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Des centenaires et supercentenaires toujours plus nombreux : va-t-on repousser les limites de la longévité ?

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Des centenaires et supercentenaires toujours plus nombreux : va-t-on repousser les limites de la longévité ?Photo de Michelen Studios sur Unsplash

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Des centenaires et supercentenaires toujours plus nombreux : va-t-on repousser les limites de la longévité ?

France Meslé, Ined (Institut national d'études démographiques); Arianna Caporali, Ined (Institut national d'études démographiques); Carlo Giovanni Camarda, Ined (Institut national d'études démographiques); Jacques Vallin, Ined (Institut national d'études démographiques); Jean-Marie Robine, Inserm et Svitlana Poniakina, Ined (Institut national d'études démographiques)

Le nombre des centenaires s’est considérablement accru. De nouvelles classes d’âges, les plus de 105 ans et même les plus de 110 ans ou « supercentenaires », ont émergé. Cela veut-il dire que les limites de la longévité vont être repoussées ? Une base de données hébergée par l’Ined rassemble les cas validés de personnes décédées à plus de 105 ans dans une douzaine de pays. Son analyse apportera des éléments de réponse.


Jusqu’à aujourd’hui, quatre personnes seulement au monde sont reconnues comme ayant vécu plus de 118 ans. Parmi elles, figurent deux Françaises : Jeanne Calment, qui a atteint 122 ans et 5 mois et, plus récemment, Lucile Randon, décédée en 2023 à près de 119 ans (118 ans et 11 mois). Bien qu’ils soient parfois contestés, ces âges très élevés ont été validés par les chercheurs sur la base de divers certificats d’état civil ou documents administratifs.

Dans l’histoire des sociétés humaines, la survie aux très grands âges a toujours fasciné. Mais au-delà des cas extrêmes, et finalement anecdotiques, l’accroissement du nombre des personnes très âgées mérite d’être souligné.

Arrêtons-nous ici plus particulièrement sur le cas de la France.

Trente fois plus de centenaires qu’en 1970 !

Dans tous les pays où les données ont pu être validées, les personnes qui vivent au-delà de 100 et même de 110 ans sont de plus en plus nombreuses et partout le nombre de femmes est largement supérieur à celui des hommes.

En France, le nombre de centenaires dépassait 30 000 personnes en 2024. C’est 30 fois plus qu’en 1970 ! Et si l’hypothèse d’une poursuite des tendances actuelles de mortalité se confirme, l’Insee projette plus de 200 000 centenaires en France en 2070.

Baisse de la mortalité des enfants au cours du XXe siècle

En Europe, la réduction drastique de la mortalité des enfants et des jeunes adultes, observée à la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle, a permis à des survivants de plus en plus nombreux d’atteindre 70 ou 80 ans. Auparavant, la très forte mortalité infantile, essentiellement due aux maladies infectieuses, puis des risques de décès élevés tout au long de la vie réduisaient rapidement l’effectif des générations (Caselli Graziella, Meslé France et Vallin Jacques, 1999).


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Jusqu’au milieu du XXe siècle, seule une part infime pouvait espérer devenir nonagénaire et a fortiori centenaire. L’augmentation du nombre de centenaires est réellement devenu spectaculaire après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque les générations nées dans les dernières décennies du XIXe siècle, qui avaient bénéficié des progrès sanitaires tout au long de leur vie, ont atteint des âges avancés.

Autour d’une centaine en France en 1900 et encore limité à 200 en 1950, le nombre de centenaires s’établissait déjà à plus de 1 000 en 1970 pour atteindre plus de 8 000 en 2000.

La nécessité de valider les données disponibles

Au sein même des centenaires, les années récentes ont vu s’imposer une nouvelle classe d’âge, les 105 ans ou plus dont le nombre était estimé à près de 2 000 au 1er janvier 2023. À ces âges très avancés, où les effectifs sont encore faibles et où l’âge déclaré au recensement peut être imprécis, le dénombrement des personnes vivantes est difficile.

C’est là tout l’intérêt de l’International Database on Longevity (IDL), une base de données constituée par un groupe international de chercheurs et hébergée à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Elle a pour but de fournir des données validées sur les décès survenus à l’âge de 105 ans ou plus dans des pays à statistiques fiables.

Dans cette base, les décès rassemblés à partir de sources exhaustives sont soumis à une stricte procédure de validation des âges. Cela consiste à vérifier que la date de naissance et les identifiants figurant dans l’acte de décès correspondent à ceux donnés par l’acte de naissance.

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Dans le cas de la France, les données proviennent du Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), un fichier géré par l’Insee qui contient la liste nominative des personnes, nées en France ou nées à l’étranger, disposant d’un numéro de sécurité sociale.

Pour tous les individus décédés à 110 ans ou plus et pour un échantillon des personnes décédées entre 105 et 109 ans, les caractéristiques mentionnées dans le RNIPP (date de naissance, date de décès, lieu de naissance, lieu de décès) sont vérifiées en les confrontant aux actes authentiques d’état civil (naissance et décès).

Si, à moins de 110 ans, les erreurs sont rares (0,7 %), la vérification des décès à 110 ans ou plus amène à exclure un plus grand nombre de cas (de l’ordre de 8 %).

L’augmentation des personnes qui vivent 105 ans ou plus

Les données du RNIPP montrent donc l’évolution du nombre de décès validés à l’âge de 105 ans ou plus (Figure 1). Bien sûr, ce nombre est encore dérisoire (moins de 0,15 % des décès) quand on le compare aux plus de 600 000 décès observés chaque année en France. Mais son explosion est spectaculaire. Limité à quelques individus jusqu’à la fin des années 1980, il augmente très vite pour atteindre 924 en 2020.

En 2021 et 2022, ce nombre baisse. Mais il ne faut pas y voir une diminution de la probabilité d’atteindre l’âge de 105 ans. C’est simplement l’arrivée à cet âge des classes creuses nées durant la Première Guerre mondiale.

L’effondrement des naissances (plus de 40 %), enregistré à partir de 1915 et jusqu’en 1919, se répercute encore 105 ans plus tard avec des générations aux effectifs plus réduits. Si la baisse n’est pas visible dès 2020, cela tient sans doute au fait que les décès de cette année-là ont été amplifiés par l’épidémie de Covid-19.

Une surmortalité masculine tout au long de la vie

L’immense majorité des personnes décédées à 105 ans ou plus sont des femmes (843 femmes et 81 hommes en 2020). Soit 10 fois plus de femmes que d’hommes ! Ce ratio impressionnant tient entièrement à la surmortalité masculine, qui prévaut tout au long de la vie, notamment aux âges actifs, et qui réduit d’autant les effectifs des générations masculines par rapport à leurs homologues féminines.

La natalité joue à l’inverse puisqu’il naît chaque année un peu plus de garçons que de filles. Quant à l’immigration, qui pourrait modifier le rapport entre sexes, elle n’entre pas en ligne de compte puisque seules les personnes nées en France sont prises en compte dans l’International Database on Longevity.

Dans la pyramide des décès par âge après 105 ans (Figure 2), la prépondérance féminine est encore plus spectaculaire. On y voit clairement le contraste entre le grand nombre de décès féminins et le nombre beaucoup plus réduit de décès masculins. On y observe aussi la concentration des décès des hommes aux âges les plus « jeunes », les barres masculines devenant à peine visibles au-delà de 108 ans.

Y a-t-il un plafond de longévité ?

Au-delà de la comptabilisation de cas vérifiés et de la validation des âges extrêmes atteints par quelques individus, les démographes s’intéressent aux décès à 105 ans ou plus pour affiner leurs estimations des risques de décès aux très grands âges.

S’il est désormais possible de tracer précisément la courbe de mortalité par âge jusqu’à 100 ans (dans les générations 1901-1905, une femme âgée de 100 ans avait un risque sur trois de mourir dans l’année), les risques de décès sont encore fluctuants et incertains au-delà, particulièrement pour les hommes.

À ces âges avancés, les nombres d’observations restent encore insuffisants pour trancher le débat entre les partisans d’une augmentation exponentielle de la mortalité, telle qu’observée aux âges plus jeunes, et les tenants de l’hypothèse d’un ralentissement ou même d’une stagnation aboutissant à un plateau de mortalité.

En d’autres termes, on ne sait pas si, au-delà de 105 ans, le risque de décès augmente encore très vite avec l’âge ou s’il plafonne.

La collecte de données vérifiées, de plus en plus nombreuses et fiables, disponibles dans l’International Database on Longevity, devrait permettre, dans les prochaines années, d’analyser avec moins d’incertitude la forme de la courbe de mortalité aux très grands âges et d’apporter des éléments de réponse sur l’existence, ou non, d’un plafond de longévité.


Laurent Toussaint, consultant indépendant, est également coauteur de cet article.

France Meslé, Démographe, Ined (Institut national d'études démographiques); Arianna Caporali, Ingénieure de recherche, Ined (Institut national d'études démographiques); Carlo Giovanni Camarda, Docteur, spécialiste des méthodes de prévision (mortalité, longévité, etc.), Ined (Institut national d'études démographiques); Jacques Vallin, Directeur de recherche émérite, Ined (Institut national d'études démographiques); Jean-Marie Robine, Directeur de recherche, professeur des universités, Université de Montpeller,, Inserm et Svitlana Poniakina, Ingenieure d'études, Ined (Institut national d'études démographiques)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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