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Les vins français doivent-ils craindre une nouvelle taxe Trump ?
Donald Trump l’a promis à ses électeurs : les droits de douane vont augmenter pour tous les produits. Quel impact cela pourrait-il avoir sur la filière vinicole française ? Tout dépendra du montant finalement retenu de la taxe. Plus fondamentalement, les entreprises du secteur doivent prendre acte de la démondialisation en cours et revoir la carte mondiale de leurs clients.
Lors de sa campagne aux élections présidentielles américaines, Donald Trump a affiché une féroce volonté protectionniste. Ce n’est plus seulement la Chine qui est dans son collimateur, mais le monde entier. Pour les échanges commerciaux, Trump 2 sera vraisemblablement pire que Trump 1. Dès lors, que doit craindre la viticulture française dans ce contexte ?
Encore traumatisée par la taxe Trump de 25 % d’octobre 2019 à mars 2021, la filière française anticipe de nouvelles difficultés pour exporter ses vins vers les États-Unis. La comparaison entre la précédente taxe Trump et ce qui est annoncé par le futur président américain laisse cependant un peu d’espoir. Deux éléments risquent de changer la donne : le montant de la nouvelle taxe et son périmètre, à savoir les pays qui seront touchés par cette taxe.
Un certain flou
Il existe un certain flou sur le montant des droits de douane qui seront imposés aux vins importés aux États-Unis. Le chiffre le plus courant annoncé par Trump se situe entre 10 et 20 % pour tous les produits non chinois (60 % pour les produits chinois). 10 % ou 20 % ce n’est pas bien entendu la même histoire. On peut espérer cependant que le montant finalement retenu soit plutôt autour de 10 %.
Sinon l’effet inflationniste sur l’économie américaine serait trop important. Les économistes ont du mal à imaginer comment les consommateurs américains pourraient accepter un choc de 20 % de hausse des prix des produits importés. Surtout après la période inflationniste qu’ils viennent de subir. Des droits de douane trop élevés seraient donc très impopulaires, même si Trump fait le pari d’augmenter le revenu des ménages américains via des baisses de prélèvements et d’impôts financés par ces droits de douane afin de maintenir le pouvoir d’achat de ses concitoyens.
600 millions perdus
Le périmètre de la taxe Trump de 2019 était limité à trois pays : la France, l’Espagne et l’Allemagne, soit les trois pays du consortium Airbus. La mise en place de la taxe s’inscrivait dans le cadre d’un litige entre les États-Unis et l’UE sur la question aéronautique. Les droits de douane prévus lors de cette seconde mandature vont toucher tous les pays, ce qui constitue un changement profond.
Car si les vins français ont tant souffert en 2019, avec 40 % de ventes perdues et un manque à gagner estimé à 600 millions d’euros, c’est aussi qu’il y a eu d’importants effets de report des consommateurs américains vers d’autres vins importés. En particulier vers les vins rouges italiens, déjà leaders aux États-Unis. Pour le dire autrement, les Italiens ont été les grands gagnants de la taxe Trump. Pour les vins blancs, ce sont les Néo-Zélandais qui ont profité de la taxe. Cette fois, tout le monde devrait être touché. Les gagnants ne pourront être que les vins américains, qui, par définition, seront les seuls à ne pas être taxés.
Quel serait l’effet d’une taxe de 10 % touchant tous les vins importés aux États-Unis ? L’expérience montre qu’une partie de ces 10 % sera absorbée par la chaîne d’intermédiaires allant du producteur au consommateur, chacun acceptant une baisse marginale de son prix. Chacun (importateurs, grossistes, détaillants) souhaitant conserver sa part de marché, on peut imaginer que la hausse finale de prix sera inexistante ou extrêmement limitée. C’est ce qu’on appelle un comportement de marge, classique en cas de variation des taux de change ou de droits de douane. Une taxe de 10 % ne fait donc pas craindre d’effondrement de marché pour les vins français sur le marché des États-Unis. L’effet volume serait très contenu, mais la marge légèrement rognée.
Le danger d’une taxe de 20 %
L’équation se compliquerait cependant avec une taxe qui serait fixée à 20 %. Trop importante pour que des comportements de marge gomment l’effet de la fiscalité sur le prix final au consommateur. Dans ce cas, une hausse des prix finaux, dont l’ampleur dépendra du taux d’absorption par la chaîne d’intermédiaires, est inévitable. Les grands gagnants seront les producteurs américains vers lesquels se tourneront les consommateurs locaux.
Pour les vins français, l’effet dépendra de la sensibilité des consommateurs américains aux prix. Les vins les plus chers, qui sont aussi les plus demandés et les plus « uniques », sont toujours moins sensibles aux variations de prix. En revanche, les vins d’entrée et de milieu de gamme, qui sont le plus soumis à la concurrence, verront leur demande diminuer sensiblement.
Buvez Trump ?
Donald Trump étant lui-même producteur de vin, en concurrence avec les vins européens, une taxe supérieure à 10 % pour le vin n’est pas à exclure. Ce n’est pas le scénario privilégié pour autant. La politique économique américaine semble en fait surtout orientée vers l’industrie. L’idée des droits de douane s’inscrit dans la continuité de celle de l’Inflation Reduction Act (IRA), initiée par le démocrate Joe Biden. Ces politiques ont pour objectif de créer une incitation économique forte à l’installation de l’industrie mondiale sur le sol américain. Le vin devrait donc passer sous les radars.
Néanmoins, malgré des effets attendus limités pour la filière vin française, cette nouvelle annonce protectionniste contribue au sentiment latent de démondialisation. Le marché russe s’est fermé avec la guerre en Ukraine. Le marché chinois impose des taxes aux brandys européens (essentiellement le Cognac à l’export) de 35 %.
L’accès aux grands marchés semble donc très précaire et on ne voit pas d’amélioration à court terme. Au-delà de Trump, il est grand temps d’acter cette démondialisation. De comprendre que les flux d’exports doivent significativement se réorienter vers des pays où la fiscalité serait plus propice aux échanges. De nombreux pays en Asie, en Afrique, en Amérique latine constituent des réservoirs potentiels de consommateurs. Les Européens sont à reconquérir également, mais avec des vins différents. Le marketing doit donc s’adapter à cette nouvelle donne internationale.
Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, INSEEC Grande École
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.