Cancers les plus fréquents : le rôle du « gras » dans leur prévention et leur évolution

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Cancers les plus fréquents : le rôle du « gras » dans leur prévention et leur évolution

Jean-François Dumas, Université de Tours; Adeline Dolly, Université de Tours; Caroline Goupille, Université de Tours; Lobna Ouldamer, Université de Tours et Stéphane Servais, Université de Tours

Les lipides, communément appelés matières grasses ou acides gras, influencent certains cancers fréquents. Le rôle préventif des acides gras oméga-3 est bien documenté. Le rôle précis du tissu adipeux, cette graisse présente en excès chez les personnes en surpoids ou obèses, est encore mal compris.


En France, les cancers représentent la première cause de décès chez l’homme et la deuxième chez la femme.

Les cancers les plus fréquents et les plus mortels sont : chez les hommes, le cancer de la prostate (24 % des cancers masculins), du poumon et colorectal et, chez les femmes, le cancer du sein qui touche 1 femme sur 8 au cours de sa vie, le cancer colorectal et celui du poumon.

Des cancers évitables liés aux mauvaises habitudes de vie

L’incidence de ces cancers est particulièrement élevée dans les pays industrialisés (Amérique du Nord, Europe…). On estime que 16 à 20 % des cancers, suivant le type, seraient évitables car attribués à de mauvaises habitudes de vie : une alimentation déséquilibrée, une activité physique faible, le surpoids et l’obésité ainsi que la consommation d’alcool.

L’inactivité, l’excès alimentaire et une qualité nutritionnelle médiocre (trop riche en lipides, en sel et trop pauvre en fibres, fruits et légumes) font augmenter de manière très importante le nombre de personnes en surpoids ou obèses (47,3 % des adultes français en 2020).

Un indice de masse corporelle (IMC) élevé est reconnu comme un facteur associé à un risque accru de développer certains cancers, notamment, le cancer du sein (chez les femmes ménopausées) et le cancer colorectal et comme un facteur probablement associé aussi à celui de la prostate chez l’homme.


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L’« Aliment anticancer » n’existe pas !

L’alimentation est donc un facteur de risque sur lequel nous pouvons agir. Mais l’aliment anticancer qui pourrait empêcher le développement d’un cancer, voire le guérir, n’existe pas. C’est la quantité modérée et la diversité qui sont importantes, en privilégiant ce qui protège et en réduisant ce qui peut contribuer à l’apparition d’un cancer.

Les lipides présents dans notre alimentation, dont la nature est différente suivant leur origine (végétale ou animale), pourraient impacter favorablement ou défavorablement le développement et la progression des tumeurs.

Les acides gras, unités de base des lipides, sont classés en trois familles : saturés, mono-insaturés et polyinsaturés.

Le beurre et l’huile de palme sont particulièrement riches en acides gras saturés, alors que l’huile d’olive apporte des mono-insaturés. Quant aux acides gras polyinsaturés oméga-3 et oméga-6, ils sont indispensables au bon fonctionnement de notre organisme qui est incapable de les synthétiser lui-même. Les oméga-6 sont présents dans de nombreux aliments comme la viande, l’huile de tournesol ou l’huile de maïs, tandis que les oméga-3 sont retrouvés notamment dans les poissons gras (sardine, saumon, maquereau…) et les huiles de colza, de noix ou de lin.

Il a été documenté qu’un rapport oméga-6/oméga-3 sanguin faible était associé à un risque diminué de décès par cancer. Cet effet bénéfique dépendrait surtout de la quantité d’oméga-3 et notamment de deux d’entre eux en particulier (le DHA ou acide docosahexaènoïque et l’EPA ou acide eicosapentènoïque) apportés par les produits d’origine marine comme les poissons gras.

Cependant, des études montrent une consommation bien trop importante d’oméga-6 vis-à-vis des oméga-3 dans les pays industrialisés.

Tissu adipeux et cellules cancéreuses, une relation particulière ?

Un des objectifs de l’unité de recherche Niche Nutrition Cancer et métabolisme Oxydatif – N2COx (Inserm UMR1069) de l’Université de Tours est d’identifier des lipides de l’alimentation qui pourraient influencer le risque de développer un cancer (prévention primaire) et/ou avoir un impact sur son évolution et les complications associées (prévention tertiaire). À titre informatif, la prévention secondaire concerne les actions de dépistage chez des personnes qui ne sont pas encore malades.

La qualité de ce que nous mangeons s’évalue souvent par un questionnaire alimentaire. Mais notre organisme garde une certaine empreinte des lipides ingérés et, au laboratoire, nous analysons les acides gras dans les tissus, car ils sont des indices de ce que nous avons mangé à plus ou moins long terme. Jusqu’à deux ans pour le tissu adipeux !

Cancer du sein : quels rôles de l’obésité et des déficits en oméga-3 ?

Certains cancers, comme celui du sein, se développent en contact direct avec le tissu adipeux avoisinant. Dans le cancer du sein, une étude montre que l’obésité est associée à des critères d’agressivité du cancer plus marqués (taille plus importante de la tumeur et envahissement plus fréquent du ganglion).

L’analyse du tissu adipeux mammaire montre qu’un déficit en certains acides gras oméga-3, notamment l’EPA et le DHA, est associé à une fréquence accrue de développer plusieurs tumeurs dans le même sein, des métastases osseuses, dans le cas de femmes pré-ménopausées, ainsi que de souffrir d’un cancer particulièrement agressif : le cancer du sein inflammatoire.

D’autres résultats montrent que les cellules du tissu adipeux qui contiennent et fournissent des lipides (les adipocytes) pourraient « coopérer » avec les cellules cancéreuses voisines dans le sein, notamment en leur fournissant certains lipides, ce qui rendrait ces cellules plus agressives.

Attention à la dénutrition, cette complication des cancers et de leurs traitements

Une des complications fréquentes des cancers et de leurs traitements (en particulier la chimiothérapie est la dénutrition.

Cette maladie silencieuse touche jusqu’à 70 % des patients porteurs de cancer. Elle se caractérise par une perte de poids pathologique qui s’explique par une fonte des muscles et de la masse adipeuse. Un patient est dénutri lorsqu’il a perdu au moins 5 % de son poids habituel en 1 mois ou au moins 10 % en 6 mois.

La dénutrition diminue la qualité de vie, l’efficacité des traitements anticancéreux et la survie des patients porteurs d’un cancer.

Différents liens existent entre les lipides et la dénutrition. Il a, par exemple, été observé dans un modèle pré-clinique de dénutrition induite par le cancer, que l’apparition de la dénutrition était retardée par une alimentation riche en oméga-3.

À l’inverse, une accumulation de graisse dans le muscle (appelée myostéatose), présente chez des patients porteurs de divers cancers et accentuée par la chimiothérapie, réduirait l’efficacité du traitement anticancéreux et la survie des patients.

L’unité N2COx, en collaboration avec le Pr Mazurak (University of Alberta, Canada), explore les mécanismes à l’origine de ce stockage de graisse dans le muscle.

Un surprenant « paradoxe de l’obésité » en oncologie

Il est indéniable que le surpoids et l’obésité favorisent le développement de plusieurs types de cancer. Toutefois, des études rapportent un « paradoxe de l’obésité » en oncologie, où un poids élevé serait, dans certains cas, associé à une mortalité plus faible.

Il a ainsi été récemment montré qu’un IMC plus élevé était associé à une amélioration de la survie chez des patientes atteintes de cancer de l’ovaire.

Ce surprenant paradoxe de l’obésité serait néanmoins modéré par un effet délétère de la dénutrition qui, contrairement aux idées reçues, peut aussi affecter les patients en surpoids ou obèses. Autrement dit, l’effet « bénéfique » de l’obésité sur la survie de ces patientes serait annulé si elles sont également dénutries.

L’unité N2COx s’intéresse depuis plusieurs années à la composition corporelle (masse musculaire/masse adipeuse) des patients dénutris atteints d’un cancer. Elle réalise pour cela une analyse complémentaire du scanner, outil largement utilisé en clinique pour le diagnostic et le suivi du cancer.

L’objectif est d’examiner le potentiel prédictif de ces paramètres pour améliorer la détection de la dénutrition et suivre son évolution pendant et après le traitement du cancer. Les chercheurs explorent également les mécanismes sous-jacents à la perte de masse musculaire, en particulier dans un contexte d’obésité. Les personnes concernées vont perdre du muscle du fait de la dénutrition mais sans perdre de masse adipeuse ou très peu.

En conclusion, gardons bien à l’esprit combien nos habitudes quotidiennes influencent notre santé. L’objectif est de tendre vers les dernières recommandations du programme national Nutrition Santé. Les travaux de l’unité N2COx incitent à diminuer la consommation de graisses tout en augmentant leur qualité en privilégiant les sources alimentaires riches en oméga-3.

Jean-François Dumas, Enseignant-chercheur, Université de Tours; Adeline Dolly, Chercheuse, Université de Tours; Caroline Goupille, Chercheuse, Université de Tours; Lobna Ouldamer, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier, Université de Tours et Stéphane Servais, Enseignant-chercheur, Université de Tours

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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