Douleurs pelviennes chroniques : comprendre leur origine pour mieux les traiter

Santé

La méconnaissance des mécanismes à l'origine des douleurs pelviennes chroniques limite les options thérapeutiques pour les femmes concernées. Studio Romantic/ Shutterstock

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Douleurs pelviennes chroniques : comprendre leur origine pour mieux les traiter

La méconnaissance des mécanismes à l'origine des douleurs pelviennes chroniques limite les options thérapeutiques pour les femmes concernées. Studio Romantic/ Shutterstock
Lydia Coxon, University of Oxford et Katy Vincent, University of Oxford

Les douleurs pelviennes chroniques touchent entre 5 et 26 % des femmes dans le monde. Ces douleurs peuvent être associées à une endométriose (une maladie qui se caractérise par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus) ou à une cystite interstitielle (également appelée syndrome douloureux vésical).

(On parle de cystite interstitielle ou syndrome douloureux vésical quand des douleurs pelviennes chroniques sont associées à un inconfort au niveau de la vessie ainsi qu’à une envie persistante et forte d’uriner et/ou à un nombre élevé de mictions chaque jour, ndlr).

Certaines femmes peuvent aussi souffrir de douleurs pelviennes chroniques sans cause apparente.

Même si de nombreuses femmes souffrent de douleurs pelviennes chroniques, nous ne comprenons pas encore totalement quels sont les mécanismes sous-jacents. Ce qui signifie que les femmes concernées disposent d’options thérapeutiques limitées.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi les mécanismes à l’œuvre dans les douleurs pelviennes chroniques restent inconnus. Entre autres, le fait qu’il existe une grande variabilité dans l’intensité comme dans le type de douleurs ressenties, et ce, même quand les douleurs sont dues à une pathologie bien spécifique.

Ainsi, il arrive que certaines femmes atteintes d’endométriose ne ressentent pas de douleurs pelviennes, quand d’autres vont souffrir de douleurs sévères au quotidien. D’autres encore vont connaître une situation intermédiaire. De plus, la douleur ressentie ne correspond pas à la physiologie de l’endométriose.

Par ailleurs, en cas de douleurs pelviennes chroniques, on peut ressentir différents types de douleurs : pendant les règles, pendant les rapports sexuels, au moment d’uriner ou en allant à la selle. Les personnes qui souffrent de douleurs pelviennes chroniques peuvent être concernées par l’une ou l’autre de ces douleurs, ou par une combinaison de ces différents types de douleurs.

D’autres formes de douleurs chroniques (comme la fibromyalgie ou la neuropathie diabétique) nous ont enseigné que les mécanismes à l’origine de la douleur diffèrent selon les sujets. Et que chacun de ces différents mécanismes induit une réponse spécifique aux traitements.

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En début d’année, nous avons mené des recherches qui ont montré que les douleurs pelviennes chroniques opèrent de manière similaire. Nos travaux ont ainsi révélé que les mécanismes responsables des douleurs pelviennes chroniques semblent varier d’une personne à l’autre.

Les mécanismes de la douleur

Notre étude a porté sur 85 femmes, dont 59 souffraient de douleurs pelviennes chroniques. Parmi ces femmes, 25 souffraient d’endométriose, treize du syndrome de la douleur vésicale, quinze à la fois d’endométriose et du syndrome de la douleur vésicale et six de douleurs sans cause spécifique. Les participantes étaient originaires du Royaume-Uni, des États-Unis et du Portugal. Elles étaient âgées de 18 à 50 ans.

A woman sitting in an office chair holds her stomach in pain.
Les femmes qui souffraient de douleurs pelviennes chroniques présentaient des seuils de douleurs inférieurs en cas de pression sur le bas-ventre et le petit bassin (pelvis). Zetar Infinity/Shutterstock

Pour savoir si le mécanisme qui provoque les douleurs pelviennes diffère réellement selon les personnes, nous avons effectué une série de tests sensoriels qui ont consisté à exposer les participantes à diverses sensations, telles que des vibrations, des sensations de pression, de toucher et différentes températures.

Nous avons également demandé aux participantes quels effets ces sensations avaient sur elles et à quel moment celles-ci devenaient douloureuses. Cela nous a permis d’observer différents circuits nerveux à l’œuvre et d’étudier leur fonctionnement.

Nous avons aussi regardé comment variaient les réponses chez celles qui souffraient de douleurs pelviennes chroniques et chez les autres. Les participantes ont ensuite été regroupées en fonction de leurs profils sensoriels.

L’un des résultats les plus frappants est le fait que les femmes souffrant de douleurs pelviennes chroniques présentaient des seuils de douleur inférieurs à ceux du groupe témoin lorsqu’elles étaient soumises à une pression sur le bas-ventre et le pelvis (ou petit bassin). Cela s’est avéré particulièrement vrai pour celles qui souffraient de douleurs au niveau de la vessie. Cela suggère qu’il y a une communication entre les organes pelviens et la peau qui entraîne une augmentation de la douleur.

Nous avons également découvert que certaines femmes avec des douleurs chroniques étaient moins que les autres à même de détecter les changements de température et qu’elles étaient aussi moins sensibles au toucher. Cette perte dans les fonctions nerveuses suggère que, dans certains cas, les douleurs pelviennes chroniques pourraient être causées par des nerfs endommagés.

Nous avons ensuite examiné les profils sensoriels globaux du groupe souffrant de douleurs pelviennes chroniques pour voir dans quel sous-groupe de douleurs chroniques les personnes concernées s’inscrivaient. Nous avons constaté qu’environ 7 % d’entre elles avaient un profil sensoriel dit « en bonne santé », ce qui signifie que la façon dont elles percevaient les sensations était conforme à ce qu’on pourrait attendre d’une personne en bonne santé.

Environ la moitié des personnes souffrant de douleurs pelviennes chroniques ont été incluses dans le sous-groupe « hyperalgésie mécanique ». Ce qui signifie qu’elles présentaient des modifications dans les parties du cerveau qui traitent la douleur. Cela veut dire que, chez elles, le volume de la douleur était « augmenté » par défaut.

Établir des parallèles dans la douleur

Ces travaux donnent un nouvel aperçu de la complexité des mécanismes à l’origine des douleurs pelviennes chroniques. Ils nous aident à établir des parallèles avec d’autres douleurs chroniques. Ce qui signifie que nous pourrons peut-être utiliser les recherches et les traitements qui ont fonctionné dans ces affections afin de déterminer de nouvelles cibles pour le traitement des douleurs pelviennes chroniques.

Les prochaines étapes de nos recherches consisteront à découvrir quels traitements sont efficaces et pour quelle personne, en fonction du profil sensoriel de la douleur dont la femme souffre et des mécanismes sous-jacents.

Les traitements des douleurs pelviennes chroniques ont une efficacité limitée. Des études montrent, par exemple, que 11 à 19 % des femmes atteintes d’endométriose ne constatent pas de diminution de leur douleur, même après une intervention chirurgicale. Sur la base des résultats de notre étude, une nouvelle approche pourrait permettre de choisir des traitements spécifiques pour chaque femme, en fonction des mécanismes à l’origine de la douleur qu’elle ressent. On peut espérer que cela rendra les traitements plus efficaces.

Étant donné que les douleurs pelviennes chroniques sont très répandues chez les femmes du monde entier et qu’elles ont un impact considérable sur leur qualité de vie et leur bien-être, adopter une approche plus personnalisée des traitements pourrait conduire à une très nette amélioration de la prise en charge pour des millions de femmes.

Lydia Coxon, Postdoctoral Research Assistant in Pain Data Collection and Analysis, University of Oxford et Katy Vincent, Associate Professor, Pain in Women Group, University of Oxford

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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