Les « Googlers », qui dénoncent les tentatives d’intimidation de la direction, estiment avoir le droit de savoir à quoi est utilisé leur travail.
La contestation prend de l’ampleur chez Google. Près de 200 employés ont manifesté, vendredi 22 novembre, devant les locaux de la compagnie à San Francisco pour demander la réintégration de deux salariés placés en congé administratif après avoir organisé des protestations contre les choix de la direction.
Un débrayage limité – Google emploie plus de 45 000 personnes dans la baie de San Francisco – mais hautement significatif : il y a encore deux ans, il aurait été impensable de voir un « Googler »parler publiquement des conditions de travail dans le temple de la tech, encore moins les critiquer. « Nous sommes là parce qu’il s’agit d’un combat pour l’avenir de la technologie, de nos emplois et de notre monde », a expliqué Stephanie Parker, membre de l’équipe « confiance et sécurité » à YouTube – filiale du géant américain –, et l’une des organisatrices du premier mouvement d’ampleur des employés de la firme, le « walk out » du 1er novembre 2018, contre le harcèlement sexuel et la discrimination.
Les deux employés suspendus début novembre, Rebecca Rivers et Laurence Berland, se sont exprimés publiquement lors de la manifestation. Dans l’assistance, en revanche, rares étaient ceux qui acceptaient d’être identifiés. Par peur des représailles. « Plus nous serons nombreux, plus nous serons en sécurité », avance un ingénieur porteur d’une pancarte « Save our culture » – le thème du rassemblement. « Le mieux serait d’avoir un syndicat, confie l’un des organisateurs. Mais nous n’en sommes pas encore là. »
Un « coup mortel » à la culture d’ouverture
Rebecca Rivers est ingénieure de logiciel dans la filiale de Boulder (Colorado). Il lui est reproché d’avoir consulté des documents internes, contrevenant à la nouvelle politique de circulation de l’information, annoncée en mai par Google pour faire échec aux fuites qui se sont multipliées depuis un an sur les projets controversés de la direction. Cette réglementation impose aux employés de demander à leur supérieur un accès aux documents qui ne les concernent pas directement et de justifier de leur « besoin » de le consulter.
« Notre travail pourrait être utilisé d’une manière à laquelle nous n’avons pas donné notre accord »
Pour les protestataires, il s’agit d’« un coup mortel » à la culture d’ouverture et de transparence, qui encourageait les employés à partager codes et projets, au nom de l’innovation et la créativité. « Notre travail pourrait être utilisé d’une manière à laquelle nous n’avons pas donné notre accord, dénonce l’ingénieure Zora Tung. Quand je suis entrée à Google, je savais que j’arrivais dans une compagnie qui faisait de l’argent avec les publicités – aussi problématique que ça puisse être. Mais pas avec les drones de guerre, la surveillance d’Etat, ou les expulsions d’immigrants. »
Lire la suite : « Un combat pour notre monde » : chez Google, la contestation interne s’étend