Gaspillage alimentaire : en 2030, 66 tonnes de nourriture seront jetées chaque seconde

Environnement

Un tiers de la nourriture produite chaque année finit à la poubelle. Et le problème ne va faire que s'empirer, révèle une nouvelle étude. Plusieurs entreprises ont pourtant pris des initiatives efficaces pour réduire ce gaspillage.


Chaque année, 1.600 milliards de tonnes de nourriture partent à la poubelle dans le monde, soit un tiers de tout ce qui est produit sur Terre. Quelques chiffres de la FAO suffisent à rendre compte de l'ampleur du phénomène. Songez par exemple qu'un tiers des récoltes de céréales et près de la moitié des fruits et légumes sont perdus au cours de la chaîne alimentaire. Que 35 % des poissons et fruits de mer pêchés sont rejetés à la mer ou que 20 % du lait produit est finalement jeté. Un gaspillage d'autant plus révoltant que dans le même temps, 870 millions de personnes souffrent de malnutrition et que la production jetée génère 8 % des émissions de gaz à effet de serre

Hélas, le problème n'est pas prêt de s'arranger. D'après les projections du Boston Consulting Group (BCG), le volume des déchets alimentaires va continuer à s'accroître de 1,9 % par an d'ici 2030, soit 2.100 milliards de tonnes à cette échéance. Pour donner un ordre de grandeur, cela revient à 66 tonnes de nourriture jetée chaque seconde. L'Asie sera la région la plus touchée : « Au fur et à mesure que les habitants s'enrichissent, ils augmentent leur consommation et demandent des aliments plus variés, souvent non produits localement », détaille Shalini Unnikrishnan, une des auteurs de l'étude. 

De la récolte au placard du consommateur, un gaspillage à tous les niveaux

Les pertes s'additionnent tout au long de la chaîne d'approvisionnement. La plus grosse source de gaspillage se situe au niveau de la production, avec par exemple des rongeurs ou parasites qui dévorent les récoltes ou des dégâts mécaniques qui abîment les fruits lors de la cueillette. Du côté de la chaîne d'approvisionnement, où 360 millions de tonnes sont perdues chaque année, le problème vient surtout du manque d'infrastructures adaptées (chaîne du froid inexistante dans de nombreux pays) ou de processus industriels qui se préoccupent davantage d'efficacité et de vitesse plutôt que de réduire les pertes. Enfin, au niveau de la commercialisation, les standards différents selon les pays et l'imposition de dates de péremption trop strictes aboutissent à des gaspillages équivalent à 110 milliards de dollars, estime le BCG.

La majeure partie du gaspillage alimentaire intervient en aval et en amont de la chaîne alimentaire. C.D, Futura, d’après BCG

La majeure partie du gaspillage alimentaire intervient en aval et en amont de la chaîne alimentaire. C.D, Futura, d’après BCG


« Les consommateurs ont souvent une conception erronée des mesures à adopter », regrette Shalini Unnikrishnan. « Ils pensent par exemple que les fruits et légumes frais sont plus sains que les surgelés, alors que c'est le contraire. Les denrées fraîches perdent leurs nutriments lors du transport et augmentent le risque de gaspillage. » Autre dérive pointée du doigt : les promotions qui encouragent à acheter en grande quantité et qui conduisent le consommateur à jeter la nourriture qu'il n'a pas eu le temps de manger avant qu'elle ne s'abîme. Au total, résoudre l'ensemble des problèmes de la chaîne alimentaire permettrait d'économiser 700 milliards de dollars par an en nourriture, estime le BCG.

Les entreprises en première ligne pour la réduction du gaspillage

Si les gouvernements et les consommateurs ont un rôle à jouer, les entreprises doivent être le fer de lance de la lutte contre le gaspillage. Elles sont déjà nombreuses à avoir lancé des initiatives :

  • les grands semenciers (BASF, Bayer, Syngenta ou Monsanto) ont formé plus de trois millions de petits agriculteurs aux bonnes pratiques agricoles pour lutter contre les nuisibles et réduire les pertes lors de la récolte ;
  • avec son initiative des « fruits et légumes moches » lancée en 2014, Intermarché redonne une chance à des produits non « standards » d'être consommés ;
  • en Angleterre, Marks & Spencer vend ses fraises sous un emballage spécial absorbant l'éthylène, permettant d'allonger la durée de conservation de 50 % ;
  • à Taïwan, Carrefour a ouvert un restaurant où sont cuisinés les produits invendus de ses fournisseurs ou magasins ;
  • Sodexo et Ikea ont noué un partenariat avec la start-up LeanPath pour mesurer et analyser le gaspillage et sensibiliser le personnel dans les espaces de restauration collective ;
  • au Kenya, la fondation Rockefeller collabore avec la compagnie TechnoServe pour fournir aux petits paysans des unités de stockage de froid alimentées à l'énergie solaire pour conserver leurs fruits et légumes ;
  • le distributeur britannique Tesco recycle ses aliments périmés en nourriture pour animaux et son huile usagée en biodiesel ;
  • PepsiCo a revu son approvisionnement en fruits et légumes pour favoriser des fournisseurs de proximité et réduire les pertes dans le transport.
 
Avec ses fruits et légumes moches, Intermarché donne une seconde chance aux produits mal calibrés. © Intermarché

Avec ses fruits et légumes moches, Intermarché donne une seconde chance aux produits mal calibrés. © Intermarché


Ce qu'il faut retenir
  • Un tiers de la nourriture produite est déjà jeté et cela ne va faire que s’empirer au fur et à mesure que les populations s’enrichissent.
  • Les pertes se produisent tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
  • Certaines entreprises ont mis en place des mesures astucieuses pour limiter le gaspillage.

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