Ce mardi, quelques heures avant l'ouverture de l'Assemblée générale de l'ONU, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi s'est dite "prête" à organiser le retour des plus de 410 000 Rohingyas réfugiés au Bangladesh. Elle n'a toutefois pas apporté de solution concrète à ce que l'ONU dénonce comme une épuration ethnique. "Nous sommes prêts à débuter la vérification" des identités des réfugiés, en vue de leur retour, a-t-elle assuré dans un discours télévisé en anglais (et sans sous-titres en birman), sans préciser si les critères de retour, très restrictifs normalement, seraient assouplis. L'opinion publique birmane est chauffée à blanc par les critiques internationales sur le sort des plus de 410 000 membres de la minorité musulmane des Rohingyas, réfugiés au Bangladesh, qui ont fui l'État Rakhine (dans l'ouest de la Birmanie) où l'armée mène une vaste opération de représailles depuis des attaques, le 25 août dernier, de rebelles rohingyas. Devant les ambassadeurs réunis à Naypyidaw pour cette adresse à la Nation, la Prix Nobel de la paix, très critiquée pour son silence et sa froideur durant plus de trois semaines de crise, a appelé à la fin des divisions religieuses entre majorité bouddhiste et minorité musulmane. Un message d'apaisement destiné surtout à la communauté internationale. "Nous sommes profondément désolés pour les souffrances de tous ceux qui se sont retrouvés pris au piège de ce conflit", a-t-elle encore dit, évoquant les civils rohingyas ayant fui en masse au Bangladesh, mais aussi les bouddhistes ayant fui leurs villages. La dirigeante birmane a également affirmé que l'armée avait reçu des instructions afin de "prendre toutes les mesures pour éviter les dommages collatéraux et que des civils soient blessés" lors de son opération.
Amnesty International a toutefois regretté qu'elle n'ait pas condamné explicitement le rôle de l'armée, estimant que l'ex-icône de la démocratie pratiquait la "politique de l'autruche". "Il existe des preuves écrasantes que les forces de sécurité sont engagées dans une campagne de nettoyage ethnique", affirme l'ONG. "Il y a toujours des fumées d'incendies qui s'élèvent au-dessus de l'État Rakhine (...). Ce n'est pas comme si tout s'était arrêté le 5 septembre", a renchéri Phil Robertson, de Human Rights Watch, images satellites à l'appui. L'ONG a répété mardi son appel à l'imposition par l'ONU de sanctions contre la Birmanie. Cette crise devrait figurer en bonne place mardi à l'Assemblée générale de l'ONU. Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a répété lundi sa position depuis New York : "Personne ne veut assister au retour d'un régime militaire, il est donc vital qu'Aung San Suu Kyi et le gouvernement civil disent clairement que ces abus doivent cesser." Les Rohingyas, plus grande population apatride au monde, sont traités comme des étrangers en Birmanie, un pays à plus de 90 % bouddhiste. Victimes de discrimination, depuis que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, ils ne peuvent pas voyager ou se marier sans autorisation, et ils n'ont accès ni au marché du travail ni aux services publics (écoles et hôpitaux). Les ONG dénoncent leur sort depuis des années.
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