Une pluie fine, un froid à pierre fendre. Le vent se lève, fait tournoyer les drapeaux français, allemand et européen, lorsque les présidents français Emmanuel Macron et allemand Frank-Walter Steinmeier se présentent à l’entrée de la tranchée d’honneur au sommet du Hartmannswillerkopf (Haut-Rhin), éperon rocheux que les armées de la République et du Reich se disputèrent âprement pendant la première guerre mondiale.
D’un pas lent, ils pénètrent côte à côte dans la crypte, cathédrale souterraine où ils signent le livre d’or. Sur l’esplanade, une petite foule frigorifiée se masse pour mieux les voir ensuite recevoir les honneurs militaires. Face à l’autel de la Patrie, ils s’arrêtent longuement, le regard fixé vers l’horizon. Deux jeunes, une Allemande et un Français, lisent des lettres de soldats de 14-18. Les deux présidents, venus inaugurer un musée historique, déposent une gerbe sur l’autel, puis s’étreignent longuement. L’instant est beau, solennel.
Placée sous le signe de la transmission de la mémoire à la jeunesse, la cérémonie se poursuit dans la nécropole du Hartmannswillerkopf où les deux présidents vont à la rencontre de lycéens français et allemands, avant de visiter le champ de bataille. Le massif montagneux porte encore les stigmates des féroces combats, souvent rapprochés, qui eurent lieu entre décembre 1914 et janvier 1916.
« La montagne mangeuse d’hommes »
Appelé le Vieil Armand en français, le Hartmannswillerkopf faisait alors partie de l’Empire allemand depuis le traité de Francfort de 1871. « Poilus » et Felgrauen s’adaptèrent comme ils purent aux conditions climatiques épouvantables (moins 20 degrés certains jours d’hiver). Pour se déplacer, ils utilisèrent skis et raquettes. L’armée française y fit même venir des chiens de traîneau d’Alaska. Près de 25 000 soldats furent tués, blessés ou portés disparus sur ce massif que la presse surnommait « la montagne mangeuse d’hommes ».
Classé monument historique dès 1921, le Hartmannswillerkopf, qui est l’un des quatre monuments nationaux de la Grande Guerre, n’a pourtant jamais occupé une place centrale dans la mémoire de la guerre de 14-18. C’est à la faveur du centenaire qu’il est devenu un haut lieu de l’amitié franco-allemande. Le 3 août 2014, les présidents François Hollande et Joachim Gauck étaient venus commémorer les cent ans de l’entrée en guerre. A cette occasion, ils avaient posé la première pierre de cet historial de la Grande Guerre.
Construit avec des fonds français, allemands et européens, pour un montant de 4,8 millions d’euros, il a été conçu par un conseil scientifique à parité égale, entre historiens français et allemands. Aboutissement d’une politique de mémoire de la Grande Guerre développée en Alsace, en partenariat avec le Bade-Wurtemberg voisin, cet établissement a ouvert ses portes le 3 août 2017.
Après avoir dévoilé la plaque d’inauguration de l’historial, les présidents Macron et Steinmeier ont ainsi découvert le parcours d’exposition centré sur les combats de montagne en Europe pendant la première guerre mondiale, avant de prononcer tour à tour un discours.
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