Paris (AFP) - "Je saignais, je saignais, mais le chef de chantier ne voulait pas m'emmener aux urgences parce que je ne suis pas déclaré".
A l'heure de pointe d'une glaciale journée d'hiver, un flot de voyageurs indifférents se déverse aux abords du piquet de grève dressé par la CGT à la station Châtelet-Les Halles.
Au coeur de Paris, 32 ouvriers, presque tous d'origine turque, ont cessé le travail depuis lundi, avec le soutien du syndicat, afin d'obtenir le paiement de 2 à 8 mois d'arriérés de salaire et leur embauche par le groupe Vinci.
Car le géant du BTP est la maison-mère de Sogea TPI, qui s'est vu confier ce chantier par la RATP, avant d'en sous-traiter l'exécution à la société FH Service.
"Avant FH Service, il y a eu FC 10 et encore avant, France Ouvrage et Inter Travaux. Toutes ces sociétés ont le même gérant : en un an et demi, elles ont fermé l'une après l'autre, après avoir fait du travail dissimulé", affirme à l'AFP Ali Tolu, délégué syndical CGT-Vinci.
Depuis le début du mouvement, le gérant de FH Service est injoignable. Selon la CGT, l'inspection du travail a procédé lundi soir à un contrôle sur le chantier, où les ouvriers désoeuvrés racontent volontiers leur infortune en buvant un thé brûlant.
Dursun Bayram travaille sans salaire depuis trois mois. "On m'a dit "bientôt, on va te payer". Et puis j'ai eu un chèque", dit l'ouvrier plaquiste de 38 ans, dont 16 passés en France.
Le chèque, sans provision, sera rejeté: en interdit bancaire, Dursun risque l'expulsion, faute d'avoir payé son loyer. Il mange grâce à la générosité d'amis.
Il y a plusieurs semaines, "une ferraille" lui a fendu le crâne. "Je saignais, je saignais, mais le chef de chantier ne voulait pas m'emmener aux urgences parce que je ne suis pas déclaré", raconte-t-il. "Puis il m'a emmené, en m'obligeant à dire que c'était arrivé à la maison".
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