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Jacques Lejeune, ancien exploitant et syndicaliste, explique dans une tribune au « Monde » comment les variations historiques des primes européennes ont divisé les agriculteurs, rendant caduque la « représentation » que prétend en faire le syndicat majoritaire.

Tribune. Depuis quelques semaines, les aides publiques à l’agriculture sont dénoncées en raison de l’inégalité de leur répartition entre les agriculteurs et entre les régions.

Un peu d’histoire de la politique agricole s’impose pour clarifier ce débat et en faciliter la compréhension.

Jusqu’en 1992, les aides apportées aux agriculteurs consistaient en un soutien des prix payés aux agriculteurs. Ces prix étaient donc administrés, garantis par un système de barrières à l’entrée sur le marché européen et par des subventions aux exportations en dehors de cet espace. 

Cette exception agricole a été remise en cause par les accords de Marrakech en 1994. Il avait été alors décidé, pour se limiter au cas des seules céréales, d’en baisser le prix de 30 % (puis 20 % en 1999). La conséquence aurait été une baisse conséquente du revenu des agriculteurs si un système de primes dites « compensatoires » n’avait été instauré. En termes de revenu, cela ne changeait pas grand-chose pour les agriculteurs, sauf que :

Concentration des terres

1. Les aides étaient désormais beaucoup plus visibles pour le grand public et pour les agriculteurs eux-mêmes ;

2. Les stratégies mises en place par les agriculteurs en ont été changées.

La politique des prix soutenus relativement élevés avait favorisé l’intensification des productions, c’est-à-dire la recherche de la maximisation des rendements. C’était d’ailleurs l’objectif visé par la puissance publique à une époque où la demande sociale vis-à-vis de l’agriculture était d’assurer l’autosuffisance alimentaire européenne, sur un territoire par définition inextensible. Changement de décor avec la politique d’attribution de primes à l’hectare. C’est désormais vers une concentration des terres que les agriculteurs se sont orientés, la meilleure manière de récolter beaucoup de primes consistant à mettre en culture beaucoup de terres…

Comment ces moins de 3 % de la...

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Pour se démarquer de la concurrence et promouvoir sa nouvelle image de distributeur responsable, que souhaite valoriser son PDG, Alexandre Bompard, Carrefour annonce, mardi 6 mars, le lancement de la première blockchain (transmission d’informations sans intermédiaire) alimentaire d’Europe sur la filière des poulets entiers vendus sous sa propre marque. L’enseigne étendra cette technologie à huit autres filières d’ici à fin 2018.

Concrètement, les consommateurs auront accès à un fichier complet de traçabilité en scannant à l’aide d’un smartphone un code-barres en deux dimensions (QR code) apposé sur l’emballage. Y seront mentionnés la date de naissance du poulet, son élevage et le nom de son éleveur, sa date d’abattage, mais aussi ses traitements vétérinaires, et d’autres informations permettant de retracer la vie de la volaille présente dans l’assiette.

 

Cette initiative ne concerne pour le moment que des produits de la marque du distributeur estampillés « filière qualité Carrefour », pour lesquels les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement (éleveurs, transformateurs…) se sont engagés à fournir et partager leurs informations au sein d’une même base de données constituant la blockchain. D’abord le poulet entier « filière qualité Carrefour », originaire d’Auvergne, et dont l’enseigne précise vendre 1 million de pièces par an en France. Viendront ensuite, d’ici à fin 2018, des œufs issus d’élevage en plein air, des tomates d’origine française, du fromage Rocamadour, de l’orange d’Espagne, du steak haché charolais, mais aussi des produits plus complexes en termes de traçabilité comme le saumon, le lait ou encore le miel.

Rassurer les consommateurs

Carrefour s’appuie sur une expérimentation lancée par les Volailles fermières d’Auvergne fin 2015. Une filière qui a noué un partenariat avec l’enseigne. Elle a décidé de placer un QR code sur une partie de sa production donnant accès à une vidéo. Dans ce petit film de quarante-cinq secondes, chaque agriculteur présente son élevage et sa manière de produire. Cet accès direct donné au consommateur est d’abord un outil de communication. Il a d’ailleurs été au cœur d’un spot publicitaire pour les Volailles fermières d’Auvergne, diffusé sur les écrans en 2016 et 2017. Les vidéos sont également accessibles sur YouTube ou sur le site Internet de la filière.

Le dispositif est monté progressivement en puissance. « Aujourd’hui, nous avons 180 portraitsvidéos et les volumes vendus avec un QR code atteignent les 50 000 volailles par semaine. Cela correspond aux poulets les plus haut de gamme élevés sans traitement antibiotique », explique Patricia Nifle, directrice du Syvofa (Syndicat de défense des Volailles fermières d’Auvergne). Elle ajoute :

« Le nombre de flashs par les consommateurs en magasin n’est pas très conséquent, mais cela les rassure de savoir qu’ils peuvent le faire. C’est d’abord nos clients distributeurs qui sont intéressés par notre démarche. D’ailleurs, des distributeurs en Suède et en Belgique nous ont demandé d’avoir le dispositif. Nous avons sous-titré les vidéos. »

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Alors que l’Etat français vient de s’opposer à la prise de contrôle de l’aéroport de Toulouse par le groupe Casil, l’éditorialiste du « Monde » Philippe Escande prévient que la réponse passera inévitablement par l’Europe.

Chronique. Selon la légende, c’est le premier empereur de Chine, Qin, qui édifia la première grande muraille au nord du fleuve Jaune, pour contenir les assauts des barbares du Nord. Durant plus de deux mille ans, chaque monarque de l’empire du Milieu a apporté sa pierre au plus grand édifice humain jamais construit. Cette obsession n’a pas empêché le pays d’être envahi à plusieurs reprises par les Mongols et les Mandchous.

A présent, les Chinois n’ont plus peur du Nord et foncent vers l’Ouest en ouvrant les nouvelles routes de la soie. Aux Européens de monter des remparts à la hâte. L’arme d’aujourd’hui est la finance. La protection sera donc légale. En refusant, lundi 26 février, de céder le contrôle de l’aéroport de Toulouse au groupe chinois Casil, l’Etat français a édifié en vitesse un petit muret, devant la colère des élus locaux. L’inquiétude monte quant aux ambitions en Europe des Chinois, dont les coups d’éclat se multiplient. Vendredi 23 février, on apprenait que constructeur chinois Geely, déjà propriétaire de Volvo, avait acquis près de 10 % du capital de Daimler, le plus prestigieux constructeur automobile allemand. En France, le gouvernement a décidé de renforcer son arsenal en étoffant notamment la liste des secteurs stratégiques pour lesquels son aval est obligatoire.


Razzia sur l’Europe
 

Les élus de Toulouse craignent que Casil, propriété du conglomérat public de la région du Shandong (nord-est de la Chine), ne siphonne la trésorerie de la société pour s’assurer des dividendes. Mais c’est aussi un test de la capacité de la France à résoudre un casse-tête pas uniquement chinois : comment financer ses entreprises sans perdre sa souveraineté. L’épargne longue française existe (l’assurance-vie…), mais elle irrigue insuffisamment le tissu entrepreneurial. Alors, quand l’argent manque au développement, les entreprises vont le chercher ailleurs. Et notamment en ce moment, en Chine ou au Etats-Unis. Car les barbares...


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Avec plus de 6 milliards d’euros de ventes à l’étranger, l’Allemagne est devenue le cinquième exportateur mondial d’armes. Ces chiffres contrastent avec le sous-équipement de la Bundeswehr. Et suscitent l’émoi, outre-Rhin, au regard de l’histoire du pays.

L’affaire ne pouvait pas tomber plus mal. Le 21 janvier, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre  des chars, conduits par l’armée turque, lancer une offensive dans la zone d’Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, contre la milice kurde YPG, alliée des Etats-Unis. L’intervention en elle-même est déjà explosive, mais voilà que des experts allemands identifient en plus les engins : il s’agit de chars Leopard 2, grand succès d’exportation d’armement made in Germany. Ces chars, fabriqués par le groupe bavarois Krauss-Maffei Wegmann (KMW), ont été exportés depuis 2005vers la Turquie. Celle-ci en possède aujourd’hui 354.

Les milieux pacifistes allemands – les Verts, la gauche radicale, les jeunes sociaux-démocrates – protestent. Berlin ne prétend-il pas officiellement appliquer une politique de contrôle ultrarestrictive de ses exportations d’armement ? Le Parti social-démocrate (SPD), n’a-t-il pas affirmé, au moment de participer au gouvernement de coalition dirigé par Angela Merkel, en 2013, son intention de restreindre fortement les ventes d’armes, a fortiori dans les zones de crise ? Le héraut de cette doctrine était alors Sigmar Gabriel, ancien ministre de l’économie… et actuel chef de la diplomatie allemande.

Cette polémique survient alors que le SPD est en négociations délicates avec les conservateurs pour former une nouvelle « grande » coalition gouvernementale, très critiquée par l’aile gauche du parti et par les jeunes. Le débat s’enflamme. A tel point que M. Gabriel annonce, fin janvier,le gel immédiat d’une opération de modernisation des chars Leopard, par le groupe Rheinmetall, qui avait été promise à Ankara.

Contradictions

L’épisode résume les contradictions allemandes en matière d’armement. Bien que le pays soit un leadeur mondial des matériels de défense, il assume très mal ses performances à l’export, condamnées par de larges pans de la population.

Les chars...


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