démocrates, il faut souligner que parmi les soutiens de Trump, on dénombre des pro-cryptomonnaies notoires : Ron DeSantis, le gouverneur (républicain) de Floride a déclaré que les cryptomonnaies sont essentielles pour promouvoir la liberté économique. Il a promis de créer un environnement réglementaire favorable pour encourager l’innovation technologique en Floride, attirant ainsi des entreprises de la blockchain. De même, Ted Cruz, le sénateur (républicain lui aussi) du Texas est un fervent défenseur des cryptomonnaies. Il a récemment proposé des lois pour faciliter les dons en Bitcoin pour les campagnes électorales, arguant que cela renforce la transparence et l’engagement civique.

Quant à Elon Musk, sa position sur les cryptomonnaies est à la fois complexe et fluctuante. En tant que PDG de Tesla et SpaceX, Musk a exprimé un intérêt notable pour le Bitcoin et d’autres cryptomonnaies, influençant de manière significative les marchés avec ses tweets et déclarations. En 2021, Tesla a annoncé avoir acheté 1,5 milliard de dollars de Bitcoin et a temporairement accepté le Bitcoin comme moyen de paiement pour ses véhicules, avant de suspendre cette option en raison de préoccupations environnementales liées à l’impact énergétique du minage de Bitcoin. Musk a également montré un intérêt pour Dogecoin, une cryptomonnaie initialement créée comme une blague, en la promouvant régulièrement sur Twitter et en contribuant à sa volatilité. Cependant, il a souvent insisté sur la nécessité de rendre les cryptomonnaies plus durables et a exprimé des réserves sur leur consommation énergétique.

Du côté démocrate, de nombreux soutiens de Kamala Harras s’affichent comme sceptiques vis-à-vis des cryptos : Elizabeth Warren notamment, la sénatrice (démocrate) du Massachusetts est très critique à l’égard des cryptomonnaies. Elle les qualifie de « systèmes financiers dangereux » qui peuvent alimenter la criminalité et l’évasion fiscale. Warren prône des régulations strictes pour protéger les consommateurs, ce qui pourrait aliéner les électeurs plus jeunes. Quant à Joe Biden, bien que l’actuel président n’ait pas pris de position ferme sur les cryptomonnaies, son administration a mis en place des réglementations plus strictes sur le secteur. Cela a suscité des inquiétudes parmi les défenseurs de la cryptomonnaie, qui craignent une répression plus sévère.

Un outil de mobilisation des électeurs

Les campagnes utilisent les cryptomonnaies comme un outil pour mobiliser les électeurs, en particulier les jeunes. Des événements comme des meetups autour des cryptomonnaies ou des webinaires éducatifs sont organisés pour engager les électeurs.

Parmi les stratégies les plus innovantes, on peut mentionner les initiatives d’Andrew Yang (démocrate) : Yang a été un précurseur dans l’utilisation des cryptomonnaies en politique. Il a proposé d’explorer le potentiel d’un dollar numérique et a utilisé des plates-formes de cryptomonnaie pour financer ses campagnes. On peut également mentionner l’utilisation des réseaux sociaux : les candidats exploitent les plates-formes comme Twitter et TikTok pour atteindre les jeunes électeurs, en parlant de cryptomonnaies et en organisant des sessions de questions-réponses sur leur utilisation et leur potentiel.

BFM.

Quant à l’impact sur le vote, les jeunes électeurs sont souvent plus ouverts aux candidats qui soutiennent les cryptomonnaies. Un sondage récent a montré que 65 % des électeurs de moins de 30 ans soutiennent les candidats qui acceptent des dons en cryptomonnaies. Cette dynamique pourrait avoir un impact significatif dans des États clés.

Des défis et enjeux réglementaires

Le paysage réglementaire des cryptomonnaies est en pleine évolution. Les candidats doivent naviguer dans un environnement complexe où les positions sur la réglementation peuvent influencer leur soutien.

Le Congrès débat actuellement de la nécessité d’un cadre réglementaire clair. Les propositions incluent la création d’une agence dédiée à la régulation des cryptomonnaies, ce qui pourrait avoir des répercussions profondes sur l’innovation dans le secteur.

Les résultats de l’élection de 2024 pourraient redéfinir le cadre réglementaire des cryptomonnaies. Un président favorable aux cryptomonnaies pourrait favoriser des lois libérales, tandis qu’un président plus sceptique pourrait imposer des restrictions plus sévères.

Les cryptomonnaies sont devenues un élément central de la campagne présidentielle américaine de 2024. Que ce soit à travers le financement de campagne, les positions des candidats ou la mobilisation des électeurs, leur impact est indéniable. Alors que les électeurs se préparent à voter en novembre 2024, il sera crucial de suivre l’évolution des positions de Trump et Harris et l’influence croissante des cryptomonnaies sur le paysage politique. Les décisions prises pendant cette campagne pourraient avoir des répercussions durables sur l’avenir de la réglementation des cryptomonnaies aux États-Unis, et par ricochet dans le monde entier.

Olivier Bossard, Professeur de Finance, HEC Paris Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Pourquoi le smic n’est pas une protection suffisante contre la pauvreté des travailleurs ?

Travailleurs indépendants, certains chauffeurs de VTC perçoivent un revenu inférieur au Smic. Nataliya Dmytrenko/Shutterstock
François-Xavier Devetter, Université de Lille et Julie Valentin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le smic freine la pression à la baisse sur les salaires horaires, mais il ne suffit pas à éliminer la pauvreté laborieuse. Quelles sont ses limites et comment les surmonter ?


La poussée inflationniste qu’a connue la France en 2022-2023, rappelle qu’une part conséquente des personnes, qui pourtant occupent un emploi, ne parviennent que difficilement, et au prix de nombreuses privations, à atteindre la fin du mois. Certains croyaient la France en partie protégée du phénomène des « travailleurs pauvres » grâce à un salaire minimum dont les mécanismes d’indexation lui évitent de stagner ou de décrocher du reste des salaires. Le smic joue un rôle important pour éviter une course vers des rémunérations toujours plus basses. Mais il ne suffit pas à résoudre la question des bas salaires.

Dérogations au smic

D’emblée, des dérogations permettent d’offrir un salaire horaire en deçà du smic. Les apprentis mais aussi les assistantes maternelles forment les bataillons les plus importants de salariés dans cette configuration. Si un ministre a pu déclarer qu’elles gagnaient trois fois le smic, en réalité, leurs (parents-) employeurs peuvent les payer un tiers du smic lorsqu’ils ne font garder qu’un enfant et c’est le cumul de 3 enfants gardés qui conditionne leur accès à un salaire horaire supérieur au smic (Cresson et coll., 2023). Les travailleurs « indépendants », censés être à leur propre compte, comme le sont l’immense majorité des chauffeurs de VTC ou les livreurs à vélo (voir par exemple Lebas, 2020), ne sont pas non plus protégés par le smic.

Au-delà de ces situations spécifiques et légales, des travailleurs sont rémunérés en deçà du smic horaire du fait de comportements frauduleux. Ces situations sont plus fréquentes dans certains secteurs comme l’agriculture, les services à la personne, la restauration, le bâtiment où le travail informel peut être mobilisé. La question du contournement du salaire minimum n’est pas anecdotique : elle donne lieu, dans les pays anglo-saxons à toute une littérature sur le « vol de salaire » (e.g. Kim et Allmang, 2021).

Une base horaire problématique

Au total, en France, environ 5 % des salariés de 25 à 65 ans (donc sans les apprentis) ont une rémunération horaire inférieure au salaire minimum… Le processus de collecte des données peut donner lieu à des erreurs. Mais la concentration des cas dans des métiers bien spécifiques (assistantes maternelles, aides à domicile et salariés des services à la personne, les salariés du commerce et de l’hôtellerie-restauration et enfin les nettoyeurs) met à mal l’hypothèse d’un nettoyage insuffisant de la base de données et laisse penser qu’il s’agit bien de situations réelles de non-application d’un salaire horaire minimal que ce soit en raison de dérogations légales ou de pratiques frauduleuses.

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L’incapacité du smic à protéger contre des revenus insuffisants tient bien plus fortement au fait que le minimum est défini sur une base horaire alors que le niveau de vie est déterminé sur une base mensuelle, voire annuelle. La rémunération mensuelle dépend à la fois du salaire horaire ET du nombre d’heures de travail durant le mois. Or le temps partiel se concentre sur un petit nombre de métiers dont les taux horaires sont très proche du smic. Les journées y sont fragmentées : elles commencent tôt, finissent tard mais elles demeurent courtes sur la fiche de paie. L’exemple typique est celui des agents d’entretien travaillant de 6h à 9h puis de 18h à 20h soit 25 heures rémunérées par semaine pour des journées de 14 heures… Ce qui débouche sur un salaire mensuel inférieur à 1000€ sans possibilité de travailler plus (Devetter et Valentin, 2024).

Le poids des temps partiels

Les aides à domicile, de nombreux salariés du commerce ou de l’hôtellerie-restauration connaissent des situations proches. Ces temps partiels, on le voit, sont loin de faciliter l’articulation des temps familiaux et professionnels. Ils résultent bien plus d’une organisation de l’activité permettant un décompte restrictif de ce qui est considéré comme du travail, en excluant en particulier les temps de pause, de préparation ou de déplacement nécessaires à l’accomplissement du travail. Au total, ce sont environ 16 % des salariés qui, selon l’enquête emploi de 2019, se retrouvent avec un salaire inférieur au smic mensuel. Parallèlement, des temps de travail annuels insuffisants naissent de situation d’instabilité et/ou de la faiblesse de la durée des contrats, notamment en raison de CDD de courtes ou très courtes durées.

_Lecture : parmi l’ensemble des salariés, 1 021 609 personnes appartiennent aux métiers du soin et de l’accompagnement. Parmi elles, 66 % ont un salaire mensuel inférieur au smic mensuel. Elles représentent par ailleurs 20 % des salariés percevant un salaire sous le smic mensuel. Enfin, 50 % d’entre elles touchent un salaire inférieur à 1000 euros. Champ : salariés de 25 à 65 ans. _

Faibles salaires et faibles mobilités

Ces situations problématiques le seraient moins si elles relevaient d’une étape d’insertion très transitoire. Or l’absence de progression salariale est particulièrement forte dans les professions où se concentrent les salariés rémunérés à un taux horaire proche du smic. Plus de 50 % des agents d’entretien, des assistantes maternelles, des aides à domiciles, des caissiers, etc. touchent des salaires inférieurs à 1,2 smic. Et dans ces métiers, les perspectives d’évolution sont quasi inexistantes : les compétences sont peu reconnues, l’expérience n’est pas perçue comme développant la productivité, la mobilité professionnelle est, de fait, inexistante. Non seulement les salaires sont bas mais les perspectives de les voir progresser n’existent pas. Les nombreuses mesures d’exonération de cotisations sociales y contribuent : elles ont favorisé le développement des emplois à bas salaires et des modèles organisationnels « low cost » (Palier, 2024) et constituent un frein à l’augmentation salariale.

Le cumul de ces facteurs explique que des pans entiers de la population en emploi se retrouvent coincés avec des salaires mensuels faibles, d’autant que le smic, même à son niveau mensuel, ne permet pas de vivre décemment, en particulier dans le cas des familles monoparentales (Lanseman, 2024), comme le font apparaître les travaux de Pierre Concialdi. Celui-ci souligne en outre que la progression du smic est particulièrement faible en France : « entre janvier 2014 et janvier 2024, la France est le pays où la hausse du salaire minimum a été la plus faible de tous les pays de l’Union européenne ».

En effet, le smic fait l’objet d’une réévaluation annuelle sur la base de l’inflation et de l’évolution du salaire de base des ouvriers et employés. Des « coups de pouce » peuvent être proposés par le gouvernement sur la base du rapport élaboré par le groupe d’experts du smic, mais depuis de nombreuses années maintenant, ce comité s’y oppose. Les politiques préfèrent soutenir le pouvoir d’achat via des prestations sociales conditionnées à l’emploi, comme en témoignent les hausses de la prime d’activité qui ne concernent qu’une partie des travailleurs à bas salaire et qui évitent de questionner la valeur du travail).

France 5 Avril 2024.

Revalorisation impossible des métiers ?

Comment alors impulser une hausse des salaires pour ces professions ? La piste la plus directe passe par une revalorisation des minima conventionnels d’autant plus que certaines branches affichent des minimas conventionnels inférieurs au smic. Une négociation sur les temps liés au travail dans ces branches professionnelles paraît également nécessaire. Mais cet objectif se heurte aux inégalités majeures entre partenaires sociaux. Et cela, d’autant plus que dans bien des cas (propreté, sécurité, services à la personne, etc.) les employeurs peuvent rejeter la responsabilité de la dévalorisation du travail sur les clients finaux qui ne prennent pas part aux négociations et poussent la concurrence par des durées de contrats faibles. Une réelle revalorisation de ces métiers nécessiterait une délibération sociale pour une reconnaissance de la valeur sociale de ces activités sous-rémunérées (Devetter et Valentin, 2021).

Mais des leviers de changements plus immédiats peuvent être envisagés et dépendent assez directement des pouvoirs publics. Par la tarification, ils fixent en grande partie le salaire des aides à domicile (via le rôle des départements) et des agents de service hospitaliers. Par l’encadrement de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), ils influencent fortement la rémunération des assistantes maternelles. Par les marchés publics, ils déterminent les salaires des agents d’entretien ou de sécurité, la commande publique représentant 25 % du chiffre d’affaires des entreprises qui les emploient. Plus globalement, la diversification et la flexibilisation des temps de travail rendent nécessaire d’ouvrir le vaste chantier d’une nouvelle régulation des temps de travail : encadrement des temps partiels, clarification et extension de la définition des temps commandés par le travail, valorisation des temps atypiques (au-delà de la nuit et du dimanche), réglementation limitant les possibilités de fragmenter les journées de travail (Alexander et Haley-Lock, 2015) ou encore un plus grand encadrement voire une pénalisation de l’usage de contrats très courts sont des pistes à explorer pour redonner au smic une partie de son sens originel, à savoir protéger les salariés de la pauvreté.

François-Xavier Devetter, Professeur de Sciences économiques, Université de Lille et Julie Valentin, Maître de conférences en Sciences Economiques, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Gabrielle Chanel, aux sources d'une marque de luxe au succès mondial

Gabrielle Chanel, dite Coco, lors d'une visite en 1931 à Los Angeles (Californie). Wikimedia, CC BY
Séverine Le Loarne-Lemaire, Grenoble École de Management (GEM)

De Gabrielle Chanel, on pense tout savoir. Et pourtant, cette cheffe d’entreprise représente la self-made-woman à l’état pur - elle est même peut-être la première de l'histoire. Et pourtant, on l’associe peu à la figure de l’entrepreneuse. Retour sur une réussite économique exceptionnelle d'une femme hors du commun.


Peu de femmes ont jusqu’à présent créé des empires entrepreneuriaux et encore moins celles qui sont parti de rien. Gabrielle Chanel fait partie de ces exceptions et, si sa marque est reconnue, son esprit entrepreneurial est rarement célébré en France. Pourquoi ? Et si elle était née américaine, l’aurait-elle été dans son pays ? Rien n’en est moins sûr car si le mythe du self-made-man est présent, celui de self-made-woman reste à parfaire.

La recherche en entrepreneuriat rappelle très souvent que, pour créer une entreprise durable et prospère, il faut des fonds. Cette opération est donc surtout réservée aux personnes, les hommes en particulier, issus des familles bourgeoises qui soit ont une bonne mise de départ, soit ont suffisamment de capital social pour convaincre les amis et relations qui en ont. Ces relations sont souvent des relations familiales, éventuellement des relations que l’entrepreneur lui-même se crée durant ses études. Les travaux universitaires sur le sujet montrent que le fait même de faire les (bonnes) études est aussi lié au capital social d’origine (Le Loarne – Lemaire, 2014). Rien d’étonnant donc si l’entrepreneur est souvent fils ou filles d’entrepreneurs.

L’archétype de la self-made-woman

Dans ce contexte avéré dans presque tous les contextes, un mythe, associé à un pays, se crée : celui du self-made-man. Le chercheur James Catano le décrit comme un homme, blanc certes, qui œuvre aux États-Unis d’Amérique – le pays où tout est possible selon le storytelling en vigueur – peut-être immigré – mais pas de n’importe quel pays – et qui, à partir de rien va être amené à créer un empire économique. On lui attribue une période de naissance, la seconde moitié du XIXe siècle, ainsi qu’un père, Horacio Alger, journaliste, auteur de plusieurs ouvrages sur des hommes qui incarnent ce rôle comme, par exemple, Andrew Carnegie.


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À certains égards, Gabrielle Chanel pourrait incarner une sorte de self-made-woman. À commencer par le fait qu’elle est devenue un personnage qui fait de sa vie un mythe qu’elle a contribué à construire. C’est elle qui, une fois son entreprise bien établie, raconte son histoire, dont la romance et la véracité sont parfois discutées, à commencer par son séjour dans un orphelinat, comme l’a rappelé récemment une passionnante série de France Culture. Preuve du degré et de la volonté de maîtrise de Chanel, elle dessinera sa propre pierre tombale.

L’indépendance pour boussole

C’est dire que Chanel a eu à cœur de soigner son image. Ce qu’on n’appelait pas encore des éléments de langage porte sur le fait que Chanel n’est pas une héritière qui aurait tout eu sans effort, au contraire. Gabrielle Chanel s’est construite par la force de sa volonté et de son travail : pas de formation pour être couturière, elle puise sa propre créativité de ses observations et de sa vision de la femme, elle bénéficie certes du soutien – de son amant en particulier – pour monter son premier magasin mais elle le remboursera. En somme, elle s’est construite toute seule, elle guide son empire aussi seule. Quand, pour produire et commercialiser le numéro 5 à grande échelle, et qu’ elle s’associe aux frères Wertheimer. La journaliste Marie-Dominique Lelièvre a révélé les manœuvres de Gabrielle Chanel avec l’occupant nazi pour obtenir [l’aryanisation des parfums Chanel]{https://www.publicsenat.fr/actualites/non-classe/chanel-ndeg-5-derriere-l-histoire-du-parfum-une-guerre-sans-merci-186272). Rappelons ici que si Chanel n’eût pas un comportement exemplaire pendant la Seconde Guerre mondiale, elle n’est pas la seule, même si on le rappelle plus souvent à son sujet que pour nombre d’autres dirigeants d’entreprises françaises.

Gabrielle Chanel pourrait être une self-made-woman, peut-être même une des premières dans l’histoire du capitalisme d’ailleurs. Sa grande rivale, Elsa Schiaparelli, ne peut pas se prévaloir de ce titre. Elle est issue d’une famille dotée de forts capitaux économiques et sociaux, elle s’est mariée à un comte lorsqu’elle crée son entreprise. Aux États-Unis mêmes, les grandes créatrices d’empire qui lui sont contemporaines, comme Helena Rubinstein ne peuvent pas toutes être considérées comme telles : Rubinstein, par exemple, crée son empire avec son mari.

La seule qui pourrait partager le titre de self-made-woman de son époque pourrait être Elizabeth Arden : Infirmière issue des campagnes canadiennes, elle immigre à New York pour y faire fortune. La fortune, elle la tire d’un premier magasin de soins ouvert avec ses propres deniers, puis par le développement d’une marque et d’une franchise, permis grâce à l’obtention de crédits peut-être favorisée par le fait qu’elle épouse son banquier. Ce dernier lui apporte son réseau mais tente aussi de lui imposer ses amis et ses vues sur l’entreprise. Coco Chanel n’aurait vraisemblablement jamais permis cela.

Les grandes familles

Pour autant, si Chanel peut donc incarner le mythe de la self-made-woman, pourquoi personne ne la célèbre-t-elle ainsi ? Et si elle avait œuvré aux États-Unis, aurait-elle mieux été célébrée ? Rien n’en est moins sûr !

Avant de nous pencher sur le cas américain, intéressons-nous au contexte français. À l’ère de la globalisation des cultures et des économies, il est toujours bon de rappeler que certains mythes mettent du temps à traverser les frontières. En France, on s’intéresse peu à l’histoire des entrepreneurs. Rares sont les personnes capables de prononcer le nom du fondateur de Carrefour ou de Seb. On connait peut-être celui de L’Oréal, grâce aux frasques involontaires de sa descendance. On s’intéresse éventuellement plus aux aventures familiales, comme celle des Mulliez. Le culte de l’entrepreneur est peu développé, et celui qui devient entrepreneur en partant juste d’une idée encore moins. La promotion de la French Tech Nation et les actions de BPI France n’y ont rien fait.

Côté femmes entrepreneures, les efforts ont été déployés pour créer ce que l’on appelle des « role models » féminins mais la presse tout comme les réseaux féminins portent leur choix sur des contemporaines. Plutôt que de mobiliser des cas de succès avérés et passés, les réseaux privilégient la mise en valeur de profils et d’expérience souvent encore en cours de construction. Certes, cela valorise les entrepreneures en cours mais est-ce que cela inspire les autres en devenir ? Les récents travaux de recherche sur le sujet permettent d’en douter. Bref, si Chanel fait l’objet de nombreuses biographies éditées en France, ces dernières sont encore loin d’être citées en exemple dans les cours d’entrepreneuriat et encore moins dans les programmes courts d’accompagnement à l’entrepreneuriat féminin… En France, si le mythe de la femme entrepreneure reste à créer, celui de la self-made-woman encore plus.

Le paradoxe du self-made-man

Aux États-Unis, le mythe de self-made-man s’accommode mal avec le genre et avec la réalité contemporaine. Il n’est pas sûr que l’histoire de Chanel soit aussi célébrée aux États-Unis, terre originelle du self-made man tant il est complexe de dégenrer le mythe. Comme le souligne Catano, le « self-made man » en tant que genre de storytelling est paradoxal : d’un côté, il met en valeur des individus issus de la classe moyenne qui, avec peu, défient les institutions et les normes et, de l’autre, valorise un archétype sociétal ultra-normalisé, un type de masculinité, qui ne sied, d’une part, pas à tous les hommes et, d’autre part, exclus d’emblée les femmes. Difficile d’imaginer durant les années 50 la mise en valeur d’une femme comme Chanel qui, partie de rien, crée les bases d’un empire alors que simultanément les marketeurs créent le mythe de la « ménagère de moins de 50 ans ».

Xerfi Canal.

Dans les années 70 et 80 ? Peut-être puisque l’heure était à la promotion de la « working girl » mais le succès de Chanel aurait peut-être paru effronté tant la femme n’incarne pas la seconde du business man mais LA business woman. Or, cette image, même si elle est de plus en plus promue dans la société américaine grâce aux portraits de femmes d’influence, elle reste mise à mal dans le monde de l’entrepreneuriat, comme en témoignent les pratiques de financement et de promotion des femmes porteuses de projets innovants dans l’écosystème de Boston, dénoncées, entre autres, par des travaux de recherche.

Un mythe à créer

Chanel peut incarner le mythe de la « self made woman » mais ce dernier reste à créer. On peut même aussi se demander si le « self-made man » comme genre de storytelling n’en viendrait pas à être passé de mode.

Tout comme en France, les temps sont plus à la valorisation des modèles contemporains qu’anciens, en témoignent les classements Forbes. Qui plus est, parmi ces entrepreneurs « cultes » contemporains, rares sont ceux qui ne sont pas passés – ne fussent que quelques mois – dans les rangs des écoles d’ingénieurs et de management les plus prestigieuses : Harvard pour Mark Zuckerberg, Stanford pour Larry Page. Certes, Elon Musk déclare avoir financé ses études par des petits boulots mais reste que le capital social de départ (mais aussi un peu économique) met sérieusement à mal la véracité du mythe du self-made man et son application à l’économie du numérique. L’heure n’est peut-être plus au temps de la valorisation des origines sociales du bâtisseur d’empire qu’à celle de l’utilisation de cet empire, de son impact.

Chanel a indéniablement eu de l’impact par ses produits, en particulier les vêtements dont la diffusion auprès d’une classe fortunée a permis l’avènement d’une mode vestimentaire permettant à la femme de se libérer, du moins de son corset. En revanche, l’heure est encore loin à l’engagement sociétal. Chanel n’a pas hésité à fermer son entreprise et à licencier l’intégralité de son personnel lorsqu’elle l’a jugé nécessaire, en particulier durant la Seconde Guerre mondiale… Peu de ses contemporains entrepreneurs auront d’ailleurs d’engagement sociétal fort.

Gabrielle Chanel, un modèle inspirant

« Autres temps, autres mœurs » ? Si le mythe du « self made man » est révolu, puisque le « self made » est contesté et le « man » relativisé, l’expérience de Gabrielle Chanel mériterait d’être enseignée, en France tout comme aux États-Unis. Elle s’inscrit dans un moment historique, celui des années 20, de la libération de la femme qui sera refermée par la montée des totalitarismes et des guerres. Elle incarne l’art d’une relation femme-homme qui lui permet de s’intégrer dans des milieux d’affaires masculins sans être stéréotypée ou rejetée. Elle rappelle le rôle du couple et de son équilibre dans l’entrepreneuriat et que l’on entreprend rarement seul. Elle explique aussi comment acquérir des fonds pour démarrer son activité et comment gérer son indépendance, qualités utiles certes aux femmes mais aussi aux hommes pour monter leurs activités. En somme, à défaut d’incarner le mythe de la « self made woman », Chanel incarne le post-féminisme avant l’heure, celui qui construit l’entrepreneuriat par une femme avec les hommes, celui qui construit et renouvelle aussi les classes sociales de l’entrepreneuriat fait par les femmes et par les hommes.

Séverine Le Loarne-Lemaire, Professor, Head of the FERE Research Chair (Female Entrepreneurship for a Renewed Economy) Habilitée à diriger des recherches en sciences de gestion, Grenoble École de Management (GEM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Photo de Daryan Shamkhali sur Unsplash

Le Centre Pompidou, le musée superstar en équilibre précaire, avant fermeture pour travaux

Marie Ballarini, Université Paris Dauphine – PSL

Qu’on l’appelle Centre Pompidou ou Beaubourg, il va fermer ses portes de 2025 à 2030 pour des travaux de rénovation conséquents. Contesté, critiqué et même raillé à son ouverture, il s'est imposé comme un bâtiment iconique de la capitale parisienne. Musée superstar, il occupe une place particulière dans la carte internationale des musées. Décryptage du modèle économique fragile et atypique d’un lieu décidément pas comme les autres.


Créé par la loi du 3 janvier 1975 et inauguré en 1977, le Centre Pompidou s’apprête à célébrer ses cinquante ans d’existence. Ce jalon important sera toutefois marqué par une fermeture complète du musée de 2025 à 2030 pour des travaux de restructuration et de mise aux normes.

Parallèlement, le Centre Pompidou poursuivra son expansion avec l’ouverture d’un nouveau site à Massy (Essonne), destiné à regrouper ses réserves et à devenir un lieu d’exposition et de diffusion culturelle. En outre, le Centre continuera à renforcer sa présence internationale avec de nouveaux sites provisoires à l’étranger.

Le concept de « musée superstar » développé par Bruno S. Frey désigne des institutions culturelles emblématiques qui attirent des visiteurs en masse, génèrent des revenus significatifs grâce à la commercialisation de leurs espaces et collections. Ces musées jouent un rôle majeur dans l’économie locale. Le Centre Pompidou ressortit évidemment à cette catégorie.

Un modèle économique insoutenable

Cependant, contrairement à d’autres musées superstars comme le Louvre ou le musée d’Orsay, le Centre Pompidou ne possède pas d’œuvres mondialement célèbres facilement reconnaissables par le grand public. Pas de Joconde ni de Noces de Cana ou de collection impressionniste. Il en résulte que malgré une programmation dynamique et une architecture iconique, son modèle économique reste fragile.

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En 2022, les recettes budgétaires du Centre Pompidou se sont élevées à 131,7 millions d’euros, dont 90,5 millions provenaient de financements publics (69 % des recettes totales), un taux nettement plus élevé comparé au Louvre (44 %) et au musée d’Orsay (45 %). Les recettes propres du Centre, bien qu’en légère hausse par rapport à la période post-pandémique, représentaient seulement 31 % des recettes totales, contre 34 % en 2019. Les revenus de billetterie, essentiels pour l’autofinancement, ont chuté de 18 % par rapport à 2019, malgré une refonte de la grille tarifaire en 2022. En revanche, les recettes de mécénat ont progressé de 8 %, atteignant 6,1 millions d’euros, tandis que les revenus issus des expositions hors les murs et des implantations internationales ont augmenté de 43 %, compensant en partie les pertes des autres sources de revenus, selon les données publiées dans les rapports annuels du Centre.

Une stratégie de diversification qui peut sembler brouillonne

Malgré ces efforts, la Cour des comptes souligne que cette diversification des ressources manque encore de formalisation stratégique et de visibilité sur les coûts réels. Le Centre s’est souvent contenté d’une approche pragmatique en réponse aux sollicitations, sans stratégie claire ni comptabilité analytique, ce qui fragilise la pérennité de son modèle économique.

France 24.

Deux enjeux cruciaux pèsent sur les stratégies économiques du Centre Pompidou et notamment de billetterie : la concurrence des institutions privées d’art contemporain à Paris et l’impact écologique lié à une augmentation de sa fréquentation.

L’émergence de nouvelles fondations et collections d’art contemporain à Paris, telles que la Fondation Louis Vuitton ou la Collection Pinault, a profondément transformé le paysage culturel de la capitale. Si ces institutions concurrentes pourraient être perçues comme une menace pour le Centre Pompidou, elles contribuent en réalité à renforcer l’attractivité de Paris comme destination incontournable pour les passionnés d’art contemporain. Cette concentration d’institutions prestigieuses place Paris au cœur du réseau international de l’art contemporain, attirant un public averti et diversifié.

Concurrence et complémentarité : l’écosystème de l’art contemporain à Paris

En dépit de cette concurrence qui a émergé ces dernières années, le Centre Pompidou bénéficie de cette dynamique en restant l’un des hauts lieux de l’art moderne et contemporain. Cela est due à sa programmation innovante comme l’exposition Évidence ou encore la diffusion de Noire et à la richesse de ses collections.

Le rayonnement international de Paris dans le domaine de l’art contemporain est donc à double tranchant pour le Centre Pompidou. D’un côté, il doit rivaliser avec des institutions dotées de moyens financiers considérables et d’œuvres emblématiques. De l’autre, il profite de cette effervescence pour se maintenir parmi les destinations culturelles de premier plan, renforçant ainsi sa position dans un marché globalisé de l’art. Cependant, pour tirer pleinement parti de cet écosystème, le Centre devra continuer à innover et à s’adapter aux nouvelles réalités économiques et culturelles, tout en restant fidèle à sa mission de promotion de l’art contemporain.

Défis environnementaux

Le Centre Pompidou doit naviguer entre deux impératifs majeurs : stimuler son développement économique tout en réduisant son empreinte écologique, comme l’indique l’un de ses rares documents stratégiques interne intitulée « Re?pondre a? l’urgence environnementale : Plan d’action 2023-2025 ». Une contradiction importante émerge dans ce contexte, puisque 82 % de l’impact carbone d’un musée provient de ses publics, notamment des visiteurs internationaux, dont les voyages en avion sont particulièrement polluants.

Or, le Centre Pompidou est critiqué par la Cour des comptes pour son manque relatif d’attractivité auprès des visiteurs étrangers comparé à d’autres musées parisiens. Pourtant, cette faiblesse apparente peut se révéler un atout dans une optique de durabilité environnementale. En attirant un public national, le Centre réduit les déplacements de longue distance, minimisant ainsi l’empreinte carbone liée aux voyages internationaux.

Plus résilient donc, moins rentable ?

Cette orientation vers une audience nationale pourrait s’avérer une stratégie durable à long terme, à l’heure où les préoccupations écologiques sont de plus en plus pressantes. De plus, cela renforce l’ancrage local du musée, le rendant plus résilient face aux fluctuations du tourisme international et aux crises globales, telles que la pandémie de Covid-19. Néanmoins, cette stratégie a un coût économique, car les publics locaux bénéficient plus souvent de tarifs réduits ou de gratuités, limitant les revenus potentiels.

Par ailleurs, bien que la location d’œuvres et d’expositions, ainsi que l’expansion internationale, soient des sources importantes de revenus, elles viennent avec leur propre lot de défis écologiques. Le transport d’œuvres d’art à travers le monde et les infrastructures nécessaires pour soutenir ces activités augmentent l’empreinte carbone du musée. Cependant, rapprocher les expositions des publics internationaux peut réduire la nécessité de voyages long-courrier, ce qui pourrait compenser ces impacts. Les grands projets immobiliers, tels que la restructuration du bâtiment historique du Centre et la construction du nouveau site à Massy, sont également stratégiques pour sa modernisation, mais ils impliquent des coûts environnementaux significatifs.

Le Centre Pompidou incarne un modèle de musée superstar atypique. Malgré une dépendance accrue aux financements publics et des revenus en deçà de ceux générés par d’autres musées parisiens, le Centre reste un acteur culturel incontournable grâce à sa programmation avant-gardiste et son engagement international. Cependant, l’équilibre entre la croissance économique et la responsabilité environnementale demeure fragile. Pour assurer sa pérennité, le Centre Pompidou devra non seulement renforcer sa viabilité financière, mais aussi s’adapter aux exigences écologiques, tout en continuant à jouer un rôle de pionnier dans le paysage culturel global.

Marie Ballarini, Professeur assistant, Université Paris Dauphine – PSL

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.