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L’industrie française ne souffre pas de la mondialisation en tant que telle, mais surtout de la façon dont nos élites politiques et économiques l’ont accompagnée, explique dans sa chronique Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».

Chronique. On ne mène pas une politique industrielle à partir de symboles, mais ceux-ci disent parfois quelque chose sur les tendances de fond qui sont à l’œuvre dans le rapport qu’un pays entretient avec ses usines.

Il y a quelques jours, PSA a annoncé la fermeture de son site d’Hérimoncourt dans le Doubs. La commune est le berceau de la famille Peugeot, qui, à la fin du XVIIIe siècle se lança dans la fabrication d’outils. Un siècle plus tard, Armand Peugeot créait la Société anonyme des automobiles du même nom, devenue depuis PSA.

Depuis quelques années, l’usine d’Hérimoncourt était spécialisée dans le recyclage des pièces automobiles. Désormais l’activité sera regroupée à Vesoul. Environ 200 personnes sont concernées par cette réorganisation, qui, à l’échelle de la multinationale, va passer relativement inaperçue. Reste que le mouvement est là : l’emploi dans l’industrie automobile en France continue de diminuer. PSA n’a jamais été aussi rentable, mais ses effectifs dans l’Hexagone reculent inexorablement. Par rapport au pic de la production de 2005, ils ont fondu de plus de 46 %. Dans le même temps, ceux de Renault ont chuté de 33 %.

Immense gâchis

La même semaine, à quelques kilomètres de là, dans les usines Alstom de Belfort, on faisait aussi les comptes, trois ans après la vente de la branche énergie du groupe à l’américain General Electric (GE). Les promesses du rachat se sont transformées en vapeur d’eau. GE s’était engagé à créer 1 000 emplois en France d’ici fin 2018. Le solde net n’est finalement que de… 25.

« Des aboyeurs ont dit que l’on faisait passer une grande entreprise française sous pavillon américain, commentait en novembre 2015 Patrick Kron, l’ex-PDG d’Alstom. Je leur réponds qu’avoir un emploi durable est plus important que la nationalité de l’employeur. »

Face à la sous-capitalisation de certains fleurons français, ceux-ci finissent par devenir la cible de prédateurs étrangers

Finalement, les « aboyeurs » ont eu raison : la France aura perdu sur les deux tableaux et se contentera d’une obole de 50 millions d’euros que GE devra verser faute d’avoir tenu parole. Cette vente, dont les conditions restent encore obscures à ce jour, donne le sentiment d’un immense gâchis.


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Le SCAF, dont les maîtres d’œuvre sont Dassault Aviation et Airbus, doit succéder aux Rafale et aux Eurofighter à partir de 2040. En Allemagne, ce programme ne fait pas l’unanimité.

C’est la première pièce concrète du « Système de combat aérien du futur » (SCAF) européen, dont les maîtres d’œuvre sont Dassault Aviation et Airbus. Les ministres de la défense allemande et française, Ursula von der Leyen et Florence Parly, devaient notifier aux deux avionneurs, mercredi 6 février, le premier contrat d’études du projet. Elles ont en outre lancé le partenariat industriel sur le moteur du prochain appareil.

Il s’agit de concevoir les bombardiers militaires dits de « sixième génération » pour succéder aux Rafale et aux Eurofighter, ceux qui équiperont les forces armées à partir de 2040 et seront opérationnels jusqu’à la fin du siècle. Un prototype capable de voler est attendu pour 2025.

65 millions d’euros sur deux ans

Sur le site de l’industriel Safran à Gennevilliers près de Paris, les deux ministres ont ainsi notifié le contrat d’études d’architecture et de conception du SCAF, pour 65 millions d’euros sur deux ans. « Ce sont les études tangibles qui commencent, nous avons avancé en un temps record », se réjouit-on dans l’entourage de Mme Parly. Les deux pays ont convenu en 2018 que la France sera la nation leader du SCAF, tandis l’Allemagne pilotera l’autre projet phare de la coopération militaire bilatérale, celui du char de combat futur.

Un accord établissant la répartition des tâches entre le motoriste français Safran et son partenaire allemand MTU a également été officialisé mercredi. Le cabinet de Mme Parly précise avoir travaillé avec son homologue selon le principe du « best athlet » – celui qui détient les compétences réalise –, une manière de ne pas reproduire les erreurs du programme de l’avion de transport A400M.

Safran Aircraft Engines sera responsable de l’architecture du moteur et de son intégration dans l’avion, l’allemand MTU des services et de la maintenance. Pour ce qui est de la construction même, Safran s’occupera des parties chaudes du moteur et des turbines haute pression, MTU du reste. L’objectif est de tester un engin entre 2025 et 2027, pour un premier vol en 2038 sur les avions existants.

Enjeux considérables

Safran se voit par ailleurs notifier par la France pour 115 millions d’euros le programme d’études amont « Turenne 2 ». Dans le futur avion, que l’on prévoit plus puissant et plus furtif, le moteur subira des conditions de température plus élevées (2 100 degrés pour le SCAF contre 1 850 degrés pour celui du Rafale actuel). Il faut élaborer des alliages, des protections, des circuits de refroidissement spécifiques.


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Alors que le groupe irlandais a accusé une perte de 19,6 millions d’euros au troisième trimestre 2018, son patron-fondateur annonce une réorganisation de l’entreprise, explique le journaliste du « Monde » Jean-Michel Bezat dans son éditorial économique.

Pertes & profits. Le teigneux patron-fondateur de Ryanair déteste s’avouer vaincu. Michael O’Leary a pourtant dû annoncer, lundi 4 février, que la compagnie aérienne irlandaise avait perdu 19,6 millions d’euros au troisième trimestre (octobre-décembre) de son exercice 2018-2019. Une perte sans précédent depuis 2014, dans un univers européen du low cost de plus en plus impitoyable sur le segment du court-courrier. Et l’occasion pour prévenir qu’il réorganisait l’entreprise et prenait de la hauteur, plus que du recul.

Le président du conseil d’administration, David Bonderman, passera la main à un administrateur, Stan McCarthy, au cours de l’été 2020. M. O’ Leary dirigera la holding de tête jusqu’en 2024 et supervisera une réorganisation destinée à rendre le transporteur plus efficace et plus rentable. Il comportera quatre compagnies dotées de leur propre équipe de direction : Ryanair DAC en Irlande, Ryanair UK pour préparer le Brexit, Laudamotion en Autriche et Ryanair Sun en Pologne. M. O’Leary dit s’inspirer du géant britannique IAG, qui abrite plusieurs compagnies (British Airways, Iberia, Aer Lingus…) et affiche de solides résultats. Il entérine surtout une structure qui se dessinait en 2018.

Si les derniers résultats sont « décevants », a-t-il expliqué, c’est « entièrement dû à des tarifs plus faibles que prévu pour faire profiter [leurs] clients de prix qui n’ont jamais été aussi bas ». Ces pertes étaient attendues, puisque la guerre des promotions a fait rage à la fin de l’année et que Ryanair avait alors publié un avertissement sur résultats. En décembre 2018, le billet moyen aller-simple valait moins de 30 euros (– 6 % sur un an). Comme ses concurrents, Ryanair tente de se rattraper sur le nombre de passagers, qui a atteint 33 millions entre octobre et décembre 2018 (+ 8 %).

Objectif de 200 millions de passagers en 2024

Ryanair reste rentable, même s’il doit encaisser les hausses de salaires arrachées par ses pilotes et ses personnels de bord après les grèves de 2018, ainsi que la hausse du prix du kérosène. Il table sur un bénéfice 2018-2019 situé entre 1 milliard et 1,1 milliard, en fort recul par rapport à l’exercice précédent (1,45 milliard), et réaffirme son objectif de 200 millions de passagers en 2024, contre 139 millions en 2018. Elle est mieux armée que d’autres : sept petites compagnies européennes ont jeté l’éponge depuis l’été 2018 ; d’autres cherchent des capitaux ou un repreneur. Faute d’avoir été rachetée par IAG, Norwegian Air Shuttle (long-courrier à bas coûts) vient de lever 309 millions. La britannique Flybe a aussi besoin d’argent frais et l’allemande Germania vient de déposer le bilan.


Lire la suite : Ryanair : « Quand Michael O’Leary coupe son avion en quatre »


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La révolution numérique et la loi Pacte vont bouleverser le marché de l’expertise-comptable et du commissariat aux comptes, explique la chercheuse Marie Caussimont dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Les professionnels du chiffre vont devoir d’urgence réinventer leur offre, et les commissaires aux comptes sont les premiers concernés. La loi Pacte, en cours de finalisation au Parlement, va en effet autoriser trois entreprises sur quatre à cesser de faire certifier leurs comptes pour en garantir la sincérité. La mesure est censée alléger les contraintes des PME. Mais la loi va mettre fin à un marché qui était acquis aux commissaires aux comptes, les obligeant, pour survivre, à proposer aux PME des services innovants.

La situation va s’avérer dramatique pour les jeunes professionnels, endettés pour financer leur installation. Selon toute vraisemblance, les « Big 4 », ces cabinets internationaux qui auditent les grandes entreprises, seront les moins touchés par la loi ; ils pourront acheter à bon compte les indépendants mis en difficulté. Un fort mouvement de concentration s’amorce. La profession estime à 6 500 le nombre d’emplois qui seront supprimés.

Les cabinets d’expertise comptable sont eux aussi à un tournant, en raison de la numérisation des documents comptables. Beaucoup de PME étaient en effet restées très tardivement au « tout papier ». Ce ne sera plus possible. Depuis le 1er janvier, celles qui travaillent avec des clients du secteur public sont tenues de facturer par voie électronique. Dans un an, les TPE seront à leur tour concernées. On peut imaginer qu’une fois le pli pris, elles numériseront aussi les documents concernant leurs clients privés, d’autant que les banques leur fournissent dorénavant des relevés de compte électroniques. Pourquoi accepteraient-elles, dès lors, de continuer à payer des cabinets d’expertise comptable pour saisir manuellement des données ?

Une croissance exponentielle

Ce travail occupait une partie importante du temps des employés des cabinets et nécessitait des compétences techniques et une grande minutie. Il sera vite réduit à peu de choses. Les quelque 70 000 emplois du secteur en deçà de bac + 3 seront les premiers concernés. Déjà, ces personnels qui composaient les trois quarts de l’effectif de la branche en 1996 n’en constituaient plus que la moitié en 2014. Le mouvement devrait s’accélérer. Aux Etats-Unis, où la numérisation est beaucoup plus avancée, l’industrie comptable n’a absorbé en 2016 que 35 000 des 79 000 nouveaux diplômés.

« La situation va s’avérer dramatique pour les jeunes professionnels, endettés pour financer leur installation »


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