L’e-commerce pénalisé par les « gilets jaunes » en 2018

Economie

En 2018, 92,6 milliards d’euros ont été dépensés sur les sites de commerce en ligne en France, soit une progression forte, mais en deçà des prévisions. Le manque à gagner porterait sur 600 millions d’euros.

Le commerce en ligne a-t-il bénéficié des blocages des magasins liés aux manifestations des « gilets jaunes », fin 2018 ? « Non, il n’y a pas eu de transfert des magasins vers Internet », répond Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), chiffres à l’appui : 92,6 milliards d’euros ont été dépensés sur les sites de commerce électronique en France en 2018, selon le bilan de la Fevad, publié mardi 5 février. Soit une progression de 13,4 % sur un an, proche de celle de 2017 (+ 14,3 %) ; 1,5 milliard de transactions ont été effectuées sur l’année (+ 20,7 %), ce qui équivaut à quarante commandes par cyberacheteur pour environ 2 400 euros par an ; 38,2 millions d’internautes ont déjà commandé en ligne, soit 88,2 % d’entre eux, selon les données publiées, mardi, par Médiamétrie.

Le mouvement des « gilets jaunes » a même eu une incidence négative sur les ventes de l’e-commerce, avec un manque à gagner de 0,7 point de croissance par rapport aux prévisions, soit l’équivalent de 600 millions d’euros. La progression des ventes n’a cessé de diminuer jusqu’à la fin de 2018 : + 16 % au mois d’octobre, + 14 % au mois de novembre, + 8 % en décembre.

« Juste avant Noël, les magasins ont eu un peu l’avantage, car la probabilité de se faire livrer à temps était faible », avait indiqué Emmanuel Le Roch, délégué général de la fédération pour la promotion du commerce spécialisé Procos, lors d’une conférence, le 18 janvier. « L’évolution d’Internet dans nos enseignes, c’est, en général, une augmentation de 14 % par an, avait-il ajouté. Mais, là, l’augmentation des ventes en décembre [2018] n’a été que de 8,9 %. Il n’y a pas eu de report sur les achats en ligne, d’autant que les sites avaient les mêmes problèmes d’accès aux points de livraison. » Selon Procos, il aurait fallu une hausse de 27 % du chiffre d’affaires sur le Web « pour compenser la baisse de 3,9 % de l’activité magasin, car les ventes du Net ne pèsent qu’à hauteur de 15 % dans le chiffre d’affaires des enseignes ».

Baisse du prix moyen d’un panier

Une tendance, en revanche, se poursuit : la baisse, amorcée depuis 2012, des montants d’achat par transaction sur Internet. Encore à 70 euros en 2016, le prix moyen d’un panier a été ramené à 61,60 euros en 2018, soit 6,1 % de moins qu’un an plus tôt. Au quatrième trimestre, il a même diminué de 6,8 % par rapport à la même période de 2017. Cette baisse reflète la « banalisation des achats en ligne », d’après M. Lolivier. Mais pas seulement. « Avec la multiplication des offres d’abonnement à une livraison illimitée, l’absence de frein des frais de ports désinhibe l’achat de petits articles, qui n’auraient pas été rentables sans cela, poursuit-il. Il y a aussi le développement des sites de commerce en ligne asiatiques, comme Wish ou AliExpress, où les paniers moyens sont moins importants. » Le tout, dans un contexte où, « avec le pouvoir d’achat au centre des préoccupations, les gens vont chercher des petits prix sur Internet ».

Dans ce grand centre commercial qu’est devenu Internet, la majeure partie des achats se fait de plus en plus par le biais des outils mobiles (smartphone, tablette), plutôt qu’au travers de l’ordinateur : « 80 % des quinze premiers sites d’e-commerce voient la part de leur trafic mobile dépasser celle de l’ordinateur. Et, pour certains, plus de 35 % du chiffre d’affaires est réalisé au travers du mobile », constate M. Lolivier.

Une offre toujours plus importante

Les ventes en ligne augmentent avec une offre toujours plus importante et de très grandes enseignes qui accélèrent les achats à distance. Ikea vient d’inaugurer un entrepôt de 50 000 m² à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), qui fournira ses commandes en ligne. Les grandes surfaces alimentaires développent à toute vitesse des points de retrait pour les courses commandées en ligne. Une enquête du spécialiste des sites d’e-commerce Oxatis, publiée mardi, montre que 60 % des PME constatent une progression de plus de 10 % du chiffre d’affaires en magasin à la suite du lancement de leur site Web, car celui-ci « permet d’élargir immédiatement les zones de chalandise, non seulement de manière locale, mais aussi à l’international. Les e-commerçants exportent cinq fois plus que la moyenne des entreprises françaises », indique Oxatis. 

La Fevad s’attend à 104 milliards d’euros de transactions en 2019, soit 12,2 % de plus qu’en 2018, malgré, précise-t-elle, les incertitudes qui pèsent sur l’évolution de la consommation des ménages en 2019.


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