Dans sa chronique, Michel Noblecourt, éditorialiste au « Monde », analyse les difficultés des responsables syndicaux et politiques à se placer dans une démarche de conciliation.
Chronique. Si la contestation syndicale contre la réforme des retraites provoque de fortes perturbations, notamment dans les transports, elle a un autre effet, porteur de menaces pour l’avenir de la démocratie sociale, c’est la grève du compromis. A la différence de l’Allemagne ou des pays scandinaves, la France n’a pas la culture du compromis. Dans une large mesure, son syndicalisme, d’abord révolutionnaire, s’est construit sur un rejet du système capitaliste. Pourtant, en juin 1936, pour mettre fin aux « grèves joyeuses » qui s’étaient poursuivies après la signature des accords Matignon, Maurice Thorez affirmait, dans un célèbre discours, qu’il fallait « savoir terminer une grève ». « Il faut même savoir consentir à un compromis, insistait le secrétaire général du Parti communiste (PCF), si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées, mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications. »
Dans le même esprit, Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, avait martelé, lors du 40e congrès confédéral, celui de « l’ouverture », en novembre 1978 à Grenoble, que « toute amélioration du niveau de vie et des conditions de travail, aussi minime soit-elle, toute extension même partielle des droits démocratiques des travailleurs (…) sont autant de jalons placés sur la voie du progrès social et démocratique ».
En 1992, Louis Viannet avait inscrit ses pas dans ceux de son prédécesseur. En décembre 2009, au congrès de Nantes, Bernard Thibault proclamait que l’ambition de la CGT était de « participer par l’action à un processus de transformations sociales progressives ». Mais il avait dû batailler dur pour faire admettre l’utilité de la négociation dans la recherche du résultat « le plus favorable » aux salariés. Et les congressistes avaient refusé d’entériner le mot « compromis ».
Ligne jusqu’au-boutiste
En 2013, la CGT a entamé sa grève du compromis, en campant sur une opposition frontale et en rejetant tous les accords nationaux interprofessionnels alors que ses syndicats en signent 85 % dans les entreprises. Ephémére secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon, qui professait que « le mot compromis n’a rien de malsain » et n’est pas de la « compromission », avait voulu, en décembre 2013, signer un accord sur la formation, mais il avait été mis en minorité par sa négociatrice, Catherine Perret, devenue depuis numéro deux de la centrale.
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