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Nicole Teke, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Le 27 janvier dernier, la Bibliothèque universitaire de Nanterre organisait un débat en présence de Bernard Friot, sociologue et économiste, professeur émérite à l’Université de Paris Nanterre, et Vincent Liegey, ingénieur, chercheur interdisciplinaire et spécialiste de la décroissance. Chacun y a présenté sa proposition, respectivement le Salaire à Vie et la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (ou une version décroissante du revenu universel).


Le contexte de crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons ne manque pas de poser la question de la valeur travail et de sa rémunération. Elle a porté la focale sur le fait que les métiers dits « essentiels », tels que le travail de soignants, d’éboueurs, de caissières, d’aide-ménagères, étaient particulièrement mal payés. Pour quelles raisons ? Et, par ailleurs, dans un contexte de fragmentation du travail, avec le recours à l’externalisation de certains emplois, sous-traités, voire « ubérisés », ne faut-il pas aussi se pencher sur la qualité de l’emploi ? Ces questions ouvrent celle d’un véritable droit au revenu – ou droit au salaire.

L’idée d’une garantie de revenu fait l’objet de nombreuses propositions depuis bien longtemps. Celle-ci était déjà évoquée dans L’Utopie de Thomas More au XVIe siècle. On la retrouve également dans les travaux sur la justice agraire de Thomas Paine au XVIIIe. Le pamphlétaire britannique interrogeait notamment le système de propriété privée dans le contexte des enclosures en Angleterre qui mettaient fin au partage de certains terrains. Il proposait alors l’allocation d’un revenu minimum garanti, comme compensation pour les personnes qui en seraient exclues.

Plus récemment, certaines expérimentations d’un revenu versé sans conditions de ressources ont vu le jour, notamment aux États-Unis et au Canada dans les années 1970, puis à travers le monde depuis une vingtaine d’années. Dans la grande majorité des cas, ces expérimentations ont démontré deux éléments majeurs : d’une part, une garantie de revenu n’a pas d’impact réel en termes d’incitation à l’emploi et n’influe donc pas sur le marché du travail ; d’autre part, le véritable changement repose sur une amélioration du bien-être des individus, libérés de la contrainte économique, ce qui leur permettrait alors de se projeter plus sereinement dans l’avenir.

Propositions alternatives

Le débat sur un revenu universel, versé individuellement à chaque membre d’une communauté de la naissance à la mort, sans conditions, est aujourd’hui connu sous différentes appellations telles que revenu de base ou revenu d’existence. Il s’est invité sur la scène politique française à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017, lorsque le candidat socialiste Benoît Hamon en a fait une mesure phare de sa campagne.

Différentes propositions de revenu universel existent aujourd’hui et se trouvent parfois diamétralement opposées sur l’échiquier politique. Elles vont des sensibilités les plus libérales, visant à « simplifier » le système de protection sociale en fusionnant le plus grand nombre d’allocations, aux versions plus « à gauche », dont les montants sont plus élevés (autour de 1 000 €). Dans le second cas, la chose serait couplée d’un revenu maximum acceptable pour lutter contre les inégalités et s’inscrirait dans une perspective post-capitaliste. La proposition de dotation inconditionnelle d’autonomie émise par Vincent Liegey fait partie de ces dernières.

Il existe aussi en France une proposition alternative : le salaire à vie, théorisé par Bernard Friot et porté notamment par les membres du Réseau Salariat. Il vise à rattacher le salaire à la qualification personnelle et non à l’activité. Un point de comparaison pour mieux le comprendre serait celui du statut de fonctionnaire, dont la garantie de salaire s’est révélée particulièrement efficace en temps de crise. Les fonctionnaires font certainement partie des acteurs sociaux qui ont été les mieux protégés – dont le travail n’a pas été menacé – même en temps de confinement. Le salaire à vie est aussi assimilable aux statuts des retraités ou encore des intermittents du spectacle.

Assumer le tragique ?

Le salaire à vie, pensé dans un projet de société communiste, se veut bien distinct du revenu universel, qualifié de « roue de secours du capitalisme ». D’après Bernard Friot, cette proposition induirait la nécessité de faire reposer la sécurité économique sur l’obtention de « deux chèques » : l’un issu du travail, et l’autre issu du revenu universel. Cela reviendrait d’une certaine manière à valider socialement certaines formes de rémunération précaires dans l’emploi, voire d’endormir les volontés de revendications collectives. Les entreprises, sachant que leurs travailleurs disposent d’un revenu garanti, se sentiraient ainsi plus libres de les exploiter.

D’autre part, selon lui, aucun montant, même dans les versions les plus à gauche de revenu universel, n’est suffisant (le salaire à vie s’élève au minimum à 1 500€, pouvant évoluer, selon quatre niveaux de qualification, jusqu’à 6 000€). Il critique également son mode de financement qui, même en rendant l’impôt plus progressif, resterait insuffisant. Pour lui, seule une socialisation des richesses permettrait leur juste partage.

La rémunération à la qualification proposée pour le salaire à vie interroge cependant Vincent Liegey : qui déciderait ? Si cela doit être collectivement, cela pourrait entraîner de violentes situations dans la prise décision. Ce à quoi répond Bernard Friot qu’il s’agirait d’un jury de qualification déterminant la hiérarchie des salaires. Et d’insister sur la nécessité d’en finir avec « l’anthropologie enchantée » d’un projet de société qui supprimerait les rapports de violence : « il faut assumer le tragique de la société ».

Un outil pour un changement de société

C’est alors que, depuis la question du revenu, peuvent s’interroger la gouvernance et la démocratie.

Le système capitaliste actuel repose sur la précarité d’une part importante de la population, de même que sur une grande partie de travail aliéné, tel que les bullshit jobs décrits par David Graeber. L’anthropologue américain désigne avec cette expression les emplois dont les titulaires eux-mêmes considèrent qu’ils sont inutiles, pour eux comme pour la société.

Il s’avèrerait alors nécessaire de réintroduire des outils de démocratie directe, vectrices d’autonomie, à l’image de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui a produit des propositions intéressantes, même si elles ont ensuite été en grande partie refusées par le politique. Le principe de subsidiarité, qui consiste à promouvoir autant que possible la décision au niveau le plus local est également une piste intéressante, comme l’ont appliqué les zapatistes au Chiapas. Ces outils permettraient de se demander « comment changer la société sans prendre le pouvoir ? »

La dotation inconditionnelle d’autonomie fait, dans cette lignée, partie des outils à disposition pour amorcer un changement de société. Combinée à des alternatives telles que les monnaies locales ou la gratuité de certains services, elle permettrait de repenser ce qu’est un bien commun.

Changer le sens du travail, repenser le partage des richesses, amorcer un changement de société… ce débat, riche en idées et réflexions entre les deux intervenants mais aussi avec la salle – comble – de la Bibliothèque de Nanterre démontrent de l’intérêt de penser les alternatives, de les mettre en débat, sur la base de théories et modes de pensée déjà initiés, en particulier dans le contexte électoral actuel.

Nicole Teke, Doctorante en sociologie à l'IDHE.S Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Bien qu’en forte baisse, la consommation globale de pain avoisine actuellement une centaine de grammes par jour. Pixnio, CC BY-SA

Sophie Reboud, Burgundy School of Business et Corinne Tanguy, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)

Aliment emblématique de la culture française, empreint de dimensions identitaires et symboliques, le pain est aussi un miroir de l’évolution de nos modes de vie. De moins en moins consommé au petit déjeuner ou en accompagnement des plats, il l’est de plus en plus sous forme de sandwichs ou de hamburgers, notamment par les jeunes. Si d’un point de vue nutritif il reste le premier contributeur en glucides et fibres dans le régime alimentaire des adultes, sa consommation globale est très nettement en baisse depuis un siècle, puisqu’elle est passée de 900 grammes par jour en moyenne en 1900 à une centaine de grammes aujourd’hui.

En même temps, les Français privilégient encore aujourd’hui les établissements artisanaux pour acheter leur pain, avec des produits jugés plus qualitatifs. Ces comportements sont notamment renforcés par la tendance sociétale vers une nourriture plus saine et consciente, ainsi que par la succession des crises sanitaires : les consommateurs se soucient de plus en plus des aliments qu’ils ingèrent et sont ainsi d’autant plus demandeurs de produits artisanaux, auxquels ils associent qualités gustatives et nutritionnelles.

Historiquement, c’est au hasard qu’est le plus souvent attribué l’invention du pain par les Égyptiens : de la pâte sans levain (eau, lait et farine d’orge et de millet) aurait été oubliée, se serait « gâtée » mais aurait été cuite malgré tout. Ainsi aurait eu lieu la découverte du pain avec levain. Depuis, l’histoire du pain est intimement mêlée aux innovations techniques, tant dans le processus de fabrication que dans l’évolution des outils.

Mais à celles-ci s’ajoutent un certain nombre d’innovations sociales, organisationnelles ou réglementaires, tout aussi fondamentales – par exemple le développement d’alternatives autour de filières territorialisées ou de chaînes locales. C’est cette intrication que nous avons pu mettre en évidence dans le cadre d’une recherche dédiée à l’innovation de ce produit du quotidien.

Le pain fait partie de la nourriture de base de l’homme depuis que ce dernier a compris l’intérêt de la culture et de la sédentarisation. La domestication d’espèces végétales à intérêt alimentaire, dont font partie les céréales panifiables, marque une double rupture démographique importante : la densification et la sédentarisation. Le pain est le symbole de ces évolutions majeures, en particulier en France.

Selon l’historien espagnol Benigno Cacérès, toute l’histoire de l’humanité est comme « rythmée par la production des céréales panifiables : des révoltes, des guerres, des conquêtes se sont déclenchées à cause du pain. Objet de pouvoir, il sera vite réglementé : son poids, son prix, ses ingrédients et bien sûr l’organisation de la profession de boulanger. Mais avant le boulanger, il y a le meunier et les paysans : c’est toute une architecture sociale qui repose sur la protection et la commercialisation du pain ».

Pour obtenir du pain, il faut trois composants dont l’action est complémentaire et indissociable : l’amidon qui fournit les sucres ; le gluten qui assure la cohésion de l’ensemble ; et enfin la levure qui produit la levée et l’allègement de la pâte. Cette association se fait à partir de trois ingrédients : la farine (issue de céréales panifiables – blé tendre (froment), épeautre ou seigle), l’eau, et en général, le sel, ajouté pour ses propriétés gustatives.

De la cueillette à la culture

Avant le pain, il y eut le blé. Des recherches récentes des restes d’un foyer en Jordanie montrent cependant que du pain avait en réalité déjà été produit il y a 14 000 ans, quatre millénaires avant le début de l’agriculture. Si l’exploitation des céréales n’est pas courante à cette époque, il semble que la préparation et la consommation de produits semblables au pain (aliments à base de racines par exemple) précédent d’au moins 4 000 ans l’émergence de l’agriculture.

Cependant, les repas à base de céréales comme le pain ne deviennent des aliments de base que lorsque, semble-t-il, s’établit l’agriculture fondée sur la culture des céréales, d’abord dans le « Croissant fertile », au Moyen-Orient, puis dans d’autres régions dont l’Europe. C’est au cours de cette période appelée « Révolution néolithique », il y a de cela 100 000 à 5 000 ans, que l’homme commence à gérer la production de son environnement et qu’il passe de prédateur/cueilleur à cultivateur.

La première série d’innovations en lien avec le pain concerne donc d’abord ce passage de la cueillette vers la culture : l’innovation est autant sociétale – puisqu’il s’agit de passer d’un mode de vie itinérant en fonction des stocks de nourriture à un mode de vie sédentaire autour d’une culture – que technique (domestiquer des variétés, préparer le sol, semer, récolter, et conserver les grains).

Cette première série se poursuit par une seconde série d’innovations technologiques déterminantes, qui conduit l’humanité à savoir extraire la farine et à la transformer en pain. Les techniques de transformation du blé permettent progressivement d’améliorer le produit. Les céréales sauvages, ancêtres du blé domestiqué (orge, millet et seigle d’abord, puis épeautre et blé) sont brisées, décortiquées, écrasées, moulues à la main, pierre par pierre, tamisées puis mélangées à de l’eau et cuites sur des braises ou des pierres chaudes.

À Rome, l’aliment de base

L’invention du pain au levain est attribuée aux Égyptiens, qui avaient découvert les effets « magiques » de la fermentation. Pour réaliser ce pain, ils prennent soin d’ajouter un morceau de pâte restant de la veille au mélange de grains moulus et d’eau. Ces « pâtes mères » sont d’ailleurs considérées comme des objets sacrés d’origine presque surnaturelle dans les maisons égyptiennes.

Croquis d’un moulin à trémie d’Olynthe. Actes du colloque international « Meules à grains » de La Ferté-sous-Jouarre (2002). Wikimedia, CC BY-SA

Ces savoir-faire sont ensuite transmis aux Grecs, qui associent au pain des significations religieuses importantes. À l’époque, il existe plus de 70 variétés de pain et on utilise, pour faire lever la pâte, des levures issues du vin et conservées dans des amphores. Vers le début du Ve siècle av. J.-C., les Grecs inventent le moulin à trémie d’Olynthe, allégeant ainsi le travail des meuniers. Surtout, ils développent le métier de boulanger, qui bénéficie alors d’un grand prestige : chaque ville a un four public et l’espace est organisé autour de la cuisson de la pâte.

À l’époque de l’Empire romain, l’empereur doit garantir l’accès au pain pour la population, qui est l’aliment de base d’une grande partie de celle-ci. Plusieurs innovations techniques et organisationnelles ont lieu durant cette période : les Romains reprennent le mode de fabrication grec à base de levure provenant du moût de vendange, et perfectionnent le pétrissage. Ils améliorent le système des moulins en 100 av. J.-C. en utilisant la force de l’eau : de grosses roues plongées dans le courant actionnent les meules et viennent remplacer les esclaves. Un collège de meuniers-boulangers ainsi que de grandes meuneries-boulangeries voient le jour dans la cité.

Fresque représentant un morceau de pain et deux figues, provenant de Pompéi, Musée archéologique national de Naples. Carole Raddato/Flickr, CC BY-SA

Les plus riches mangent des pains de farine blanche, les pauvres un pain de farine et de son, les esclaves du pain d’orge. Le gradilis est un pain distribué aux gens pendant les jeux dans les amphithéâtres, pour honorer la promesse de distribuer le pain et le plaisir aux gens. Il arrive qu’il soit distribué gratuitement à la population pauvre de Rome pour éviter les émeutes.

Au Moyen Âge, un sujet royal

Au Moyen Âge, la place du pain prend encore plus d’importance dans l’alimentation. Vers 630, on trouve les premiers écrits concernant la réglementation de la vente et pesage du pain, qui est attribuée à Dagobert. Les boulangeries se situaient dans les cours royales, les villes fortifiées et les abbayes. Annonçant ce qui deviendra la filière, le boulanger ou « talmelier » s’occupe de l’ensemble des opérations, de l’approvisionnement, depuis l’achat des céréales, jusqu’à la vente à l’ouvroir (fenêtre-comptoir de la boutique).

Au fur et à mesure que le pouvoir royal renforce son pouvoir, la qualité, le prix et le contrôle du pain, aliment de base de la population, sont soumis à de nombreuses règles édictées par l’État. En 1217, le boulanger doit obtenir une autorisation du roi pour exercer. Au XIIIe siècle, à Paris, Étienne Boileau rédige, à la demande de Saint-Louis, le livre des Métiers, qui indique que l’apprentissage du métier de « talmelier » dure cinq ans à partir de l’âge de quatorze ans ; au moment de devenir patron, il doit être en mesure d’acheter un fonds de commerce et de payer régulièrement les taxes en usage. En 1260, la corporation des boulangers voit le jour à Paris, qui poursuit la réglementation.

Le pain et les céréales nécessaires à son élaboration sont l’objet de très nombreuses innovations entraînées par sa place centrale dans l’alimentation et l’impact commercial de cette position : améliorer la production du pain et son goût, et accroître les rendements pour obtenir un excédent commercialisable. Les stocks et les produits transformés à partir de céréales (pain et bière) servent en effet également comme moyens de paiement.

Accélérations techniques

Dès la Renaissance, le développement des sciences se traduit par à des avancées en matière de technologie meunière et boulangère. Apparus en France en 400 ap. J.-C., les moulins à eau se comptent par centaines de milliers au XIIIe siècle. Ces innovations vont affecter la production de la farine, jusqu’à leur remplacement à la fin du XIXe siècle par des minoteries industrielles.

Le premier pétrin est inventé en 1751 et se perfectionne surtout au XIXe siècle, devenant mécanique en même temps que les machines à mouture se peaufinent. Parmentier ouvre la première école de boulangerie en 1780. Durant la Révolution française, le décret du 17 mars 1791 supprime les corporations et donne le droit aux boulangers d’exercer librement leur métier.

L’invention du microscope au XVIIe siècle bénéficie aux premiers travaux scientifiques applicables à la levure, et la fermentation par la levure de bière se développe. La production de pain se diversifie et on ne consomme plus de pains de pois, de fèves ou de glands sauf en période de disette. C’est en 1860, que Louis Pasteur identifie la levure comme le micro-organisme responsable de la fermentation alcoolique, et très rapidement ensuite à partir de 1867, la fabrication industrielle de la levure se développe.

L’invention du microscope au XVII? siècle bénéficie aux premiers travaux scientifiques applicables à la levure. Wikimedia, CC BY-SA

Heudebert développe en 1903 en France un pain dont la recette sera utilisée durant la Première Guerre mondiale pour fabriquer les pains de longue conservation. La période d’après-guerre accélère l’utilisation de nouvelles techniques : le pétrin mécanique, puis le pétrin à deux vitesses, la panification directe à la levure, le façonnage mécanique, les premières diviseuses. Ces évolutions vont progressivement se traduire par une concentration de la production de farines autour de grands moulins même si la fabrication et la distribution de pain restent dominées par l’artisanat. Le système industriel est en place.

Faire son pain soi-même

Du point de vue du processus d’innovation, l’industrie agroalimentaire est paradoxale à plusieurs titres. Elle est considérée comme d’un faible niveau technologique, et les entreprises du secteur innovent pourtant au même titre que les entreprises des autres secteurs industriels. Si on lui demande de fournir une alimentation parfaitement sûre sur le plan sanitaire, variée et bon marché, les consommateurs réclament des produits qui soient le plus proche possible d’aliments naturels.

Alors que quelques dizaines de groupes internationaux représentent la grande majorité des emplois et dominent le marché, le secteur se compose en France à 98 % de TPE et PME qui élaborent une très grande variété de produits et innovent en permanence. On y trouve ainsi à la fois des technologies de pointe et la préservation de gestes manuels fondamentaux.

Alors que le pain conserve une place de premier choix dans l’alimentation des Français, faire son pain soi-même est une tendance en hausse, favorisée par les épisodes récents de confinement. Les hausses spectaculaires des ventes de farines (+135 % du CA sur la période de confinement, par rapport à l’année précédente) ou de levure et sucre aromatisé (+148 %) illustrent bien cela.

Du fait de la succession des crises sanitaires, les consommateurs n’ont jamais été aussi inquiets vis-à-vis des aliments qu’ils ingèrent. Le consommateur est en quête de sens, facilement nostalgique d’une tradition perçue plus authentique et il plébiscite les critères éthiques comme les produits naturels, l’origine France ou régionale, l’écologie, le développement durable, la proximité. Il est prêt à payer plus cher pour des signes de rassurance sur la qualité, sur la provenance du produit et le lien social symboliquement associé au pain acheté directement au producteur ou en circuit court.

Pour autant, certaines entreprises agroalimentaires cherchent quant à elles à capter de la valeur en innovant et en développant des produits pour des marchés de niche. Ainsi, pour des raisons de santé, des produits sont créés de manière à répondre aux besoins de populations spécifiques comme les seniors.

Le pain, c’est toute histoire, et à l’heure post-Covid, de la quête de sens et du développement durable, il n’a donc pas fini d’évoluer !

Sophie Reboud, Professeur, Chercheur en management des PME et innovation, Burgundy School of Business et Corinne Tanguy, Professeure d'économie, AgroSup Dijon, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Le livre « Les Fossoyeurs » a révélé début 2022 des problèmes structurels qui n’apparaissent pas dans les évaluations extrafinancières de l’opérateur privé d’Ehpad. Max Pixel, CC BY-SA

Michelle van Weeren, Université Paris Dauphine – PSL

L’affaire Orpea montre une fois de plus que les notations ESG, pourtant censées refléter la performance environnementale, sociale et de gouvernance des entreprises, n’arrivent pas à communiquer une information fiable qui permette d’identifier d’éventuels problèmes dans ces domaines. Orpea, entreprise privée spécialisée dans la gestion d’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), se vantait dans son rapport RSE (responsabilité sociétale et environnementale) 2021 d’une belle progression dans les classements proposés par certaines agences, alors que le livre « Les Fossoyeurs » du journaliste d’investigation Victor Castanet, publié en 2022 après trois ans d’enquête de terrain, dévoile des problèmes structurels conduisant à des cas de maltraitance des personnes âgées.

Ce n’est pas la première fois que les notations ESG se révèlent incapables de détecter des controverses chez des entreprises : BP était bien notée en termes de responsabilité sociale juste avant l’explosion de sa plate-forme pétrolière Deepwater Horizon en 2010, Volkswagen aussi avant que le scandale « Dieselgate » n’éclate en 2015, et en 2019, La Poste s’était vue décerner le meilleur score jamais attribué par l’agence de notation ESG Vigeo-Eiris, la même année où un reportage d’Envoyé Spécial dénonçait une vague de suicides.

Dans le même temps, les notations ESG sont également critiquées pour leur faible comparabilité, attribut central pour une information destinée à être utilisée par des investisseurs. Ainsi, une étude publiée en 2019 par des chercheurs du MIT révèle des écarts importants entre les notations des principales agences de notation pour les mêmes entreprises.

Il paraît donc que les notations ESG sont confrontées à un double échec : elles n’arrivent ni à dévoiler une quelconque « réalité » sur les pratiques des entreprises, ni à proposer une information utilisable pour leur clientèle. Notre enquête de terrain réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat explique en quoi connaître la véritable performance des entreprises et produire une information utilisable dans le cadre de transactions financières classiques repose sur une impossible réconciliation.

« Les agences mélangent tout ! »

Les notations ESG sont traitées par les investisseurs comme des reflets d’une performance extrafinancière qu’il s’agirait de prendre en compte en complément à la performance financière des entreprises. Une chargée des affaires institutionnelles dans une agence de notation ESG précise :

« L’analyse financière regarde uniquement le risque de solvabilité, si l’entreprise est rentable à court/moyen/long terme, sur des critères purement objectifs de ratios financiers. Nous, on essaie de regarder la performance de l’entreprise sur d’autres types de risque, comme sa gestion du capital humain, sa sécurité, sa réputation, etc. »

Or, contrairement à la performance financière, la performance extrafinancière est composée d’aspects hétérogènes, complexes, parfois contradictoires. Ce sont des informations que les investisseurs n’ont pas l’habitude de regarder. La promesse des agences de notation est donc d’identifier ces éléments, d’apprécier la performance des entreprises les concernant, et de les traduire dans un langage qui parle aux investisseurs.

Puisque ces derniers ont l’habitude de se fonder sur des indicateurs simples qui agrègent plusieurs facteurs en une note unique, comme c’est le cas pour les notations crédit, la performance des entreprises dans les domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance est également agrégée dans un unique score « ESG ». Un directeur de recherche dans une agence de notation ESG reconnaît que cette situation pose problème :

« C’est un travers qui se retrouve même au sein de l’industrie ESG. La note que fournissent les agences au global, finalement, c’est quoi ? C’est un mélange d’indicateurs, de politiques managériales et de controverses… Elles mélangent tout ! »

Pour les analystes, il peut être difficile d’identifier les signaux faibles d’une controverse à venir dans un tel mélange, car la grande quantité de critères conduit facilement à noyer le poisson. Certains en sont conscients mais savent aussi que, pour répondre aux demandes de leurs clients, la nuance doit parfois être sacrifiée pour pouvoir proposer une information simple à comprendre et à communiquer.

Pour répondre aux demandes de leurs clients, la nuance doit parfois être sacrifiée.`. Pxhere, CC BY

Forcément, résumer en un score unique la diversité des pratiques, de l’égalité salariale homme-femme aux mesures de réduction de gaz à effet de serre en passant par la protection des lanceurs d’alerte, constitue une affaire délicate. Les manières de faire ne sont d’ailleurs pas les mêmes d’une agence à une autre, ce qui explique les problèmes de comparabilité entre les notations.

Baisse de qualité

La plupart des agences de notation ESG « historiques » ont développé leurs méthodologies d’analyse autour d’une volonté de produire des analyses de qualité, c’est-à-dire des analyses « profondes » qui intègrent une grande diversité de thématiques. L’objectif était initialement de proposer à la minorité d’investisseurs qui s’y intéressait des analyses détaillées de la responsabilité des entreprises.

Or, depuis que l’ESG a suscité l’intérêt des investisseurs « mainstream », les besoins en termes de nombre d’entreprises évaluées sont beaucoup plus élevés, ce qui a eu des implications importantes sur les agences historiques et le temps qu’elles passent à réaliser les analyses. Mécaniquement, pour pouvoir produire en quantité, elles ont dû baisser la barre en termes de profondeur des analyses, comme le reconnaît le directeur de recherche :

« Les quatre grandes agences de notation se sont livrées à une concurrence d’enfer les 10 dernières années, par sur la méthode, sur la couverture. Moi, je l’ai vécu […] Il y a une dynamique de marché qui n’a pas porté la qualité vers le haut. Ça, c’est indéniable ».

Cela signifie donc que ces analystes, contrairement au journaliste Vincent Castanet, n’ont pas la possibilité conduire des enquêtes de terrain approfondies chez les entreprises. Cela prendrait beaucoup trop de temps, alors que les investisseurs ont besoin de notations à jour et de couvertures larges. Les analystes n’ont donc pas d’autre choix que de se baser sur les données autodéclarées par les entreprises sans pouvoir vérifier leur véracité.

Une régulation à renforcer

Un dernier obstacle à la production d’analyses capables de refléter ce qui se passe véritablement dans une entreprise est que les analystes ESG doivent garder en tête que l’objectif pour un investisseur est de pouvoir comparer la performance des entreprises entre elles, ou d’apprécier l’évolution de la performance d’une entreprise dans le temps. Pour pouvoir produire des analystes comparables, il faut que les méthodologies soient stables dans le temps.

Mais la stabilité d’un cadre conceptuel ne permet pas toujours de saisir des événements surprenants et donc de produire des informations pertinentes. La professeure en gestion Jennifer Howard-Grenville de l’université de Cambridge dénonce ainsi la tendance des notations ESG à trop se focaliser sur des indicateurs facilement mesurables, ce qui peut rendre invisibles des problèmes plus complexes. La Poste avait ainsi reçu une bonne notation ESG en 2019 grâce à, entre autres, son taux d’employés en situation d’handicap et la croissance de sa flotte de véhicules électriques. Les problèmes sociaux qui y régnaient étaient plus difficiles à percevoir et étaient donc passés sous le radar.

Les notations ESG se basent donc sur l’impossible réconciliation entre la promesse d’une information fiable sur ce qui se passe « réellement » dans les entreprises, afin de compléter l’analyse financière en prenant en compte d’autres sources de risque, et la production d’une information utilisable pour les investisseurs.

Pour qu’une information soit utilisable dans les transactions financières classiques, il faut qu’elle ait les mêmes caractéristiques que les autres informations sur lesquelles se basent ces transactions, c’est-à-dire qu’elle soit simple et rapide à utiliser, comparable dans le temps et entre entreprises, et couvrant une quantité importante de titres. Or, traduire les informations extrafinancières de telle manière qu’elles possèdent ces caractéristiques implique forcément une perte de nuance et pourrait conduire à rater certains aspects majeurs. Comme une maltraitance systématique dans des maisons de retraite.

S’il n’est pas possible de résoudre complètement les causes de cette impossible réconciliation, il est possible de renforcer la régulation sur la qualité des notations ESG. Car comme l’a noté Christophe Revelli, professeur à Kedge Business School dans une intervention récente à France Culture, si les dynamiques de marché ont provoqué une pression sur les agences de notation en termes de couverture, la régulation n’a pas encore suffisamment suivi en termes de protection de la qualité des analyses.

Actuellement, la Commission européenne travaille sur le renforcement des contraintes de reporting extrafinancier pour les entreprises cotées, qui devront prochainement donner plus de détails sur l’impact de leurs activités sur les enjeux environnementaux et sociaux, au-delà de l’impact de ces enjeux sur leurs activités.

Dans le même temps, la régulation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) renforce les obligations pour les acteurs financiers qui proposent des fonds d’investissements commercialisés comme « ESG ». Ces nouvelles contraintes à venir visent non seulement à empêcher les entreprises à cacher des impacts négatifs, mais aussi à aider les analystes à produire des analyses à la fois plus proches de la « réalité » des entreprises et utilisables pour les investisseurs.


Cet article a été rédigé sous la supervision de Frédérique Dejean, professeur agrégée des universités en sciences de gestion à l’Université Paris-Dauphine.

Michelle van Weeren, Docteure en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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Les citoyens portent de plus en plus d’attention aux montants d’impôt dont s’acquittent les entreprises. Frank van Dongen / Flickr, CC BY-ND

Tiphaine Jérôme, Université Grenoble Alpes (UGA) et Florence Depoers, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Amazon Prime Video a récemment lancé un jeu-concours sur Instagram en demandant à ses abonnés de trouver son nouveau slogan sur les réseaux sociaux. Bonne idée, a priori. Sauf que son compte s’est en fait retrouvé rapidement submergé par les commentaires des internautes lui rappelant son comportement fiscal discutable… Loin d’être un cas isolé, cet exemple témoigne de l’attention grandissante que la presse, les organisations non gouvernementales (ONG) ou encore les citoyens portent aux entreprises qui paient peu d’impôt sur les sociétés.

L’imposition des grands groupes est un sujet particulièrement sensible. En effet, un groupe qui paie peu d’impôt par rapport aux bénéfices qu’il réalise participe peu à la solidarité nationale. Dans le même temps, la part des bénéfices qui revient aux actionnaires, elle, augmente. Cette situation peut provoquer un sentiment d’injustice chez les citoyens qui contribuent au budget de l’État via leurs impôts directs et indirects.

Cependant, la fiscalité des sociétés recouvre des situations très contrastées et il est parfois difficile de s’y retrouver. Quel est le montant réel de l’impôt d’une société ? Ce montant effectif correspond-il au montant d’impôt qu’elle devrait théoriquement payer, si on appliquait le taux de base ? Et, surtout, où peut-on trouver ces informations ?

La réponse à ces questions figure dans un document publié par chaque société cotée en bourse et librement accessible sur son site Internet : la preuve d’impôt. L’appellation peut sembler un peu barbare mais il s’agit d’un document clé pour appréhender l’impôt sur les résultats des grands groupes.

Enjeu de communication

La preuve d’impôt trouve son origine dans l’application des normes comptables internationales. Rappelons que ces normes doivent être obligatoirement suivies depuis 2005 par les sociétés cotées au sein de l’Union européenne. Ces normes (IFRS pour International Financial Reporting Standards) fournissent un cadre de référence pour la production et la diffusion de leurs comptes consolidés. Elles visent principalement à garantir une meilleure transparence comptable à l’échelle internationale.

C’est dans cet objectif de transparence que l’une des normes IFRS impose à chaque société cotée de publier une preuve d’impôt. Cette preuve prend généralement la forme d’un tableau et doit figurer dans le document d’enregistrement universel (équivalent du rapport annuel) de la société en libre accès sur son site. Son objectif est de rapprocher le montant théorique de l’impôt sur les sociétés (ce que l’entreprise aurait dû payer au taux de base) du montant effectif (la charge d’impôt réellement comptabilisée).

La preuve d’impôt 2020 du groupe LVMH, première entreprise du CAC 40 en termes de valorisation, illustre l’intérêt de ce rapprochement. Alors que le taux théorique d’imposition en France pour le groupe est de 32 %, son taux effectif est de 32,7 %. La preuve sous forme de tableau rapproche les deux taux en précisant les différentes sources d’écarts.

Extrait du document d’enregistrement universel 2020 du groupe LVMH (adapté par les auteures)

Dans le cas de LVMH, le principal écart concerne l’incidence des activités localisées dans des pays où le taux de base d’impôt sur les sociétés est plus faible qu’en France : ces délocalisations font baisser le taux d’impôt de 6 points. L’incidence de ces délocalisations est compensée par d’autres types d’écarts. Le taux effectif remonte ainsi à 32,7 %. Le montant effectif d’impôt est aussi indiqué : 2 409 millions d’euros pour 2020.

On voit toute l’information qu’un lecteur peut tirer d’un seul coup d’œil (ou presque) de ce document. Il n’est pas besoin de calcul ou de recherche fastidieuse d’informations. Les taux d’impôt sont explicitement indiqués : rappel du taux de base puis indication du taux effectif. L’explication de l’écart entre taux de base et taux effectif permet de mieux appréhender la gestion fiscale du groupe. Le groupe a-t-il des activités à l’étranger ? Bénéficie-t-il de crédits d’impôt ? etc.

On comprend aisément que la preuve d’impôt soit devenue un enjeu de communication majeur pour les grands groupes. Car, si la publication d’une preuve est obligatoire, son format de présentation est laissé à la libre appréciation de la société qui peut choisir d’en dire beaucoup ou peu…

Dire ou ne pas dire…

Dans ce contexte, nous nous sommes intéressées aux pratiques de communication des preuves d’impôt des grands groupes. Quelle transparence affichent-ils dans leur preuve d’impôt ? Quels sont les facteurs qui influencent cette transparence ? Nous avons cherché à répondre à ces questions dans une étude portant sur les principales sociétés cotées sur la place de Paris.

L’analyse des preuves publiées montre des degrés de transparence très variables, certaines preuves sont assez concises, d’autres beaucoup plus détaillées. Dans la grande majorité des cas, les sociétés indiquent leurs montants théorique et effectif d’impôt. En revanche, il est plus rare de voir les sociétés fournir les informations qualitatives additionnelles qui permettraient de mieux comprendre les écarts.

Extrait du document d’enregistrement universel 2020 du groupe Air Liquide

Sur notre échantillon, une analyse plus poussée montre que la transparence de la preuve d’impôt dépend en réalité du taux effectif d’impôt. Ainsi, plus le taux effectif s’éloigne du taux théorique, plus les sociétés sont vagues ou discrètes dans leur publication.

Pour établir leur preuve, les sociétés tiennent également compte de facteurs externes. Les sociétés évoluent en effet dans un environnement dont elles dépendent et qui, par conséquent, guide leurs actions. Autrement dit, pour être légitimes, les sociétés vont répondre aux pressions qui émanent de leur environnement.

Nous avons ainsi identifié deux acteurs majeurs qui influencent la transparence de la preuve.

L’un de ces acteurs est la concurrence. La publication de la preuve d’impôt constitue un exercice risqué : publier peu d’information peut paraître suspect, en dévoiler trop pourrait se retourner contre la société. Or, en situation d’incertitude, une société tend à reproduire le comportement de ses pairs. Nous observons en effet sur notre échantillon ce phénomène de mimétisme sectoriel. Les sociétés s’alignent sur les pratiques des concurrents, si bien que les degrés de transparence des preuves varient d’un secteur à l’autre mais sont relativement similaires au sein d’un même secteur d’activité.

L’État français joue également un rôle. Nous observons en effet que la transparence de la preuve d’impôt d’une société augmente lorsque l’État en est actionnaire. Ce résultat est en ligne avec les différentes initiatives prises par l’État pour promouvoir la transparence fiscale, que ce soit à l’échelle nationale ou à l’échelle internationale.

En résumé, la quête de légitimité pousse les entreprises à être davantage transparentes. Cette transparence accrue peut faciliter le travail d’analyse des parties intéressées par la responsabilité fiscale des grands groupes. Il s’agit aussi d’un levier que les États tentent d’actionner pour encourager la discipline fiscale. À cet égard, on peut notamment mentionner la décision récente prise au niveau européen : les multinationales devront désormais dévoiler le montant des impôts qu’elles paient dans chacun des pays de l’Union européenne.

Tiphaine Jérôme, Maître de conférences en sciences de gestion et du management, Université Grenoble Alpes (UGA) et Florence Depoers, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.