Alors que le grand débat est cadrée par l’objectif de réduire la part des dépenses publiques, l’économiste Christophe Ramaux rappelle, dans une tribune au « Monde », que l’argent public bénéficie aussi à la richesse privée.
Tribune. La dépense publique s’élève à 1 294 milliards, somme qui équivaut à 56 % du PIB. On en déduit souvent qu’il ne resterait plus que 44 % pour le privé. C’est faux. La dépense publique est comparée au PIB pour avoir un ordre de grandeur, mais ce n’en est pas une part. Si l’on calculait la dépense privée comme on calcule la dépense publique, elle atteindrait plus de 200 % du PIB, ce qui n’a aucun sens.
Pour y voir clair, il importe en amont de distinguer les deux principaux volets de la dépense publique. Les services publics, tout d’abord : les fonctionnaires contribuent au PIB. La différence avec le privé est que leur production est en accès gratuit. On ne sort pas sa Carte bleue à l’entrée d’une école. Mais cette production doit être payée, et elle l’est par l’impôt. La valeur ajoutée par les administrations s’élève à 375 milliards, soit 16 % du PIB (dont 270 milliards en rémunération des agents publics, soit 12,5 % du PIB, le reste finançant le renouvellement du capital public). Il s’agit bien ici d’une part du PIB, et elle est stable depuis 1980. Cette part pourrait être augmentée afin de répondre aux besoins : hôpital, école, fonction publique (un professeur des écoles est payé deux fois moins en France qu’en Allemagne). Dans certains pays (Suède ou Danemark), elle est plus élevée. Ils ont choisi d’élargir le périmètre du public (pour la dépendance par exemple).
Le second grand volet est constitué par les prestations (retraites, allocations familiales, chômage, RSA…) et les transferts sociaux (remboursement des consultations et des médicaments, allocation-logement…). C’est la plus grande part : 591 milliards (dont plus de 300 pour les retraites et seulement 11 pour le RSA), soit près de la moitié de la dépense publique. Ces prestations et transferts ne paient pas des fonctionnaires. Ils soutiennent massivement la dépense privée des ménages auprès des entreprises (consommation des retraités, paiement des loyers aux propriétaires, etc.).
Ne pas être réducteur
Et ce n’est pas tout. D’autres postes, plus petits, comptabilisés dans la dépense publique, alimentent aussi directement le privé : les consommations intermédiaires des administrations (112 milliards en achats de fournitures, essence, etc.), leur investissement (77 milliards en commandes de bâtiments, équipements, etc.) – dont l’essentiel sert simplement à renouveler le capital public (la totalité même depuis 2015 ; ce qui signifie que l’investissement net est devenu nul) – et, enfin, de multiples aides et transferts aux ménages (pour la rénovation thermique, etc.), et, plus encore, aux entreprises. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), notamment, qui se traduit le plus souvent par de moindres recettes en impôt sur les sociétés, est intégralement comptabilisé en dépense publique, dans la mesure où il donne parfois lieu à un chèque du Trésor versé aux entreprises dont le bénéfice est moindre.
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