Pourquoi les touristes à Paris se font attendre pour les JO ?

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Pourquoi les touristes à Paris se font attendre pour les JO ?

Les touristes ne seraient pas au rendez-vous dans les hôtels à l'occasion des JOP. Shutterstock
delaplace marie, Université Gustave Eiffel

Depuis le début du mois de juillet 2024, des médias évoquent une baisse du chiffre d'affaires des restaurants et des commerces à Paris, semblant découvrir ce qu'on appelle l'effet d'éviction. Pourtant nous l'avions évoqué depuis au moins quatre ans, dans plusieurs publications mais également lors de conférences auprès des parties prenantes (l'État avec la DIJOP, la Mairie de Paris, le COJO, etc.). Il semble donc nécessaire de revenir encore et encore sur ce sujet.

La littérature scientifique montre que les précédents Jeux olympiques sont associés à l'éviction de touristes : l'annonce de l'importance de l'événement et la congestion anticipée dissuadent les visiteurs de loisirs ou professionnels de venir dans la ville durant cette période. Ainsi la fréquentation touristique a diminué parfois pendant différents JO, dans des contextes spécifiques cependant (Pékin 2008 au plus fort de la crise des subprimes, Moscou en 1980 avec le boycott des jeux ; à Los Angeles en 1984, les résultats ont été moins bons qu'en 1982, date à laquelle un record de touristes avait été atteint ; Athènes a reçu 20 % de visiteurs en moins pendant les jeux et a perdu 2 millions de touristes en 2004 par rapport à 2002 ; à Londres, de juillet à septembre 2012, le nombre de touristes a diminué de 4% par rapport à la même période en 2011. etc.). Si à Barcelone et à Rio, les JOP ont été associés à une croissance du tourisme, dans le premier cas, la ville n'était pas touristique en 1992 et dans le second (2016) l'été correspondait à la basse saison.

Des touristes dissuadés

Une enquête que nous avons réalisée en 2019 auprès de 1265 touristes à Paris dans quatre des principaux sites touristiques confirmait que Paris ne bénéficierait vraisemblablement pas d'une dynamisation du tourisme avec les Jeux. Seuls 13,1% des touristes indiquaient vouloir venir à Paris pendant les JO en 2024, 50,4 % n'en avaient pas l'intention et 36,5 % étaient indécis ; les touristes domestiques étant légèrement plus nombreux (14,7 %) à vouloir se rendre à Paris en 2024 que les touristes internationaux (12,8 %). De même, à la question, seriez-vous venus en 2019 si les JO avaient eu lieu à cette date, si 54% répondaient de façon positive, ils étaient 46% à répondre par la négative. Nous évaluions ainsi à plus de 715 000, le nombre de visiteurs qui ne seraient pas venus en 2019 et en particulier ceux qui étaient venus pour un motif de tourisme (en juillet 2019, 1 555 663 arrivées hôtelières ont en effet été enregistrées).

La diminution du nombre de touristes, lorsqu'elle est effective, induit des recettes touristiques inférieures à celles attendues, même si les touristes olympiques dépensent en moyenne deux fois plus que les autres. Les bénéficiaires des recettes touristiques sont aussi susceptibles d'être différenciées en termes de destinataires compte tenu des comportements particuliers des touristes sportifs. Les touristes qui viennent pour les JO ont en effet des centres d'intérêt différents des visiteurs «classiques» qui viennent pour découvrir la ville. Le «budget tourisme» est alors transféré et concentré sur les sites des JO et leurs animations au détriment des sites habituels. C'est l'effet de substitution défini comme le remplacement des dépenses dans les principaux sites touristiques par des dépenses associées aux JO et les sites qu'ils ont investis.

Des dépenses substituées

Au Japon, suite à la diminution du nombre de touristes lors des JOP de 1964 par rapport à 1963, les recettes ont été plus faibles que prévu. Seuls les magasins vendant des appareils photo, des transistors et des télévisions portables pour lesquels les entreprises japonaises disposaient d'un avantage compétitif à l'époque ont connu une croissance de leurs ventes.

À Atlanta comme à Sydney, les recettes touristiques ont été moindres que celles qui avaient été annoncées ex ante. À Los Angeles lors des JOP de 1984, les ventes dans les restaurants ont été de 20% à 40% en dessous de leur moyenne annuelle durant la première semaine des jeux et juste au niveau de la moyenne ensuite. 80% des restaurants ont enregistré un déclin de leur activité.

La plupart des attractions dans et autour de Los Angeles ont vu leur chiffre d'affaires se rétracter de 20% à 35% par rapport à un mois de juillet et un mois d'août normal. Les visiteurs à Los Angeles durant les jeux étaient des fans de sports venant pour les JOP et qui ont généré peu de revenus dans les restaurants et les visites. Les petites entreprises de Los Angeles ont connu une diminution de leur vente de 15% à 25%. Les JO ont contribué à cette baisse par la couverture médiatique avant les jeux qui anticipait une forte congestion et une élévation du prix des hôtels et par la non-venue à Los Angeles des touristes californiens en raison des JO.

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À Londres, la directrice générale de l'association de professionnels du tourisme UKinbound indiquait une baisse de fréquentation d'au moins 30% pendant la quinzaine des jeux avec de nombreux magasins, restaurants, théâtres et lieux de divertissement affectés par une baisse significative de leur activité.

La fréquentation des musées en baisse

Les musées sont aussi impactés. Ainsi à Londres, la fréquentation du British Museum qui est une des attractions les plus populaires pour les visiteurs étrangers (visité par 65% des visiteurs étrangers) a diminué de façon importante de juillet à septembre 2012 par rapport aux années précédentes.

*Le nombre de visiteurs du British Museum en juillet, Août et Septembre de 2004 à 2018 *

Source: Delaplace & Schaffar, 2022

Les habitudes des résidents modifiés

Dans les villes touristiques, ces effets d'éviction et de substitution ont une dimension spatiale et temporelle, avec des touristes venant dans les sites des JO mais moins dans les autres sites et des touristes venant les années précédant ou suivant l'évènement.

Enfin, les résidents sont également susceptibles de modifier leurs comportements durant les jeux ; certains quittent la ville pour éviter la congestion associée à l'évènement, d'autres assistent aux compétitions ou les regardent entre amis à la télévision, ce qui réduit les autres types de sorties, et modifient les types de restauration. Ainsi au moment des JO, les résidents consomment davantage de produits de restauration rapide. À Los Angeles, les résidents ont dépensé plus pour les JOP que pour les autres activités de loisirs du sud de la Californie ou de l'extérieur de la région.

À Paris, notre enquête montrait que de nombreux musées et sites touristiques risquaient de voir leur fréquentation diminuer. Les touristes interrogés ayant visité les musées (Rodin, d'Orsay, Centre Pompidou, etc.), les jardins du Luxembourg, Le Père-Lachaise, les Tuileries, Saint-Germain des Prés, le Quartier latin, le Marais indiquaient ne pas prévoir de venir à Paris en 2024… Elle montrait enfin que les touristes qui visitaient beaucoup de lieux incontournables de Paris (Le Louvre, Montmartre, Notre-Dame, les Champs Élysées ou la Tour Eiffel) ne seraient pas venus à Paris en 2019 si les JO avaient eu lieu à cette date et ne comptaient pas venir en 2024 pour les JO de Paris.

La diminution de l'activité des commerces et restaurants parisiens était donc prévisible.

Quel impact à moyen terme ?

Et à plus long terme, peut-on anticiper une croissance du tourisme lié à un effet de notoriété? La littérature montre que la fréquentation touristique ne bénéficie pas toujours à long terme des Jeux olympiques. La notoriété de Paris étant déjà tellement importante, rien n'est moins évident. En revanche, les effets d'image associés aux Jeux olympiques pourraient être plus importants pour la Seine-Saint-Denis, y compris en termes de dynamisation de son tourisme, en raison de son image contrastée et d'une méconnaissance relative de la plupart de ses ressources touristiques. Mais ces effets d'image dépendront du bon déroulement des Jeux.

delaplace marie, professeure des universités, Université Gustave Eiffel

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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