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La lecture attentive des 91 pages des comptes annuels 2016 de Chanel International B. V., qui gère le groupe de luxe et ses filiales, a toujours quelque chose de réjouissant. D’autant plus que ces comptes, ratifiés dans la torpeur de l’été par le cabinet d’audit Deloitte et déposés à la chambre de commerce d’Amsterdam – que le magazine suisse Bilan et Le Monde se sont procurés –, sont censés rester secrets. Les deux actionnaires de référence, les frères Alain et Gérard Wertheimer ont vu leurs dividendes doubler en 2016, passant de 1,643 milliard de dollars (1,39 milliard d’euros) à 3,414 milliards (soit une hausse de 108 %).

Fuyant tous deux les médias avec une inébranlable constance, le premier réside à New York sur la Ve Avenue tandis que le second est domicilié dans le canton de Genève. Les parfums, les sacs à main ou les collections de vêtements ultrachics dessinées par Karl Lagerfeld depuis 1983, contribuent, chaque année, à arrondir davantage leur fortune. Elle est estimée, par l’agence Bloomberg, à 22,4 milliards de dollars.

Dégringolade

L’image sans cesse revisitée de Gabrielle Chanel, de la rue Cambon et du monogramme aux deux C entrecroisés ont permis d’accrocher solidement la marque dans le palmarès des plus désirables de la planète. Mais, pourtant, comme en 2015, le chiffre d’affaires tout comme les résultats de Chanel ont encore baissé. Le volume d’affaires a chuté de 9 %, à 5,67 milliards de dollars, tandis que le bénéfice net s’est étiolé, passant de 1,34 milliard de dollars à 874 millions (– 34,8 %). Le groupe assure que cette décélération résulte d’un effet de trompe-l’œil et de la cession de sa filiale Chanel Limited UK à une autre entité qu’elle contrôle. « Sur une base équivalente, à taux de change constants, les résultats sont stables par rapport à 2015 », affirme le rapport, sans donner davantage d’informations.

La direction de Chanel explique cette dégringolade dans la mode,...


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Lors de votre prochain vol, réfléchissez-y à deux fois avant de demander au pilote d’aller tout droit: les détours sont plein d'enseignements.

Ces dernières semaines, entre le steward d’Air Asia qui a reproduit à la perfection «Toxic» de Britney Spears et le client victime de surbooking de l’United Airlines qui s’est fait sortir manu militari, l’avion est le meilleur endroit pour shooter votre prochaine vidéo virale. Un poil moins partagée sur les réseaux, mais tout aussi spectaculaire, c’est une incroyable carte du trafic aérien qui a aussi réussi à s’infiltrer dans nos feeds au mois de mars. On y voit un globe terrestre en 3D que l’on peut faire tourner à l’envie sur lui-même, bardé de pixels et de lignes vertes.

Cette carte, c’est celle de Max Galka, un passionné de data. Elle modélise les trajets en avion de toute une année (celle de 2010): soit des milliers de trajectoires courbes rétro-éclairées en une harmonieuse fourmilière, qui ont sérieusement remis en cause tous nos a priori –forgés à grand renfort de vols CDG/JFK– sur le transit aérien. D’après cette carte et les données qui ont servi à la modéliser, dans le classement des routes aériennes les plus empruntées, c’est Séoul-Jeju qui arrive en tête. Soit la navette qui transporte chaque année 6,5 millions de passagers vers cette petite île paradisiaque coréenne (et destination préférée des couples chinois en lune de miel). L’Asie squatte d’ailleurs les cent premières places du classement. Les États-Unis n’apparaissent qu’à la 101e place (Atlanta-Denver) et la France à la 523e (Londres-Paris). Alors que le trafic aérien croît de 5% par an –il passera la barre du 1,3milliard de voyageurs en 2025, quasi le double d’aujourd’hui–, vous avez peur de vous perdre dans ce ciel qui ressemble à l’autoroute du Soleil un 15 août? PNC aux portes, on vous explique vos itinéraires les plus lunaires.

1.Paris-Pékin

Votre problème de transit: coincée pour onze heures de vol, vous vous demandez, en regardant l’écran de navigation, pourquoi, sur la carte, l’avion passe par la Sibérie au lieu d’aller tout droit. Explication: en réalité, les avions volent bien en ligne droite, mais en suivant la courbe de la terre. C’est la projection de la terre, ronde, sur une carte plane qui donne l’impression de ne pas prendre la trajectoire la plus courte.

Le supplément bagage: comme la distance se réduit si l’on passe au-dessus de l’Arctique, le nombre de vols transpolaires a explosé depuis 2000. C’est le chemin le plus court pour un Paris/Vancouver, un Pékin/New York ou un Hong Kong/Chicago, avec économie de carburant à la clé. Seul hic: les avions (et leurs passagers avec) y sont plus exposés aux radiations lors de tempêtes solaires. Ils volent dans la couche la plus fine de la magnétosphère qui protège la Terre des rayons cosmiques. L’Antarctique, par contre, est moins survolé. Le manque de terre (zones de dégagement) dans l’hémisphère sud ne permet pas l’atterrissage en urgence.

Le vol alternatif: a priori, un avion peut voler au-dessus de tout sauf en cas de météo extrême. C’est comme ça que l’Islande, avec ses changements brusques de météo, capables de rendre folles les balises de navigation rudimentaires, est devenue le cimetière attitré de l’aviation américaine (358 accidents entre 1941 et 1973). L’une des carcasses est tellement célèbre qu’elle a été utilisée par Bollywood comme arrière-plan de photo de mariage ou dans le clip «I’ll Show You» de Justin Bieber –il s’en sert comme rampe de skate.

2.Heathrow-Dubaï / Dubaï-Oakland

Votre problème de transit: pas forcément enthousiaste à l’idée de faire un refill au kiosque à journaux à 5?h du matin, vous vous demandez pourquoi tous les avions vers l’Asie font un stop à Dubaï? Explication: Dubaï est le hub numéro1 au monde, l’aéroport où transitent 80 millions de voyageurs par an. Un choix favorisé par les investissements faramineux de la pétromonarchie dubaïote. «Aujourd’hui, tout l’enjeu du trafic aérien est motivé par la “guerre de binômes”, c’est-à-dire des alliances entre les compagnies et leur aéroport référent, explique Paul Chiambaretto, professeur à la Montpellier Business School et chercheur à Polytechnique. Par exemple: Emirates en duo avec l’aéroport de Dubaï. Toutes les compagnies possèdent un hub référent qui oblige les gens à faire escale dans ce pays et à reprendre un vol de la compagnie.?»

Le supplément bagage: Dubaï est aussi devenue incontournable sur les maillots des joueurs de foot et bénéficie de la meilleure publicité au monde. Atletico, FC Barcelone, PSG, Bayern, Arsenal… Tous les clubs de foot des capitales européennes ont un Fly Emirates tatoué entre leurs pecs. Quand on pense qu’en 1990, la compagnie ne possédait que huit avions…

Le vol alternatif: Istanbul est-il le prochain Dubaï? Un troisième aéroport est en construction dans la ville. Objectif: 150 millions de passagers par an, de quoi dégommer Dubaï....

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Deux enfants courant, cartable sur le dos, pendant qu’un personnage animé hurlait « T’as ton Tann’s ? » dans une voiture de pompier : cette publicité télévisée des années 1980 a marqué toute une génération d’écoliers.

Si elle est aujourd’hui leader dans la vente de cartables en France, la célèbre marque Tann’s n’a pas toujours été au mieux de sa forme. Créé à l’origine par Le Tanneur en 1978, ce cartable en croûte de cuir et en couleurs, connoté bon chic bon genre, équipe alors un très grand nombre d’élèves du primaire. A son firmament, au milieu des années 1980, Tann’s en écoule 500 000 par an… jusqu’à l’arrivée du phénomène des licences sur les cartables dans les magasins. 

Fini alors, l’hégémonie du cartable robuste. Les enfants succombent à l’envie d’arborer sur leur dos leurs personnages de dessins animés préférés. S’ensuit un passage à vide pour un produit luxueux mais devenu insipide. Le Tanneur en cède, en 2006, la licence d’exploitation à deux trentenaires nostalgiques de la marque, Benjamin Prades et Fabrice Raffo. Ils lancent la société Aliseo et entreprennent de redonner à la marque mythique son lustre d’antan.

Positionnement volontairement haut de gamme

Au début de l’aventure, il se vend moins de 10 000 Tann’s par an. Quelques années plus tard, ce chiffre est multiplié par dix. La confection des cartables, qui est partie dans le sud de la Chine ? dans des usines sélectionnées et contrôlées deux fois par an –, ne se fait plus en cuir mais avec une fibre textile produite à Taiwan à partir du recyclage de bouteilles en plastique. Ce qui en allège le poids : 2,2 kilos pour la version des années 1980 contre 920 grammes à 1,08 kilo, suivant les modèles, avec la nouvelle matière recyclée.

Fin 2014, la société Aliseo – et son fameux cartable – est rachetée par 21 Centrale Partners, le fonds d’investissement de la famille Benetton qui détient déjà les Editions Oberthur, une société spécialisée dans les articles...


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La modeste salle de séjour de Guillaume Matabaro, dans un quartier populaire de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), est le quartier général improbable d’une poignée d’anciens ouvriers de Heineken ayant réussi à faire plier le géant néerlandais de la bière, qui pèse plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

De la route principale, on y accède en traversant un marché couvert où les commerçants vendent des morceaux de charbon. Puis il faut descendre le long d’un égout ouvert, par de petites venelles boueuses, pour entrer dans une cour offrant une vue imprenable sur les quartiers populaires du bas de la colline.

Là, le propriétaire des lieux et son ancien collègue John Namegabe se remémorent leurs exploits lors des négociations qu’ils ont menées avec le second groupe brassicole mondial. « Nous avions emporté dix kilos de documents pour que Heineken ne puisse pas dire qu’il manquait quelque chose, sourit John Namegabe. Nous nous sommes habitués à leurs tactiques de prolongation. »

« La bière devait continuer de couler »

La RDC, l’un des pays les plus pauvres et les moins stables de la planète, est un marché important – et souvent lucratif – pour Heineken. Lors de la guerre civile de 1998-2003, le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale, Bukavu, au Sud-Kivu, fut occupée par le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), un mouvement rebelle qui avait pris le contrôle d’une grande partie du nord et de l’est du pays.

La ville connut de nombreux pillages, mais la brasserie Bralima, filiale congolaise de Heineken, fut épargnée. « Les rebelles savaient que la bière devait continuer de couler. Ils voulaient montrer que la vie suivait son cours, et la bière en fait partie », souffle un cadre présent au moment des événements. En RDC, on entend parfois qu’on peut bombarder un hôpital, mais pas une brasserie.

Heineken fit preuve de pragmatisme : la multinationale traita les rebelles comme s’ils étaient les dirigeants légaux et continua de payer ses impôts. Par ailleurs, l’entreprise prit prétexte de la guerre pour réaliser d’importantes économies de personnel même si les chiffres des ventes restaient excellents, selon des sources internes. Dans le droit congolais, les licenciements collectifs doivent recevoir le feu vert des autorités. Entre 1999 et 2002, Heineken l’a obtenu à plusieurs reprises des autorités sous contrôle des rebelles. D’autres employés ont été forcés à prendre une retraite « volontaire ».


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