Par le
Une étude récente de Tripartie, plate-forme sécurisant les paiements pour des produits de seconde main, en témoigne : le marché de l’occasion devient une alternative de plus en plus considérée par un nombre croissant de consommateurs.
« La demande de produits d’occasion affiche une nette augmentation : près de la moitié des Français (46 %) a acheté au moins un produit d’occasion au cours des 12 derniers mois ».
Bien que les discours convenus sur les bénéfices perçus de l’achat d’occasion concernent essentiellement le gain financier et la réduction de l’impact environnemental, plusieurs recherches ont montré l’appétence des consommateurs pour la « chose marchande ». L’achat pour soi-même ne traduit souvent pas tant une volonté de consommation raisonnée qu’un désir de consommer encore et toujours davantage grâce à des prix réduits. D’ailleurs, d’après un rapport de l’Ademe, 86 % des individus estiment que l’occasion permet d’acheter plus d’objets pour moins cher et 84 % y voient l’occasion d’économiser pour s’offrir plus de loisirs en retour. Les liens entre achat d’occasion et sobriété ne sont alors pas si évidents.
D’un autre côté, des freins persistent encore chez certains consommateurs comme la difficulté à trouver le produit recherché, la peur de la mauvaise affaire ou encore la crainte de l’escroquerie. Cela explique que de nombreuses garanties et facilitations soient mises en place par les plates-formes comme LeBonCoin ou Vinted : des applications faciles d’utilisation, une présentation optimisée des produits, des filtres de recherche, des transactions financières sécurisées, une protection acheteur incluse, un contrôle des contrefaçons pour les produits de luxe… Ces dispositifs participent à l’accélération de cette pratique de consommation, qui s’est institutionnalisée et devient aujourd’hui la norme.
Acheter des produits de seconde main n’est pas chose récente mais le phénomène a connu un essor fulgurant ces dernières années, facilité par les plates-formes de mise en relation de « particuliers à particuliers » et l’ouverture de nombreuses friperies ou ressourceries locales. Jusqu’à arriver au pied des sapins de Noël ?
Si les consommateurs sont désormais acculturés à l’achat d’occasion pour eux-mêmes, ils sont aussi de plus en plus nombreux à envisager d’offrir un cadeau de ce type. Un sondage récent mené par l’Ifop pour LeBonCoin le confirme : 43 % de sondés ont déjà offert un cadeau de seconde main. Parmi eux, 27 % possédaient déjà l’objet, 41 % l’ont acheté pour offrir, le reste a déjà pratiqué les deux.
Pour mieux comprendre ce phénomène, nous avons mené une recherche exploratoire à partir d’entretiens avec des consommateurs, individuels comme groupés. L’objectif était de chercher à identifier dans quelle mesure les adeptes de l’occasion pour eux-mêmes sont enclins ou non à considérer des produits de seconde main lorsqu’ils sont à la recherche d’un cadeau à offrir à un proche, un membre de la famille, un ami ou un collègue.
Nos résultats ont révélé que les bénéfices perçus de l’achat d’un cadeau d’occasion sont similaires à ceux identifiés dans la pratique d’achat d’occasion n’ayant pas vocation à être offert : le gain financier et l’impact écologique positif. Et comme pour l’achat d’occasion pour soi, un bénéfice additionnel apparaît : celui de pouvoir acheter « plus », et donc offrir « plus », en quantité et/ou en qualité. Nous retrouvons ici la même contradiction que pour les achats pour soi-même : des discours tournés vers une consommation plus responsable et sobre, alors que les pratiques restent ancrées dans l’hyperconsommation.
En ce qui concerne les freins relatifs à l’achat de cadeaux d’occasion, on retrouve ceux qui existaient il y a encore quelques années alors que l’achat d’occasion n’était pas devenu normalisé. Les consommateurs soulignent également qu’il ne leur paraît pas normal et naturel, et donc pas dans leurs habitudes d’achat, de se tourner vers des offres de seconde main lorsqu’il s’agit d’offrir un cadeau. Mathilde, 32 ans, explique :
« Je n’y ai jamais pensé. C’est sans doute par habitude : pour offrir un cadeau, on veut du neuf, pour que ce soit parfait, un beau jouet, tout emballé. On se met la pression. »
D’autres individus évoquent spontanément la crainte de l’image négative perçue par le destinataire du cadeau de seconde main, comme Ingrid, 46 ans :
« Jamais de la vie, je ne me le permettrais pas ! »
Il y a encore une forme de honte ou de culpabilité à offrir un cadeau d’occasion, ce que ressent Bruno, 36 ans :
« On est dans une société où offrir de l’occasion pourrait être mal pris par la personne. »
Pour d’autres, malgré tout, la tentation de tirer profit des avantages de la seconde main l’emporte sur les freins potentiels. Dans ce cas, une attention particulière est portée à l’état du produit et tout particulièrement à son emballage. Pour Aurélien, 39 ans, les cadeaux d’occasion, c’est « oui » mais « à la condition que ceux-ci soient dans l’emballage d’origine ». Emeline, 39 ans, est aussi adepte de la seconde main pour offrir mais le dissimule :
« Je l’ai déjà fait mais je ne dis pas que c’est de l’occasion… »
D’ailleurs, la question de la transparence quant aux vies antérieures d’un produit offert divise. D’après le sondage Ifop, 44 % de ceux qui ont déjà offert de la seconde main l’ont toujours indiqué et 40 % l’ont dit parfois, mais pas tout le temps.
Au-delà d’être simplement « assumés », parfois sous la contrainte lorsqu’il est impossible de cacher que l’emballage ait déjà été ouvert, ou que la garantie ou le ticket d’échange ne peuvent pas être fournis, les cadeaux d’occasion sont parfois même « valorisés » auprès du destinataire. C’est notamment le cas lorsqu’ils sont explicitement demandés par conviction écologique ou lorsqu’il s’agit d’une pièce rare, vintage, ou de collection.
Si l’on en croit les chiffres régulièrement affichés par les plates-formes, on peut penser que Noël 2023 plus encore que les précédents, devrait voir de nombreux paquets contenant des produits d’occasion « dissimulés » ou « assumés » sous le sapin. Dans les deux cas, ce sera le moyen de gâter ses proches dans un contexte inflationniste encore présent avec la volonté d’adopter un mode de consommation plus raisonné et responsable.
Même si pour une grande majorité de nos répondants, le cadeau d’occasion n’a pas encore trouvé toute sa légitimité, les premiers signes d’un élargissement des pratiques liées à l’achat de seconde main sont déjà présents. Les plates-formes semblent l’avoir bien compris. Rakuten affiche le slogan « Idée cadeau pas cher : découvrez nos idées cadeaux incontournables pour faire plaisir autour de soi, du côté du neuf, de l’occasion et du reconditionné » ; la concurrence n’est pas en reste : « Pour un Noël plus abordable, plus durable, plus responsable, faites vos cadeaux sur LeBonCoin ». 73 % des personnes ayant déjà acheté des objets de seconde main pour les offrir se les sont procurés sur Internet.
Elodie Juge, Maître de Conférences - Univ. Lille, ULR 4999 LUMEN - Membre de la chaire TREND(S), Université de Lille; Eva Cerio, Enseignant-chercheur en marketing responsable, Université d'Angers; Isabelle Collin-Lachaud, Professeure des universités, LUMEN (ULR 4999), directrice scientifique de la chaire TREND(S), Université de Lille et Tiphaine Chautard Dardé, Maître de conférences / Associate Professor of Marketing, Université d'Angers
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Par le
Le rappeur Orelsan dans un film publicitaire pour le parfum Dior. YouTube
Le luxe est un marché en constante progression, avec une valeur estimée à 352 milliards de dollars en 2022 et des prévisions potentielles à 530 milliards pour 2030.
Ce marché comprend entre autres l’horlogerie, la joaillerie, les voitures de luxe ou la mode. Dans cet univers fortement concurrentiel, les marques utilisent diverses techniques pour se faire connaître et pour tenter d’attirer les consommatrices et consommateurs : marketing sensoriel, customisation, rareté ? élitisme, nostalgie, storytelling…
L’une des techniques mobilisées pour véhiculer la personnalité des marques, favoriser des attitudes favorables ou améliorer l’intention d’achat est le « celebrity endorsement » qui consiste à faire appel à une personnalité connue pour mettre en avant les valeurs de la marque.
Dans le secteur du luxe, certaines marques ont récemment eu recours à des artistes rap pour promouvoir leurs produits (Orelsan pour la marque Dior, Joey Starr pour la marque Figaret) afin de capter de nouvelles audiences et un public plus jeune. Aux États-Unis, Kid Cudi joue même les mannequins pour Calvin Klein.
Pourtant, ces deux mondes semblent a priori bien éloignés tant en termes de valeurs que de codes culturels. L’association avec un ou une artiste rap est-elle, dès lors, une bonne stratégie pour les marques de luxe ?
Historiquement, le rap a émergé dans les quartiers populaires des grandes villes du nord des États-Unis et des populations afro-américaines des classes sociales défavorisées. Les artistes rap afro-américains représentent la résistance à l’oppression et les luttes contre la discrimination et le racisme et touchent surtout les jeunes groupes de consommateurs en se faisant l’écho de leurs souffrances, de leurs luttes et de leurs problèmes socio-économiques. Depuis son développement, le rap a fait l’objet de nombreux débats quant à son contenu, les polémiques s’axant principalement sur certains des messages véhiculés – violence, drogue, misogynie, matérialisme.
Ces controverses perturbent encore la légitimité artistique du rap.
Cependant, en France, le rap est depuis quelques années dominant sur le marché musical avec 78 % des 14-24 ans qui écoutent des musiques urbaines. Les écoutes sur la plate-forme de streaming Spotify démontrent cette évolution constante.
La musique rap est aujourd’hui la plus populaire de toutes et a su conquérir les marchés, transcender toutes les frontières raciales et/ou ethniques, culturelles, sociales et géographiques. Ce style de musique, du fait de son caractère mainstream, est d’ailleurs un genre plébiscité pour les placements de produits dans les clips. De plus, les artistes rap se font également l’écho des grandes marques de luxe en les mentionnant régulièrement dans leurs morceaux. En 1995, déjà, le légendaire Tupac Shakur défilait pour Versace. Mais ce qui a certainement scellé l’association entre rap et luxe, c’est la couverture de Vogue, en 1999, sur laquelle figuraient P. Diddy et Kate Moss, soit le rappeur le plus en vue de l’époque avec la mannequin la plus célèbre du moment.
La rareté et l’unicité du produit rendent les marques de luxe attractives. On considère les produits de luxe comme des biens positionnels, c’est-à-dire des produits qui sont choisis par les consommatrices et consommateurs en fonction de la marque, de la notoriété, de l’image de l’entreprise ou d’autres facteurs non techniques/fonctionnels. Posséder une marque de luxe révèle de fait une dimension élitiste quelque peu éloignée de la consommation de masse. Mais avec la démocratisation du luxe dans l’économie de partage, (par exemple avec le site de e-commerce qui se spécialise sur la vente de produits de luxe d’occasion Vestiaire Collective.
Ainsi, la consommation de luxe n’est plus réservée à une élite traditionnelle (avec une richesse et des pouvoirs hérités, qui correspond à catégorie de population plutôt blanche et âgée, a priori. Actuellement, une nouvelle catégorie de consommateurs de luxe émerge.
Ils représenteront en 2025 55 % du marché du luxe, selon une étude menée par le cabinet d’audit Deloitte. À cet effet, les marques de luxe ont tout intérêt à utiliser diverses stratégies pour revitaliser leur image, cibler de nouveaux publics et diversifier leur offre. Du point de vue de la communication, elles étendent leur présence sur les médias sociaux pour diffuser rapidement les messages de la marque et capter l’attention.
Les marques de luxe, qui se sont traditionnellement associées avec des personnalités provenant du monde du 7e art, de la musique ou du mannequinat (de Robert Pattinson en passant par Jude Law pour la marque Dior, à Lily-Rose Deep, actuelle égérie de Chanel, qui prend la relève de sa mère Vanessa Paradis), commencent à utiliser de nouveaux types d’endosseurs tels que les artistes de musique rap comme support de commercialisation par exemple Moha La Squale avec Lacoste, Asap Rocky avec Dior, Cardi B avec Balenciaga.
De prime abord, une association entre un ou une artiste rap et une marque de luxe pourrait être jugée risquée car le monde du luxe (statut élevé et élitisme) semble très éloigné de la culture street. Cependant, rap et luxe sont déjà fortement associés par les artistes eux-mêmes qui portent des marques de luxe et jouent avec ces dernières dans leurs paroles/clips, par exemple
Dans la littérature en marketing relative aux endosseurs de marque, c’est-à-dire les personnalités qui ont pour but de valoriser les valeurs, les caractéristiques, les spécificités d’une marque, on parle de « match-up hypothesis » pour désigner une congruence ou un fit entre la marque et la personne qui endosse cette marque. Le concept de congruence désigne le lien logique entre l’endosseur et la marque, basé sur la crédibilité, les significations sociales ou l’attractivité de l’endosseur.
À titre d’exemple, une association entre l’acteur Leonardo Di Caprio (qui est depuis longtemps engagé pour l’environnement) et le
Cette littérature démontre également qu’il est possible de développer des attitudes favorables en étant incongruent grâce à l’effet de surprise ou de nouveauté suscité par cette association discordante. Néanmoins, l’association doit être qualifiée d’inattendue mais pertinente. À cet effet, une personnalité peut avoir une congruence forte ou modérée, ou une incongruence forte ou modérée, ce qui la place sur un continuum entre congruence et incongruence.
Dans cette perspective, les rappeurs seraient a priori incongruents avec les marques de luxe (positionnement populaire vs élitiste) mais semblent être un bon moyen pour les marques de toucher un public jeune. Leur association est inattendue mais pertinente pour convaincre une nouvelle cible. Reste à déterminer quelle image renvoie une marque de luxe qui fait appel à un artiste rap.
Dans notre étude, nous cherchons à savoir si une association entre un rappeur et une marque de luxe peut rendre la marque plus cool puis par effet de rebond améliorer l’attitude que l’on peut avoir envers cette marque. Nous avons également cherché à comprendre si le style du rappeur (conventionnel versus gangsta) pouvait impacter différemment le caractère cool de la marque.
Le concept de brand coolness caractérise une marque cool selon dix dimensions : extraordinaire, excitante, esthétique, originale, authentique, rebelle, statut élevé, populaire, sous-culturelle, iconique.
En se basant sur une analyse textuelle des paroles des titres de rap et des thématiques abordées dans leurs chansons, telles que la violence ou l’argent, nous avons sélectionné Booba en tant que rappeur de style « gangsta » (c’est-à-dire avec des textes qui comprennent plus de vulgarité, de sexisme) et Maître Gims en tant que rappeur conventionnel. Nous avons ensuite créé des visuels qui associaient les deux rappeurs avec Burberry ou Louis Vuitton (deux marques classées dans le top 10 des marques de luxe en France).
Notre recherche démontre, suite à des tests statistiques, que les marques de luxe sont perçues comme moins énergiques, plus rebelles et moins iconiques lorsque la célébrité qui les représente a un style « gangsta », cette dimension « rebelle » recouvrant « une tendance à s’opposer, à lutter, à subvertir ou à combattre les conventions et les normes sociales » ; la dimension « énergique » donne l’image d’une marque « fait preuve d’enthousiasme, d’énergie et de vigueur » et la dimension « iconique » est perçue comme quelque chose de « largement reconnu comme un symbole culturel ». Ainsi, quand une marque de luxe souhaite améliorer l’attitude perçue des individus pour se donner une image « cool », elle doit plutôt choisir un endosseur « gangsta » pour développer une image rebelle, et un endosseur conventionnel pour paraître iconique et énergique.
Dans un marché du luxe en croissance mondiale ciblant de nouveaux consommateurs et face à de nouvelles associations entre artistes de musique rap et marques de luxe, il semble important d’analyser le caractère « cool » (et ses dimensions) comme un facteur clé de succès pour le futur des marques de luxe.
Néanmoins, cette stratégie requiert des choix qui doivent avant tout correspondre à l’histoire de la marque, à ses valeurs et à son discours global. Ainsi, si une marque de luxe souhaite avant tout entretenir ses valeurs traditionnelles d’héritage et renforcer la perception de ses racines en tant que source d’iconicité, le choix d’un artiste de musique rap peut s’avérer judicieux à condition que son style et son discours relèvent plus du caractère conventionnel.
Dès lors, l’incongruence initialement perçue aura pour but de rajeunir la cible et d’emprunter une voie qui séduit une nouvelle clientèle, plus attirée par une marque qui semble prendre des risques tout en respectant les codes et valeurs qui font son socle.
Romain Sohier, Enseignant-chercheur en Marketing - Laboratoire Métis, EM Normandie; Alice Sohier, Maître de conférence, enseignante chercheuse en Science de gestion, Université de Rouen Normandie; Gaëlle Pantin-Sohier, Professeur des universités en science de gestion, Université d'Angers et Julian Hoffman, Professeur en Marketing, EM Normandie
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Par le
Serena Williams, l’une des sportives américaines les plus présentes sur les réseaux sociaux. Boss Tweed/Flickr, CC BY-SA
Les médias sociaux (terme qui désigne les réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram, mais aussi les sites de partage de contenus, les blogs ou les forums) ont ouvert de nouvelles voies aux athlètes féminines, qui peuvent désormais non seulement montrer leurs prouesses athlétiques, mais aussi façonner leur « marque personnelle » (personal branding).
Par exemple, la superstar du tennis Serena Williams, retraitée des courts depuis octobre 2022, n’est pas seulement connue pour ses talents de joueuse mais aussi pour sa forte présence sur les médias sociaux. L’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem utilise des plates-formes telles qu’Instagram et Twitter pour partager son parcours de mère, ses projets de mode et son plaidoyer en faveur de l’égalité des sexes dans le sport. La joueuse a ainsi été une figure de proue dans la lutte pour les droits des femmes dans le tennis, et sa présence sur les médias sociaux lui a permis d’étendre son influence au-delà du court.
Un autre exemple est celui de Megan Rapinoe, membre de l’équipe nationale féminine de football des États-Unis, qui a été reconnue non seulement pour ses talents de footballeuse, mais aussi pour son activisme social et politique. La joueuse utilise notamment les médias sociaux pour s’exprimer sur des questions telles que l’égalité des sexes, les droits des personnes LGBTQI+ et la justice raciale.
Le troisième cas est celui de Simone Biles, une sensation de la gymnastique, qui s’est emparée des médias sociaux pour inspirer ses adeptes et se rapprocher d’eux. La gymnaste américaine partage ses routines, ses séances d’entraînement et ses moments personnels. Elle s’exprime également sur des questions telles que la santé mentale, l’autonomisation des jeunes filles et la positivité du corps.
Mais qu’est-ce qui pousse les consommateurs à suivre ces athlètes féminines sur les plates-formes ? Nous avons publié une étude sur ces motivations, qui révèle également comment ces influenceurs s’emparent de ces outils pour s’émanciper du traitement historiquement réservé au sport féminin.
L’idée est que, tout au long de l’histoire, les athlètes féminines ont souvent été jugées davantage pour leur apparence que pour leurs compétences athlétiques dans les médias grand public. Cette focalisation erronée a créé une pression supplémentaire pour les athlètes féminines, souvent au détriment de leurs véritables capacités et de leur potentiel. Cette situation a longtemps entretenu un manque persistant d’égalité entre les hommes et les femmes dans le sport.
En fait, les sports féminins ont été globalement mis à l’écart, confrontés à des problèmes de sous-représentation ou de sous-financement par rapport aux sports masculins. Mais les médias sociaux contribuent désormais à changer la donne. Les athlètes féminines disposent en effet des outils nécessaires pour développer leurs propres récits, définir leur identité et amplifier leur voix.
[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]
En créant du contenu et en interagissant avec les fans, ces athlètes ne sont donc plus seulement reconnues pour leurs prouesses sur le terrain : elles encouragent l’esprit d’entreprise, le sens de la communauté et l’autonomisation de leurs followers.
Par exemple, Olivia Dunne, gymnaste de l’université d’État de Louisiane, influenceuse et mannequin pour le magazine Sports Illustrated, a lancé le Livvy Fund en juillet 2023 pour aider les athlètes féminines de son université à obtenir des contrats de nom, d’image et de licence (NIL). Dunne, considérée comme l’une des athlètes féminines les mieux payées en raison de ses gains considérables sur les médias sociaux, cherche ainsi à partager ses connaissances du secteur et ses relations avec d’autres étudiantes-athlètes et à élever le sport féminin dans le processus.
Alors que les médias traditionnels n’ont pas réussi à capturer la véritable essence des athlètes féminines, les médias sociaux ont semble-t-il été en mesure d’ouvrir la voie à cet égard. Les consommateurs se sont ainsi détournés de la tendance des médias traditionnels à se focaliser sur l’apparence des athlètes féminines plutôt que sur leurs exploits sportifs.
En effet, les médias sociaux ont pu développer de nouveaux types de liens entre les consommateurs et leurs idoles.
D’abord, l’inspiration et l’autonomisation (empowerment) : de nombreuses personnes, en particulier les jeunes filles, considèrent les athlètes féminines comme des figures d’inspiration. Elles admirent le dévouement, le travail acharné et la persévérance dont ces athlètes font preuve dans leur carrière sportive. Les athlètes féminines utilisent les médias sociaux pour partager leurs histoires personnelles, leurs luttes et leurs réussites, ce qui constitue une source de motivation et d’encouragement pour ceux qui les suivent.
De même, de nombreuses athlètes féminines représentent des groupes sous-représentés dans le monde du sport, tels que les femmes, les personnes de couleur et la communauté LGBTQI+. Les fans sont attirés par ces athlètes parce qu’elles incarnent l’esprit d’autonomisation et de dépassement des barrières. Les fans peuvent s’identifier à leur parcours et éprouver un sentiment de fierté à soutenir des athlètes qui remettent en cause le statu quo.
Les followers apprécient également l’authenticité et les liens créés par le biais du divertissement : les médias sociaux offrent en effet une ligne de communication directe entre les athlètes et leurs fans. Les athlètes féminines utilisent ces plates-formes pour donner à leurs fans un aperçu des coulisses de leur vie, de leurs routines d’entraînement et des défis quotidiens auxquels elles sont confrontées. Cette authenticité aide les fans à se connecter à un niveau plus personnel, ce qui rend les athlètes accessibles.
Dans le même ordre d’idées, le divertissement peut également provenir de l’esprit de communauté créé par les athlètes sur les médias sociaux. Les fans se divertissent en se connectant avec des personnes partageant les mêmes idées et en partageant leur enthousiasme pour les athlètes et les sports qu’ils aiment.
Enfin, le militantisme par le biais de la popularité constitue un dernier levier d’engagement des utilisateurs de médias sociaux : les athlètes féminines tirent souvent parti de leur notoriété pour défendre des causes sociales et politiques importantes. Cela permet non seulement de sensibiliser les gens, mais aussi de les encourager à les suivre pour qu’ils relayent à leur tour les messages.
Ce faisant, les athlètes féminines, autrefois peu appréciées, transforment aujourd’hui le paysage sportif, inspirent une nouvelle génération, défendent une culture d’égalité et de respect. Leurs activités en ligne ont un impact positif sur le développement de jeunes talents dans une variété de sports.
De cette manière, ces sportives brisent les barrières, créent une image accessible et alignent leur marque sur des causes sociales et politiques importantes, attirant ainsi des supporters qui partagent leurs valeurs et leurs croyances. En ce sens, ils établissent une marque personnelle polyvalente et durable qui va au-delà de leurs performances sur le terrain.
Helmi Issa, Professeur assistant, Burgundy School of Business et Roy Dakroub, UX Research Manager - Sports Research Lead at EPAM Systems, Adjunct Professor, Neoma Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Par le
En période de crise, les ventes de produits cosmétiques ont tendance à augmenter, un phénomène désigné comme un « effet rouge à lèvres ». Dan Cristian P?dure? / Pexels, CC BY-NC-SA
La pandémie mondiale liée au coronavirus a, comme pour bien d’autres secteurs, eu un impact considérable sur l’ensemble du monde de la mode, modifiant le comportement des consommateurs, perturbant les chaînes d’approvisionnement et affectant les principales entreprises du secteur.
En période de difficultés économiques, il a plusieurs fois par le passé suivi une dynamique assez atypique que les chercheurs ont nommée « effet rouge à lèvres ». Une augmentation des ventes de cosmétiques et de maquillage chez les femmes a en effet été observée lors de crises telles que la Grande Récession de 2007-2009 et même la Grande Dépression des années 1930.
Daniel MacDonald et Yasemin Dildar, chercheurs à l’Université de Californie, ont proposé trois hypothèses explicatives. La première est psychologique : les femmes achèteraient plus de maquillage simplement parce qu’elles veulent se faire plaisir au milieu des difficultés. Une autre est de nature anthropologique : les femmes achètent plus de maquillage pour mieux attirer des partenaires. La dernière fait appel à des considérations touchant au marché de l’emploi : acheter plus de maquillage serait une stratégie pour augmenter ses chances d’être (meilleures) employées.
Qu’en a-t-il été en période de pandémie ? Selon un rapport du cabinet de conseil, McKinsey, on a pu relever, en France la semaine du 16 mars 2020, celle du premier confinement, une augmentation de jusque 800 % des ventes de savons de luxe par comparaison avec la même semaine en 2019. Il semble néanmoins difficile ici de distinguer ce qui relèverait des conséquences d’une promotion soudaine des gestes barrières d’un effet rouge à lèvres.
Au cours du mois d’avril toutefois, Zalando, leader électronique du secteur en Europe, a fait état d’un boom dans les catégories de produits de beauté pour le bien-être et les soins personnels ; les ventes de produits de soins pour la peau, les ongles et les cheveux ont augmenté de 300 % d’une année sur l’autre. Les ventes de produit de maquillage, effet du télétravail sans doute, s’orientaient, elles à la baisse. Les mêmes tendances ont été observées chez Amazon.
Nos travaux se sont ainsi donnés pour objectif de creuser cet effet rouge à lèvres d’un genre nouveau.
Certaines recherches ont mis en évidence un changement du comportement des consommateurs pendant la crise Covid. Ont été par exemple soulignés, des achats impulsifs ou hédoniques, un rejet des achats en magasin, une modification des dépenses discrétionnaires ou un intérêt croissant pour la façon dont les marques traitent leurs employés. À notre connaissance néanmoins, une seule étude a exploré l’évolution des habitudes de consommation dans le secteur de la beauté, et plus précisément des vêtements, au moment de la pandémie de Covid.
Ses auteurs ont étudié 68 511 tweets collectés entre janvier 2020 et septembre 2020, révélant divers éléments. Les internautes parlent de problèmes de sécurité (expédition depuis la Chine, virus sur les vêtements, vêtements de protection, désinfection des vêtements), de perturbations de la consommation (préoccupations concernant les services de revente et de location, inquiétudes concernant l’achat de vêtements spéciaux, inquiétudes concernant les achats en magasin, inquiétudes concernant l’expédition), demandes refoulées (arrêt ou report des achats, désir de soldes). Ils évoquent aussi une transition de la consommation (prise de poids et « rétrécissement des vêtements »), des changements d’habitude (style vestimentaire, désencombrement et don, sensibilisation à l’éthique) et de consommation (adaptation à un nouveau style vestimentaire, digitalisation).
Notre projet de recherche visait ainsi à explorer un potentiel effet rouge à lèvres Covid, à partir de trois études explorant l’impact à long terme de la pandémie sur les pratiques d’achats vestimentaires et de beauté.
Dix-sept participants (neuf femmes et huit hommes), tous étudiants ont été recrutés pour notre première étude. Nous avons choisi exclusivement des étudiants sans responsabilité professionnelle ni présence familiale afin d’observer des pratiques de la mode pendant le confinement isolées de toute pression parentale ou managériale.
Les résultats suggèrent un impact potentiel des deux confinements sur les pratiques de mode et de beauté chez les femmes mais pas chez les hommes : les participantes ont passé beaucoup de temps à explorer leur relation avec les vêtements et les produits de beauté afin de mieux aligner leurs pratiques sur elles-mêmes, tandis que les étudiants de sexe masculin n’ont pas modifié leurs pratiques en matière de mode.
Pour approfondir cette intuition, nous avons recruté 111 étudiantes, lesquelles ont été invitées à compléter des questionnaires décrivant leur pratique vestimentaire, d’estime de soi et de bien-être avant la pandémie Covid et depuis le début de pandémie. Ils montré qu’elles choisissaient des couleurs plus vives et une gamme de couleurs plus large ainsi que des textures et des vêtements favorisant la mobilité. Une troisième étude sur le maquillage a souligné que les participantes en utilisaient une quantité moindre et moins fréquemment depuis le début de la pandémie.
[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]
Notre recherche a mis en évidence, pour la première fois, un type spécifique de l’effet « rouge à lèvres », à savoir « l’effet rouge à lèvres autocentré » spécifique à la crise sanitaire Covid. Nos résultats ont confirmé que les participantes utilisaient moins de produits de maquillage mais aussi ont montré qu’elles portaient des vêtements différents pour mieux refléter leur identité authentique, leur « moi », une des réponses des consommateurs face à cette crise sanitaire. C’est un facteur d’explication de l’augmentation des ventes de produits de beauté pendant et post-Covid focalisées sur les produits cosmétiques, naturels, et/ou à faire soi-même.
Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.