Eaux de pluie et eaux grises : dans quelles conditions est-il autorisé de les réutiliser en France ?

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Eaux de pluie et eaux grises : dans quelles conditions est-il autorisé de les réutiliser en France ?

Le cadre réglementaire autour de la réutilisation des eaux de pluie a beaucoup évolué au cours des derniers mois en France. Shutterstock
Julie Mendret, Université de Montpellier et Thomas Harmand, Aix-Marseille Université (AMU)

La réglementation française a évolué au cours des derniers mois autour de la réutilisation des eaux de pluie et des eaux grises à des fins d’usage non potable, domestique et non domestique. L’objectif, faciliter la valorisation des eaux « non conventionnelles » pour diminuer nos coûts et limiter la pression sur la ressource en eau.


La récupération et l’utilisation de l’eau de pluie présentent des avantages écologiques et économiques : en collectant et en employant cette ressource naturelle, on réduit en effet la demande sur les réseaux d’eau potable, et on préserve ainsi les réserves d’eau douce.

Cette eau est idéale pour des usages non potables tels que l’arrosage des jardins, le lavage des voitures ou encore l’alimentation des chasses d’eau, contribuant ainsi à une gestion plus durable des ressources en eau et à une réduction des coûts liés à l’eau pour les ménages et les entreprises.

Jusqu’à très récemment, la réutilisation des eaux de pluie – qui désignent l’eau qui tombe directement du ciel sous forme de précipitations – était encadrée en France par un arrêté du 21 août 2008 : il permettait leur usage, en particulier l’évacuation des excrétas, le lavage des sols ou encore l’arrosage des espaces verts sous certaines conditions, liées notamment au stockage ou à la signalisation. Ce cadre juridique vient d’évoluer pour élargir ces usages.

Un nouveau cadre juridique

Les usages non domestiques des eaux de pluie sont désormais autorisés par le décret du 29 août 2023 : pour ces cas qui concernent par exemple l’arrosage des espaces verts ou encore le nettoyage des véhicules, la règle est très simple : il n’existe aucune restriction.

Les usages domestiques des eaux de pluie, quant à eux, sont réglementés par un décret et un arrêté du 12 juillet 2024, qui touchent, plus largement, à toutes les eaux impropres à la consommation humaine (dites EICH, une nouvelle dénomination) pour des usages domestiques. Celles-ci se distinguent des eaux « destinées à la consommation humaine », dites potables et englobent : les eaux de pluie, les eaux douces, les eaux des puits et forages à usage domestique, les eaux grises, et les eaux issues des piscines à usage collectif – toutes étant traitées en amont.

Les usages permis concernent notamment : le lavage du linge, le lavage des sols en intérieur, l’évacuation des excrétas, l’alimentation de fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine, le nettoyage des surfaces extérieures (incluant le lavage des véhicules s’il est réalisé au domicile), l’arrosage des jardins potagers et des espaces verts à l’échelle des bâtiments.

Des règles assouplies

Ainsi, les niveaux de qualité sanitaire des eaux requis et la procédure à suivre dépendent du type d’eau et de l’usage envisagé. Le texte est assez permissif en ce qui concerne les eaux de pluie. Tous les usages peuvent être librement mis en œuvre après déclaration en mairie, à l’exception du lavage du linge qui doit faire l’objet d’une déclaration supplémentaire au préfet et respecter un certain niveau de qualité.

La nouveauté de ces deux textes est aussi l’autorisation d’usage des EICH dans les « établissements recevant du public sensible » (ERPS). Cela concerne notamment les établissements de santé, les établissements thermaux ou encore les établissements scolaires. Dans ce cadre, l’usage des eaux de pluie reste permis, avec une libre mise en œuvre (à condition d’avoir déclaré l’utilisation en mairie), à l’exception encore une fois du lavage du linge et de l’alimentation des fontaines décoratives qui sont soumis à une déclaration supplémentaire à réaliser auprès du préfet du département dans lequel les eaux de pluie sont utilisées.

Les eaux de pluie utilisées pour ces cas doivent également atteindre des objectifs de qualité fixés par l’arrêté du 12 juillet 2024 précité. Ce n’est pas le cas pour les eaux de pluie utilisées pour les autres usages que ceux-ci.

Réutilisation des eaux grises

Ces deux textes autorisent également la réutilisation des eaux grises (eaux usées domestiques qui proviennent des éviers, lavabos, douches, baignoires et machines à laver et ne contiennent pas de matières fécales) et des eaux issues des piscines à usage collectif.

Les conditions sont là plus strictes que pour les eaux de pluie : les mêmes usages peuvent être envisagés, mais avec plus de contraintes – aucun ne peut être librement mis en œuvre avec des eaux grises ou des eaux de piscine. La procédure minimale applicable est la déclaration au préfet. En dehors des ERPS, sont autorisés les usages suivants : alimentation des fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine, l’évacuation des excrétas, le nettoyage des surfaces extérieures, ainsi que l’arrosage des espaces verts à l’échelle du bâtiment.

Ces usages sont possibles sous réserve de déclaration auprès du préfet et en respectant des conditions minimales de qualité. Les usages de lavage du linge, de nettoyage des sols en intérieur et d’arrosage des jardins potagers font l’objet d’une procédure dérogatoire, et peuvent être autorisés à titre expérimental. L’évaluation de ces expérimentations aura lieu en 2035, et leur généralisation sera décidée en conséquence.

Malgré les restrictions, des progrès louables

Pour les ERPS, la procédure est encore plus stricte : il faut obtenir une autorisation pour réutiliser des eaux grises et/ou de piscines pour les usages d’alimentation des fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine, d’évacuation des excrétas, de nettoyage des surfaces extérieures et d’arrosage des espaces verts à l’échelle du bâtiment.

Les procédures se distinguent également en matière de contraintes de surveillance. Pour les usages soumis à des exigences de qualité, un suivi est mis en place afin de s’assurer de l’innocuité de ces eaux d’un point de vue sanitaire. Il est à effectuer jusqu’à six fois par an pour certains paramètres : on le devine du fait de la lourdeur de ces démarches, il sera plus difficile de mettre en œuvre ce type de valorisation dans ces établissements.

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Il faut souligner toutefois l’avancée permise par ces textes : de nombreuses sources d’eaux non conventionnelles sont désormais identifiées et leur usage réglementé, ce qui présente un intérêt majeur pour la préservation des ressources en eau potable. En intégrant ces sources alternatives dans notre gestion de l’eau, nous réduisons la pression sur les réserves d’eau douce et limitons les coûts liés à l’approvisionnement et au traitement de l’eau potable. Nous contribuerons aussi à une gestion plus durable et résiliente de l’eau, particulièrement en période de sécheresse ou dans les régions où elle est rare.

Julie Mendret, Maître de conférences, HDR, Université de Montpellier et Thomas Harmand, Doctorant en droit de l'eau, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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