Quel serait le prix du Groenland s’il était à vendre ?

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The Conversation

Quel serait le prix du Groenland s’il était à vendre ?

Susan Stone, University of South Australia et Jonathan Boymal, RMIT University

Si les États-Unis rachetaient le Groenland, comment son prix serait-il fixé ? Des méthodes existent pour évaluer le prix des entreprises et d’autres actifs. Pour une économie entière, ce serait plus compliqué, et pas seulement pour des raisons financières. Des considérations politiques seraient à prendre en compte. La souveraineté n’aurait-elle pas de prix dans le monde moderne ?


Si vous avez manqué l’information, sachez que, ces dernières semaines, le président élu des États-Unis, Donald Trump, a exprimé à nouveau, à plusieurs reprises, son souhait que les États-Unis prennent « la propriété et le contrôle » du Groenland – un territoire autonome du royaume du Danemark.

C’est en 2019 que Trump a lancé pour la première fois l’idée que les États-Unis pourraient faire l’acquisition du Groenland. À l’époque, il avait fait valoir, à juste titre, qu’il n’était pas le premier président américain à avancer une telle proposition.

De nos jours, les ventes de territoires entre pays sont rares. Reste à savoir si, avec Trump, une transaction de ce type se reproduira. Dans ce cas de figure, une question se poserait : comment déciderait-on de ce qu’il faut payer pour l’ensemble d’un État, d’un territoire ou d’une nation ?

Pas une idée nouvelle

Les États-Unis ont porté un grand intérêt à la position stratégique du Groenland depuis les premiers jours de la guerre froide. En 1946, le président de l’époque, Harry Truman, a proposé d’acheter le territoire danois pour 100 millions de dollars en or. Il est rapporté que les Danois ont eu à peu près la même réaction à cette offre qu’en 2019, et à nouveau en 2025 : « Non, merci. »

Si aujourd’hui l’achat d’un territoire par une nation souveraine à une autre peut apparaître comme une idée étrange, il ne faut pas oublier que cela s’est produit de nombreuses fois dans le passé. Ainsi, au début du XIXe siècle, les États-Unis ont acheté de vastes territoires durant leur expansion vers l’ouest. Cela comprenait « l’achat de la Louisiane » à la France en 1803 pour 15 millions de dollars américains, soit l’équivalent de 416 millions de dollars américains en valeur de 2024.

Environ un demi-siècle plus tard, après la guerre américano-mexicaine, les États-Unis ont payé le Mexique pour de grandes quantités de territoires. Les États-Unis ont également acheté l’Alaska à la Russie en 1867, pour 7,2 millions de dollars américains (plus de 150 millions de dollars américains actuels).

Et ils ont acquis les îles Vierges américaines du Danemark en 1917 pour 25 millions de dollars en pièces d’or – soit plus de 600 millions de dollars d’aujourd’hui.

Les États-Unis ne sont pas les seuls à avoir eu recours à ce procédé. D’autres pays, comme le Japon, le Pakistan, la Russie, l’Allemagne ou encore l’Arabie saoudite ont tous acheté des territoires et étendu leur juridiction aux personnes qui y habitaient afin de détenir des terres, d’avoir accès à des cours d’eau critiques ou simplement de contrôler des zones tampons géographiques.

La valeur d’un pays

Valoriser un pays (ou un territoire autonome comme le Groenland) n’est pas une mince affaire. Contrairement aux entreprises ou aux actifs financiers, les pays sont composés d’un mélange d’éléments corporels et intangibles qui résistent à une simple mesure économique.

Un point de départ logique est le produit intérieur brut (PIB). En termes simples, le PIB est la valeur de tous les biens et services finaux produits dans une économie au cours d’une période donnée (généralement un an). Mais est-ce que cela reflète vraiment la véritable « valeur » d’une économie ?

Lorsque nous achetons quelque chose, les avantages qui en découlent durent – nous l’espérons – dans l’avenir. Ainsi, baser un prix d’achat sur la valeur produite au cours d’une période donnée peut ne pas refléter de manière adéquate la valeur de cet objet (dans ce cas, une économie entière) pour l’acheteur. Nous devons tenir compte de la capacité de continuer à générer de la valeur à l’avenir.

Les ressources productives du Groenland comprennent non seulement les entreprises, les gouvernements et les travailleurs existants utilisés pour générer son PIB actuel (estimé à environ 3,236 milliards de dollars américains en 2021), mais aussi sa capacité (difficile à mesurer) à changer et à améliorer son PIB futur. Cela dépendra notamment de la productivité attendue de ces ressources à l’avenir.

Il y a d’autres attributs de la valeur qui ne sont pas pris en compte dans le PIB. Il s’agit, par exemple, de la qualité de son capital (humain et infrastructurel), de sa qualité de vie, de ses ressources naturelles et de sa position stratégique.

Valoriser les ressources encore inexploitées

Au-delà de ce qui existe déjà, du point de vue du marché, ce sont les ressources encore inexploitées qui font la valeur du Groenland.

France 24 – 2025.

Le Groenland exploite du charbon depuis des décennies et dispose d’importantes réserves confirmées. Il a été démontré que le sous-sol contient des terres rares, des métaux précieux, du graphite et de l’uranium, ainsi que de l’or, de l’argent, du cuivre, du plomb, du zinc et du marbre. Enfin, il y a le potentiel d’une exploitation pétrolière majeure au large des eaux du Groenland. Rien de ce potentiel ne se reflète dans le PIB actuel du Groenland.

Les actifs nationaux plus faciles à évaluer

Mettre un prix sur un grand bien national, comme le canal de Panama (que Trump veut également faire passer sous contrôle américain), est beaucoup plus facile.

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La théorie de l’évaluation des actifs, qui remonte au XVIII? siècle, est un élément fondamental de la finance en tant que discipline. Si le « modèle d’évaluation des actifs » a évolué au fil du temps, il consiste fondamentalement à estimer les flux de revenus nets futurs d’un actif, sur la base de quelques intrants.

Pour le canal de Panama, il s’agirait d’estimer les revenus nets futurs qui pourraient être générés, en fonction de facteurs tels que les redevances liées à son utilisation et au niveau de trafic prévu. Il faut ensuite soustraire les coûts prévus d’entretien de l’équipement et de tous dommages estimés. Pour déterminer le prix, il faut aussi estimer la probabilité de réaliser réellement ce revenu net.

Finalement, la valeur ou le « prix » d’un tel actif est généralement déterminé en calculant la valeur actuelle de tous ces flux de revenus (nets) futurs.

Les ventes de territoires modernes sont rares

La baisse des ventes territoriales est liée à plusieurs facteurs. Historiquement, les ventes de terres ont souvent davantage profité aux élites dirigeantes plutôt qu’aux citoyens ordinaires.

Dans les démocraties modernes, il est presque impossible de vendre des terres si les citoyens locaux s’y opposent. Les démocraties fonctionnent selon le principe que les biens nationaux doivent servir le peuple, et non les coffres du gouvernement. Vendre un territoire aujourd’hui nécessiterait de démontrer des bénéfices clairs et tangibles pour la population, une tâche difficile en pratique.

La puissance des liens

Le nationalisme joue également un rôle puissant. La terre est profondément liée à l’identité nationale et sa vente est souvent considérée comme une trahison. Les gouvernements, en tant que gardiens de la fierté nationale, sont réticents à accepter des offres, aussi tentantes soient-elles.

À cela s’ajoute une norme internationale forte contre les frontières changeantes, née des craintes qu’un ajustement territorial puisse déclencher une cascade de revendications et de conflits ailleurs.

Dans le monde d’aujourd’hui, l’achat d’un pays ou de l’un de ses territoires n’est peut-être rien de plus qu’une expérience de pensée. Les nations sont des entités politiques, culturelles et historiques qui résistent à la marchandisation.

Le Groenland peut théoriquement avoir un prix, mais la vraie question est de savoir si une telle transaction pourrait un jour s’aligner sur les valeurs et les réalités modernes.

Susan Stone, Credit Union SA Chair of Economics, University of South Australia et Jonathan Boymal, Associate Professor of Economics, RMIT University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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