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De nombreuses applications de l’IA deviennent possibles grâce aux gigantesques quantités de données accumulées par les armées modernes, analyse la journaliste du « Monde » Nathalie Guibert.

Pour les armées modernes, « l’intelligence artificielle (IA) se présente comme la voie principale de la supériorité tactique » et elle est devenue « un enjeu de défense prioritaire pour les puissances militaires du XXIe siècle ». Dans une étude que publie l’Institut français des relations internationales (IFRI) sur cette nouvelle révolution, un ancien pilote de l’armée de l’air, Jean-Christophe Noël, évoque un « humanisme militaire » menacé. Il n’est pas certain, selon lui, que les robots pourront toujours, en accord avec le « modèle de l’équipier fidèle », rester « étroitement associé(s) à un homme en charge d’un système d’armes comme un avion de chasse, un blindé ou un navire ».

Les applications militaires de l’IA deviennent accessibles et semblent sans limites. Elles sont rendues possibles par les gigantesques quantités de données (images, sons, etc.) désormais accumulées – un Rafale produit plusieurs téraoctets de données par heure de vol, et chacun des trois satellites d’observation français successeurs d’Helios 2 permettra de produire, à partir de 2019, cent fois plus d’informations que l’ensemble de ceux utilisés aujourd’hui par les armées. De plus, les algorithmes acquièrent la capacité nouvelle d’apprendre seuls selon les situations qu’ils rencontrent. Préparation au combat par la simulation, renseignement, ciblage, optimisation du soldat… La course a démarré.

« Hyperwar »
 

Le département de la défense américain a lancé près de 600 projets intégrant l’IA, un domaine où il vient d’annoncer 2 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) d’investissement dans les cinq prochaines années. « Une IA surnommée ALPHA, qui fit ses classes en affrontant des programmes informatiques de combats aériens de l’Air Force Research Lab, a systématiquement triomphé d’un pilote de chasse chevronné en octobre 2015 », rappelle l’expert de l’IFRI. Le pilote américain a témoigné : «...


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Dans une ville qui se vide de ses libraires, l’ouverture d’un point de vente indépendant est un petit événement.

Anne-Laure Vial et Delphine Bouétard rongent leur frein. Des milliers de livres, soigneusement choisis, ont déjà été livrés dans leur future librairie du boulevard Poissonnière, dans le 2e arrondissement de Paris. Certains ont même été placés en rayon. Des bandes dessinées, le dernier Elena Ferrante. Mais pour les vendre, les deux femmes doivent encore patienter, le temps que toutes les tables arrivent et que les peintures sèchent. Mme Vial slalome entre les cartons : « Ici, devant le grand escalier qui descend au sous-sol, il y aura un bar, il faut juste sortir le matériel des caisses. » Dans quinze jours, les premiers clients pourront entrer, promis. Pas question de rater les achats de Noël.

C’est un événement rare : à Paris, une vaste librairie s’apprête à ouvrir ses portes, sous le nom tout simple d’« Ici ». Un point de vente indépendant, sans lien avec une chaîne comme la Fnac. Environ 500 mètres carrés, en bas d’un bel immeuble de la fin du XVIIIe siècle. Cela en fera « la plus grande librairie indépendante ouverte d’emblée avec une telle surface dans la capitale », selon le magazine professionnel Livres hebdo.

Au fil des décennies, cet emplacement a accueilli un marchand de soieries, un magasin de jouets, un bar, des salles de cinéma, avant d’être découpé en deux boîtes de nuit, le Pulp et le Scorp, puis transformé en boutique d’habillement pour enfants. Orchestra, le dernier occupant, a plié bagage en 2017. « Cette fois, une librairie va donc remplacer un magasin de vêtements, et non l’inverse comme c’est fréquent », remarque Mme Bouétard dans un sourire. Bonne nouvelle au métro Bonne-Nouvelle !

Paris a perdu 350 librairies depuis 2000

Cette création annonce-t-elle pour autant la fin du déclin pour les librairies parisiennes, l’amorce d’une reconquête ? Rien n’est moins sûr. Depuis 2000, Paris a perdu 350 librairies, soit une sur trois, selon les pointages...


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La Commission européenne pourrait retoquer lundi le budget prévisionnel italien s’il affichait un déficit de 2,4 % du PIB. Une première qui déclencherait une crise politique.

Editorial du « Monde ». L’affrontement qui se profile ne ressemble à aucune crise européenne du passé. Soit un pays, l’Italie, qui, il y a quelques mois encore, semblait sorti de l’ornière. Des comptes publics enfin maîtrisés, un excédent commercial enviable, une économie donnant des signes de reprise après des années de récession et de marasme, et surtout une image de sérieux, durement conquise auprès d’instances européennes rendues sceptiques par le passé : le souvenir de l’automne 2011, quand le premier ministre Silvio Berlusconi avait dû jeter l’éponge en raison de la défiance des marchés financiers, qui faisait courir le risque d’une faillite du pays, semblait presque oublié.

Las, en quelques mois, ce capital de confiance a fondu, tant auprès des partenaires européens du pays que des marchés. En témoignent l’isolement complet de l’Italie à Bruxelles ainsi que l’envolée du « spread » – différentiel entre les taux des emprunts à dix ans allemands et italiens –, qui s’est « stabilisé » depuis quelques jours au-dessus de la barre des 300 points de base. L’Italie s’endette aujourd’hui à plus de 3,5 %, contre environ 1,5 % il y a six mois. A l’échelle d’un pays dont la dette souveraine culmine à 2 300 milliards d’euros, la différence n’est pas mince.

Cette explosion du coût de la dette italienne ne tient qu’à la politique, et si la thématique du « risque Italie » semble de retour, c’est à la lumière des choix économiques du gouvernement italien, jugés à la fois flous, incohérents et dangereux.

Tentation d’éviter l’obstacle

Lundi 15 octobre, Rome doit faire parvenir à Bruxelles les grandes lignes de son prochain budget. Fin septembre, en annonçant sa volonté de porter le déficit 2019 à 2,4 % du PIB –contre 0,8 % initialement prévu –, le gouvernement Conte, formé de l’alliance de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (antisystème), a déclenché une tempête. Celle-ci a été d’autant plus violente que cette décision a été entourée d’approximations et d’amateurisme. Cela ne pouvait inspirer que de gros doutes à des instances habituées à raisonner à partir de données tangibles et d’objectifs réalistes.

Pour sortir du piège dans lequel il s’est mis, le gouvernement italien ne semble pas avoir d’autre solution que de faire machine arrière. Encore faudrait-il qu’il souhaite que la crise se calme… Or rien n’est moins sûr. En effet, l’opposition à Bruxelles et à l’orthodoxie financière est le principal ressort de la solidité de la coalition hétéroclite de deux forces que naguère tout opposait. Et tout porte à croire que les deux hommes forts du gouvernement, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, s’appuyant sur un large soutien de l’opinion, souhaitent un affrontement avec Bruxelles, dont ils se sont persuadés qu’ils sortiraient vainqueurs.

A Bruxelles, la tentation d’éviter l’obstacle pourrait être forte. Il suffirait de laisser les marchés sanctionner eux-mêmes un budget trop dispendieux et fondé sur des hypothèses de croissance irréalistes. Ce serait reproduire le schéma ayant conduit à la chute de M. Berlusconi en 2011, événement qualifié de « coup d’Etat financier » par de très nombreux Italiens, qui a favorisé la montée des extrêmes. L’heure commanderait plutôt de régler politiquement le problème et de discuter coûte que coûte avec ce gouvernement si insaisissable, ne serait-ce que pour lui poser une question simple et essentielle : « Voulez-vous encore faire partie de l’Union européenne ? »


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Le cours du cobalt a perdu près d’un tiers de sa valeur depuis le mois de juin. Les spéculateurs cherchent donc un nouveau filon, le nickel.

Chronique. Une chute de tension brutale. Le cours du cobalt a fait un saut dans le vide depuis juin. Il a perdu près d’un tiers de sa valeur. Sous le choc violent, les bleus du cobalt… Un retour sur terre, après, il est vrai, une ascension stratosphérique. Electrisé par la spéculation depuis 2016, il ne cessait de monter vers les cieux azurés. Dans le nuancier des métaux, les investisseurs n’avaient d’yeux que pour le métal bleu. Au point de lui faire tutoyer la barre des 100 000 dollars (86 400 euros) la tonne à la Bourse de Londres, fin mars. Le cobalt des records.

Pourtant, la voiture électrique était la star des stands du Mondial de l’automobile, qui ferme ses portes dimanche 14 octobre, à Paris. La marque américaine emblématique Tesla et la pionnière française Zoé de Renault ne sont plus seules en piste. Tous les constructeurs suivent peu ou prou leurs traces. Mais le consommateur ne crie pas encore « c’est les watts que je préfère ! » En cause : le prix des batteries. Le « zéro émission » égale des zéros en plus sur le chèque.

Le cobalt pèse lourd dans l’addition. Il en faut près de 15 kilos sous le capot à comparer aux 6 grammes nécessaires dans un smartphone. Les spéculateurs ont sorti la calculette et mettent en perspective les plans sur la comète électrique et la rareté du métal. L’opération a fait exploser les compteurs de la Bourse. Mais Elon Musk, fidèle à ses visions iconoclastes, s’est dit prêt à relever le pari d’une batterie « sans cobalt ». Et dans les laboratoires, les ingénieurs travaillent d’arrache-pied à imaginer des stockages d’électricité moins chers, allégeant les doses des matériaux les plus onéreux, comme le cobalt et le lithium.

A la recherche d’un nouveau filon

En parallèle, les groupes miniers, avides de croquer ces belles marges, ont mis les bouchées doubles. A l’exemple du suisse Glencore dont la production de cobalt a progressé d’un tiers au premier semestre et qui table sur un doublement...


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