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La plate-forme américaine a annoncé un accord avec les organisateurs des Jeux olympiques. Au grand désarroi de la Mairie de Paris, qui accuse la start-up d’être responsable de la hausse des loyers dans la capitale, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde », dans sa chronique.

Pertes et profits. Les réservations peuvent démarrer ; l’hôtelier a été choisi. Pour les Jeux olympiques qui se dérouleront à Paris à l’été 2024, l’hébergeur s’appellera Airbnb. Scandale place de l’Hôtel-de-Ville. La Mairie, qui a tant fait pour décrocher le Graal des JO, se retrouve affublée de son meilleur ennemi : la plate-forme américaine de location d’appartements. Anne Hidalgo avait pourtant pris sa plus belle plume pour écrire au Comité international olympique (CIO) afin de le dissuader de signer avec la start-up californienne.

Las ! Thomas Bach, le patron du CIO, n’a pas tenu compte de l’avertissement. Lundi 18 novembre, à Londres, Airbnb a annoncé un partenariat avec les organisateurs des JO, qui verra le groupe fournir des logements en grand nombre pour les athlètes et autres dirigeants des instances olympiques. Et pas seulement pour Paris, mais pour les quatre autres villes qui accueilleront les JO d’été et d’hiver entre 2020 et 2028 (Tokyo, Pékin, Milan et Los Angeles). Selon le Financial Times, le coût total serait de 500 millions de dollars (environ 450 millions d’euros). Une somme gérable pour une entreprise disposant de 3,5 milliards de dollars de liquidités.

L’engagement est considérable, mais il offre l’occasion à Airbnb de restaurer son image, à l’approche d’une introduction en Bourse prévue en 2020. Car le chien fou de San Francisco a bien détruit le jeu de quilles ordonné de l’hébergement touristique dans le monde. Et notamment à Paris, où il propose près de 80 000 logements, soit l’équivalent de toute la capacité hôtelière de la capitale. Il a eu d’autant plus de facilité que l’offre classique y est concentrée sur les trois et quatre-étoiles, aux prix bien supérieurs.

Perte de population des arrondissements centraux

Les touristes ont adoré, la Mairie, beaucoup moins. Selon elle, la plate-forme est responsable de l’augmentation des logements vacants à Paris, passés de 14 % du total en 2011 à plus de 17 %. Une hausse responsable de la raréfaction des logements, du renchérissement des loyers et de la perte de population des arrondissements centraux.

Un vrai sujet attisé par l’arrivée de professionnels sans scrupule achetant uniquement pour louer en Airbnb. La pratique est interdite et le nombre de nuitées, limité à 120 par an. Mais les tensions demeurent. Elle illustre la difficile compatibilité entre le dynamisme économique et la qualité de vie, notamment pour les personnes aux revenus modestes chassées des centres-villes.


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L’Assemblée nationale a voté en première lecture la fin de la possibilité d’étalement sur quatre ans des indemnités perçues dans ces circonstances, explique Jean-Yves Mercier, avocat honoraire, membre du Cercle des fiscalistes.

Aujourd’hui, les salariés qui partent volontairement à la retraite en dehors du cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi sont imposables sur le montant total de l’indemnité qu’ils perçoivent. Ceux qui sont mis à la retraite par leur employeur bénéficient d’une exonération qui, dans un certain nombre de situations, ne couvre qu’une fraction seulement de leur indemnité.

Le revenu imposable de l’année du départ se trouve alors augmenté d’une somme qui, en raison du caractère progressif du barème, élève le taux effectif d’imposition du foyer à un niveau supérieur à ce qu’il était ordinairement.

Deux formules

Pour atténuer ce ressaut, la loi offre actuellement au salarié partant volontairement à la retraite le choix entre deux formules suivantes :

  1. Il peut demander que l’impôt correspondant à son indemnité soit calculé en ajoutant à son revenu ordinaire le quart de cette indemnité. Le supplément qui résulte de ce calcul est ensuite multiplié par quatre pour obtenir le montant de l’impôt effectivement dû sur ce supplément. Ce système, dit du quotient, produit l’effet favorable qu’illustre l’exemple ci-après. Une indemnité de 30 000 euros s’ajoute au revenu ordinaire du foyer s’élevant à 40 000 euros. Sur un revenu 2019 de 70 000 euros, l’impôt s’élèvera à 9 154 euros pour un ménage sans enfant ; sur un revenu de 40 000 euros, à 1 930 euros. En ajoutant le quart de l’indemnité (7 500 euros) à 40 000 euros, l’impôt s’établit à 3 033 euros, soit 1 103 euros de plus que l’impôt calculé sur le revenu ordinaire de 40 000 euros. Le système du quotient permet donc de fixer à 4 412 euros (1 103 x 4) l’impôt grevant l’indemnité et de limiter ainsi la dette globale à 6 342 euros (1 930 euros + 4 412 euros) au lieu de 9 154 euros.
  2. Le salarié partant peut aussi demander l’étalement sur quatre ans de l’imposition de son indemnité. Il en rattachera alors le quart à ses revenus de l’année de la perception (il sera alors taxé au titre de ladite année sur 47 500 euros dans notre exemple) et rattachera un nouveau quart de l’indemnité à son revenu de chacune des trois années suivantes. Cette formule lui offre l’avantage de lisser sur quatre ans le paiement de l’impôt grevant son indemnité et, chaque fois que le montant de sa retraite est moins élevé que son ancien revenu d’activité, de réduire sa facture totale : le rattachement des trois quarts de l’indemnité à des revenus qui sont en baisse conduit à alléger le taux d’imposition de l’indemnité de départ.

Le salarié mis à la retraite n’a droit au système du quotient (première formule ci-dessus) que si la fraction imposable de son indemnité dépasse la moyenne de ses revenus imposables des trois années précédentes. Cette situation se rencontre rarement. A défaut, il ne dispose que de la faculté d’étaler sur quatre ans l’imposition de cette fraction imposable (seconde formule).

Application à partir du 1er janvier 2020

Un aménagement est introduit par la loi de finances pour 2020 en cours d’examen. L’article 7 du projet de loi de finances pour 2020, tel qu’il vient a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoit de mettre fin à la possibilité d’étalement sur quatre ans de l’une et l’autre des deux indemnités susvisées, mais de n’y mettre fin que pour les indemnités qui seront perçues à compter du 1er janvier 2020. 

Aspect positif de la mesure, les contribuables qui, en 2018 ou antérieurement, ont encaissé des indemnités qu’ils avaient choisi de soumettre au régime de l’étalement continueront jusqu’à son terme le rattachement par quarts de l’indemnité imposable. Leur situation n’est donc pas affectée par la réforme.

Les bénéficiaires d’une indemnité perçue en 2019 auront encore le droit de se prévaloir du régime d’étalement. Du fait de l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, l’employeur aura appliqué à cette indemnité une retenue correspondant au taux effectif d’imposition de son salarié pour l’année 2017 (indemnités versées au cours de la période 1er janvier 2019 – 31 août 2019) ou à son taux effectif d’imposition pour l’année 2018 (période septembre – décembre 2019).

Cette retenue a toutes chances de faire apparaître que le bénéficiaire a trop versé par rapport à l’impôt qu’il doit sur son revenu 2019, incluant seulement, par hypothèse, le quart de l’indemnité. Le fisc lui remboursera ce trop versé au vu de la déclaration qu’il souscrira au printemps 2020. L’impôt afférent aux trois derniers quarts imposables de l’indemnité, rattachés aux revenus des années 2021 à 2023, sortira ainsi en définitive du régime du prélèvement à la source : il sera acquitté avec un décalage d’un an comme il était de règle avant la mise en application de ce régime.

Ressaut d’imposition

C’est le sort des indemnités qui vont être perçues à compter du 1er janvier 2020 qui s’assombrit. Les bénéficiaires d’une indemnité de départ volontaire n’auront plus le choix : seul le système du quotient leur sera accessible dorénavant. Les titulaires d’une indemnité de mise à la retraite en tout ou partie imposable vont quant à eux se trouver pratiquement privés du moyen d’atténuer le ressaut d’imposition lié à la perception de ce revenu de caractère exceptionnel : l’étalement sur quatre ans leur sera interdit et le recours au système du quotient leur sera de fait inapplicable, comme précédemment.

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour apercevoir qu’un salarié placé devant la possibilité d’un départ proche qu’il peut fixer dès la fin de l’année 2019 a normalement tout intérêt à ne pas attendre 2020 pour partir et encaisser son indemnité.

L’exposé des motifs présenté par le gouvernement pour justifier l’aggravation dont nous parlons souligne que le régime d’étalement n’est pas adapté au contexte du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Un correctif qui avait sa justification

Il fait ainsi allusion au phénomène relevé ci-dessus : l’employeur est tenu d’appliquer à l’indemnité versée un montant de prélèvement susceptible d’excéder la dette d’impôt qui sera définitivement à la charge du contribuable pour l’année de perception de son indemnité après son option pour l’étalement tandis que le remboursement du trop versé aboutit à ce que les trois derniers quarts de l’indemnité échappent ensuite à l’emprise du prélèvement.

Les contribuables concernés goûteront certainement l’humour de cette explication en constatant que, pour sauvegarder la pureté du mécanisme du prélèvement à la source, on préfère les priver radicalement d’un correctif qui avait pourtant sa justification.

Reste à espérer que, dans le cadre de la discussion parlementaire en cours, une attention particulière sera prêtée aux salariés mis à la retraite. Pour rendre leur situation comparable à celles de ceux qui partent volontairement à la retraite, et il serait justifié qu’il en soit ainsi, il faut leur ouvrir la possibilité de demander le bénéfice de la formule du quotient alors même que la fraction imposable de leur indemnité n’excède pas la moyenne de leur revenu imposable des trois dernières années.

Jean-Yves Mercier(Avocat honoraire, membre du Cercle des fiscalistes)


Source : Vers un traitement fiscal plus dur des indemnités de départ volontaire en retraite ou de mise à la retraite ?


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Le vieillissement de la population contraint tous les secteurs à revoir leur copie pour s’adresser à cette cible. Une manne devenue stratégique.

Planète grise (2/6). Plus aucun chef d’entreprise ne peut ignorer les mutations démographiques à l’œuvre en France. A l’horizon 2040, le pays comptera 10,6 millions de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 6 millions aujourd’hui, d’après les projections établies par l’Insee. Financement des systèmes de retraite et de santé, défi de la grande dépendance…, les craintes sont nombreuses. Mais que peut-on espérer en matière d’emploi ou de produit intérieur brut ?

La « silver économie », c’est-à-dire l’ensemble des marchés, activités de services et ventes de produits liés aux personnes de plus de 60 ans, représente aujourd’hui environ 8 900 milliards de dollars (8 040 milliards d’euros) par an en agrégeantl’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. Ce qui, virtuellement, en fait l’équivalent de la troisième puissance économique de la planète, derrière les Etats-Unis et la Chine, selon Natixis. Ce mastodonte pourrait atteindre 24 500 milliards de dollars d’ici à 2050.

« Tous les secteurs économiques sont concernés par le vieillissement de la population », prévient Sophie Schmitt, consultante chez Seniosphère, un cabinet spécialisé dans le marketing auprès des personnes âgées. En vue de l’adoption d’une loi sur la perte d’autonomie, le gouvernement va organiser en fin d’annéeune grande conférence sociale autour des métiers du grand âge. Il y a urgence. En effet, la France doit pourvoir 92 300 emplois d’aides auprès des personnes âgées dans les cinq ans. Le secteur privé est aussi mobilisé. Beaucoup d’entreprises travaillent à l’élaboration de produits et de services adaptés aux retraités, jugés actifs jusqu’à l’âge d’environ 75 ans.

Pour nombre de secteurs, cette population constitue d’ores et déjà une manne. Car, en France, ces consommateurs sont plus aisés que d’autres : le niveau de vie médian des personnes de 65 à 74 ans atteint 22 620 euros par an, soit près de 9 % de plus que pour l’ensemble des Français, à en croire les statistiques de l’Insee datées de 2017.

Les seniors font par exemple la fortune de l’industrie de la croisière. En 2018, ils ont représenté «20 % des 29 millions de croisiéristes dans le monde», signale Erminio Eschena, président pour la France de l’Association internationale des compagnies de croisières. Si leur panier moyen est identique à celui d’autres clients, ils présentent le grand avantage de réserver des voyages plus longs. D’où l’offre du britannique Cruise & Maritime Voyages (CMV), qui propose des tours du monde en cent vingt-trois jours.


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Pour l’économiste Benjamin Coriat, des modèles alternatifs de propriété intellectuelle peuvent faciliter l’accès aux traitements des « personnes négligées », au Sud comme au Nord.

Benjamin Coriat est économiste à l’université Paris-XIII, spécialiste des questions de propriété intellectuelle et d’innovation, et membre du collectif Les Economistes atterrés. De 2000 à 2010, il a coordonné au sein de l’Agence nationale de la recherche contre le sida (ANRS) les études socio-économiques sur l’accès aux soins dans les pays en développement. Ses recherches actuelles portent sur les alternatives au système de la propriété intellectuelle, en particulier sur le modèle des communs fondé sur une économie collaborative. Il a publié, en 2018, Vers une république de biens communs ? (éd. Les liens qui libèrent).

Quels sont les effets sur la santé publique du système de propriété intellectuelle en matière de médicament ?

Le scandale de l’accès aux médicaments antirétroviraux contre le sida à la fin des années 1990 a contraint les industriels à accepter la production de médicaments génériques, ce qui a permis de traiter les patients des pays du Sud. Le coût du traitement est ainsi passé de 14 000 dollars(12 700 euros) par personne et par an pour les médicaments brevetés – trois fois le revenu annuel moyen dans la plupart des pays africains – à 140 dollars par personne et par an avec les génériques. Mais ces compromis concernent uniquement la première génération de médicaments antirétroviraux et non ceux commercialisés depuis 2005, dont les patients ont pourtant besoin en raison de l’émergence de virus résistants.

Ces antirétroviraux de deuxième génération sont vendus au prix fort par l’industrie pharmaceutique au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ce qui l’oblige à établir des priorités parmi les patients et les maladies à traiter. Outre les médicaments contre le sida, le problème existe pour d’autres médicaments, notamment avec le sofosbuvir, le traitement commercialisé par Gilead contre l’hépatite C, hors de portée des patients de la plupart des pays du Sud. De plus, comme l’industrie pharmaceutique reste maîtresse du marché du médicament, elle maintient l’opacité sur les prix. On a une situation où les médicaments sont vendus à des prix très variables suivant les pays, en faisant en sorte d’accorder à chacun une ristourne suffisante pour éviter la formation de coalitions.

Vous vous intéressez à un modèle alternatif à celui de la propriété intellectuelle exclusive, le PDP (« product development partnership »). De quoi s’agit-il ?

C’est un modèle qui a surgi avec la globalisation des épidémies, après la prise de conscience de la situation des patients des pays en développement, qu’il s’agisse des malades du sida ou de ceux atteints par des maladies négligées dans lesquelles l’industrie pharmaceutique n’investit pas, faute de marchés rentables.


Lire la suite : Benjamin Coriat : « Il est possible de développer des médicaments en se démarquant du système des brevets »