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Un retour aux urnes sur la sortie de l’Union européenne accentuerait les tensions existantes et fausserait le jeu démocratique au Royaume-Uni, estime, dans une tribune au « Monde », Philip Cunliffe, spécialiste des conflits.

Tribune. Au moment où des voix s’élèvent dans tous les partis pour demander un second référendum sur le Brexit, il est important de ne pas sous-estimer la gravité de la situation. Un second référendum serait un désastre de première grandeur pour la démocratie.

Au lieu de donner au Royaume-Uni la possibilité de transcender la fracture entre Leavers [partisans du divorce] et Remainers [qui ne souhaitent pas quitter l’Union européenne, UE] sous la forme d’un Brexit démocratique et représentatif, un second référendum reproduirait ces divisions, et de manière encore plus âpre.

Cela enrayerait la régénération de la démocratie parlementaire qui a été ouverte par le Brexit, substituant la démocratie directe à la démocratie représentative, avec tous les dangers de manipulation par les élites que cela comporte.

Un second référendum éroderait le fondement même de la démocratie en sous-entendant que la règle de la majorité est une condition insuffisante pour fonder la légitimité démocratique, ce qui fragiliserait toute décision politique prise dans un proche avenir.

Cela jetterait un voile sur la vie politique du Royaume-Uni, sapant les institutions politiques nationales et délégitimant la base même de la démocratie en tant que mode collectif de décision. Cela alimenterait le ressentiment dans l’opinion, nourrirait les politiques protestataires et l’extrémisme.

Affirmation hypocrite

Mais « les démocraties ont le droit de changer d’avis », rétorque-t-on. C’est là une affirmation profondément hypocrite, presque toujours énoncée par les plus irréductibles opposants au Brexit. S’ils tiennent aussi jalousement à garder les choix ouverts, il est légitime de se demander si ces Remainers – tout comme les convertis récents à la cause d’un second référendum, comme Nigel Farage [ancien chef du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, de tendance europhobe, qui prétend qu’un second vote permettrait de clore une fois pour toutes le débat sur l’UE] – seraient prêts à approuver un troisième référendum afin de confirmer les résultats d’un deuxième. Et pourquoi pas un quatrième référendum pour confirmer le troisième ? Bien évidemment, ils refuseraient.

Si nous votions pour réintégrer l’UE après un second référendum, nous pouvons être certains que les Remainers au sein de l’élite prendraient aussitôt les mesures nécessaires pour que ce second choix soit verrouillé par des mécanismes limitant la volonté populaire et démocratique – des mécanismes que l’UE excelle à créer.


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Economique, connectée, propre, la voiture de demain sera, contrairement aux idées reçues, au cœur de la vie quotidienne des citoyens de demain, estime Serge Clemente, dirigeant d’une entreprise prestataire de services de stationnement, dans une tribune au « Monde ».

Tribune. La loi d’orientation sur les mobilités (LOM) a été présentée en même temps qu’est né le mouvement des « gilets jaunes », parti du mécontentement face à la hausse des taxes sur les carburants. Un mouvement qui a eu le mérite de rappeler que, pour beaucoup de personnes en France, rester mobile pour son travail, ses loisirs, sa vie, nécessitait de se déplacer en voiture faute d’alternatives dans beaucoup de territoires, y compris, malgré nombre d’idées reçues, en Ile-de-France.

La fréquentation de certains quartiers parisiens ne doit en effet pas laisser penser que la plupart des gens ne se déplacent plus désormais qu’en trottinettes électriques. N’érigeons pas non plus en modèle unique les transports en commun qui ne répondent pas totalement, compte tenu de leurs coûts d’infrastructure et de l’espace urbain nécessaire, aux contraintes et aux enjeux des villes intelligentes de demain. D’autant que c’est la collectivité, donc le contribuable local, qui en paie le prix, puisque les recettes des usagers des transports en commun ne couvrent qu’un tiers de leurs coûts.

Croire que l’on peut se passer de voiture, c’est méconnaître le quotidien de millions de personnes dans l’Hexagone et outre-mer, qui disent être plus de 60 % à aller chaque matin à leur travail en voiture (étude 2015 de l’institut ICMA pour Randstad). En France métropolitaine, huit foyers sur dix sont équipés d’une voiture. Et selon une récente étude de Factual Consulting, dans dix ans le taux de personnes possédant une automobile ne passera que de 70,3 % à 69,4 % ! Dans le monde, ce sont plus de 100 millions d’unités supplémentaires qui sont attendues chaque année. Le parc mondial devrait atteindre les trois milliards de véhicules en 2050.

Un coût d’entretien très bas

Ces chiffres soulignent l’importance à apporter au développement et à l’entretien des infrastructures destinées à l’automobile. La France a pourtant donné la priorité ces dernières décennies au ferroviaire, en particulier le TGV. Or pour la grande majorité des déplacements, de 5 à 100 kilomètres, c’est la voiture qui reste le moyen de transport le plus utilisé.

Lorsque l’on dit que la voiture va jouer un rôle toujours central dans la mobilité de demain, on se voit opposer un argument de choc : elle pollue. Mais ce problème peut se résoudre grâce aux nouvelles motorisations : voitures hybrides, électriques et surtout à hydrogène ! Cette technologie est sans doute la meilleure solution mais elle nécessite des investissements importants, de l’ordre de 4 milliards d’euros pour la France. Cependant, ils permettront d’apporter une vraie réponse à nos enjeux de développement durable tout en offrant à nos concitoyens une solution économique optimisée en termes de coût d’achat, de maintenance et de carburant.


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En jetant à la mer une partie de leur cargaison pour éviter le naufrage, les marchands de l’Antiquité mutualisaient les pertes. Ce schéma pourrait être utilisé contre la menace climatique, affirment trois chercheurs dans une tribune au « Monde ».

Il aura fallu la révolte des « gilets jaunes » pour reconnaître que l’effort écologique ne sera accepté que s’il est réparti avec justice. Car à l’évidence, la taxe sur le diesel, fondée sur le principe du pollueur-payeur, ne tient compte ni des contraintes de chacun ni des bénéficiaires de la lutte contre le changement climatique. Dérivés du même raisonnement économique, les outils généralement évoqués pour une politique écologique – taxes ou quotas d’émissions négociables sur un marché – cherchent à inciter les individus à adopter des comportements vertueux par un signal sur les prix. Mais ces mécanismes échouent à obtenir une juste répartition des efforts. Car, pour lutter contre la menace climatique, ce n’est pas d’échange économique qu’il s’agit, mais d’action solidaire face au danger commun.

C’est justement une telle solidarité qu’organise le principe des « avaries communes » qui, depuis plus de 2 500 ans, fonde une règle constante du droit maritime : le partage équitable des efforts consentis pour le salut de tous. Ce principe offre une voie juste et efficace pour lutter contre la menace climatique.

Réduire la consommation d’énergie fossile est coûteux pour les individus comme pour les nations qui y consentent. Cependant, c’est indispensable.

Le changement climatique résulte de la consommation d’énergie fossile accumulée depuis deux siècles. En l’absence d’une énergie alternative inoffensive et rentable, il est impératif de réduire cette consommation. Une telle réduction est coûteuse pour les individus comme pour les nations qui y consentent. Cependant, elle est indispensable – et c’est là le nœud du problème – pour sauver les richesses de tous ! Car les émissions de CO2 des uns pèsent sur le climat de toute la planète, et la sobriété des autres bénéficie à tous. Toute taxe et marché universels sont donc injustes parce qu’ils ignorent ces interdépendances.

Le principe des avaries communes évite cette injustice. Né dans l’Antiquité pour gérer le danger en mer, il impose aux passagers d’un bateau d’être économiquement solidaires vis-à-vis des marchandises que le capitaine choisit de jeter par-dessus bord lorsqu’il s’agit d’échapper au naufrage. Une fois à bon port, la valeur des marchandises ainsi perdues sera payée par tous les passagers, proportionnellement à la valeur de leurs marchandises sauvées du naufrage. C’est ce principe de justice original qui justifie l’acceptabilité du sacrifice demandé – détaillé dans l’article « Autorité de gestion et avaries communes : pour un complément du droit de l’entreprise ? », de Blanche Ségrestin et Armand Hatchuel (Finance Contrôle Stratégie, n° 14/2, 2011).


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Les fournisseurs des constructeurs automobiles font étalage d’innovations étonnantes au Consumer Electronics Show de Las Vegas.

Ils sont italiens (Magneti-Marelli), allemands (Bosch, Continental, ZF), coréens (Mobis) japonais (Denso, Aisin, Hitachi), canadiens (Magna), irlando-américains (Aptiv). Sans oublier les français Valeo et Faurecia… Ce sont les grands équipementiers automobiles. Souvent mal connus du public, ils sont les soutiers de l’industrie de la voiture, entreprises à haute teneur technologique mais dont les innovations, bien cachées derrière les carrosseries, sont là pour valoriser les grandes marques automobiles dont ils sont les fournisseurs.

Au début de chaque année, le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, cette grande fête internationale de l’innovation, est un peu leur moment à part, une sorte de salon automobile bis qui leur rendrait un hommage particulier. « Le CES est devenu pour nous un rendez-vous incontournable », résume Jacques Aschenbroich, le PDG de Valeo, premier équipementier français (au coude-à-coude avec Faurecia) et neuvième mondial, selon le classement de référence de l’hebdomadaire Automotive News.

L’édition 2019 qui a ouvert ses portes mardi 8 janvier, ne fait pas exception à la règle. Le top 10 mondial des équipementiers (sauf l’américain Lear Corp) est bien là, totalisant la bagatelle de 300 milliards de dollars (262 milliards d’euros) de chiffre d’affaires réalisés dans l’automobile, allant jusqu’à voler, pour une fois, la vedette aux constructeurs (qui eux ne sont pas tous présents).

Le cabinet IHS Markit estimait dans une étude de 2018, que la barre des 30 millions de véhicules devrait être atteinte avant 2040

Il suffit de regarder autour de soi, pour s’en persuader. Sur les pistes d’essai qui jouxtent le centre de convention de la grande cité du Nevada, sur les larges avenues de « Sin City » – Paradise Road, Las Vegas Boulevard –, voici en blanc les taxis-robots aux couleurs d’Aptiv. Et, en vert, la voiture autonome de Valeo qui sait conduire toute seule dans le trafic dense du Strip, avec les feux rouges de l’autre côté du carrefour, et ce soleil d’hiver rasant qui gêne la visibilité. Et, tiens, en bleu le taxi sans chauffeur de ZF, en train de promener sur le parking désert d’un centre commercial un groupe de journalistes chinois rivés à leur iPhone.

Et c’est un feu d’artifice d’innovations : le SUV qui adapte automatiquement ses suspensions aux trous de la route du japonais Clarion ; le capteur sonore de ZF qui vous dit sans coup férir par où va arriver l’ambulance que vous entendez au loin ; le système signé Valeo qui permet de voir à travers la grosse caravane que vous tirez ; les sièges cocons de Faurecia qui vous massent, vous soignent, vous mesurent, et font disparaître comme par enchantement les bruits du roulage ; le tableau de bord destiné au marché chinois (encore de Faurecia) avec ses cinq écrans, dont un qui réplique exactement celui du smartphone du conducteur…


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